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jeudi 27 février 2025

Une visite au Bioparc à Bellevue (Genève)


Suricates

Le Bioparc est un parc animalier créé en 1991 par Pierre Challandes, passionné d’animaux depuis sa plus tendre enfance. Il a passé sa vie à sauver toutes sortes de bêtes qu’il a soignées, puis hébergées jusqu’à créer une véritable institution. Le parc Challandes s’appelle dorénavant Bioparc et il est géré par toute une équipe de professionnels et de bénévoles, sous la houlette du vétérinaire Tobias Blaha. Il convient de préciser qu’il ne s’agit pas d’un zoo, mais d’un refuge et d’un lieu de sauvetage pour des animaux saisis à la douane - les gens reviennent de vacances avec des singes, des oiseaux ou des tortues - ou encore chez des particuliers, qui ne savent pas qu’il est interdit de détenir des animaux sauvages chez soi. En effet, les perroquets si beaux sont bruyants et les singes si mignons sont salissants et destructeurs. Ces pauvres créatures ramenées comme souvenir sont privées de leur vie en liberté dans la nature. Lorsqu’un animal n’a pas appris à se nourrir tout seul et qu’il fait trop confiance à l’humain, il n’y a plus de retour en arrière. Le Bioparc a pour rôle non seulement de prendre en charge ces animaux sauvages, dont le parcours de vie a été brisé, mais aussi de contribuer à la conservation des espèces menacées, grâce à des collaborations avec d’autres parcs animaliers, notamment pour des accouplements entre individus en voie d’extinction.


Le premier animal qui retiendra votre attention est un écureuil bien de chez nous, qui tourne en rond dans sa cage. Une dame l’a trouvé tout bébé et, pensant bien faire, l’a recueilli chez elle, le soignant et le nourrissant. Elle l’a gardé comme animal de compagnie, comme si c’était un chat ou un hamster jusqu’au jour où son Gégé lui a été confisqué. Il partage dorénavant une cage avec des tamia (chipmunk en anglais), qui ne sont pas indigènes chez nous. Ils ont probablement été importés par des personnes revenant des Etats-Unis qui, ne sachant ou ne voulant plus s’en occuper, les ont simplement relâchés dans des parcs.


Les visiteurs sont ensuite accueillis par Aldo, un perroquet de plus de 60 ans, juché sur son perchoir. Il est vivement recommandé de résister à la tentation de le caresser, au risque de gagner un sparadrap ! En revanche, deux gentilles oies blanches en début de parcours se laisseraient toucher.


On peut voir des poules appenzelloises huppées et des ibis chauves, deux races indigènes en voie de disparition, mais que l’on cherche à réintroduire. Les poules appenzelloises résistent très bien aux grands froids, mais leurs œufs sont trop petits pour être intéressants d’un point de vue commercial. Quant aux ibis chauves, ils ont souffert d’avoir été considérés comme étant trop moches et parce que leur long bec ressemble au masque pointu que portaient les médecins à l’époque de la peste. Espérons que les mentalités changeront suffisamment pour permettre à ces belles créatures de retrouver le droit d’exister. Un projet encourage les ibis à retrouver leur vie d’oiseaux migrateurs, ils sont ainsi équipés de balises pour qu’on puisse suivre leur parcours. Certains se perdent, certains reviennent, d’autres restent en Afrique …. Cela prendra sans doute encore un certain temps avant que ces oiseaux ne retrouvent leur vie d’avant.

 

Lémurien

Viennent ensuite les adorables lémuriens, dorénavant une grande famille, qui se blottissent contre le froid, bien serrés les uns contres les autres, entourés de leurs longues queues rayées, formant des ensembles d’une grâce exquise. D’autres individus bondissent de branche en branche, tels des hybrides entre singe et chat. Dans deux enclos voisins, on trouve deux fossas, de grands chats au pelage couleur caramel, avec une tête de chien, un mâle et une femelle qui doivent être séparés, car autrement ils s’entretueraient. Il n’y a que trois jours environ dans l’année au cours desquels un accouplement serait envisageable sans effusion de sang…. reste à savoir lesquels ! Le fossa étant en voie d’extinction, le Bioparc aimerait beaucoup réussir à les faire se reproduire. La mère restant avec ses petits pendant une année, il faudrait alors les transférer à Madagascar, dans l’espoir de leur permettre de retourner à la vie sauvage. Ce n’est que là-bas qu’on trouve des fossas et des lémuriens.


Les suricates ont aussi une histoire intéressante. Endémiques à l’Afrique du Sud, ils vivent en troupeau, guettant l’ennemi en se tenant debout sur leurs petites pattes. Un de ces individus a été saisi chez un particulier qui le détenait comme un chat d’appartement. Billy - c’est son nom - a désormais trouvé des copains de son espèce, avec lesquels il peut creuser des galeries dans le sable de leur enclos. Il est bien sûr triste de vivre enfermé et loin de son pays, mais au moins, Billy n'est plus seul et a une vie un peu plus proche de ce qu’elle devrait être. Il lui serait impossible de retrouver la liberté, car il est bien trop imprégné de l’homme. Une nouvelle génération de suricates est née en 2024, signe que ces adorables petites bêtes se portent bien.


Un majestueux pygargue à tête blanche - l’aigle emblème des Etats-Unis - vous contemple du haut de sa branche. Il est apprivoisé et, pendant le confinement dû au Covid, il a pu voler en liberté. Ce n’est malheureusement plus possible, car bien trop dangereux, le Bioparc étant littéralement sous la voie d’approche des avions arrivant à Cointrin. Un déménagement sur un nouveau site, plus grand, plus beau, est prévu pour 2029, à Thônex (Belle-Idée). Ce nouveau lieu s’annonce magnifique.

Fossa


Viennent ensuite les deux lynx Max & Moritz. Encore une histoire triste : un monsieur gardait ces deux félins chez lui, dans un enclos bien trop petit pour eux. En outre, les lynx sont solitaires, jamais un père et son fils ne vivraient ensemble dans la nature. Ils sont pourtant devenus inséparables, solidaires dans leur vie artificielle, qui les prive de chasse dans de grands espaces…. Quand l’un deux mourra, l’autre le suivra certainement très vite, car il ne pourra sans doute pas supporter de vivre seul. Le Bioparc abrite également un raton laveur, ainsi qu’un raton crabier, son équivalent sud-américain. Les invendus de chez Coop sont récupérés pour nourrir les animaux et c’est ainsi que les ratons mangent des huîtres pendant la période des fêtes ! 


Il y a encore le chat savannah, qui est un croisement artificiel entre un serval (chat sauvage africain) et un chat domestique. Ce sont certes de belles créatures, mais aussi des caprices d’humains qui se prennent pour dieu. En Suisse, ce genre de croisement contre nature est interdit (article 86 de lOrdonnance sur la protection des animaux (OPAn)) et il est également interdit de détenir de telles bêtes, à moins d’avoir un permis spécial, qui atteste des compétences nécessaires pour s’occuper d’un animal sauvage. 


On peut encore voir un serval, un hibou grand-duc et des harfangs des neiges (Hedwige dans Harry Potter), entr’apercevoir des ratons laveurs qui dorment. Un peu plus loin, des wallabys - dont un albinos - et trois chameaux. A noter que les chameaux n’ont de dents que sur la mâchoire inférieure, tout comme les chèvres qui partagent leur enclos - est-ce pour cela qu’ils cohabitent harmonieusement ? Les chameaux (2 bosses) vivent en Asie, alors que les dromadaires (1 bosse) vivent en Afrique. Cela est dû aux différences climatiques entre les deux continents et aucune inversion n’est possible (à moins qu’on ne soit dans un zoo). A noter que les fœtus de dromadaires ont deux bosses, qui finissent par fusionner à la naissance. 


On peut ensuite découvrir le muntjac, un cervidé endémique à la Chine et à Taïwan. Le mâle perd ses cornes après l’accouplement, tout comme le paon qui perd, lui aussi, ses belles plumes lorsqu’il n’a plus besoin de séduire.


Le Bioparc pratique la zoothérapie ou Intervention Assistée par l’Animal (IAA) avec des lapins, des chameaux ou encore les chèvres du cirque Knie (qui n’a plus du tout d’animaux, à l’exception des chevaux). Ces chèvres ont totalement l’habitude du bruit, des mouvements brusques et du contact avec l’humain, elles aiment être au centre de l’attention et sont donc extrêmement bien adaptées à cette tâche. Une école pour autistes, située juste à côté du Bioparc, profite de ces séances d’IAA, tout comme certains EMS, dont les résidents viennent en visite pour échanger avec les chameaux ou des lapins.


Enfin, lorsqu’on a déjà les yeux plein de découvertes, il reste encore tout le coin des oiseaux à voir, avec des perruches, des aras, des martins chasseurs, des perroquets aux couleurs vives. A entendre les cris qu’ils poussent, on comprend bien que ce n’est pas un animal de compagnie très commode, surtout en ces temps de télétravail. 


Le Bioparc soigne régulièrement des hérissons et des renards, qui sont relâchés dans la nature dès que possible. Tous les animaux retournent à leur milieu naturel pour autant que leur état le leur permette. Deux chatons sylvestres ont été recueillis par le parc. Personne ne peut les voir, afin qu’ils restent sauvages et puissent retrouver la forêt quand ils seront assez grands.


Janus, la tortue bicéphale

Enfin, dans une catégorie à part, il y a Janus, la tortue bicéphale qui réside normalement au Musée d’histoire naturelle (actuellement en travaux). Janus est siamois jusqu’au nombril, autrement dit, il a deux têtes, deux cœurs, quatre poumons, deux estomacs, mais un seul intestin, une seule vessie. Il ne pourrait évidemment jamais survivre dans la nature, ne serait-ce que parce qu’il n’a pas la place de rentrer ses deux têtes dans sa carapace, pauvre bête…..


Le Bioparc ne reçoit aucune subvention et parvient à tourner grâce aux dons et à quelques sponsors. On peut les soutenir en achetant quelques babioles dans leur boutique : porte-clés, vins, t-shirts, plumes de paon, peluches ….. On peut également parrainer un animal ou réserver un créneau de nourrissage de lémuriens ou de promenade de cochons kune kune en laisse. Les enfants peuvent y fêter leur anniversaire. 


Le parc est ouvert tous les jours et la visite est dorénavant réservée aux membres, avec la possibilité de devenir membre d’un jour (10,-).


https://bioparc-geneve.ch/

jeudi 26 septembre 2024

Une visite guidée au CERN - le Conseil européen pour la Recherche nucléaire


Il est dorénavant possible d’organiser des visites guidées pour groupes au CERN. Il a fallu attendre bien longtemps avant que cela ne soit possible. Autrefois, il fallait connaître quelqu’un à l’intérieur de l’organisation, il fallait venir avec son propre minibus et attendre environ 6 mois avant qu’un créneau se libère. Ensuite, tout a été bloqué et stoppé, le temps qu’ils construisent leur tout nouveau Centre des Visiteurs, le Portail de la Science, conçu par Renzo Piano et inauguré en octobre 2023 : une exposition permanente, située dans deux cylindres qui enjambent la route, évoquant les tubes de l’accélérateur de particules. Tous les jours, des exposés et diverses activités sont proposés (voir visit.cern). On peut également participer à des visites guidées individuelles, mais qui sont à réserver le jour-même, sur place, en prenant le risque que tout soit complet. Un tel système est évidemment impossible à gérer pour de plus grands groupes. Les gens sont très enthousiastes et désireux de découvrir ce site mythique. Les visites sont prises d’assaut et le Centre des Visiteurs fourmille constamment de monde. Toutes les activités, ateliers, vidéos et visites proposés sont entièrement gratuits. Il s’agit sans doute d’un effort de relations publiques pour mieux se faire connaître du public, mais aussi pour satisfaire l’immense curiosité pour les activités extraordinaires déployées par le CERN. En vertu de l’article II de sa Convention*), « l'Organisation s'abstient de toute activité à fins militaires et les résultats de ses travaux expérimentaux et théoriques sont publiés ou de toute autre façon rendus généralement accessibles ». Toutes les données deviennent publiques au bout de trois ans. Le CERN ne fonctionne donc pas dans une finalité commerciale.

 

Le CERN a vu le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, afin de recréer un centre d’excellence en Europe, après que de nombreux scientifiques et chercheurs ont dû s’exiler aux Etats-Unis. Il rassemble 24 États européens et collabore avec de nombreux États extra-européens. Les Etats-Unis, l’Inde ou le Pakistan, par exemple, ont le statut d’observateur. Entre le personnel permanent, les chercheurs en résidence ou les universitaires de passage, on compte en moyenne 10.000 personnes présentes par jour sur le site à Meyrin. Pour travailler au CERN, il faut toutefois être ressortissant d’un des Etats membres. Le budget annuel tourne autour de 1 milliard CHF. 


Plusieurs modèles d’accélérateurs de particules se sont succédé au cours de ces 70 dernières années. Le synchrocyclotron, qui date de 1957, est dorénavant mis à la retraite. Le synchrotron à protons (1959) lui a succédé, puis le super synchrotron à protons (SPS, 1976), l’accélérateur proton-antiproton (1983) et enfin le grand collisionneur électron-positon, le LEP (1988), qui a été stoppé en 2000, afin de permettre la construction du LHC, le grand collisionneur de hadrons (2008). Le LHC tourne H24 et n’est mis à l’arrêt que pour Noël et pendant deux semaines en hiver. 




L’excavation du tunnel du LEP était le plus gros chantier en Europe, avant le tunnel sous la Manche. Les particules tournent dans un circuit de 27 km, doté de milliers d’aimants supraconducteurs et de structures accélératrices, à une vitesse quasi équivalente à celle de la lumière : un proton fait 11 fois le circuit de 27 km en une seconde. A noter que la majeure partie de l’anneau que forme le LHC se trouve sur le territoire français, entre 60 et 110 m sous terre, bien que le siège du CERN soit en Suisse. Sur le parcours d’accélération, se trouvent des détecteurs portant des noms tels que CMS (Compact Muon Solenoid) ou encore ALICE (A Large Ion Collider Experiment), qui permettent d’observer les collisions des particules qui parcourent l’anneau en sens inverse, de sorte à provoquer des collisions - l’occasion d’entendre le mot « collimateur » au sens propre du terme. A noter que le LHC qui a succédé au LEP utilise le même tube de 27km de circonférence. L’observation et la détection des collisions produisent 40 terabytes/seconde de données, qui sont filtrées, pour ne garder finalement « que » 200 GB/seconde. 


Le CERN a le projet de construire un nouvel accélérateur, le FCC ou Futur Collisionneur Circulaire, d’une circonférence de 91 km et situé à 200 m sous terre, un projet dont le devis s’élève à 15 milliards CHF. Son but est de comprendre encore mieux les lois fondamentales de la physique. Les milieux écologistes y sont opposés, à cause du chantier immense qu’entraînera cette nouvelle construction et de son impact sur le climat. Toutefois, la Chine travaille sur le même projet et, s’il ne se fait pas en Europe, la recherche fondamentale partira à l’autre bout de la planète. Il convient alors de se demander ce qui doit primer : la recherche ou la protection de la nature ?  



Comme chacun le sait, le World Wide Web a été lancé au CERN en 1989. Son usage premier était de permettre l’échange de gros volumes de données et d’informations entre chercheurs. Même s’il ne s’agit pas directement du fruit des recherches faites au CERN, nul ne contestera que cette découverte a totalement bouleversé notre monde, en moins de 40 ans. Internet serait probablement né de toute façon, il aurait succédé au Minitel, si populaire en France entre 1980 et 2012. Le touchscreen a également été inventé au CERN. D’autres découvertes sont plus confidentielles, comme par exemple certaines applications médicales (thérapie à base de hadrons pour traiter le cancer ou encore l’installation MEDICIS à base de radioisotopes pour la thérapie et le diagnostic). Il vaut certainement la peine pour le CERN de mieux se faire connaître du public.


Le 29 septembre 2024, le CERN fêtera ses 70 ans, qui seront célébrés avec une journée Portes Ouvertes. 


Pour plus de détails techniques et une visite virtuelle, voir home.cern 


*) Convention pour l’Établissement d’une organisation européenne pour la recherche nucléaire (1953)




vendredi 7 juin 2024

La Fondation Baur à Genève

La Fondation Baur, sise à la rue Munier-Romilly à Genève, regroupe une imposante collection d’art d’extrême-orient. On y trouve essentiellement des objets de Chine et du Japon. 

Alfred Baur est né en 1865 à Andelfingen, dans le canton de Zurich. A cette époque - on a tendance à l’oublier - la Suisse était un pays pauvre et ses habitants devaient souvent s’exiler pour survivre. C’est ainsi qu’Alfred Baur est parti pour Ceylan (Sri Lanka) pour chercher un sort meilleur. Il y a fait pousser des noix de coco et, pour améliorer sa production, il s’est mis à leur chercher des engrais. C’est ainsi qu’est née la compagnie Baur & C° (https://www.baurs.com/about-us/) qui a fait sa fortune et qui existe encore de nos jours. 


Au cours de ses voyages dans cette partie du globe, il s’est passionné pour les arts orientaux. Sa collection est considérée comme l’une des plus belles en Europe à l’heure actuelle. A l’époque du séjour de Baur à Ceylan, le Japon et la Chine étaient très à la mode et suscitaient beaucoup d’intérêt. Ne parlant aucune langue orientale, il a pu compter sur l’aide précieuse de Tomita Kumasaku, un expert japonais qui lui servait d’intermédiaire et de traducteur.  


A l’étage consacré au Japon, on peut voir toutes sortes d’objets extrêmement fins et subtils, aussi beaux qu’étranges : des sabres et des gardes sabre (tsubas), des netsuke, des boîtes laquées, des pinceaux en cheveux de femme, des pipes, des estampes, un énorme paravent magnifique, des boîtes à thé, des vases et des plats en porcelaine. On y découvre également le concept du wabi-sabi, à savoir la beauté de l’imperfection, la grâce d’une fêlure, l’émoi que provoque un craquèlement. Il est frappant de constater à quel point les échanges et les voyages étaient fréquents à l’époque. Alfred Baur était très déterminé et d’une patience infinie lorsqu’il s’agissant d’acquérir telle ou telle pièce exceptionnelle.


L’art japonais et chinois se sont influencés mutuellement, suite à de nombreux contacts et échanges entre ces deux cultures. La production de céramique en Chine remonte au 5ème millénaire avant J-C. Céramique est le terme générique englobant des objets en argile cuite, tels que faïence et porcelaine. Le grès résulte d’une argile riche en silice, cuite à très haute température. La porcelaine, quant à elle, doit ses qualités, sa finesse et sa beauté au kaolin, une argile blanche, friable et réfractaire, composée essentiellement de silicates d’aluminium. Un important gisement a été découvert à Jingdezhen, dans la province de Jiangxi, et ce lieu était le centre de la production impériale dès 1004. Sa production est longtemps restée confinée à la Chine et sa recette un secret bien gardé. Du kaolin a toutefois été découvert à Meissen (Allemagne) en 1709, puis à Limoges (France), ce qui a permis à ces deux villes de devenir d’importants producteurs de porcelaine en Europe. Le musée expose également des céladons, nés d’un accident de cuisson, ainsi que des objets en jade d’une finesse extraordinaire. Les porcelaines aux motifs blancs et bleus ont connu leur apogée au cours de la dynastie Ming (1368-1544). Les faïences de Delft et les azulejos ibériques tirent certes leur origine de ces céramiques d’extrême-orient, mais il s’agissait au départ d’une production destinée aux marchés moyen-orientaux, amateurs de ces motifs bleus et blancs. Comme quoi la beauté naît des échanges pacifiques entre cultures parfois très éloignées. 


Peu avant sa mort, Alfred Baur fit l’acquisition de l’hôtel particulier qui abrite le musée de la Fondation. Aujourd’hui, le public peut non seulement visiter les collections, mais aussi participer à toutes sortes d’activités culturelles : cérémonie du thé, atelier de dessin ou de haïku, visites thématiques et conférences. En cette année 2024, la Fondation fête son 60ème anniversaire. Pour célébrer cette date, l’accès au musée est libre tous les samedis ! Qu’on se le dise !


fondation-baur.ch 


Estampe créée par ChatOn 😀


Jardin japonais à la Fondation Baur



lundi 19 avril 2021

J’habite une rue de femme


En 2019, le Canton de Genève a décidé de frapper un grand coup en faveur de l’égalité entre hommes et femmes, une thématique d’une grande actualité, à peine éclipsée par la pandémie de la Covid-19. Des mesures ont-elles été prises pour faciliter la garde d’enfants, afin que les femmes puissent travailler sans devoir cumuler des doubles journées ? A-t-on décidé de soutenir et de soulager les proches-aidants, qui sont quasi-exclusivement des proches-aidantEs, afin de leur épargner épuisement et burn-out ? A-t-on décidé d’imposer l’égalité salariale ? Oh que non, on a fait bien mieux que ça : on a rebaptisé dix rues pour leur attribuer le nom d’une femme. Et ce n’est qu’un début, il est question de renommer 100 rues au total, de quoi déboussoler tout le monde. À une époque où nous sommes tous en manque de repères, où les budgets publics sont saignés à blanc à cause de la pandémie, où les restaurants, petits commerces et artistes sont à genoux, l’Etat juge opportun de gloser sur le sexe des rues…..

C’est ainsi que depuis le 1er mars 2020, la place de Chevelu s’appelle place Ruth Bösiger. Une illustre inconnue, au nom très laid (elle n’y peut rien, la pauvre….) dont le mérite pour passer à la postérité est d’avoir été vendeuse. Oui mais attention : vendeuse anarchiste ! Les bras m’en tombent…. Un peu plus loin, il est proposé de rebaptiser la rue des Etuves : Rue Cécile-Biéler-Butticaz. C’est simple, facile à retenir, facile à épeler pour le chauffeur de taxi qui doit venir vous chercher. Et qu’a fait cette délicieuse personne pour avoir une rue à son nom ? Elle était ingénieure. Ingénieure en quoi, on ne le saura pas, mais on félicitera cette représentante du sexe faible d’avoir réussi à occuper un métier généralement perçu comme masculin. Pourrait-on imagine l’inverse ? Un homme aurait-il droit à une rue à son nom parce qu’il était jardinier d’enfant  ou infirmier ? D’autres nouveaux noms de rue sont : les Trois-Blanchisseuses, une directrice de musée, une cheffe d’un service de  

sténographie. Parmi les « plaques roses », c-à-d les projets de changement qui ne sont pas encore officiels, il y a de nombreuses candidates à une élection, des noms à coucher dehors comme Marie Goegg-Pouchoulin, militante féministe et fondatrice du
Journal des femmes, Eva Evdokimova, danseuse étoile états-unienne dont le seul lien avec la ville de Genève est qu’elle y est née; Marie-Sidonia de Lenoncourt, une aventurière et héritière dont je peine à comprendre le lien avec Genève; Mary Wollstonecraft Godwin, qu’il serait bien plus simple d’appeler Mary Shelley, le nom par lequel elle est connue pour être l’auteur de Frankenstein, mais évidemment, on ne va pas lui donner le nom d’un homme….; deux prostituées, Grisélidis Réal et Anna S. qui s’est suicidée en se jetant par la fenêtre d’une maison close. Voilà qui mérite clairement une rue à son nom… On notera également que 2% des femmes ainsi honorées sont des putes.

Pourquoi remplacer un peintre par une musicienne ?
Des ouvrières, des péripatéticiennes, des vendeuses anarchistes, des personnes qui sont nées ou décédées à Genève ou alors qui y ont fait un bref séjour, quel palmarès ! Il y a évidemment une bonne raison à cela : autrefois, les femmes ne pouvaient pas être écrivain, artiste, chercheur, mathématiciennes, pilote d’avion, athlète …. Certaines y sont certes parvenues, soit parce qu’elles ont eu la chance de naître dans une famille ou un milieu plus tolérant et libéral, soit parce qu’elles étaient dotées d’une personnalité hors normes. Il me semble que cet exercice un peu vain ne fait que souligner l’absence des femmes parmi les grands noms de l’histoire et je ne pense pas que ce soit vraiment constructif ni favorable à la cause féministe. En outre, c’est là le résultat des revendication d’une minorité d’excitées qui pensent ainsi changer la face du monde. Sur la page Facebook Ville de Genève Officiel, il n’y a que des commentaires outragés, choqués par ce gaspillage des deniers publics et qui disent véhémentement que c’est parfaitement débile. Parmi les voix critiques, il y a également des femmes. 



Le féminisme prend actuellement une tournure vraiment hystérique, c’est bien le cas de le dire. Les hommes affirment d’ailleurs ouvertement qu’ils ne peuvent plus rien dire, le simple fait d’être mâle les disqualifie d’office, tout comme le fait d’être blanc, ce qui n’est même pas pertinent en l’espèce, puisque les cultures non-occidentales sont bien plus patriarcales et machistes. Une paroi violette, couleur de la Grève des Femmes, portant le titre « Quelle est ta colère » sert d’exutoire aux femmes brimées de Genève. On peut y lire des jérémiades telles que « le non-remboursement de la pilule » ou encore « on ne me demande pas de goûter le vin ». Ciel, dans quel monde machiste vivons-nous ! Ces pauvre chéries ne se doutent pas qu’il fût un temps où la pilule n’existait même pas et qu’il fallait être mariée pour l’obtenir une fois qu’elle existait. Et il n’y a qu’à se proposer de goûter le vin, c’est ta faute si tu t’entoures de machos, ma cocotte ! En Afrique, les femmes n’ont pas ce genre de problèmes. 



La ville de Berlin a voulu harmoniser les feux pour piétons, c-à-d supprimer les petits bonshommes (Oh ! Encore des hommes !) verts et rouges de Berlin-Est, pour les remplacer par le modèle dominant, celui de Berlin-Ouest. Cela a provoqué une levée de bouclier et des actions citoyennes. J’espère que les citoyen·x·nes de notre bonne ville de Genève se soulèveront comme une seule femme pour que nous puissions garder les noms de rues que nous connaissons tous·x·tes (je crois que c’est comme ça qu’on doit écrire pour parvenir à l’égalité entre les sexes).


A noter que, suite à l’invitation du Département du Territoire à leur adresser des questions, j’ai eu droit à une réponse personnalisée du Conseiller d’Etat compétent en la matière : 




https://www.geneve.ch/fr/actualites/ville-geneve-feminise-noms-rues


https://www.geneve.ch/sites/default/files/2020-08/la-ville-de-geneve-feminise-10-noms-de-rue-2020-communique-de-presse.pdf


https://www.geneve.ch/fr/actualites/dossiers-information/objectif-zero-sexisme-ville/espace-public/noms?fbclid=IwAR1VyjPAGyzfwQig7DZJWh_f4JRNVlgaJrOWeLZkYGlx_bO2ZHFTxxogewI


https://www.ghi.ch/le-journal/geneve/la-feminisation-des-rues-sinvite-dans-les-municipales


https://100elles.ch


https://www.ghi.ch/le-journal/geneve/noms-de-rues-femmes-vous-aime 


https://plr-villedegeneve.ch/2020/02/feminiser-les-noms-des-rues-a-geneve-ou-les-dernieres-frasques-de-salerno/ 


Ne vaudrait-il pas mieux jouer les œuvres de cette femme pour la faire connaître ?


Voici un texte de la journaliste Anne Cendre, qui décrit les dix femmes dont les noms figurent dorénavant parmi les rues de Genève

https://annecendre.blog.tdg.ch/archive/2021/06/07/baptemes-de-rues-315718.html#c586046


mercredi 2 janvier 2019

Une nuit blanche avec Nez Rouge



Cela fait maintenant onze ans que je participe à l’opération Nez Rouge qui a lieu chaque année en décembre à Genève. Cette phrase d’ouverture est quasiment identique à celle que j’ai écrite en décembre 2010 sur le même sujet. Au fil des ans, l’expérience s’accumule, la technologie embarquée dans les voitures est de plus en plus pointue, mais le scénario des nuits blanches, la collaboration avec de parfaits inconnus et les surprises à chaque coin de route font partie du tableau, de façon immuable.


Mes premières courses, en 2007, se déroulaient surtout dans le canton de Genève, ma toute première destination étant le domaine de Châteauvieux. Nous allions de Dardagny à Hermance, avec parfois une incursion à Annemasse. Au fil des ans, les trajets s’allongent étrangement. Nous allons très souvent en France voisine et, pour moi, cette nuit du 31 décembre 2018 s’est essentiellement déroulée dans le canton de Vaud. Il devrait y avoir un poste relais à Gland pour prendre en charge les automobilistes qui vont plus loin vers l’est. Visiblement, ils manquent de bénévoles, raison pour laquelle nous, une équipe genevoise, sommes tout d’abord allées de Gingings à Céligny, ensuite de Châtelaine à Renens, puis de là, nous avons fait une course de Marchissy (Mais où est donc ce bled perdu ???) à Genolier. La mission suivante nous envoyait chercher nos « clients » à Longirod: quand j’ai programmé mon GPS, j’ai cru qu’il était détraqué: nous retournions exactement là d’où nous étions venus ! Les deux localités sont sur la route du col du Marchairuz, une chaussée étroite qui serpente dans la nuit et qui semble jamais n’en finir. Qu’à cela ne tienne, après avoir décidé de faire confiance au GPS, nous avons attaqué le même itinéraire, qui entretemps nous était devenu familier. Une fois arrivées à Nyon (Ouf! une destination à peu près normale !), la centrale à voulu nous envoyer à Saint-Cergues….. Oh là! Pas d’ça, l’ami ! La plaisanterie avait assez duré, surtout qu’il était passé 05:00, heure à laquelle les missions sont normalement terminées. Le compteur indiquait déjà plus de 200km, effectués en pleine nuit, une nuit d’autant plus noire qu’il fallait attentivement fixer les lacets que dessinait la route et éviter, du mieux possible, d’éventuels sapins ou ravins trompeurs.

Zone couverte par l'Opération Nez Rouge Genève

Ces dernières années, j’ai d’ailleurs observé que nos clients sont le plus souvent des personnes qui habitent dans des lieux extrêmement reculés, au bout de longues routes interminables, dans les montagnes ou au fin fond d’une campagne oubliée de tous. Ce sont évidemment les routes les plus difficiles à gérer en cas de fatigue ou d’ébriété. Ce qui est certain, c’est que, contrairement à d’autres années où nous allions chercher nos clients au ByPass ou à l’Usine, cette fois-ci, je n’ai pas vu passer le réveillon. Notre paysage se limitait à des décorations de Noël éparses, quelques sapins illuminés ici ou là qui éclairaient un peu l’obscurité ou alors le panorama lémanique, qui nous rappelait l’existence de la civilisation, quelque part là-bas, très loin, dans la vallée. C’est un véritable challenge que de passer la nuit sur des routes inconnues, en résistant au coup de barre et en gérant sa vessie du mieux qu’on peut. La contrepartie, si vous êtes « chauffeur utilisateur », c’est qu’il peut vous arriver de conduire une magnifique Mercedes, si sophistiquée qu’elle fait le voyage quasiment toute seule. Les voitures autonomes signeront la mort de Nez Rouge, puisqu’il sera alors possible de rentrer chez soi même en étant complètement caisse. Il suffira de dire à son véhicule Retour maison ! et il fera même le créneau tout seul. 

Nez Rouge est un service entièrement gratuit et bénévole, financé par de nombreux sponsors. Les voitures sont aimablement prêtées par des garagistes, le tout étant intégralement assuré, les frais d’essence et de parking sont pris en charge. La bienséance voudrait toutefois que les clients donnent un pourboire (destiné à une bonne cause, cette année Courir Ensemble) ou un don (qui sert à financer Nez Rouge). Ce n’est jamais dit expressément, car on ne veut pas mendier ni soutirer de l’argent aux gens, le but premier étant de faire de la sensibilisation et de la prévention anti-alcool. Là aussi, par rapport à mes premières années, je constate que les gens sont de moins en moins généreux. C’est sans doute la faute à internet, Easy Jet, Uber et tous ces trucs qui, de nos jours, sont complètement cheap ou alors carrément gratuits. Ainsi, il est parfaitement normal que trois personnes vous conduisent de Genève à Renens, avec une voiture mise à disposition pour récupérer l’équipe; l’essence, l’assurance et l’usure ne coûtent bien évidemment rien ! Nous avons trouvé un peu radin un jeune homme qui nous a donné 5,- (pour un trajet court, il est vrai), mais il était néanmoins plus généreux que d’autres. 


Faire du bénévolat est gratifiant tant qu’on y trouve son compte: l’amusement, l’aventure, la rencontre avec des personnes qu’on ne croiserait jamais autrement, la découverte de lieux où on n’irait jamais de sa propre initiative. Il faut toutefois qu’un certain équilibre, un certain rapport effort-plaisir soit préservé. A partir du moment où on a l’impression que les gens profitent de vous, parce que vous êtes une bonne poire qui offre son temps et son énergie, ça devient légèrement irritant, voire dégradant. Raison pour laquelle j’ai refusé la dernière course à Saint-Cergues à 5h du matin, alors que j’avais déjà grimpé la moitié du Jura à deux reprises et que le canton de Vaud ne fait normalement pas partie de notre cahier des charges. 


Comme le disait si bien Oscar Wilde, a cynic is a man who knows the price of everything and the value of nothing. C’est malheureusement le triste sort qui attend le bénévolat, car ce qui est gratuit est sans valeur. Peut-être faudrait-il rendre ce service payant, même s’il restait bon marché. Cela rappellerait aux gens qu’il y en a d’autres qui se mettent volontairement à leur service et que c’est quelque chose qu’il convient d’apprécier. On trouve ce même état d’esprit chez ceux qui abandonnent leur canette de bière et leur carton à pizza sur la place publique: J’ai du personnel qui se chargera de venir ramasser tout ça, ou plutôt: Je m’en fiche, il n’y a que moi et mon nombril qui comptent

En attendant, je sais maintenant où se trouve Longirod et je me dis qu’il faudrait aller déguster des malakoffs à Bursins ou à Vinzel un de ces jours…. afin d’admirer le panorama du Léman par une belle journée ensoleillée. 




Le succès de Nez Rouge ne cesse de grandir. Plus de 35'000 personnes ont été raccompagnées à bon port en 2018. …
Le nombre de transports a augmenté de 3% à 16'900 courses, indique mardi l'organisation. Pour la 29e édition, 10'400 bénévoles, soit une légère hausse de 1%, ont sillonné les routes pour ramener en toute sécurité les fêtards dans leur propre véhicule.

Le Réveillon de la St-Sylvestre a été une fois de plus la soirée la plus chargée pour les chauffeurs de Nez Rouge. Plus de 1600 bénévoles ont ramené à bon port 8800 personnes.
… Côté romand, le Jura arrive en tête (1610), suivi du Valais (1349) et de Neuchâtel (899). Genève et Lausanne viennent ensuite avec respectivement 775 et 637 courses.
… Pour la fédération à but non lucratif, Nez Rouge a une portée symbolique qui vise à habituer les citoyens à trouver le moyen de rentrer chez soi en toute sécurité tout au long de l'année après une soirée bien arrosée. Cela peut consister à choisir un chauffeur désigné, soit une personne qui reste sobre pour ramener les autres, appeler un taxi, prendre les transports publics, dormir sur place ou appeler un proche pour venir nous chercher.


Lancée au Québec, l'Opération Nez Rouge a débuté en 1990 en Suisse, dans le canton du Jura. Depuis la première édition, 159'600 bénévoles ont été engagés et 457'700 personnes ont été raccompagnées à leur domicile. Ce service compte 23 sections régionales chapeautées par une Fédération suisse. (ats/nxp) Tribune de Genève, 1.1.2019