Appelez-les comme vous voulez! |
Quand j’étais enfant, je mangeais des têtes de nègres et j’adorais ça. Avant d’arriver en Suisse, je mangeais des Negerkuss – des baisers de nègre – et j’adorais ça. Bien que leur fille soit mineure, mes parents ne voyaient aucun mal à ce qu’elle reçoive des baisers d’un homme de couleur. C’est sans doute parce qu’il n’y avait aucun homme, de quelque couleur que ce soit, à l’horizon. Cette friandise si appréciée a pu, fort heureusement, survivre, il a simplement fallu lui donner un autre nom : tête au choco ou autre. A noter qu'en Autriche, cette même friandise s'appelle Schwedenbombe. Ça ne pose évidemment aucun problème.
Fazerin lakupekka 1) |
Lorsque j’étais enfant, ce que j’aimais le plus en allant en vacances en Finlande, c’était de retrouver les bâtons de réglisse de chez Fazer, le célèbre pâtissier-confiseur. Les emballages portaient l’image stylisée et caricaturale d’un habitant du continent d’où provient la matière première de ladite friandise. Autrement dit, enfant, j’ai appris à associer l’Afrique à quelque chose de sucré et de délicieux, tout comme les baisers – dorénavant interdits – du paragraphe précédent.
Avant / Après |
En Allemagne, certaines petites épiceries portaient (portent encore?) le nom
de Kolonialwaren : marchandises coloniales. Cela signifiait qu’on y
vendait du café, du thé, du cacao, du sucre, marchandises autrefois exotiques.
Je ne sais pas si cette dénomination a été supprimée, mais en Autriche, les
enseignes des magasins Julius Meinl portent encore une image qu’on pourra
qualifier de raciste. Mais quel magasin affichera une image négative pour
attirer le chaland, je vous le demande ? Peut-on réellement croire à une
intention mauvaise et discriminatoire derrière ce choix ? Il va sans dire
que l’image d’un gros Bavarois avec une chope de bière à la main ne poserait
aucun problème, mais quel rapport avec le café et le chocolat ?
Café Julius Meinl |
La Suède, championne toutes catégories du politiquement
correct, s’est lancée dans l’éradication de tout ce qui pourrait inciter à la
haine raciale. Les têtes au choco ne s’appellent donc plus negerbollen. Le papa
de Fifi Brindacier n’est plus un Negerkung mais Kung Kalle av Kurrekurreduttön (le roi Kalle d’un endroit imaginaire). Comme tous les
enfants, j’ai lu Fifi – en anglais, mind you… - et son père était un King of
the Southern Seas. Je me souviens avoir été un peu effrayée à l’idée de cette
fillette de mon âge qui vivait toute seule dans une grande maison, avec un
singe et un cheval, mais elle avait tout de même un papa et s’il était absent,
c’est parce qu’il était quelqu’un de très important à l’autre bout du monde.
Astrid Lindgren a voulu faire du papa de Pippi Långstrump quelqu’un de
formidable et inspirant le respect. Selon les règles du politiquement correct,
elle aurait dû en faire un ingénieur forestier travaillant quelque part en
Laponie. Mais est-ce la bonne solution que de n’avoir, dans les livres pour enfants,
que des personnages blancs, européens et ennuyeux ? Et que faut-il penser
du fait que cette fillette vive seule, entourée d'animaux? Va-t-elle au moins à l'école? Que
font donc les services sociaux ?
Option PC: le bonhomme est blanc Tout va bien |
Dans les pays nordiques, Noël est une fête très importante,
un havre de lumière au milieu de l’hiver. Comme ailleurs en Europe du nord, on
y mange des biscuits de type pain d’épice, contenant de la cannelle, du
gingembre, du girofle et de la mélasse, ce qui leur donne une couleur
brun-caramel. Ces biscuits ont diverses formes : étoile, fleur, cheval,
bonhomme, cochon….. A l’occasion de la fête de la Sainte-Lucie, les enfants se
déguisent et il arrive – oh ! Sainte horreur ! – que certains enfants
se déguisent en biscuit de Noël. Cela a maintenant été décrété comme étant
raciste et donc interdit. J’imagine qu’il est aussi interdit de se déguiser en
Rois mages, ou alors il faudrait ré-ecrire la Bible et décréter que ces trois
messagers étaient blancs. Il faudrait aussi traiter la cannelle, le gingembre,
le girofle et la mélasse pour qu’ils deviennent blancs. Il sera alors à nouveau
permis de se déguiser en biscuit de Noël. Le catalogue IKEA présente des
emporte-pièces en forme de sapin, de maison, d’étoile….. mais pas de bonhomme.
On n’est jamais trop prudent.
Toujours en Suède, Haribo a retiré de ses sachets de bonbons à la réglisse
ceux qui avaient la forme de masques africains, amérindiens, asiatiques. Il
faudrait sans doute aussi fermer les musées d’art primitif et d’art africain,
qui se vend pourtant très cher. Ne resteront donc que les bonbons en forme de
fleur, de voiture ou de petite maison. Mais finalement, ne faudrait-il pas tout
simplement interdire la réglisse ?
Les partisans du politiquement correct ne voient-ils donc
pas à quel point ils font l’inverse de l’effet recherché ? Leur message
revient à dire : pour ne pas être raciste, tout doit être blanc, donc
normal, comme dirait Coluche. La négritude n’existe pas, le métissage non plus.
Si une personne a de la couleur sur la peau, on fera surtout semblant de ne pas
la voir, parce qu’en réalité, ça dérange et ça met mal à l’aise.
Racisme anti-autrichien |
En France, on tourne aussi savamment autour du pot, pour ne
surtout pas appeler un chat un chat. On dira : une personne issue de la
diversité ou encore : une personne appartenant aux minorités visibles. Comment
peut-on considérer qu’il s’agit là d’une dénomination correcte et
respectueuse ? Car cela revient à dire : "Tu n’es pas comme
nous et ça se voit ". On dira aussi : une personne issue des
quartiers sensibles et tout le monde comprendra : délinquant, voyou et dealer.
C’est parfait ! Comme ça, on n’aura au moins pas dit immigré, ni maghrébin
ni bougnoule – mot qui signifie noir en arabe du Maghreb
– mais on le pense néanmoins très fort. Ça ne changera rien à la réalité, les
personnes provenant de ces quartiers ou de ces pays continueront à être mal
perçues et rejetées par la société. Notons au passage à quel point il est
devenu impossible de prononcer ces trois mots, surtout le dernier, qui a
toujours eu un sens péjoratif, alors que les deux premiers ne font que décrire
un fait, une réalité.
A force d’éviter d’associer les non-caucasiens à des bonbons
ou à des pâtisseries, que leur reste-t-il comme modèles positifs ? Des
footballeurs, des rappeurs et quelques acteurs qui se comptent sur les doigts
d’une main. Pourrait-on envisager de choisir Omar Sy comme égérie du
Nespresso ? Ce serait une véritable révolution. On a beau prendre des
gants et des pincettes, rien de tout cela n’empêche le continent noir –
permettez-moi ce qualificatif – d’être affligé de guerres, de famines,
d’épidémies, de pauvreté, de mortalité infantile et maternelle, d’islamisme
stupide…. Le pire, c’est qu’on ne demande même pas aux intéressés s’ils se
sentent insultés par des têtes au choco et des pains d’épice.
Ne contient pas d'Africain(e)s |
Je vais me resservir d’une tasse de thé vert et d’un biscuit
bio. Bien au chaud dans mon salon, j’aurai la conscience tranquille, sachant
que Tintin n’ira plus au Congo, que le papa de Fifi Brindacier est non
seulement blanc mais CEO chez Nestlé et que les bonhommes en pepparkakka ne
fêteront plus la Sainte-Lucie. Tout va bien dans le meilleur des mondes.
Epilogue: Tout le monde connaît le riz Uncle Ben's. La farine pour pancakes Aunt Jemima est sans doute moins connue de ce côté-ci de l'Atlantique. Il s'agit de deux produits très courants et très populaires aux Etats-Unis. Tous deux ont pour logo le visage souriant d'une personne d'origine afro-américaine (mais peut-être qu'on ne les appelle plus ainsi....). Le visage de l'Oncle Ben est celui d'un homme ayant réellement existé et qui était maître d' dans un restaurant. Tante Jemima s'appelait Nancy Green et était une esclave affranchie. Les esclaves âgés, ceux qui finissaient par faire partie de la famille, portaient le titre de Oncle et Tante, car il était interdit de les appeler Monsieur ou Madame. Nous avons donc deux représentations de personnages faisant allusion, de façon très directe, à l'esclavage aux Etats-Unis et pourtant, ces marques et ces logos existent toujours.
http://lencrenoir.com/derriere-uncle-bens-et-aunt-jamima/
Voir aussi : Tintin au tribunal
Mise à jour, juin 2020
Et si on les remplaçait par des personnages blancs ? Faudrait-il aussi changer le nom du produit ? Oncle Bernard et Tante Jeannine ?