Chaque année, la communauté finlandaise de Suisse se réunit à Territet (Montreux) pour honorer la mémoire du maréchal Mannerheim, le samedi le plus proche de la date de sa naissance, le 4 juin 1867. Mannerheim a écrit ses mémoires à Lausanne, pendant une période de convalescence; il y est décédé le 27 janvier 1951. Véritable héros du peuple finlandais, il est honoré à Helsinki par une statue équestre et un boulevard à son nom. Il a entamé sa carrière militaire à l’âge de 15 ans et a consacré toute sa vie aux armes.
Toutefois, il faut bien noter qu’en Finlande, le rôle de l’armée a toujours été purement défensif. Ce pays n’a jamais colonisé ni conquis qui que ce soit et il a acquis son indépendance vis-à-vis du royaume de Suède et de l’empire de Russie par la négociation et des traités. Les Finlandais ont su défendre leur intégrité territoriale face à l’Union soviétique en 1939, lors de la terrible guerre d’hiver de 1939-40 et ont réussi à rester indépendants, contrairement aux Etats baltes.
C’est pourquoi la cérémonie au monument Mannerheim, bien que très militaire et officielle, est aussi très émouvante. Elle réussi à toucher quelque chose en moi, bien que je sois très éloignée de mes racines et pas particulièrement attirée par les faits d’armes. Le public était a priori exclusivement finlandais, à l’exception des personnalités tant civiles que militaires représentant la Suisse. Les autorités montreusiennes étaient présentes, ainsi que des hauts gradés de l’armée suisse. Des deux côtés du monument, une dame en costume vaudois, un policier suisse, un soldat finlandais et une Lotta°) J’ai découvert l’existence de l’association finno-suisse des officiers*), signe de liens d’amitié et de coopération étroits entre ces deux pays. Il existe également une Fondation Mannerheim, qui accorde des bourses à de jeunes militaires pour des séjours d’étude et de formation en Suisse.
Des discours ont été tenus, en français, en allemand, en anglais et en finnois. Le culte ayant précédé la cérémonie était multilingue également. Les soldats faisaient le salut militaire devant le monument pendant le dépôt solennel des gerbes, pendant que les militaires restés devant le public faisaient de même. Il semblerait que toutes les armées du monde pratiquent ce même geste de la main portée à la tempe, mais on m’a expliqué que les marins inclinaient leur main différemment. Les hymnes nationaux suisse et finlandais ont été joués à la trompette (mais pas chantés) et un corps de tambour a marqué les différentes étapes de la cérémonie. Il était frappant de sentir le poids et la force de tous ces rituels très codifiés, qui transmettent quelque chose qui nous enracine dans l’histoire et dans nos origines, tout en créant un sentiment de communion parmi l’assistance.
Malgré tout son côté officiel et protocolaire, cette commémoration n’avait rien d’une routine qu’on exécuterait de façon blasée. Compte tenu du contexte actuel, avec l’UE qui tente de coincer la Suisse ou la Russie de Poutine qui ne cesse de souffler le chaud et le froid, mes deux pays ont de quoi être très conscients de leur fragilité et de la valeur inestimable de leur liberté et de leur indépendance. Pour une fois, les discours, les symboles, les fleurs, les roulements de tambour, les rangées de médailles sur les uniformes m’ont fait parvenir un message très fort. Ces hommes ne se tenaient pas au garde-à-vous pour la galerie, ce n’était pas du bla bla, du vent, de la figuration. Les discours nous ont rappelé que le rôle premier de l’armée était de préserver la paix et la liberté et je veux bien le croire. Cela semble aller de soi pour nous qui n’avons jamais connu la guerre, mais il ne faut jamais oublier que la paix n’est jamais acquise pour toujours.
La Suisse est émaillée de monuments divers et variés, en souvenir d’une foule de personnages qui y ont passé un séjour ou laissé une trace. Cette cérémonie se déroule chaque année, depuis 60 ans. C’était la première fois que j’y assistais, peut-être pas la dernière. La Riviera vaudoise est magnifique, Montreux, le lac, les Alpes…. et pourquoi pas, une prochaine fois, j’irai boire un chocolat chaud à Glion en souvenir du Maréchal. Ou un schnaps !
A droite, Esa Pulkkinen, directeur général de l'état-major de l'UE |
°) corps para-militaire féminin, qui soutenait les soldats par des fonctions traditionnellement féminines, comme cuisiner, soigner etc.
*)galerie de photos sur leur site internet
Celui qui devait devenir l'homme-clé de l'indépendance finlandaise fut d'abord officier de cavalerie au service du Tsar Nicolas II à St-Pétersbourg. Après la Révolution de 1917 il sut agir pour transformer la modeste autonomie du Grand-Duché de Finlande en une pleine indépendance. Mais comme son principal appui lui était venu d'Allemagne, son pays se trouva en 1939 du mauvais côté de la barrière.
Quand les Russes attaquent, il organise avec génie la résistance en Carélie. L'invasion allemande mettra un terme à l'agression russe, mais entraînera fatalement dans le sillage de Hitler une Finlande qui le payera cher en 1944. Une fois encore Mannerheim, maréchal depuis 1941, se dévoue: il accepte la présidence du pays pour mener et mènera avec succès les difficiles discussions de l’armistice.
A l'âge de 79 ans, le maréchal Mannerheim décida de démissionner de la présidence de la république de Finlande. Après avoir été le héros de la guerre d'hiver contre les Russes et le père de l'indépendance finnoise, ce symbole de la liberté en Finlande décida de prendre une retraite bien méritée. Il chercha alors un lieu calme avec un climat chaud pour rédiger en toute tranquillité ses mémoires.
Il trouva le lieu idéal et naturel pour prendre sa retraite sur les bords du lac Léman, à Montreux. Dans une lettre à un ami, il écrivit: "C'est vrai qu'on emporte avec soi son fardeau de soucis et de chagrins qui vous minent, mais s'il y a au monde un endroit pour trouver l'oubli, le calme et le repos, c'est bien la Suisse" Le héros de la guerre d'hiver se reposa à Valmont, où il se faisait soigner. Mannerheim s'efforçait de se remémorer ses aventures, qu'il écrivait aussitôt dans ses mémoires.
Chaque jour, le maréchal faisait sa promenade sur les hauts de Montreux, en admirant le lac et les montagnes. Sa promenade le conduisait jusqu'à Glion, où il dégustait un chocolat chaud au tea-room Steffen. Cette confiserie existe toujours, et l'on peut encore, sur les pas du maréchal, gravir la route des hauts de Montreux et faire une pause dans ce tea-room. La propriétaire, celle-là même qui a accueilli maintes fois le maréchal, perpétue aujourd'hui encore la tradition et renseigne volontiers sur l'époque du maréchal.
Le maréchal s'éteignit à Lausanne, le 28 janvier 1951. Une statue fut érigée en son honneur sur les bords du Léman, à Montreux. On peut visiter aujourd'hui le monument à Mannerheim, situé dans le parc éponyme, au lieu dit Territet. La promenade enchanteresse qui longe le lac guide le promeneur vers une place dominée par ce monument majestueux. Aujourd'hui, de nombreux Finlandais et admirateurs du maréchal viennent se recueillir sur cette place qui lui est dédiée.
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Le cocktail Mannerheim
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Le maréchal Mannerheim avait demandé, lors de la célèbre guerre d'hiver, une nouvelle recette de schnaps à son lieutenant. Après une semaine d'essais, celui-ci inventa un cocktail à base de Schnaps, Gin et Vermouth. Le liquide est versé très froid dans un verre que l'on remplit à raz-bord. Il convient ensuite de boire sans laisser tomber la moindre goutte du précieux breuvage. La recette exacte est tenue secrète par le Mikkeli-Club, du nom de la ville fortifiée du maréchal. On trouve néanmoins en Suisse les principaux ingrédients qui font la légendaire saveur du cocktail Mannerheim.
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