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mercredi 19 octobre 2016

Interpréter à l'Office européen des brevets (Munich)

Figure d'un brevet de pince à linge


Ce texte ne représente pas la position officielle de l’OEB et son contenu n’engage que son auteur.

L’Office européen des brevets (OEB) a son siège à Munich, travaille en trois langues officielles (français, anglais, allemand) et recourt à l’occasion aux services d’interprètes de conférence dans ces trois langues. L’Office examine des demandes de brevet du point de vue de leur conformité à la Convention sur le brevet européen (CBE). Les interprètes interviennent lors de procédures d’opposition, c-à-d lorsque le bien-fondé d’un brevet est contesté par le titulaire d’un brevet similaire ou par toute tierce partie qui souhaiterait faire opposition. La décision de maintenir ou de révoquer le brevet pourra ensuite faire l’objet d’un recours devant la chambre de recours.

Pour qu’une invention puisse jouir de la protection d’un brevet, elle doit remplir trois conditions (art 52 CBE) : être nouvelle, faire preuve d’activité inventive et avoir une application industrielle. Les inventions protégées d’un brevet représentent des enjeux commerciaux majeurs, ce qui justifie tous les efforts déployés – y compris financiers – pour les défendre. Les motifs d’opposition à la délivrance d’un brevet figurent à l’art. 100 de la CBE. Les arguments invoqués pour attaquer un brevet peuvent être l’insuffisance de la description (l’homme du métier doit pouvoir reproduire l’invention sur la base du brevet) ou encore l’extension de l’objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée.

Une invention à breveter ?
Lorsque les parties en litige demandent la tenue d’une procédure orale, destinée à récapituler et à compléter les arguments déjà échangés par écrit, elles peuvent demander qu’il y ait des interprètes dans les trois langues officielles. La langue de procédure est celle du brevet contesté. Les examinateurs de l’OEB maîtrisent les trois langues, mais doivent mener les débats dans la langue de procédure. Il peut arriver que les trois cabines travaillent, mais il n’y a généralement que deux langues interprétées - voire une seule - celles des parties au litige.

Le premier membre de la division d’opposition (de la chambre de recours, selon le cas) préside la séance et ouvre la procédure, en annonçant le titre du brevet, son numéro ainsi que le numéro de la demande. Il donne les noms des parties en présence, qui sont le titulaire (c-à-d l’inventeur) le cas échéant, les mandataires (avocats spécialisés en brevets) qui représentent le titulaire (si celui-ci a choisi de se faire représenter) et la/les partie(s) opposante(s). Ceux-ci sont parfois accompagnés d’experts, qui ne peuvent s’exprimer que s’ils en ont fait la demande dans les délais. Les procédures sont généralement publiques. Le président invite ensuite les parties à présenter leurs requêtes. Sans surprise, la titulaire demande le maintien de son brevet, alors que l’opposante demande sa révocation. Les parties attaqueront les arguments de la partie adverse sur le fond ou en invoquant des règles de procédure.

La division d’opposition est généralement composée de trois personnes, le président de la division et deux membres, dont l’un rédigera le procès-verbal; un représentant du service juridique peut également être présent. Elle entame l’examen de la nouveauté du brevet contesté, en donnant la parole, à tour de rôle, à la titulaire et à l’opposante (aux opposantes, selon le cas). La séance sera suspendue à plusieurs reprises, afin de permettre à la division d’opposition - la chambre de recours, s’il s’agit d’un recours - de débattre des arguments avancés par les parties. Le brevet contesté sera comparé à l’état de la technique, c-à-d aux brevets précédents relatifs à des inventions similaires ou à des publications techniques, scientifiques ou encore à de la littérature spécialisée qui ne relève pas du domaine des brevets. Ces documents invoqués pendant la procédure s’appellent des antériorités et sont numérotés D1, D2, D3 etc.

Si le brevet est reconnu comme nouveau, la division d’opposition passera à l’examen de l’activité inventive. Pour qu’il y ait invention, le brevet ne doit pas découler de façon évidente de l’art antérieur (ce qui existe déjà). L’invention peut être le fruit de la combinaison de deux précédents brevets, mais cette combinaison doit faire preuve d’activité inventive. Enfin, la nouveauté ou la différence par rapport à ce qui existe déjà doit être utile ou intéressante, c-à-d avoir une application industrielle. Les brevets portent soit sur des réalisations (objets, machines) ou des procédés (méthode pour faire ou produire quelque chose).

Si la division d’opposition parvient à la conclusion que  le brevet n’est pas inventif, la titulaire peut soumettre des requêtes subsidiaires, qui sont des variantes des revendications contenues dans le brevet. Les fascicules de brevet sont rédigés selon un schéma bien précis : la première page contient toutes les informations de procédure, le titre et le numéro du brevet, le nom du titulaire etc… Vient ensuite une description de l’invention, la définition du problème à résoudre, éventuellement des renvois à l’art antérieur, parfois des exemples et enfin les revendications, dans les trois langues, donnant toutes les indications techniques de l’invention faisant l’objet de la demande de brevet. A la fin du fascicule de brevet, il peut y avoir des figures, dessins, schémas et croquis de l’invention. Les revendications comportent de nombreux paragraphes, rédigés de façon très répétitive, technique et selon des règles très précises. Il y a les revendications indépendantes et les revendications dépendantes, qui sont celles qui renvoient à une précédente revendication (« Procédé selon la revendication 1….. »). Les requêtes subsidiaires présentées par la titulaire dans le cas où la nouveauté lui serait refusée, ressemblent énormément aux revendications du brevet original, du moins aux yeux de l’interprète profane. Ces requêtes subsidiaires peuvent être nombreuses et la procédure peut durer toute la journée si la division d’opposition les admet et décide de les examiner jusqu’à la dernière. La journée est émaillée de nombreuses suspensions de séance, pour permettre aux membres de la division d’opposition de pondérer les arguments des parties. La procédure s’arrête lorsque le brevet est déclaré nouveau et inventif (ces deux conditions devant être remplies) ; s’il est révoqué et que la titulaire est à court de munitions, elle s’arrête aussi. Le président de séance prononce alors – dans la langue de procédure –  la décision de la division d’opposition, le maintien ou la révocation du brevet, et informe les parties qu’elles peuvent faire recours.

Source: http://artggsb.blogspot.ch/2014_05_17_archive.html
En prévision de la procédure, les interprètes reçoivent les documents bien à l’avance, afin de pouvoir se préparer : le fascicule de brevet (B1), la demande telle que déposée (A1), les antériorités, qui sont numérotées D1, D2, D3 selon les indications figurant dans les documents, les requêtes subsidiaires de la titulaire, s’il y en a, l’avis provisoire de la division d’opposition (un document sans aucun en-tête), ainsi que les échanges de correspondance entre les parties. Il convient de trier tous ces éléments, afin de les étudier dans l’ordre qui paraît le plus judicieux (chacun à sa manière, bien entendu !). Les revendications dans les trois langues permettent de faire un glossaire sommaire. Quant au reste, qu’il s’agisse de formules chimiques, de pare-brises d’avions, de papier cigarette ou de verrouillage central…. chacun pour soi et dieu pour tous ! Les dictionnaires Ernst sont dorénavant rattrapés par Google, Linguee, Wikipedia et toutes sortes de glossaires en ligne. Comment diable faisait-on autrefois, sans internet et la WiFi en cabine?

A fin de mieux comprendre à quoi ressemble un brevet, voici celui du Post-itSon histoire a connu de nombreux rebondissements, notamment à cause de son manque d’application industrielle (une colle qui colle mal…..). Jusqu’à ce que quelqu’un fasse preuve d’activité inventive en trouvant une bonne idée pour cette erreur de parcours. Enfin, il a fallu pouvoir compter sur les talents de celui qui a réussi à commercialiser l’invention, qui est dorénavant incontournable et présente dans tous nos bureaux.
Cependant, un Américain attaque 3M, affirmant que c’est lui qui aurait inventé le Post-it en 1973. Selon un article paru dans la Tribune de Genève, le chiffre d’affaire des Post-it s’élevait à 4,4 milliards de dollars en 2015.

En gras, des termes relatifs aux procédures de brevets.
Article paru sur le site de l'aiic

Voir aussi: 
Le déroulement de la procédure sur le site de l’OEB.
L'interprète de conférence, un artiste vagabond qui permet d'être entendu par Jacky Neff