John Cockerill |
Il y a quelque chose de désolant à toutes ces statues, noms de rues ou plaques commémoratives célébrant des personnes - généralement des hommes - qui ont fait ou découvert quelque chose de formidable, mais que tout le monde a oubliés. Les villes regorgent de souvenirs de grandeurs passées, mais surtout passées aux oubliettes de l’Histoire, seuls Google et Wikipedia savent encore de qui ou de quoi il s’agit. Actuellement, une vague de purification cherche à faire le ménage et à éliminer tous ceux qui se sont mal comportés, en renommant des rues ou en déboulonnant des statues. L’effet pervers de ce type d’Inquisition est qu’elle ramène à la vie des personnages dont plus personne ne se souvient. Ces condamnés ont beau avoir fait des découvertes scientifiques ou créé des œuvres d’art extraordinaires, s’ils ont été racistes ou misogynes - à leur époque, on ne savait pas penser autrement - on leur coupe la tête, au propre comme au figuré.
Lors d’un récent séjour à Bruxelles, deux exemples de ce type de grandeur devenue obsolète m’ont frappée. Le premier : la statue ornant la place du Luxembourg, une place très animée devant le Parlement européen, comportant de nombreux bars et restaurants, ainsi qu’une circulation intense. Une statue verdâtre, un peu sale, d’un homme plutôt chétif vêtu d’une redingote, debout sur son piédestal devant une enclume, alors que quatre ouvriers l’entourent un mètre plus bas. Inutile de demander à qui que ce soit qui est cet homme que l’on honore ainsi sur une place relativement stratégique, aujourd’hui en plein quartier européen. Pour m’approcher de l’œuvre, j’ai franchi une pelouse anémique et boueuse, ornée de nombreuses capsules de bière et j’ai pu lire - à peine lisible ni visible - le nom de John Cockerill, le Père des Ouvriers. Fort bien….. mais encore ? De qui pouvait-il bien s’agir ?
Ayant fait quelques recherches, je découvre qu’il s’agit réellement de quelqu’un d’important, qui a considérablement façonné la destinée de la Belgique et même du monde. C’était un industriel né Anglais en 1790, mais mort Belge en 1840. Il a contribué à mécaniser l’industrie du textile sur le continent européen et il a fondé une société portant son nom, qui finira par être absorbée, bien plus tard, par le groupe ArcelorMittal. En 1842, il ouvre un chantier naval à Anvers, Cockerill Yards, après avoir construit des haut-fourneaux à coke. Ce seront ses ateliers qui fourniront les premiers rails, wagons et locomotives à la Belgique, sa société exploitera la première liaison ferroviaire du continent, Bruxelles-Malines, en 1843. Sa production permettra la construction du Transsibérien et même du pont sur la rivière Kwaï (cf le film du même nom) à Kanchanaburi, en Thaïlande. Il fondera un complexe industriel - nous sommes au milieu du XIXème siècle - qui prospérera pendant plus d’un siècle. Son groupe comptera 60 sites dans le monde entier, une des premières multinationales. Aujourd’hui, le groupe John Cockerill a créé une fondation, dont le but est de faire connaître l’important héritage de cet industriel.
Antoine Wiertz |
Détail de "Patrocle" |
Quoi qu’il en soit, il vaut la peine de prendre un peu de temps pour découvrir qui sont tous ces personnages qui ornent nos rues. Jour après jour, nous nous promenons dans des encyclopédies à ciel ouvert sans même nous en rendre compte.
« Aux Grands Hommes la Patrie reconnaissante » est une phrase qui orne le fronton du Panthéon de Paris
https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Cockerill
https://www.fondationjohncockerill.com/heritage/saviez-vous-que
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cockerill-Sambre
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Wiertz
https://www.artiststudiomuseum.org/blog/conference-antoine-wiertz-sublime-or-ridiculous/
https://www.fine-arts-museum.be/fr/les-musees/le-musee-antoine-wiertz