Les vacances sont faites pour se reposer, dit-on. En réalité, partir en vacances est tout un travail. Il faut d’abord étudier les différentes façons de parvenir à la destination de son choix (voiture, train, avion), trouver la meilleure formule (eBookers, Easy Jet ou pas, avion ou ferry, autoroute ou route nationale), choisir un hôtel (près de la gare ou centre ville, consulter Trip Advisor, comparer les prix) et enfin s’atteler devant son ordinateur pour effectuer toutes les réservations (modifiables ou pas, assurance annulation ou pas). Rien que tout ça, c’est épuisant. Et ce n’est que le commencement…
Il faut ensuite étudier le lieu où on a l’intention de se rendre. Qu’y a-t-il à voir, que faut-il absolument faire, que ne faut-il rater à aucun prix. Ayant parlé de mon projet d’aller à Florence, une amie m’a donné ce sage conseil : "Si tu veux avoir une chance de visiter la galerie des Uffizi, réserve ton billet par avance sur internet !" Ce que j’ai fait et j’ai drôlement bien fait. Le billet m’a coûté 20€ au lieu de 11€, mais j’ai réussi à entrer dans le musée à 8h30 et à admirer tranquillement la Naissance de Vénus. Dès 9h, des hordes de Japonais commençaient à envahir la salle. Comme j’avais de l’avance sur la foule, la visite de la galerie s’est déroulée tout à fait normalement. C’est en sortant du bâtiment que j’ai constaté qu’une longue file de candidats à la visite attendait patiemment son tour.
On retrouve la même file de 100 mètres de long devant l’entrée de la cathédrale de Florence, Santa Maria del Fiore, dont la visite n’en vaut pas vraiment la peine. J’ai choisi la file plus courte, celle qui permet d’escalader les 463 marches de la coupole pour admirer le panorama de la ville. Toutes les églises de Florence sont très vides et assez décevantes. Les œuvres ont sans doute été déplacées dans des musées.
Au bout de la première journée déjà, je commençais à souffrir du syndrome de Stendhal : l’overdose d’œuvres d’art. Mais aussi l’overdose de tout ce qui entoure le tourisme, qui a totalement phagocyté le vieux centre de Florence. Trop de Vierges à l’Enfant et trop de Jésus sur la Croix, mais aussi trop de David de Michel-Ange sous toutes les formes possibles et imaginables – cartes postales, magnets, mugs, parapluies, cravates, slips – trop de sacs en cuir, petits et grands, trop de masques vénitiens… On voit beaucoup de belles choses, mais la laideur semble avoir pris le dessus. Ici, le tourisme est resté bloqué quelque part dans les années -80. Les kiosques vendent le genre de babioles que plus personne n’achète de nos jours et les bijoux dans les vitrines des échoppes du Ponte Vecchio m’ont paru particulièrement hideux. On peut voir un peu partout des Africains ou des Pakistanais qui vendent des lunettes de soleil ou des reproductions de Klimt ou encore de la Chapelle Sixtine, un des nombreux avatars de la mondialisation, sans doute.
Les Uffizi auraient bien besoin d’une rénovation, bon nombre de tableaux étaient gâchés par des reflets mal placés et les légendes étaient particulièrement inintéressantes : on y détaille par le menu qui a passé commande de l’œuvre en question et en quelle année elle est entrée au musée. Ils feraient mieux de nous rappeler pourquoi Judith a coupé la tête de Holophernes ou de donner quelques notions d’histoire de l’art. Dans quasiment tous les monuments, les prix, les heures d’ouvertures, les avertissements ("la montée à la coupole est déconseillée au personnes souffrant de maladies du cœur, interdiction d’introduire des liquides") sont affichés à l’intérieur, c-à-d une fois que vous avez fait la queue pendant 40 minutes.
La modernité, en revanche, se voit chez ces guides touristiques qui utilisent le bidule 1) : ils chuchotent dans un micro et leurs ouailles écoutent le commentaire dans leurs écouteurs. L’avantage est double : non seulement, ils ne vous obligent pas à suivre leurs commentaires en espagnol, japonais ou hongrois, mais personne ne risque de se joindre au groupe pour profiter du tour guidé gratuitement.
Une journée de travail qui commence à 8 ou 9 heures me fait frémir tellement c’est tôt, pourtant je n’hésite pas à mettre mon réveil sur 7:15 pour aller visiter un musée ou pour aller escalader la Tour de Pise. A nouveau, j’avais acheté mon billet à l’avance sur internet, mais tout comme à Florence, la technologie n’arrive pas jusqu’au cerveau des employés du guichet : leur ordinateur ne peut absolument pas vous donner la veille votre billet pour le lendemain 2). Décidément, la vie du touriste est dure et semée d’embûches. A l’aube, tu te lèveras et les merveilles du monde seront à toi.
Contrairement au musée des Offices où on gagne plusieurs heures d’attente, il n’est pas utile d’acheter par avance son billet pour la Tour de Pise. Non seulement, on trouve aisément une place 3), mais la montée n’en vaut pas vraiment la peine. L’inclinaison ne se remarque pas à l’intérieur et la vue de Pise, ville plutôt laide et sans intérêt, ne mérite pas le détour. Le site proprement dit – la Piazza dei Miracoli : cathédrale, campanile, baptistère et cimetière – est spectaculaire, mais se visite en une demi-journée. Une drôle de maladie semble s’emparer des touristes qui visitent ce lieu. Où que l’on tourne son regard, on voit des gens qui lèvent les bras en souriant vers celui qui les prend en photo. A leur retour au pays, ils montreront fièrement à leur amis que ce sont eux qui ont empêché la Tour de Pise de s’écrouler. Sacré gag !
Pour autant qu’on ait bien préparé son voyage – crème solaire, Imodium, itinéraire vers l’hôtel, devises locale, tenues décentes pour les visites d’église, adaptateur de prise, chapeau et lunettes de soleil, appareil photo – et évité ainsi tout pépin fâcheux, on rentrera chez soi comblé et heureux, les yeux pleins d’images. On aura alors du plaisir à retrouver son foyer et sa petite routine. Quel soulagement de ne plus devoir chercher sur le plan où on se trouve ! Quel plaisir que de savoir, sans réfléchir, quel bus il faut prendre ! Jouer au touriste est très divertissant, mais je n’en ferais jamais mon métier.
Un jeu amusant à faire avec vos amis grands voyageurs est le Travel Bingo : chacun à son tour mentionne un site ou une destination (les chutes du Niagara ! l’Empire State Building ! Lisbonne !) et ceux qui y sont aussi allés lèvent la main. Libre à vous ensuite de décider ce qu’il advient à ceux qui ont des lacunes dans leur tableau de chasse (payer une tournée, faire la vaisselle ou ôter un vêtement, version Strip Travel Bingo !)
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1) Appareil d’interprétation : l’interprète chuchote dans un micro et les délégués ayant besoin de cette langue portent des écouteurs; généralement utilisé lors de visites sur site, quand il n'y a pas de cabines.
2) L’achat sur internet vous donne droit à un bon à échanger au guichet contre le billet d’entrée proprement dit. L’agence qui sert d’intermédiaire prend une commission et l’achat par avance sur internet revient plus cher.
3) Le nombre de visiteurs est bien évidemment limité et on y entre par groupes