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jeudi 25 août 2011

Profession : Touriste


Les vacances sont faites pour se reposer, dit-on. En réalité, partir en vacances est tout un travail. Il faut d’abord étudier les différentes façons de parvenir à la destination de son choix (voiture, train, avion), trouver la meilleure formule (eBookers, Easy Jet ou pas, avion ou ferry, autoroute ou route nationale), choisir un hôtel (près de la gare ou centre ville, consulter Trip Advisor, comparer les prix) et enfin s’atteler devant son ordinateur pour effectuer toutes les réservations (modifiables ou pas, assurance annulation ou pas). Rien que tout ça, c’est épuisant. Et ce n’est que le commencement…

Il faut ensuite étudier le lieu où on a l’intention de se rendre. Qu’y a-t-il à voir, que faut-il absolument faire, que ne faut-il rater à aucun prix. Ayant parlé de mon projet d’aller à Florence, une amie m’a donné ce sage conseil : "Si tu veux avoir une chance de visiter la galerie des Uffizi, réserve ton billet par avance sur internet !" Ce que j’ai fait et j’ai drôlement bien fait. Le billet m’a coûté 20€ au lieu de 11€, mais j’ai réussi à entrer dans le musée à 8h30 et à admirer tranquillement la Naissance de Vénus. Dès 9h, des hordes de Japonais commençaient à envahir la salle. Comme j’avais de l’avance sur la foule, la visite de la galerie s’est déroulée tout à fait normalement. C’est en sortant du bâtiment que j’ai constaté qu’une longue file de candidats à la visite attendait patiemment son tour.




On retrouve la même file de 100 mètres de long devant l’entrée de la cathédrale de Florence, Santa Maria del Fiore, dont la visite n’en vaut pas vraiment la peine. J’ai choisi la file plus courte, celle qui permet d’escalader les 463 marches de la coupole pour admirer le panorama de la ville. Toutes les églises de Florence sont très vides et assez décevantes. Les œuvres ont sans doute été déplacées dans des musées.


Au bout de la première journée déjà, je commençais à souffrir du syndrome de Stendhal : l’overdose d’œuvres d’art. Mais aussi l’overdose de tout ce qui entoure le tourisme, qui a totalement phagocyté le vieux centre de Florence. Trop de Vierges à l’Enfant et trop de Jésus sur la Croix, mais aussi trop de David de Michel-Ange sous toutes les formes possibles et imaginables – cartes postales, magnets, mugs, parapluies, cravates, slips – trop de sacs en cuir, petits et grands, trop de masques vénitiens… On voit beaucoup de belles choses, mais la laideur semble avoir pris le dessus. Ici, le tourisme est resté bloqué quelque part dans les années -80. Les kiosques vendent le genre de babioles que plus personne n’achète de nos jours et les bijoux dans les vitrines des échoppes du Ponte Vecchio m’ont paru particulièrement hideux. On peut voir un peu partout des Africains ou des Pakistanais qui vendent des lunettes de soleil ou des reproductions de Klimt ou encore de la Chapelle Sixtine, un des nombreux avatars de la mondialisation, sans doute.



Les Uffizi auraient bien besoin d’une rénovation, bon nombre de tableaux étaient gâchés par des reflets mal placés et les légendes étaient particulièrement inintéressantes : on y détaille par le menu qui a passé commande de l’œuvre en question et en quelle année elle est entrée au musée. Ils feraient mieux de nous rappeler pourquoi Judith a coupé la tête de Holophernes ou de donner quelques notions d’histoire de l’art. Dans quasiment tous les monuments, les prix, les heures d’ouvertures, les avertissements ("la montée à la coupole est déconseillée au personnes souffrant de maladies du cœur, interdiction d’introduire des liquides") sont affichés à l’intérieur, c-à-d une fois que vous avez fait la queue pendant 40 minutes.

La modernité, en revanche, se voit chez ces guides touristiques qui utilisent le bidule 1) : ils chuchotent dans un micro et leurs ouailles écoutent le commentaire dans leurs écouteurs. L’avantage est double : non seulement, ils ne vous obligent pas à suivre leurs commentaires en espagnol, japonais ou hongrois, mais personne ne risque de se joindre au groupe pour profiter du tour guidé gratuitement.
Une journée de travail qui commence à 8 ou 9 heures me fait frémir tellement c’est tôt, pourtant je n’hésite pas à mettre mon réveil sur 7:15 pour aller visiter un musée ou pour aller escalader la Tour de Pise. A nouveau, j’avais acheté mon billet à l’avance sur internet, mais tout comme à Florence, la technologie n’arrive pas jusqu’au cerveau des employés du guichet : leur ordinateur ne peut absolument pas vous donner la veille votre billet pour le lendemain 2). Décidément, la vie du touriste est dure et semée d’embûches. A l’aube, tu te lèveras et les merveilles du monde seront à toi.

Contrairement au musée des Offices où on gagne plusieurs heures d’attente, il n’est pas utile d’acheter par avance son billet pour la Tour de Pise. Non seulement, on trouve aisément une place 3), mais la montée n’en vaut pas vraiment la peine. L’inclinaison ne se remarque pas à l’intérieur et la vue de Pise, ville plutôt laide et sans intérêt, ne mérite pas le détour. Le site proprement dit – la Piazza dei Miracoli : cathédrale, campanile, baptistère et cimetière – est spectaculaire, mais se visite en une demi-journée. Une drôle de maladie semble s’emparer des touristes qui visitent ce lieu. Où que l’on tourne son regard, on voit des gens qui lèvent les bras en souriant vers celui qui les prend en photo. A leur retour au pays, ils montreront fièrement à leur amis que ce sont eux qui ont empêché la Tour de Pise de s’écrouler. Sacré gag !

Pour autant qu’on ait bien préparé son voyage – crème solaire, Imodium, itinéraire vers l’hôtel, devises locale, tenues décentes pour les visites d’église, adaptateur de prise, chapeau et lunettes de soleil, appareil photo – et évité ainsi tout pépin fâcheux, on rentrera chez soi comblé et heureux, les yeux pleins d’images. On aura alors du plaisir à retrouver son foyer et sa petite routine. Quel soulagement de ne plus devoir chercher sur le plan où on se trouve ! Quel plaisir que de savoir, sans réfléchir, quel bus il faut prendre ! Jouer au touriste est très divertissant, mais je n’en ferais jamais mon métier.

Un jeu amusant à faire avec vos amis grands voyageurs est le Travel Bingo : chacun à son tour mentionne un site ou une destination (les chutes du Niagara ! l’Empire State Building ! Lisbonne !) et ceux qui y sont aussi allés lèvent la main. Libre à vous ensuite de décider ce qu’il advient à ceux qui ont des lacunes dans leur tableau de chasse (payer une tournée, faire la vaisselle ou ôter un vêtement, version Strip Travel Bingo !)
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1) Appareil d’interprétation : l’interprète chuchote dans un micro et les délégués ayant besoin de cette langue portent des écouteurs; généralement utilisé lors de visites sur site, quand il n'y a pas de cabines.
2) L’achat sur internet vous donne droit à un bon à échanger au guichet contre le billet d’entrée proprement dit. L’agence qui sert d’intermédiaire prend une commission et l’achat par avance sur internet revient plus cher.
3) Le nombre de visiteurs est bien évidemment limité et on y entre par groupes

vendredi 12 août 2011

Voyage en Normalitude


Chaque fois que je vais à Saint-Jean-de-Luz (pays basque français), je suis frappée par l’atmosphère particulière qui y règne. Je vous parle bien sûr de la haute saison, qui connaît un doublement voire un triplement de la population. La ville et la région sont très fréquentées, essentiellement par des familles françaises. Des gens tout à fait ordinaires. Des gens tellement ordinaires qu’ils en deviennent extraordinaires.

Apparemment, la majorité des Français va en vacances en France. Ils y vont en voiture et aiment faire du camping. Il doit y avoir une dizaine de campings rien qu’à Saint-Jean-de-Luz et environs immédiats. Des Français moyens. Tiens... une expression qu’on n’entend plus. On parle certes de la France d’en-bas, mais ces vacanciers-ci tapent un peu plus haut. La classe moyenne va au camping, la classe moyenne-supérieure va à l’hôtel. L’élite va dans le Lubéron ou à Saint-Tropez, ou alors carrément aux Maldives. La France d’en-bas, quant à elle, ne va pas en vacances du tout.


Le vacancier normal va à la plage. Il est amusant d’observer cette population balnéaire. Au Pays de la Normalitude, les familles ont 1,5 bébé / enfant. Les papas s’appellent Jean-Pierre ou Patrick et j’ai entendu une maman appeler son petit garçon Martin. Martin … ! Et non pas Brayann ou Ethan [pron : étang]. Les fillettes ne s’appellent ni Cassandre ni Océane. On joue au tennis de plage, on lance un frisbee, on fait des mots croisés, on lit le best seller de l’été. Tout le monde est très calme et courtois. On ose laisser ses affaires sur sa natte de plage le temps d’aller se baigner, car on sait qu’on retrouvera tout intact et intouché à son retour.

Il y a beaucoup de monde partout, il faut parfois se battre dans la file pour les glaces, mais de façon générale, tout le monde cohabite pacifiquement et partage fraternellement l’espace de vie disponible. Des familles et encore des familles, qu’on ne vienne pas nous dire que la natalité est en baisse. Des couples de retraités également. Mais très peu de yuppies ou de gays ostensibles, pas de survêt’s et pantalons baggy, pas de tatoués-piercés, pas de disco-techno-ecstasy-à-Ibiza, ni carrés Hermès ni sacs Vuitton. Non, ceci n’est vraiment pas l’endroit pour ça. Je me rappelle toutefois que quand je suis venue à Saint-Jean-de-Luz seule, personne ne me regardait de travers ; les serveurs enlevaient le deuxième couvert sans poser de questions, comme si c’était la chose la plus normale au monde. Ailleurs, on ne vous apporte pas la carte tant que votre vis-à-vis n’est pas arrivé et parfois, on peut attendre très longtemps.


Au Pays de la Normalitude, il n’est pas rare que les familles aient des chiens. Sauf que les chiens ne sont pas des enfants. Les chiens ne sont pas admis dans les stations service. Les chiens ne sont pas admis sur les plages. Ils ne sont évidemment pas admis dans les églises, les musées, les châteaux. Il faut donc feinter et s’arranger ; aller acheter son pique-nique à tour de rôle ; aller à la plage en toute fin de journée. Les enfants peuvent hurler et pisser dans le sable, mais ce n’est bien sûr pas pareil. Il faut aussi trouver un hôtel qui accepte les animaux de compagnie, mais ce n’est encore pas trop difficile.

La Normalitude implique également qu’on ait l’usage de ses deux jambes. Les vacanciers, qui se déplacent tous en voiture, stationnent très volontiers leur véhicule sur le trottoir. Bien obligé, il n’y a tout simplement pas assez de places de stationnement et les transports publics sont pour ainsi dire inexistants. Il y a bien une handiplage et une audio-plage (pour les non-voyants), mais à mon avis, les handicapés ne peuvent pas vraiment aller ailleurs, la ville n’étant pas du tout organisée pour eux. Même en étant valide, on doit constamment se faufiler entre les voitures et les poussettes.

Alors remercions le ciel d’avoir la possibilité physique et les moyens matériels de partir en vacances, car ce n’est pas donné à tout le monde.

Ze French petit-déjeuner

dimanche 24 juillet 2011

Le syndrome d’Asperger


Les maladies peu connues sont des maladies mal comprises et le syndrome d’Asperger est de celles-là. Il s’agit d’une variante de l’autisme, qui se présente sous différentes formes et à des degrés divers. Elle se caractérise par une aptitude très marquée pour les langues, une intelligence particulière (capacité à se concentrer ou à se passionner pour un sujet donné) et un manque d’empathie entraînant l’incapacité à se faire des amis. La première fois que j’ai lu la description du profil d’un asperger, j’ai immédiatement reconnu mon père, trait pour trait.

Mon père a appris à lire tout seul, à l’âge de trois ou quatre ans. A force qu’on lui lise les légendes des grandes illustrations dans la Bible de famille, il a fini par faire des recoupements. Il a passé son bac en passant l’épreuve d’anglais à la place du suédois obligatoire, alors que son école n’offrait pas de cours d’anglais. Comment a-t-il fait, dans la Finlande des années -50, où il ne devait pas être facile de trouver des méthodes Assimil ou des revues en anglais, mystère… Pendant ses études à polytechnique, il gagnait quelques sous en traduisant le Reader’s Digest d’anglais en finnois. Il a obtenu un doctorat en physique, alors qu’il était orphelin de père, sa mère ayant élevé ses trois enfants avec une rente de veuve de pasteur dans une Finlande d’après-guerre n’ayant pas pu bénéficier du plan Marshall. En supposant qu’il ait eu une bourse, il aura néanmoins dû se contenter de très peu pour survivre pendant ses années d’études. Il était doué pour le dessin et la sculpture, il avait aussi un certain talent pour la musique, même s’il ne l’a jamais exploité. Il avait une facilité certaine avec les langues et un esprit scientifique à décorner les bœufs.

Mais le revers de la médaille de cet esprit hors normes était qu’il était particulièrement maladroit en relations humaines. Incapable de se faire des amis, car il avait toujours besoin de montrer qu’il était plus fort et plus intelligent qu’autrui. Il se passionnait pour plein de sujets, jusqu’à la véhémence, mais toute conversation était impossible, car il était toujours dans la confrontation et il avait toujours raison. Toujours. Adolescente, j’étais l’ennemi à abattre pour lui, il semblait ne pas comprendre que je n’étais qu’une enfant, sa fille de surcroît. Combien j’ai pu pleurer et souffrir avec ce père incapable d’être paternel, incapable de me protéger, de me servir de mentor, de tuteur, de modèle, en un mot : de père.


On ne saura jamais s’il souffrait ou non d’un syndrome d’Asperger. Il était très fier de son QI supérieur à la normale et n’aurait jamais accepté qu’on insinue qu’il était malade, voire fou. Ma mère aurait voulu une autopsie de son cerveau pour en avoir le cœur net, mais ça n’aurait évidemment servi à rien.

Si quelqu’un avait pu m’expliquer tout ça quand j’étais enfant, puis adolescente, je me serais épargné bien des larmes, bien des crises de rage, des portes claquées et des accès de haine. Alors si vous croisez des personnes certes talentueuses, notamment dans le rayon linguistique, mais incapables d’empathie et de sympathie, ne vous énervez pas, ne les détestez pas. Elles n’y peuvent rien et elles sont sans doute les premières à en souffrir. L’asperger ressemble à vous et moi, son problème ne saute pas aux yeux comme chez un autiste véritable.

Faute avouée est à moitié pardonnée. Défaut à moitié reconnu est à moitié accepté. Essayons de prendre les gens comme ils sont, on ne pourra jamais les changer.

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Syndrome nommé d’après Hans Asperger (1906-1980), psychiatre autrichien. Ses travaux, datant de 1943, n’ont toutefois pas retenu l’attention de la communauté scientifique, ayant été rédigés en allemand. Ils ont été redécouverts par Lorna Wing, en 1981, un an après la mort d’Asperger.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Asperger
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hans_Asperger
A voir: Mary & Max, film d’animation de Adam Elliot
http://www.imdb.fr/title/tt0978762/combined
A lire: The Curious Incident of the Dog in the Night-Time de Mark Haddon
http://en.wikipedia.org/wiki/The_Curious_Incident_of_the_Dog_in_the_Night-Time
L’auteur nie toutefois avoir voulu décrire un asperger et n’est pas du tout expert en la matière. Ayant lu le livre, j’étais pourtant persuadée qu’il avait un enfant autiste ou asperger dans son entourage proche.

dimanche 17 juillet 2011

Expérience lexico-gastronomique


A l’occasion d’un repas de famille, nous sommes allées manger dans un très bon restaurant que nous connaissons déjà depuis fort longtemps. Ma soeur a remarqué que le menu était aussi traduit en anglais, ce qui nous a offert une bonne rigolade en guise d’apéritif. Une boulette est si vite arrivée, comme ce calamar qui est devenu un "Tittenfisch" en allemand, littéralement un poisson-nichons. Ici, rien de cochon mais Google a malgré tout frappé très fort.

Voyons d’abord ce qu’il y avait comme entrées:

Assiette de crudités
Plate of raw vegetables

Soupe de poisson avec ses croûtons et sa rouille
Soup of Fish with and its crusts and his Rust

Assiette de jambon cru sur salade
Plate of Ham Believed on Salad (Believe it or not!)

Feuilletés de chèvre sur salade
Savoury pasty of nanny goat on salad (mais d’où sort la nanny?)


Les plats de résistance:

Cuisses de grenouilles à la persillade
Thighs of frog in Persillade

Gambas flambées au whisky
Gambas Fires in Whisky

Biscuit de saumon gratinée (attente 20 minutes)
Cookie of salmon browned (wait 20 minutes)

Gratinée de quenelle de brochet sauce normande
Browned by Quenelle of Pike Wipe Norman (something brown and wipes.... erm...)

Médaillon de Bloc de foie gras de canard
Locket of Foie gras of duck

Terrine de campagne sur salade
Bowl of campaign on Salad

Pavé de boeuf poêlé au Beurre
Paving of poelé Beef in the Butter

Filet mignon de porc à la graine de moutarde
Net darling de Porc in the Kernel of Mustard

Confit de canard et sa persillade
Confit of Duck and Sa Persillade

Emincé de gigot d’agneau et son jus au thym
Emincé of lamb’s leg and its Juice in the Thyme (a juice in thyme saves nine?)

Filet mignon de porc aux morilles
Pork cute net in Morels

Faux filet sauce au poivre
Wrong net Wipes in the Pepper

Brochette de boeuf
Kebab of beef

Filet de coeur de merlu blanc sauce au basilic
Net of heart of White Hake wipes in the Basil

Filet de sole tropicale sauce crevettes
Net of tropical Sole Wipes shrimps

Filet de carrelet farci aux crevettes
Net of plaice Stuffed in Shrimps

Filets de perche meunière
Nets of Poles miller

Truite au bleu
Trout in the Blue

Truite au vin jaune
Trout in the yellow Win

Sole meunière
Flour-milling Sole

Sauce forestière, Béarnaise
Sauce forested, from the Béarn

Sauce morilles
Wipe morels


Qu’un filet devienne Net, on peut encore comprendre, mais Wipes?
La carte des desserts n’était malheureusement qu'en français (something to look forward to...?)

Nous nous sommes demandées s’il fallait leur signaler que leur carte était traduite de façon calamiteuse. Ils nous ont sans doute vues pliées de rire sur leurs menus, les larmes aux yeux, les crampes au ventre. Ils ont dû se demander pourquoi je photographiais les énoncés des plats. Ma mère nous demandait de nous tenir tranquille, de peur qu’on ne nous expulse du restaurant. Ma foi, ils ont choisi de faire l’économie d’un traducteur fait de sang et de chair, ils n’ont que ce qu’ils méritent.

Ce restaurant offre cependant une très bonne table, que je recommande chaleureusement. Nous avons mangé sur une terrasse calme et ombragée, on y aurait volontiers passé tout l’après-midi. Il est recommandé de réserver et, comme dans tous les restaurants français en France, il vaut mieux prévoir de manger aux heures très conventionnelles des repas. En effet, nous avons pu constater qu’ils ont commencé à refuser des clients dès 13 heures, alors qu’il restait des tables de libres. Le cuisiner fait sans doute ses 35 heures. Alors qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse... et qu’on se lèche les babines en se payant une pinte de bon sang!
Entretemps, le menu a été traduit en anglais correct, du moins sur le site internet.

dimanche 10 juillet 2011

Identités numériques


Il est difficile de nos jours d’échapper à internet. Telle une alcoolique, j’ai besoin de ma dose quotidienne de connexion, qu’il s’agisse de lire les nouvelles ou mes mails, de réserver des vols et des chambres d’hôtel, de commander des paniers de légumes du terroir, de télécharger de la musique sur iTunes, de consulter mon programme de travail ou bien sûr de perdre du temps avec des bêtises - facebook, YouTube, forums de discussion ou encore blogs (le mien et ceux des autres).

Internet est toutefois un outil à double tranchant. Il nous ouvre les Portes de la Perception et nous met l’univers à portée de clic. Mais il nous apporte aussi des virus, des spams, des héritages aussi faramineux qu’africains, de la publicité ou encore des pétitions à signer pour sauver une fillette qui meurt du cancer quelque part. Je n’ai jamais réussi à comprendre comment on pouvait empêcher quelqu’un de mourir en faisant ça. Etrangement, il s’agit toujours d’enfants, comme quoi, les vieux sont moins porteurs pour ce genre d’opération, qui sert surtout à récolter des adresses e-mail. Facebook est désigné violateur en chef de la vie privée, mais on a tendance à oublier qu’absolument tout ce que nous faisons est enregistré quelque part. Lors d’enquêtes de police, l’examen d’ordinateurs (du suspect, de la victime) livre souvent de précieux indices.


Ce qui m’exaspère, c’est que quasiment tous les sites à transaction (achats, réservations) exigent qu’on crée d’abord un profil, un compte client, avant de pouvoir accéder à ce dont on a besoin. Il serait tentant et facile d’avoir toujours le même, mais ce n’est pas forcément possible. Parfois, on nous impose l’adresse e-mail comme log in et le mot de passe doit souvent obéir à des contraintes (minimum 8 caractères, mélange de chiffres et de lettres). D’autre part, il vaut mieux avoir des identités différentes d’une fois à l’autre, pour compliquer la vie d’éventuels pirates et pour éviter d’éventuels recoupements. Car de nombreux sites savent quelle page vous avez consultée juste avant de venir chez eux (une sombre histoire de cookies, dont certains seraient éternels, comme les diamants de Marilyn). Les formulaires n’acceptent aucun accent ou lettre bizarre, une virgule ou un trait d’union peut vous obliger à tout recommencer. C’est certainement une excellente prophylaxie anti-Alzheimer que de devoir mémoriser tous ces différents sésames électroniques.

L’adresse de courrier électronique est en train de devenir une forme de carte d’identité voire de code ADN sur internet. Sur facebook ou blogspot, on peut absolument tout changer, son nom, sa photo, son état civil, le titre du blog etc... mais il est impossible de modifier l’adresse qui est rattachée au compte de l’internaute. Pour ce faire, il faudrait tout annuler puis recommencer avec un nouveau profil. Ma mère (82 ans) s’est mise au courrier électronique et donne volontiers son adresse aux maisons de vente par correspondance qu’elle fréquente. Même si elle est un peu ébahie par le volume de publicité qu’elle reçoit, cela lui fait malgré tout plaisir de découvrir que You’ve Got Mail! quand elle consulte sa messagerie.


Il est intéressant de voir à quel point on existe dans le cyber-espace. Si j’introduis mon nom dans google, j’obtiens la fiche de mon association professionnelle, avec mes coordonnées et ma combinaison linguistique, ainsi qu’un lien vers l’association des traducteurs-jurés, dont je suis membre. Rien que du positif, une publicité gratuite et pas du tout mensongère. Ensuite, j’obtiens la liste de mes 23 homonymes sur facebook, des pages sur Miss Finlande 1984, ainsi que deux frangines, qui ont les mêmes prénoms que ma soeur et moi, et qui font des compétitions canines (pas nous, faut-il le préciser). Un collègue a un homonyme qui est musicien de jazz afro-américain à New York, aucun risque de confusion, là non plus! Si on s’appelle Philippe Blanc, Patrick Murphy ou Manuela Gonzalez, on peut dormir tranquille... ou pas, si on voudrait que des amis, des clients ou des employeurs nous retrouvent.

Il est sans doute possible de ne pas exister du tout sur internet. Pour cela, il faut choisir une adresse e-mail sans aucun rapport avec son véritable nom, souvent changer d’ordinateur et fréquenter les cyber-cafés, ne jamais rien acheter sur amazon ou eBay, ne jamais remplir le moindre formulaire et bien sûr, ne jamais afficher sa photo. On peut aussi commettre un suicide numérique en effaçant son compte facebook ou twitter. Ou alors jouer les kamikazes numériques, en révélant des choses fracassantes sur son blog avant que la presse n’en n’ait eu vent. En attendant, anybody who’s somebody sera présent sur tous les réseaux sociaux et aura une application iPhone correspondant à son activité.


Dire qu’il y a dix ans encore, rien de tout ceci n’existait, du moins pas avec l’envergure actuelle. Les notebooks sont très récents, sans parler des iPhones, iPads et autres Blackberry. Je me souviens de vacances en Andalousie (1998), où il n’y avait qu’un seul ordinateur dans le lobby. Je ne l’utilisais que pour consulter mes mails et cela, environ 2 fois par semaine. J’avais évidemment beaucoup moins de correspondants qu’aujourd’hui où tout le monde écrit des courriers électroniques à longueur de journée et surtout s’inquiète si vous ne répondez pas dans les 24 heures!

Dorénavant, les vraies vacances, les vraies de vraies, se feront off line! Ne survivront que les plus forts!
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PS: ayant cliqué sur "publier message", je vois une publicité google "Produits ferrmiers bio, livraison à domicile". Il a sans doute suffi que je parle de paniers du terroir dans mon texte! C'est juste un chouïa flippant, en même temps, je suis épatée par ce que les ordinateurs arrivent à faire.

vendredi 1 juillet 2011

Infernale bavarde


«- Alors comment ça va?
Attends un peu... donne-moi mon appareil acoustique, là, sur la table.»

J’ai apporté à ma mère une petite boîte avec 12 petites bouteilles de digestif, elle les apprécie énormément. «- Ah oui, c’est dans les aéroports qu’on trouve ces boîtes, n’est-ce pas?

Alors ta soeur est venue hier. Ses filles ont eu une fête à l’école, pour la fin de l’année. Clotilde avait trouvé une très jolie robe qui lui allait très bien et elle a voulu mettre des chaussures avec des talons hauts comme ça! Figure-toi qu’elle était tellement affairée à se faire belle qu’elle en a oublié ses clefs. Elle a dû appeler à 4h du matin, elle a réveillé toute la maison. Tout de même... Ah, ces jeunes! Elles sont impatientes d’avoir 18 ans, elles pensent qu’elles pourront alors tout faire.

Ta soeur est allée manger à Hermance avec sa famille et elle a rencontré les Sturzenegger qui étaient aussi de sortie, le dimanche. Mais comme son assiette était en train de refroidir, elle n’a pas eu le temps de bavarder très longtemps. Thierry était là aussi, avec sa famille, ta soeur a ainsi pu rencontrer sa femme. C’est bien que Thierry s’occupe de son père, c’est pas facile, cette situation..........

J’ai reçu plusieurs mails. Lida va devoir subir un IRM. Comme tu le sais, elle est Russe, quand j’allais chez eux, il y avait des icônes au mur, illuminées par des bougies. Une ambiance, une culture tellement différente. Je me souviens, ils avaient un magasin, c’était surtout sa mère qui s’en occupait, son père était souvent malade. Quand on a été évacué, en 1939, ils sont partis à Joutsa, comme nous, comme tous les gens du village1). J’avais 10 ans, alors je ne comprenais pas bien, mais elle ne venait pas à l’école, parce qu’elle était russe. Hein? Ah non! Elle parlait très bien le finnois. Non, ils avaient peur, d’ailleurs ils ont changé de nom, pour pas qu’on les repère. Ils avaient peur que les Russes exigent qu’ils soient rapatriés de l’autre côté de la frontière.

Et Erja alors! Sa fille s’est mis en tête de prendre un chien, tu te rends compte! Elle est allée le chercher dans un refuge à Neuchâtel. Comment? Je crois qu’elle connaissait les gens là-bas, enfin je ne sais pas. Et du coup, leur nounou a démissionné! Elle a peur des chiens, comme moi, et elle n’a pas supporté quand la bête lui a sauté dessus. Il est complètement fou et excité, ce chien. Franchement... quelle idée...

J’ai parlé à Olavi, son petit-fils va passer son diplôme de l’école de commerce. J’ai l’impression que, hier encore, c’était son fils qui terminait ses études. Comme les années passent! Il est allé faire un stage en Australie et il a rencontré une Autrichienne là-bas. Elle est à Tampere avec lui en ce moment, et ensuite, c’est lui qui ira en Autriche. Olavi va toujours voir Irja à l’hôpital. Il y va tous les jours et il y passe chaque fois trois heures. C’est tout de même formidable. Dire qu’elle ne le reconnaît même pas...

Oh! comme tu as de jolies sandales! Oh là là! J’ai toujours eu un faible pour les belles chaussures, mais je n’ai jamais pu en porter, mes pieds sont trop moches.
Ça faisait longtemps que je n’avais plus de nouvelles de Mme Benz ni de sa fille. Tu sais, elle a eu ses problèmes avec les yeux. Eh bien, Mme Benz m’a appelée l’autre jour, elle va se faire opérer de la cataracte. Jocelyne n’a toujours pas trouvé de travail, évidemment avec sa dépression, ça n’arrange pas les choses. Et Karine est venue à la soirée des parents avec Kevin, les deux parents auraient dû venir, mais j’ai l’impression que son mari est un bon-à-rien. En tous cas, il n’est pas venu, alors que l’école avait dit expressément que les deux parents devaient être présents. Il est sûrement intelligent, ce petit Kevin, il faudrait juste qu’il puisse se développer dans un contexte plus harmonieux.

Ta soeur a reçu une carte postale de votre cousine. Elle était allée à Rome pour fêter l’anniversaire de son frère. Oui, votre cousin. Comment? Oui, non, ton cousin a fêté ses 50 ans à Rome, ce n’était pas la bonne date, évidemment, et votre cousine a écrit une carte postale. Oh, elle n’a pas raconté grand-chose, mais c’est clair que sur une carte, il n’y a pas beaucoup de place.»

Et patati et patata et patati et patata et patati et patata etc...............
Et c’est pareil à chaque fois................
Et avec 50 ans d’expérience, ça va....................

Ce qui est extraordinaire, c’est qu’au cours d’une visite d’une heure et demie, j’ai réussi - sans faire le moindre effort - à ne rien dire de ce que je fais. Rien du tout. Rien de chez rien. Et quand je dis quelque mots, je dois les répéter, car en dépit de son appareil acoustique, ma mère ne m’entend pas.

Enfant, une de mes maîtresses d’école avait écrit dans mon carnet, sous la note de comportement (eh oui! à l’époque...!) «Infernale bavarde». Et pourtant, j’ai toujours été très sage et appliquée. Que dirait-elle de ma mère? Ce genre de logorrhée aiguë est toutefois compréhensible chez quelqu’un qui aime parler et qui n’a personne à qui bavarder de toute la semaine.

Ce conditionnement familial m’aide sans doute aussi dans mon travail: je ne fais que répéter ce que disent les autres, sans éprouver le besoin de m’épancher et de raconter ma vie. En revanche, je me rattrape dans ce blog ;-)


1) toute la population de la Carélie finlandaise a été évacuée vers le centre du pays en 1939, lors de l’avancée de l’Armée rouge.

dimanche 19 juin 2011

T’es clean ?


Une marque de gel douche essaie de vendre sa soupe avec ce slogan : "Plus t’es clean et moins elles le sont", ce qui n’a pas manqué de me laisser perplexe. Pendant que les hommes se lavent et se parfument, les femmes trichent, mentent, bourrent les urnes et piquent des sous dans la caisse… Meuh non ! Ce n’est pas ce qu’on cherche à nous dire, mais plutôt : quand la femme fait ce que l’homme attend d’elle, c’est-à-dire se déshabiller et s’offrir à lui, elle devient une pas-propre et une s…. pe, contradiction que je n’ai jamais vraiment réussi à comprendre. Qu’on montre une femme nue pour vendre un produit aux hommes, c’est vieux comme le monde, mais là, c’est carrément incompréhensible. De plus, en tant que femme, je n’ai aucune envie d’acheter ce produit qui, de toute façon, ne m’est pas destiné.

Ce n’est qu’une fois qu’on voit la même publicité en anglais ou en allemand qu’on comprend le message et qu’on se rend compte de l’ampleur du désastre. Les campagnes d’affichage coûtant cher, il vaudrait la peine d’investir dans une traduction valable. En effet, n’importe quel francophone vous dira que "pas clean" n’évoque rien de coquin ou de hot. Il suffit de faire une petite recherche google avec ces mots pour trouver: Interface admin pas clean (pas du pur https); pot d’échappement pas clean (rouille/oxydation); c’est vieux et pas clean (critique d’un hôtel à Cherbourg); Sarkozy n’est pas clean! (il devrait sans doute changer de gel douche); la Rom des apple macintosh est elle Clean ou pas Clean ? etc…

La publicité en question nous montre un jeune homme, ni beau ni laid, qui se lave à la plage avec le fameux gel douche. Quand il se retourne (version abrégée), il est entouré de charmantes jeunes filles topless et souriantes qui se couvrent de leurs mains. Des filles pas clean, quoi… En anglais, ça se termine sur: The cleaner you are, the dirtier you get et en allemand: Je sauberer du bist, desto schmutziger wird’s1), ce qui n’est pas du tout moraliste et/ou sexiste. Au contraire, toute cette mousse annonce plutôt quelque chose de piquant et d’amusant. En français, la fille attirée par le parfum sauvage et envoûtant de l’homme est forcément sale et pas nette. En un mot: une traînée. Décidément, il y a encore du pain sur la planche.


A noter qu’il existe deux versions à l’histoire: dans l’une, les filles, qu’on voit de dos, suivent le geste du garçon et font “haut les mains”; dans l’autre, elles font non de la tête, l’air de dire “bien essayé!”

On connaissait déjà l’effet Impulse – Si un inconnu vous offre des fleurs – avec des hommes parfaitement propres et nets, bien sûr. On s’adresse aux femmes sur le mode romantique, alors qu’un produit qui vise le sexe dit fort tapera forcément en-dessous de la ceinture. Ils n’en n’ont pas un peu marre de passer pour des obsédés bas-du-front? Cela dit, les publicités cochonnes peuvent être très drôles, pour autant qu’elles renonçent aux vieux clichés du type maman ou putain. Par exemple:



Commentaire sous la vidéo: What sort of building is this where there live only models, nerds and gay bikers ?

Ou encore la version Guerre du Feu, sur le requiem de Jenkins :


Et la parodie – on n’attrappe pas les mouches avec du vinaigre:


Cela dit, le sexisme dans la publicité n’est pas loin de dépérir. Ces temps-ci, une publicité pour de la téléphonie mobile présente les femmes commes des gourdes qui ne comprennent rien au foot, connaissance essentielle que ne peuvent maîtriser que les hommes. Ah! Que ferions-nous sans eux? J’avoue ne pas connaître la règle du hors-jeu, mais ça ne me paraît pas vraiment indispensable. Un footeux pourrait-il alors m’expliquer pourquoi la BCE relève ses taux directeurs pour lutter contre la chute de l’euro? A moins que ce ne soit l’inflation? Ou alors les radicaux libres?


Autrefois, les femmes attendaient que leurs chevaliers reviennent des croisades, maintenant, les pauvrettes doivent attendre la fin du match... A quand des publicités montrant des femmes castratrices pour vendre des rasoirs? A mon avis, ce n'est pas pour demain. Ni après-demain...


Un excellent article sur le sujet:

http://www.ventscontraires.net/article.cfm/4413_transpire_en_pire.html


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1) plus tu deviens propre et plus tu deviens cochon (en anglais); ... et plus ça devient cochon (en allemand)