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jeudi 29 juillet 2010

Big Brother

Posted by Picasa

#)

Bien des gens décrient facebook, en hurlant à la violation de la vie privée. Cependant, on se méfie beaucoup moins de tous les autres espions qui nous entourent, qui ne sont pourtant pas bien discrets.

Un nouvel ordinateur a récemment fait son entrée dans ma vie (voir La Caverne d’Ali Baba*) et avec lui, j’ai l’impression d’avoir ouvert tout grand ma porte à Big Brother. Tous mes faits et gestes étaient certainement déjà enregistrés par mon précédent ordinateur, mais avec Windows 7, c’est devenu carrément flagrant. Dès la première mise en marche, Toshiba m’a souhaité la bienvenue et m’a proposé de leur permettre de suivre mon activité sur internet, pour optimiser leurs services bien sûr et pour pouvoir me proposer des offres attrayantes. Ensuite, Microsoft m’a proposé la même chose. Sur iTunes, vous pouvez permettre à Genius de suivre vos habitudes et vos préférences et de vous proposer des achats selon vos goûts musicaux.

Ayant téléchargé Picasa, j’ai pu constater dès le premier clic, que toutes mes photos sur ce blog y figuraient déjà, alors que je n’avais strictement rien fait. J’ai alors compris que Blogspot et Picasa faisaient tous deux partie de Google. Au moment de télécharger un album sur Picasa, pour pouvoir le partager avec un groupe de personnes, le programme a eu l’amabilité de me demander si je voulais copier toutes les photos sur mon disque dur ou uniquement le dossier de mon choix. J’ai choisi la deuxième option, mais le logiciel n’en n’a fait qu’à sa tête et voilà que toutes mes photos sont dans Picasa. Je soupçonne qu’elles sont par conséquent aussi accessibles aux "Gens" de Google. Et je me dis que quand j’ai répondu Thanks but no thanks à Toshiba et à Microsoft qui proposaient gentiment de suivre mes mouvements sur internet, ils n’en font probablement qu’à leur tête aussi.

Dorénavant, pour avoir une messagerie Outlook, on est obligé de créer un compte Windowslive, qui vous propose – mais est-ce vraiment un choix ? – de synchroniser votre mail avec votre compte facebook et de partager vos photos avec vos amis. On vous propose aussi de "vous dévoiler un peu", en mettant une photo de vous et en affichant des informations à votre sujet. Un peu comme sur facebook.


Bizarrement, facebook ne me fait pas flipper, car il me semble que ça ne prétend pas être autre chose que ce que c’est. On affiche les infos et les photos qu’on veut et on les partage avec les personnes de son choix. Avec Google et Windows, j’ai l’impression qu’on lit mon courrier et qu’on regarde mes photos, sans que je ne sache qui lit ou qui regarde. D’autre part, on n’a pas vraiment le choix : on (je) ne peut (peux) plus vivre sans internet ni courrier électronique.

Dans le contrat de licence de Windowslive, un passage dit (je n’ai évidemment pas tout lu) que Windows se réserve le droit de stocker des informations à mon sujet et de les envoyer aux Etats-Unis. Un peu comme les données sur les passager des avions, qui sont systématiquement envoyées et stockées aux USA. Mais tout cela dans le cadre de la politique de confidentialité de Microsoft. Ouf, on respire.

D’autre part, je me demande qui peuvent bien être les pauvres diables qui vont devoir lire mon courrier et regarder mes photos. J’ai vaguement essayé de brouiller ma piste en créant différentes adresses e-mail pour différents usages, mais ça devient vite difficile à gérer. Je couvre la webcam de mon ordinateur, des fois qu’un programme pirate me filmerait en train de me moucher.

Ma petite vie est déjà amplement cartographiée grâce à mes cartes Cumulus et Supercard, ma carte de crédit et ma carte fnac. De plus, les téléphones mobiles et les appareils photos sont maintenant tous équipés de GPS, donc inutile d’essayer de cacher où vous êtes. Il faudrait revenir à l’argent comptant, au téléphone fixe, au courrier papier et aller dans différents cyber-cafés pour éviter de laisser des traces.

Mais finalement, à quoi cela servirait-il ? Migros et Coop savent, grâce à mes achats, que je suis une femme vivant seule, sans chat ni chien ni hamster. La belle affaire. D’autre part, ils sauront aussi qu’ils ont intérêt à avoir des Fisherman’s Friend et du lait de soja en stock.

Voilà : je viens de faire des révélations fracassantes sur ma vie intime et sur internet, de surcroît. Mais surtout, que cela reste entre nous !

#) photo recadrée via Picasa - je ne peux plus faire autrement - et téléchargée via Picasa - je ne peux plus faire autrement - raison pour laquelle le logo Picasa s'affiche.

*) http://tiina-gva.blogspot.com/2010/07/la-caverne-dali-baba.html
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PS : je viens d’aller sur blogspot et la page me propose de me logger avec une des mes adresses e-mail que je n’ai jamais utilisées nulle part, elle ne me sert que d’archive. Ça prouve bien que Blogspot/Google/Windows/ s’introduit sans peine dans mon compte de messagerie… Au secours !

PPS: Un article paru dans The Independent en 2007 confirme mes soupçons: http://notes2self.net/archive/2007/05/24/independent-google-is-watching-you-big-brother-row-over-plans-for-personal-database.aspx

samedi 24 juillet 2010

Les Demoiselles de Rochefort


Il y a environ un quart de siècle de cela, une amie m’a fait découvrir la musique de cette comédie musicale, composée par Michel Legrand avec des textes de Jacques Demy. Elle m’a tout de suite collé à la peau, alors que les Parapluies de Cherbourg m’avaient plutôt laissée indifférente. Ça tient sans doute au côté un peu loufoque de l’intrigue et de la douce poésie foldingue des paroles. Récemment, le film est passé sur arte et j’ai enfin pu mettre des images sur la musique et des visages sur les paroles. La magie tient toujours, bien que le film soit presque aussi vieux que moi.

C’est l’histoire de boy meets girl, avec l’aide du destin qui fait se croiser les chemins des uns et des autres. Ces chemins ne cessent de se rater ou de s’éviter pendant près de deux heures, mais fort heureusement, chacun finit par trouver sa chacune. Les demoiselles sont des sœurs jumelles (Catherine Deneuve et sa sœur, Françoise Dorléac), l’une est danseuse, l’autre musicienne. L’une trouve son amoureux par le biais de la peinture, l’autre grâce à la musique. Les très jeunes Jacques Perrin (Maxence), Danielle Darrieux (la maman des jumelles), Michel Piccoli (Simon Dame) et le plus-si-jeune Gene Kelly jouent également dans le film. Tous sont doublés pour le chant, à l’exception de Danielle Darrieux.

Quand Catherine Deneuve marche dans la rue, les gens autour d’elle se mettent à danser et à faire des cabrioles et Gene Kelly saute dans sa voiture, tout sourire et démarre en chantant chabadabadib-dip-diboubaa ! Un jeune marin part en perm’ à Nantes (Ah ! l’astuce est amusante !) et la maman des jumelles a renoncé au grand amour car, pour rien au monde, elle ne voulait s’appeler Madame Dame. Et voilà qu’une femme découpée en morceaux a été découverte rue de la Bienséance, à deux pas du château :

J'ai été arrêtée par un car de police
En rentrant de l'école où j'ai mis votre fils
Je me suis renseignée, on cherchait un sadique
Que certains qualifiaient de fou métaphysique
D'autres disaient de lui que c'est laid, que c'est lâche
L'arme du crime étant ou la scie ou la hache
Le monstre avait coupé la dame savamment
Et rangé les morceaux avec discernement

Alors que les uns cherchent leur Idéal Féminin ou l’Homme de leur Vie, d’autres cherchent plutôt la bagatelle :

Les marins sont bien plus marrants
Que tous les forains réunis
Les marins font de mauvais maris
Mais les marins font de bons amants
Marins, amis, amants ou maris
Les marins sont toujours absents

Le Happy End n’arrive qu’à la toute fin du film, quand on n’y croyait presque plus. L’astuce est vraiment amusante : le spectateur pense que Cupidon avait oublié Delphine Garnier et voilà que le Destin doublé du Hasard vient mettre son grain de sel ; le film se termine et on reste tout là tout bête et on en redemande !

Un vrai rayon de soleil dans un monde de brutes et une perle indémodable.

jeudi 15 juillet 2010

There’s no place like home


Avec la vie de bâton de chaise que je mène, il m'arrive forcément parfois – et même souvent – de devoir loger à l'hôtel. C’est une vie qui peut paraître glamour aux yeux de certains, comme le fait de prendre l’avion pour se rendre au travail, mais les choses ne sont pas toujours aussi roses qu’on se l’imagine.

Il y a essentiellement trois raisons d’aller à l’hôtel : dormir, se laver et prendre le petit-déjeuner. Ça paraît tout bête, comme ça, mais les personnes qui conçoivent les chambres d’hôtel n’y ont certainement jamais passé une nuit de leur vie. Je passe sur les chambres bruyantes et exiguës, dans des quartiers chauds ou douteux, car je ne vais évidemment que dans des endroits "très bien".

Justement, à l’occasion d’une conférence, j’ai été logée par l’organisateur dans un hôtel cinq étoiles à Rome, dans lequel je ne retournerai certainement jamais, mais pas à cause du prix (que je ne connais d’ailleurs pas). La chambre était assez grande, donnait sur une cour moche, donc silencieuse, mais la climatisation était archi-bruyante et impossible à éteindre. J’ai passé la nuit avec des boules Quiès et un pull. Ça m’a permis d’apprendre que "bruit" se dit "rumore" en italien : la climatizzazzione fa molto rumore, ou quelque chose du genre. Et la douche : une magnifique salle de bains, avec pleins de petits flacons et de savonnettes parfumées, mais un mitigeur sorti tout droit de l’enfer : on avait le choix entre glacé et bouillant. Heureusement que je n’y ai passé qu’une nuit *). J’ai prolongé mon séjour à Rome, mais les nuitées suivantes, je les ai passées dans un hôtel bien plus ordinaire mais aussi bien plus confortable.



Quasiment tous les hôtels ont été traumatisés par les vols de cintres. Mais qui donc en est réduit à voler les cintres des hôtels ? A cause de ces âmes désespérées, les chambres sont désormais toutes équipées de ces cintres anti-vol archi-agaçants, qui demandent une patience infinie pour coincer le petit clou dans la petite fente du machin qui n’arrête pas de bouger. Grrr.

Le mini-bar : je ne m’en sers jamais, mais quand il n’y en a pas, j’ai forcément un yaourt à mettre au frais ou envie d’un petit whisky avant d’aller me coucher. Une fois que j’avais laissé un yaourt sur le rebord de la fenêtre, j’ai été réveillée au petit matin par un drôle de bruit qui faisait pic-pic-pic très doucement. C’était un oiseau, qui avait percé le couvercle en aluminium et qui s’offrait un petit festin. J’ai été épatée par cette capacité d’adaptation : l’oiseau savait qu’il y avait quelque chose de nourrissant sous le couvercle en alu.

De façon générale, les chambres sont très mal conçues. La lumière est toujours tamisée, à croire que les chambres d’hôtel ne servent qu’aux rendez-vous coquins. Si on a des documents à lire, le mieux est encore d’aller s’asseoir sur la cuvette des toilettes, en général, c’est bien éclairé. Les tables de travail sont rares. On doit se contenter des tables de chevet et de l’éclairage soft pour écrire ses cartes postales. La télévision est souvent mal placée : par exemple au plafond et on doit se coucher sur le lit pour la regarder. Ou alors s’asseoir au bout de lit, sans dossier. Parfois, il n’y a que trois chaînes locales, par exemple en polonais, et CNN. Youpie.



Les salles de bains sont un chapitre à part : une douche minuscule, mansardée ou la baignoire sans rideau ; ou alors la demi-paroi en verre qui vous oblige à vous coincer dans un coin si vous ne voulez pas tout inonder ; les flacons avec de minuscules goulots d’où rien ne sort ; les sachets de gel douche impossibles à ouvrir les mains mouillées ; un porte-savon en forme de grille sur lequel il est impossible de poser le sachet de gel douche qu’on a de toutes façons massacré en tentant de l’ouvrir ; ou alors, pas de savon du tout… Ma préférence va clairement au distributeur de gel-shampooing fixé au mur.

Le petit-déjeuner : il coûte en général plus cher qu’une entrecôte aux morilles. En France, il arrive encore très souvent qu’on vous serve un croissant et un morceau de baguette. C’est absolument délicieux et so very French ! mais certainement très choquant pour des gens soucieux de leur santé. Il arrive souvent qu’on doive se farcir une radio qui est réglée juste assez fort pour faire bruit de fond, mais pas assez pour qu’on puisse suivre les nouvelles. Il m’est arrivé récemment de démarrer ma journée en compagnie de Jimmy Hendrix. Peut mieux faire…

Heureusement, les hôtels sont tous devenus non-fumeurs : une chambre sentant la cigarette froide est totalement déprimante. Un de mes critères de réservation est désormais la WiFi. Les petits hôtels l’offrent généralement gratuitement, alors que les chaînes et les hôtels pour hommes d'affaires la font payer très cher. De nos jours, internet devrait faire partie des services offerts par les hôtels, au même titre que le sèche-cheveux ou la télévision.

Quand je trouve un hôtel qui fait tout juste – calme, oreillers à plume, douche agréable, bon petit-déjeuner – j’y retourne volontiers. Et quand le personnel commence à me reconnaître, je me sens presque at home. Mais en fin de compte, on n’est jamais si bien que chez soi.
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*) sans vouloir être parano… on a sans doute donné à l’interprète une des pires chambres. Je ne voudrais donc pas condamner l’hôtel dans sa totalité. Les ministres et les princesses se voient certainement attribuer de meilleures chambres

vendredi 2 juillet 2010

La caverne d’Ali Baba



Mon ordinateur a commencé à devenir de plus en plus en plus lent, jusqu’à ne plus se réveiller qu’une fois sur deux après avoir été arrêté ou mis en veille. Après plusieurs quasi-arrêts cardiaques (de mon côté) et des sauvegardes d’urgence, j’ai décidé de l’apporter chez Docteur Informatika.

Une tanière magique se trouve à quelques 300 mètres de chez moi : l’établi de l’homme qui répare les ordinateurs, quel que soit le modèle, le processeur ou le millésime de la chose. Lorsqu’on franchit la porte en verre rapiécé, couverte d’affiches, on se retrouve plongé dans la quatrième dimension, peut-être même la cinquième. Parmi des carcasses de toutes les marques et de toutes les tailles, desktops, laptops, câbles ou disques, on trouve toujours deux ou trois personnes, qui sont parfois des clients, mais pas forcément. En effet, on passe chez Informatika pour dire bonjour, pour prendre rendez-vous ou pour rester assis sur un tabouret, parfois plusieurs heures voire plusieurs jours. C’est le souk du XXIème siècle : un capharnaüm avec de la marchandise du sol au plafond, du chenil 1), du brol 2), du fourbi, du bronx tous azimuts, il ne manque que le service de thé à la menthe. Ça discute processeurs, téléchargements ou Coupe du Monde.


Il se passe toujours quelque chose dans la boutique de l’artisan, qu’on ne voit jamais les bras ballants ni derrière un ballon de blanc au bistrot d’en-face. Il s’occupe avec gentillesse et patience de chaque personne qui vient le voir et écoute attentivement l’exposé du problème, tout en continuant à revisser un boîtier ou à faire des copier-collés.

Etant donné qu’il n’y a pas de distributeur de tickets, chacun passe à son tour, selon un système de type fuzzy logic. Tout nouveau venu relègue les anciens d’un cran en arrière dans l’ordre d’attente. Il ne faut surtout pas attendre poliment, car si on n’y prend garde, on risque bien d’y passer plus de temps que prévu. En effet, Docteur Informatika est parfaitement capable de répondre au téléphone tout en continuant à chercher une clé USB ou un disque dur dans le désordre systématique et certainement logique qui envahit tout l’espace autour de lui. Dès qu’il raccroche, il vous écoute, pour autant que vous manifestiez votre besoin de dire quelque chose. Et si vous n’avez rien à dire, vous serez néanmoins le bienvenu dans son échoppe, qui, comme la Maison du Seigneur, est ouverte à toutes les brebis égarées du quartier.

Cela fait maintenant bien deux semaines que mon ordinateur est aux soins intensifs chez lui, son mal mystérieux semblant résister, tel le village d’Astérix, à toutes les tentatives de réanimation. J’ai même vu le bon Docteur écouter le ventre de mon bébé avec un stéthoscope, car il le trouvait trop silencieux. Son petit cœur aurait-il arrêté de battre ?

Pendant ce temps, je me débrouille tant bien que mal avec mon notebook et mon iPhone et j’utilise les imprimantes que je trouve au travail, mais c’est un peu comme d’avoir le bras droit dans le plâtre : j’arrive à faire ce que j’ai à faire, ce serait juste mieux avec un vrai grand ordinateur avec un bel écran qui ne joue pas les Belles au Bois-Dormant.

Informatika, 65, Bd Saint-Georges, 1205 Genève
079-640.55.58 et 022-329.95.19
Ouvert à partir de 15h environ et jusque tard le soir (voire très tard)

Le magasin a fermé ses portes


1) mot suisse romand, signifiant désordre, fouillis, fatras ☺
2) mot belge, signifiant désordre, fouillis, fatras ☺

vendredi 25 juin 2010

La Visite Chez Le Notaire



Six mois s’étant écoulés depuis le décès de mon père, voici venu moment de signer l’acte de succession. Ma mère, ma sœur et moi nous sommes donc rendues à l’office notarial.

Pendant que nous paraphions et signions les documents, le notaire commence cette phrase : "Chez vous, en Suède…" Ma sœur et moi l’interrompons : "En Finlande". Il reprend : "Oui, donc en Suède… " "En Finlande", reprenons-nous en chœur. Regard stupéfait du notaire qui a) en tant qu’homme et b) en tant que notaire ne doit pas avoir l’habitude de se faire reprendre de la sorte, par deux blondasses de surcroît. Il réfléchit, perplexe, puis dit : "Ah, oui, c’est ce pays tout en longueur ?" "Non, ça, c’est la Norvège." Sa stupeur et sa perplexité vont s’intensifiant.

Mon agenda contient une mini mappemonde et je lui montre la Finlande, là, entre la Suède et la Russie. Ah ! Evidemment, ce n’est pas tous les jours qu’il a des Finlandais dans son office, notre brave notaire. Et voilà que s’en suit l’habituel barrage de questions : Mais vous n’êtes pas dans l’Europe ? Ah oui ?!?! Et vous avez l’euro ? Ah ! Et votre langue, ça ressemble au suédois ? Non ? Au russe, alors ? Non (voir Puhutteko suomea ? ). Et le régime politique ? Et vous payez beaucoup d’impôts, n’est-ce pas (s’il y a bien une chose pour laquelle les pays nordiques sont connus, c’est pour ça) ? Ma sœur et moi échangeons un regard de connivence, elle a visiblement l’habitude, comme moi, de répondre éternellement à ces mêmes questions.

"Et vous retournez souvent à HelsinSKI ?" Ça aussi, c’est un grand classique, mais il n’y a que les Français pour dire ça, quand ce n’est pas : "votre capitale, c’est bien Reykjavik ?" Je commençais à soupçonner qu’il ne cherchât à détourner notre attention et que les documents que nous étions en train de signer avaient peut-être été subrepticement modifiés, afin de nous déposséder des avoirs de mon père. En effet, j’étais en train de signer des documents auxquels je ne comprenais pas grand-chose et pourtant, je me targue d’être tout de même raisonnablement instruite. Par exemple : "Héritiers ensemble pour le tout ou chacun divisèment pour la moitié, sauf à tenir compte des droits du conjoint survivant". Qui reçoit quoi ? La totalité pour tous ensemble ou la moitié chacun ? Mais si nous sommes trois, ça donne quoi ? Et les "rapports de libéralités, mais dont l’exercice est limité aux biens existants… " J’espère bien, les libéralités étant "un don fait avec générosité".

Le cours d’histoire-géo touchant à sa fin, le notaire nous dit : "Ça fera X.XXX,- euros", comme ça, sans facture, sans ventilation des émoluments, taxes et frais de notaire. Ma mère a reçu sous les yeux le chiffre manuscrit et au crayon, inscrit par la secrétaire parmi d’autres notes, et a sagement établi un chèque. La note suivra, mais à mes yeux de Suissesse doublée d’une protestante luthérienne nordique, cette pratique me paraît des plus étranges, étant donné qu’il s’agissait tout de même d’une somme rondelette.

Ma sœur et moi avons vivement encouragé Me Notaire à aller passer des vacances dans notre beau pays. Il me semble que notre visite lui a fait une forte impression. Il ne doit pas lui arriver tous les jours de découvrir des lacunes dans ses connaissances, lui, Le Représentant De L’Etat. Oh ! Ce n’est pas un reproche, loin de là. Moi, c’est tous les jours que je découvre combien de choses j’ignore encore.

PS : ce matin même, un collègue m’interpelle : "Salut, l’Islandaise ! Alors tu vas aller en vacances en Islande ?" Je lui ai simplement répondu que non, la stricte vérité, en somme….

mardi 22 juin 2010

La fierté d’une petite nation



Etant donné qu’il est impossible d’ignorer la Coupe du Monde de football qui est en train de se dérouler en Afrique du Sud, autant suivre les événements dont tout le monde parle. Ce qui me frappe le plus, c’est le parallélisme entre les destinées des équipes de France et de Suisse. Parallélisme est bien le mot juste, puisqu’il s’agit de deux lignes droites condamnées à ne jamais se rencontrer – c’est la fille de mon père qui vous parle, voir le sujet précédent.

La France est omniprésente à Genève, elle nous entoure de partout. De nombreux Français viennent travailler à Genève et les Genevois sont tout aussi nombreux à aller faire leurs courses en France voisine. Tel un vieux couple, les deux nations s’aiment et se détestent, qu’il s’agisse des frontaliers qui viennent travailler en Suisse ou du prix de l’immobilier qui grimpe en France, qu’il s’agisse du CEVA ou du secret bancaire. Genève est indéniablement le plus français des cantons de Suisse. Mais revenons au football…

Alors que l’équipe de France semble avoir perdu avant même que le championnat n’ait commencé, les Suisses sont sur un petit nuage depuis qu’ils ont marqué un but contre l’Espagne, championne d’Europe, qui a sans doute péché par excès de confiance. Les commentateurs radio étaient survoltés, on aurait dit qu’un Suisse venait de marcher sur la lune. Le pays tout entier exulte. J’ai même remarqué une voiture dont les rétroviseurs étaient décorés de petites moufles aux couleurs du drapeau suisse.

Pendant ce temps-là, sur une ligne parallèle, les Bleus nous font la Ferme des Célébrités en direct live. Dans les épisodes précédents, la main de Thierry Henry – les Irlandais doivent se délecter de Schadenfreude (1) – et les mauvaises fréquentations de Ribéry, aussi mineures que vénales; les insultes de vestiaire d’Anelka, le boycott de l’entraînement et la démission vindicative du président de l’équipe ; le sélectionneur Domenech qui qualifie leur comportement d'aberration, d'imbécillité et de stupidité sans nom. Ambiance. Dire qu’on comptait sur eux pour faire passer la réforme du régime des retraites en douceur…

Les Suisses ont perdu 1-0 contre le Chili, mais ils trouvent malgré tout formidable d’être là. Même s’ils ne parviennent pas jusqu’aux huitièmes de finale, ils auront participé, ils auront au moins marqué un but, ils sont contents. Alors que l’équipe de France semble avoir oublié pourquoi ils sont venus loger dans un hôtel dont leurs nuitées accumulées équivalent au PIB du Botswana.

L’Histoire marque indéniablement l’égo des nations. En Irlande, j’ai été frappée par des autocollants sur des voitures disant God made the Irish. Ce qui est certainement vrai, mais pourrait-on imaginer la même chose sur une voiture immatriculée en Allemagne ? Ou encore des t-shirts disant Kiss me, I’m Irish. Imaginez la même chose sur un Français…

Un célèbre D-Jay a sorti un disque intitulé F*** me, I’m famous. Voilà peut-être une idée de t-shirt pour l’équipe de France !

P.S .: à l’heure où nous mettons sous presse, l’Afrique du Sud et la France sont toutes deux éliminées de la Coupe du Monde. Les Sud-africains font la fête malgré tout. La défaite est moins lourde à porter pour les petites nations (au sens footballistique).
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(1) pour les nuls qui n’auraient pas suivi : Thierry Henry a commis une faute de main qui a permis à la France de se qualifier pour la présente Coupe du Monde, écartant l’Irlande.
(1) Pour les nuls bis, Schadenfreude est un mot dont on dit qu’il n’existe qu’en allemand – et en finnois dans une traduction littérale, la joie du dommage – bien que ce soit un sentiment que tous les peuples de la terre sont capables de ressentir : se réjouir des ennuis d’autrui, la vengeance du pauvre.

mardi 15 juin 2010

Métempsycose



Mon père, grand esprit scientifique devant l’éternel, a quitté cette vallée de larmes l’année dernière pour aller rejoindre, du moins je l’espère, les terrains de chasse de ses ancêtres, accueilli sans doute par plusieurs milliers de vierges qui l’attendaient dans des jardins verdoyants.

Nous qui sommes restés de ce côté-ci de l’au-delà avons eu à trier les affaires mortelles qu’il a laissées derrière lui. Comme c’était à prévoir, il y avait beaucoup de banal, mais aussi quelques surprises amusantes ou émouvantes. Comme ce petit carnet gris rempli de formules mathématiques, datant des années -60 et qu’il a religieusement gardé dans un tiroir toutes ces années. J’ai eu à nettoyer, en vue des les donner à recycler, deux de ses ordinateurs portables. J’y ai découvert de très vieilles photos scannées (1), ainsi qu’une photo plus récente de mon père, lors d’une visite au CERN. C’était presque surréaliste de revoir mon père, tel qu’il était ces dernières années, mais avant qu’il ne tombe malade ; une photo que je n’avais jamais vue auparavant. C’était très étrange…. Parcourir ses fichiers m’a permis de me rendre compte à quel point la ville de ses origines lui tenait à cœur, malgré toutes ces années passées à l’étranger. J'ai découvert aussi que, malgré son intelligence excessive, il n’allait pas forcément toujours chercher très loin. C’est ainsi que j’ai réussi à deviner, sur une intuition, le mot de passe de l’un de ses ordinateurs : kuopio(2). What else ?

Nous avons porté six sacs Migros remplis de livres de maths et de physique à la bibliothèque de la faculté de mathématiques, qui était ravie ; un gros sac rempli de salade de câbles et d’adaptateurs en tous genres pour l’association Réalise (3) ; des habits et des chaussures pour Emmaüs, bien sûr ; une trentaine de dictionnaires, que j’ai transportés 5kg à la fois, jusqu’à Strasbourg, où des collègues finlandais ont pris le relais ; une collection de pièces de monnaies d'Iran, d'Argentine, du Japon ou d'ailleurs, datant des années -60 ou plus anciennes, qui ont atterri chez un numismate; et enfin, deux règles à calcul et deux calculatrices avec des fonctions sinus et cosinus, qui ont fait le bonheur de la faculté des sciences. Mon interlocuteur trouvait une de ces calculatrices tellement formidable – il a eu la même dans les années -80, ça l'a rendu tout nostalgique – qu’il ne comprenait pas que je ne souhaite pas la garder. Il est loin de se douter que depuis le jour où j’ai passé mon bac, j’ai pris grand soin de ne plus jamais croiser le moindre logarithme sur mon chemin.

Ainsi, les cendres de mon père, qui s’ennuient dans leur urne, n’ont toujours pas été dispersées conformément à ses vœux. Mais son esprit athée a trouvé le moyen de voyager et de revivre aux quatre coins du canton et au-delà, que ce soit dans un vieil ordinateur qui a trouvé un nouveau foyer, peut-être même en Afrique, par le biais d'un livre sur le dernier théorème de Fermat qui fait sans doute le bonheur d’un étudiant ou encore sur le bureau d’un compatriote qui traduit, comme lui, des modes d’emploi techniques.
A chacun sa réincarnation.
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(1) on peut en voir quelques unes dans le tout premier billet de ce blog
http://tiina-gva.blogspot.com/2010/05/commencons-par-le-commencement.html
(2) ville de Finlande, où mon père a vécu jeune
(3) http://www.realise.ch/