C’est l’histoire d’un homme qui a aimé une jeune femme. Elle avait des rêves pour deux. Elle voulait qu’ils vivent ensemble, qu’il devienne un grand écrivain, un professeur d’université et qu’ils aient un chien couleur du soleil. Mais un jour, cette jeune femme a disparu. On ne l’a jamais retrouvée. L’homme, lui, est resté dans la maison, à attendre. Il est devenu un grand écrivain, il est devenu professeur à l’université, il a eu un chien couleur du soleil. Il a fait exactement tout ce qu’elle lui avait demandé, et il l’a attendue. Il n’a jamais aimé personne d’autre. Il a attendu, fidèlement, qu’elle revienne. Mais elle n’est jamais revenue.
La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert de Joël Dicker
Ça y est: j’ai terminé le phénomène de la rentrée littéraire, le best-seller au succès fulgurant, Prix de l’Académie française, Prix Goncourt des lycéens, dont les droits de traduction ont été vendus à 35 pays.... et je suis complètement sonnée.
Ça faisait bien longtemps que ça ne m’était plus arrivé: un livre que je lis avec plaisir. Un livre du bon vieux temps où on savait encore écrire des romans: une intrigue cohérente et pourtant loin d’être simple ni simplette; des personnages crédibles, une atmosphère bien marquée, qui crée une ambiance qui vous obsède pendant 650 pages. Pas de redites ni de répétitions - sauf celles qui sont voulues - pas de lourdeurs, des pages qui se tournent toutes seules. Un style simple et agréable, l’auteur ne recherche pas de tournures ampoulées ni tarabiscotées pour faire intello. Et surtout, ce que j’adore: une structure en puzzle, avec des aller-retours entre le passé et le présent et une alternance de points de vue subjectifs, qui créent une sorte de prisme autour des événements décrits.
Pour ce qui est de l’ambiance, on a l’impression d’être dans Twin Peaks. On retrouve le cadavre d’une adolescente disparue: Qui a tué Laura Palmer? Il y a un peu de American Beauty, une très jolie jeune fille, un père autoritaire qui bricole beaucoup dans son garage. Un chouïa de Belle du Seigneur, pour ce qui est du récit par plusieurs personnes et aussi le thème de l’Amour Fou. Ou encore Le manuscrit trouvé à Saragosse, pour le côté livre dans le livre, bien que l’Affaire Harry Quebert ne comporte pas d'histoires qui s'emboîtent.
A aucun moment, on ne se désintéresse de l’histoire. Comme dans tout bon polar, on suit docilement les fausses pistes que l’auteur se délecte à glisser sous nos yeux, comme autant de savonnettes qui nous envoient droit dans le mur. Comme chez Agatha Christie, tous les personnages sont suspects, à tour de rôle. On y aborde la pédophilie, le racisme, l’homosexualité, le harcèlement sexuel, la peine de mort et l’hystérie que peuvent créer les médias. Mais au coeur de l’histoire, il y a des gens très ordinaires, tous d'honnêtes citoyens d’une petite bourgade américaine sans histoires.
Ce qui rend ce livre différent, ce sont ses constantes mises en abyme, car c’est à la fois une histoire d’amour et une histoire sur les livres et l’écriture. Adieu Nola. Sois heureuse. Aime mon livre comme j’aurais voulu que tu m’aimes. Il est impossible de ne pas faire le parallèle entre Marcus Goldmann, qui est en train de nous raconter l’écriture du roman intitulé «L’affaire Harry Quebert», immense succès de libraire, et Joël Dicker, auteur de «La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert». Il faut constamment se rappeler que, lorsqu’il écrivait son roman, l’auteur ne pouvait pas savoir qu’il allait être dans tous les journaux et passer à la télé, comme le héros de son roman. L’éditeur dans la vraie vie a fait des calculs d’opportunité commerciale, certes risqués - faire sortir «La vérité...» parmi les centaines de livres de la rentrée littéraire - tout comme le fait l’éditeur dans le roman, qui tient surtout à ce que «L’affaire Harry Quebert» sorte avant les élections présidentielles, car il sera alors impossible d’avoir l’attention du public.
On reproche à l’auteur de ne pas savoir écrire, que son style est plat, que son succès ne serait qu’une imposture. Il est vrai qu’on a parfois l’impression de lire un roman qui serait traduit de l’américain, mais ce n’est vraiment pas gênant, car cela correspond à l’ambiance générale du livre. En le lisant, on a l’impression d’être au cinéma. Même s’il ne «réinvente pas la langue française», comme on a pu le lire souvent, il n’y a rien d’incorrect dans l’écriture de Joël Dicker. Combien d’auteurs contemporains réinventent donc la langue française, je vous le demande. Certainement pas les traducteurs de Millenium, qui s’est pourtant écoulé à des millions d’exemplaires sans que personne ne bronche. Et si vous voulez du style plat, prenez donc Murakami, auteur à méga-succès international:
Je retournai au salon. Miu était installée dans un fauteuil, un verre de cognac à la main. Elle m’en proposa un, mais j’avais plutôt envie d’une bière bien fraîche. J’ouvris le réfrigérateur moi-même, y pris une Amstel que je versai dans un verre à long pied. Passionnant et tellement bien écrit... Ou encore: J’avalai quelques bouchées de pain frais et campagnard.1)
Alors que de nos jours, les romans écrits en français sont d’une indigence affligeante et ne dépassent que rarement 180 pages écrit gros, voilà un outsider qui apporte un vent aussi frais que bienvenu. L’auteur a su perdre ce que la fiction parisienne peut posséder d’étriqué et de convenu. [Il] a su venir au roman romanesque, à l’américaine, où il arrive plein de choses.2) Plus on avance dans l’histoire, et plus le mystère s’épaissit. Jamais l’intérêt et la curiosité de se relâchent. Les rebondissements vont s’accélérant dans les dernières pages du roman, emportant le lecteur dans un véritable tourbillon. Un des fils conducteurs de ce pavé est la boxe: après avoir tourné la dernière page, j’étais littéralement K.O.
"Un bon livre, Marcus, est un livre que l’on regrette d’avoir terminé."
"Chérissez l'amour, Marcus. Faites-en votre plus belle conquête, votre seule ambition. Après les hommes, il y aura d'autres hommes. Après les livres, il y aura d'autres livres. Après la gloire, il y a d'autres gloires. Après l'argent, il y a encore de l'argent. Mais après l'amour, Marcus, après l'amour, il n'y a plus que le sel des larmes."
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- Les amants du Spoutnik de Haruki Murakami
- Etienne Dumont dans la Tribune de Genève du 19-20 janvier 2013
Joël Dicker chez Laurent Ruquier, le 3.11.2012
Le site de Joël Dicker
Article paru dans Le Figaro le 7.11.2012 ICI