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dimanche 27 juillet 2025

La visite de l’observatoire de Sauverny (Versoix)

Il vaut la peine de faire l'excursion jusqu’à Sauverny, au-dessus de Versoix, près de Genève, pour découvrir l’observatoire de l’Université de Genève, utilisé également par l’EPFL, qui y a son laboratoire d’astrophysique (LASTRO). Le site se trouve en pleine nature, au milieu des bois, à proximité de la frontière française. Le tout premier observatoire a été créé en ville de Genève par l’astronome genevois Jacques André Mallet en 1772. Il était situé sur une colline adjacente à la vieille ville - le bastion Saint-Antoine, actuellement la Promenade de l’Observatoire - en face du Musée d’art et d’histoire. La ville s’étant fortement développée après la démolition des fortifications, une ville dorénavant bien éclairée la nuit grâce à l’électricité, cet emplacement n’était plus approprié pour l’observation du ciel à cause de la pollution lumineuse. L’ancien observatoire a été démoli en 1969 et le nouveau a été inauguré en 1967 dans cet endroit plus isolé. Environ 200 personnes y travaillent, dont 22 professeurs et 44 doctorants. 

Le département d’astronomie de l’Université de Genève compte également sur l’ISDC Data Centre for Astrophysics (Integral Science Data Centre), situé à Écogia, également dans la commune de Versoix.


En sus des observations astronomiques (éclipses, planètes, comètes …), une des fonctions de l’ancien observatoire était de déterminer l’heure exacte et de calibrer les montres fabriquées à Genève. Elles pouvaient obtenir un estampillage garantissant leur précision. Cette certification s’appelait « Bulletin de marche » ; un garde-temps pouvait alors être qualifié de « chronomètre d’observatoire ». Jusqu’en 1968, il y avait même des concours de chronomètres. L’observatoire offrait également le service de l’horloge parlante : on appelait autrefois un numéro de téléphone (le 161) pour connaître l’heure exacte : « Au troisième top, il sera exactement 11 heures, 10 minutes et 30 secondes». Ceci est devenu complètement obsolète avec les smartphones, mais on trouve encore l’heure exacte sur internet, à l’adresse https://www.horloge-parlante.fr (l’heure par défaut étant celle de Paris, bien entendu !), sur uhrzeit.org auf Deutsch ou encore sur https://clock.zone/


Une fois par mois, Sauverny organise des observations publiques, qui se déroulent dans leur petite coupole, qui n’a qu’un télescope « hobby ». Les vraies observations se passent à La Silla dans le désert de l’Atacama au Chili (altitude 2400 mètres), un énorme site regroupant plusieurs observatoires et télescopes servant à plusieurs pays qui mettent leurs ressources en commun au sein de l’organisation de recherche l’Observatoire européen austral (ESO). Cette organisation a été fondée en 1962 et c’est en 1963 que le site de La Silla (superficie 627 km2 ) au Chili a été retenu. Ce n’est toutefois qu’en 1969 que les lieux sont inaugurés. On y trouve 19 télescopes, dont certains sont dorénavant hors d’usage. A noter le VLT, Very Large telescope ou encore le télescope de 3,6 mètres (diamètre du miroir) de l’ESO, qui était le plus grand télescope optique au monde en 1977, lors de sa mise en service. Il a permis à Stéphane Udry et à son équipe de l’université de Genève de découvrir la planète extra-solaire Gliese 581 c en 2007. Le télescope Leonhard-Euler, dit le « télescope suisse » (1,2 mètres), nommé d’après le célèbre mathématicien bâlois, a été construit par l’observatoire de Genève et financé par la Suisse. Il sert surtout à la recherche d’exoplanètes. C’est lui qui a permis à Michel Mayor et Didier Queloz d’obtenir le prix Nobel de physique en 2019. L’exoplanète qu’ils ont découverte s’appelle 51 Pegasi b - l’adresse de l’Observatoire de Sauverny est chemin Pegasi 51, ce n’est sans doute pas une coïncidence.


Ainsi, l’observatoire de Sauverny étudie et traite des données en provenance des antipodes. La seule information reçue est de la lumière, qui est ensuite étudiée par photométrie et spectroscopie. Les astronomes analysent le spectre lumineux, la composition chimique, la vitesse de ces éléments d’information. Une fois les données analysées et étudiées, elles deviennent publiques - un peu comme au CERN. 


Un autre point commun avec le CERN, qui veut construire un plus grand collisionneur (le Futur collisionneur circulaire FCC), est que la Silla envisage de construire un Extremely Large Telescope (ELT), d’un coût dépassant le milliard de francs suisses et dont la taille dépasserait celle du Colisée à Rome. Ce chantier titanesque est toutefois menacé par un autre projet, à savoir la construction d’une centrale d’extraction d’hydrogène grâce à l’énergie solaire pour la production d’énergie verte. Mais ceci menacerait la recherche astronomique car il y aurait alors trop de lumière. Le désert de l’Atacama offre des conditions naturelles idéales, car non seulement il y fait très sec et l’altitude est très élevée, mais il y a très peu de pollution lumineuse. On estime que 70% de la recherche astronomique mondiale se déroule au Chili. Il serait vraiment dommage que cette usine d’hydrogène vienne menacer ce site exceptionnel. 


Leonhard Euler telescope à La Silla

Il reste encore tant à explorer et à découvrir. Peut-être qu’un jour, on retrouvera Saint-Exupéry et son Petit Prince dans l’immensité de l’univers : « Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire. »


A noter que la région de Neuchâtel a également grandement contribué au développement de l'astronomie, qui allait main dans la main avec l'horlogerie. Des festivités seront lancées au solstice d'été 2026.


https://www.unige.ch/sciences/astro/fr/ 

jeudi 27 février 2025

Une visite au Bioparc à Bellevue (Genève)


Suricates

Le Bioparc est un parc animalier créé en 1991 par Pierre Challandes, passionné d’animaux depuis sa plus tendre enfance. Il a passé sa vie à sauver toutes sortes de bêtes qu’il a soignées, puis hébergées jusqu’à créer une véritable institution. Le parc Challandes s’appelle dorénavant Bioparc et il est géré par toute une équipe de professionnels et de bénévoles, sous la houlette du vétérinaire Tobias Blaha. Il convient de préciser qu’il ne s’agit pas d’un zoo, mais d’un refuge et d’un lieu de sauvetage pour des animaux saisis à la douane - les gens reviennent de vacances avec des singes, des oiseaux ou des tortues - ou encore chez des particuliers, qui ne savent pas qu’il est interdit de détenir des animaux sauvages chez soi. En effet, les perroquets si beaux sont bruyants et les singes si mignons sont salissants et destructeurs. Ces pauvres créatures ramenées comme souvenir sont privées de leur vie en liberté dans la nature. Lorsqu’un animal n’a pas appris à se nourrir tout seul et qu’il fait trop confiance à l’humain, il n’y a plus de retour en arrière. Le Bioparc a pour rôle non seulement de prendre en charge ces animaux sauvages, dont le parcours de vie a été brisé, mais aussi de contribuer à la conservation des espèces menacées, grâce à des collaborations avec d’autres parcs animaliers, notamment pour des accouplements entre individus en voie d’extinction.


Le premier animal qui retiendra votre attention est un écureuil bien de chez nous, qui tourne en rond dans sa cage. Une dame l’a trouvé tout bébé et, pensant bien faire, l’a recueilli chez elle, le soignant et le nourrissant. Elle l’a gardé comme animal de compagnie, comme si c’était un chat ou un hamster jusqu’au jour où son Gégé lui a été confisqué. Il partage dorénavant une cage avec des tamia (chipmunk en anglais), qui ne sont pas indigènes chez nous. Ils ont probablement été importés par des personnes revenant des Etats-Unis qui, ne sachant ou ne voulant plus s’en occuper, les ont simplement relâchés dans des parcs.


Les visiteurs sont ensuite accueillis par Aldo, un perroquet de plus de 60 ans, juché sur son perchoir. Il est vivement recommandé de résister à la tentation de le caresser, au risque de gagner un sparadrap ! En revanche, deux gentilles oies blanches en début de parcours se laisseraient toucher.


On peut voir des poules appenzelloises huppées et des ibis chauves, deux races indigènes en voie de disparition, mais que l’on cherche à réintroduire. Les poules appenzelloises résistent très bien aux grands froids, mais leurs œufs sont trop petits pour être intéressants d’un point de vue commercial. Quant aux ibis chauves, ils ont souffert d’avoir été considérés comme étant trop moches et parce que leur long bec ressemble au masque pointu que portaient les médecins à l’époque de la peste. Espérons que les mentalités changeront suffisamment pour permettre à ces belles créatures de retrouver le droit d’exister. Un projet encourage les ibis à retrouver leur vie d’oiseaux migrateurs, ils sont ainsi équipés de balises pour qu’on puisse suivre leur parcours. Certains se perdent, certains reviennent, d’autres restent en Afrique …. Cela prendra sans doute encore un certain temps avant que ces oiseaux ne retrouvent leur vie d’avant.

 

Lémurien

Viennent ensuite les adorables lémuriens, dorénavant une grande famille, qui se blottissent contre le froid, bien serrés les uns contres les autres, entourés de leurs longues queues rayées, formant des ensembles d’une grâce exquise. D’autres individus bondissent de branche en branche, tels des hybrides entre singe et chat. Dans deux enclos voisins, on trouve deux fossas, de grands chats au pelage couleur caramel, avec une tête de chien, un mâle et une femelle qui doivent être séparés, car autrement ils s’entretueraient. Il n’y a que trois jours environ dans l’année au cours desquels un accouplement serait envisageable sans effusion de sang…. reste à savoir lesquels ! Le fossa étant en voie d’extinction, le Bioparc aimerait beaucoup réussir à les faire se reproduire. La mère restant avec ses petits pendant une année, il faudrait alors les transférer à Madagascar, dans l’espoir de leur permettre de retourner à la vie sauvage. Ce n’est que là-bas qu’on trouve des fossas et des lémuriens.


Les suricates ont aussi une histoire intéressante. Endémiques à l’Afrique du Sud, ils vivent en troupeau, guettant l’ennemi en se tenant debout sur leurs petites pattes. Un de ces individus a été saisi chez un particulier qui le détenait comme un chat d’appartement. Billy - c’est son nom - a désormais trouvé des copains de son espèce, avec lesquels il peut creuser des galeries dans le sable de leur enclos. Il est bien sûr triste de vivre enfermé et loin de son pays, mais au moins, Billy n'est plus seul et a une vie un peu plus proche de ce qu’elle devrait être. Il lui serait impossible de retrouver la liberté, car il est bien trop imprégné de l’homme. Une nouvelle génération de suricates est née en 2024, signe que ces adorables petites bêtes se portent bien.


Un majestueux pygargue à tête blanche - l’aigle emblème des Etats-Unis - vous contemple du haut de sa branche. Il est apprivoisé et, pendant le confinement dû au Covid, il a pu voler en liberté. Ce n’est malheureusement plus possible, car bien trop dangereux, le Bioparc étant littéralement sous la voie d’approche des avions arrivant à Cointrin. Un déménagement sur un nouveau site, plus grand, plus beau, est prévu pour 2029, à Thônex (Belle-Idée). Ce nouveau lieu s’annonce magnifique.

Fossa


Viennent ensuite les deux lynx Max & Moritz. Encore une histoire triste : un monsieur gardait ces deux félins chez lui, dans un enclos bien trop petit pour eux. En outre, les lynx sont solitaires, jamais un père et son fils ne vivraient ensemble dans la nature. Ils sont pourtant devenus inséparables, solidaires dans leur vie artificielle, qui les prive de chasse dans de grands espaces…. Quand l’un deux mourra, l’autre le suivra certainement très vite, car il ne pourra sans doute pas supporter de vivre seul. Le Bioparc abrite également un raton laveur, ainsi qu’un raton crabier, son équivalent sud-américain. Les invendus de chez Coop sont récupérés pour nourrir les animaux et c’est ainsi que les ratons mangent des huîtres pendant la période des fêtes ! 


Il y a encore le chat savannah, qui est un croisement artificiel entre un serval (chat sauvage africain) et un chat domestique. Ce sont certes de belles créatures, mais aussi des caprices d’humains qui se prennent pour dieu. En Suisse, ce genre de croisement contre nature est interdit (article 86 de lOrdonnance sur la protection des animaux (OPAn)) et il est également interdit de détenir de telles bêtes, à moins d’avoir un permis spécial, qui atteste des compétences nécessaires pour s’occuper d’un animal sauvage. 


On peut encore voir un serval, un hibou grand-duc et des harfangs des neiges (Hedwige dans Harry Potter), entr’apercevoir des ratons laveurs qui dorment. Un peu plus loin, des wallabys - dont un albinos - et trois chameaux. A noter que les chameaux n’ont de dents que sur la mâchoire inférieure, tout comme les chèvres qui partagent leur enclos - est-ce pour cela qu’ils cohabitent harmonieusement ? Les chameaux (2 bosses) vivent en Asie, alors que les dromadaires (1 bosse) vivent en Afrique. Cela est dû aux différences climatiques entre les deux continents et aucune inversion n’est possible (à moins qu’on ne soit dans un zoo). A noter que les fœtus de dromadaires ont deux bosses, qui finissent par fusionner à la naissance. 


On peut ensuite découvrir le muntjac, un cervidé endémique à la Chine et à Taïwan. Le mâle perd ses cornes après l’accouplement, tout comme le paon qui perd, lui aussi, ses belles plumes lorsqu’il n’a plus besoin de séduire.


Le Bioparc pratique la zoothérapie ou Intervention Assistée par l’Animal (IAA) avec des lapins, des chameaux ou encore les chèvres du cirque Knie (qui n’a plus du tout d’animaux, à l’exception des chevaux). Ces chèvres ont totalement l’habitude du bruit, des mouvements brusques et du contact avec l’humain, elles aiment être au centre de l’attention et sont donc extrêmement bien adaptées à cette tâche. Une école pour autistes, située juste à côté du Bioparc, profite de ces séances d’IAA, tout comme certains EMS, dont les résidents viennent en visite pour échanger avec les chameaux ou des lapins.


Enfin, lorsqu’on a déjà les yeux plein de découvertes, il reste encore tout le coin des oiseaux à voir, avec des perruches, des aras, des martins chasseurs, des perroquets aux couleurs vives. A entendre les cris qu’ils poussent, on comprend bien que ce n’est pas un animal de compagnie très commode, surtout en ces temps de télétravail. 


Le Bioparc soigne régulièrement des hérissons et des renards, qui sont relâchés dans la nature dès que possible. Tous les animaux retournent à leur milieu naturel pour autant que leur état le leur permette. Deux chatons sylvestres ont été recueillis par le parc. Personne ne peut les voir, afin qu’ils restent sauvages et puissent retrouver la forêt quand ils seront assez grands.


Janus, la tortue bicéphale

Enfin, dans une catégorie à part, il y a Janus, la tortue bicéphale qui réside normalement au Musée d’histoire naturelle (actuellement en travaux). Janus est siamois jusqu’au nombril, autrement dit, il a deux têtes, deux cœurs, quatre poumons, deux estomacs, mais un seul intestin, une seule vessie. Il ne pourrait évidemment jamais survivre dans la nature, ne serait-ce que parce qu’il n’a pas la place de rentrer ses deux têtes dans sa carapace, pauvre bête…..


Le Bioparc ne reçoit aucune subvention et parvient à tourner grâce aux dons et à quelques sponsors. On peut les soutenir en achetant quelques babioles dans leur boutique : porte-clés, vins, t-shirts, plumes de paon, peluches ….. On peut également parrainer un animal ou réserver un créneau de nourrissage de lémuriens ou de promenade de cochons kune kune en laisse. Les enfants peuvent y fêter leur anniversaire. 


Le parc est ouvert tous les jours et la visite est dorénavant réservée aux membres, avec la possibilité de devenir membre d’un jour (10,-).


https://bioparc-geneve.ch/

jeudi 26 septembre 2024

Une visite guidée au CERN - le Conseil européen pour la Recherche nucléaire


Pérégrinations à l'infini et le Globe de la science et de l'innovation

Il est dorénavant possible d’organiser des visites guidées pour groupes au CERN. Il a fallu attendre bien longtemps avant que cela ne soit possible. Autrefois, il fallait connaître quelqu’un à l’intérieur de l’organisation, il fallait venir avec son propre minibus et attendre environ 6 mois avant qu’un créneau se libère. Ensuite, tout a été bloqué et stoppé, le temps qu’ils construisent leur tout nouveau Centre des Visiteurs, le Portail de la Science, conçu par Renzo Piano et inauguré en octobre 2023 : une exposition permanente, située dans deux cylindres qui enjambent la route, évoquant les tubes de l’accélérateur de particules. Tous les jours, des exposés et diverses activités sont proposés (voir visit.cern). On peut également participer à des visites guidées individuelles, mais qui sont à réserver le jour-même, sur place, en prenant le risque que tout soit complet. Un tel système est évidemment impossible à gérer pour de plus grands groupes. Les gens sont très enthousiastes et désireux de découvrir ce site mythique. Les visites sont prises d’assaut et le Centre des Visiteurs fourmille constamment de monde. Toutes les activités, ateliers, vidéos et visites proposés sont entièrement gratuits. Il s’agit sans doute d’un effort de relations publiques pour mieux se faire connaître du public, mais aussi pour satisfaire l’immense curiosité pour les activités extraordinaires déployées par le CERN. En vertu de l’article II de sa Convention*), « l'Organisation s'abstient de toute activité à fins militaires et les résultats de ses travaux expérimentaux et théoriques sont publiés ou de toute autre façon rendus généralement accessibles ». Toutes les données deviennent publiques au bout de trois ans. Le CERN ne fonctionne donc pas dans une finalité commerciale.

Le CERN a vu le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, afin de recréer un centre d’excellence en Europe, après que de nombreux scientifiques et chercheurs ont dû s’exiler aux Etats-Unis. Il rassemble 24 États européens et collabore avec de nombreux États extra-européens. Les Etats-Unis, l’Inde ou le Pakistan, par exemple, ont le statut d’observateur. Entre le personnel permanent, les chercheurs en résidence ou les universitaires de passage, on compte en moyenne 10.000 personnes présentes par jour sur le site à Meyrin. Pour travailler au CERN, il faut toutefois être ressortissant d’un des Etats membres. Le budget annuel tourne autour de 1 milliard CHF. 


Plusieurs modèles d’accélérateurs de particules se sont succédé au cours de ces 70 dernières années. Le synchrocyclotron, qui date de 1957, est dorénavant mis à la retraite. Le synchrotron à protons (1959) lui a succédé, puis le super synchrotron à protons (SPS, 1976), l’accélérateur proton-antiproton (1983) et enfin le grand collisionneur électron-positon, le LEP (1988), qui a été stoppé en 2000, afin de permettre la construction du LHC, le grand collisionneur de hadrons (2008). Le LHC tourne H24 et n’est mis à l’arrêt que pour Noël et pendant deux semaines en hiver. 




Contrairement à Aristote qui pensait que la matière était divisible à linfini, Démocrite affirmait quil existe des atomes - littéralement « qui ne peut être coupé » - cest-à-dire des particules indivisibles. C’était bien Aristote qui avait raison : les atomes sont constitués de particules dites subatomiques, les protons et les neutrons, les électrons circulant quant à eux en orbite de latome. Les protons et les neutrons ont été identifiés en 1930 et les scientifiques pensaient alors quils étaient indivisibles. Selon le modèle standard de la physique des particules, théorie élaborée au début des années -70, lunivers est fait de douze constituants appelés les particules fondamentales, qui portent des noms tels que quarks, leptons, bosons, ainsi que, évidemment, les antiquarks et les antileptons. Il na pas (encore) été possible de diviser les quarks ni les électrons, qui sont ainsi à considérer comme des particules élémentaires.


L’excavation du tunnel du LEP était le plus gros chantier en Europe, avant le tunnel sous la Manche. Les particules tournent dans un circuit de 27 km, doté de milliers d’aimants supraconducteurs et de structures accélératrices, à une vitesse quasi équivalente à celle de la lumière : un proton fait 11 fois le circuit de 27 km en une seconde. A noter que la majeure partie de l’anneau que forme le LHC se trouve sur le territoire français, entre 60 et 110 m sous terre, bien que le siège du CERN soit en Suisse. Sur le parcours d’accélération, se trouvent des détecteurs portant des noms tels que CMS (Compact Muon Solenoid) ou encore ALICE (A Large Ion Collider Experiment), qui permettent d’observer les collisions des particules qui parcourent l’anneau en sens inverse, de sorte à provoquer des collisions - l’occasion d’entendre le mot « collimateur » au sens propre du terme. A noter que le LHC qui a succédé au LEP utilise le même tube de 27km de circonférence. L’observation et la détection des collisions produisent 40 terabytes/seconde de données, qui sont filtrées, pour ne garder finalement « que » 200 GB/seconde. 

Le CERN a le projet de construire un nouvel accélérateur, le FCC ou Futur Collisionneur Circulaire, d’une circonférence de 91 km et situé à 200 m sous terre, un projet dont le devis s’élève à 15 milliards CHF. Son but est de comprendre encore mieux les lois fondamentales de la physique. Les milieux écologistes y sont opposés, à cause du chantier immense qu’entraînera cette nouvelle construction et de son impact sur le climat. Toutefois, la Chine travaille sur le même projet et, s’il ne se fait pas en Europe, la recherche fondamentale partira à l’autre bout de la planète. Il convient alors de se demander ce qui doit primer : la recherche ou la protection de la nature ?  



Pour étudier ces particules élémentaires (ou fondamentales), les chercheurs au CERN envoient des protons dans plusieurs accélérateurs pour leur permettre datteindre une vitesse quasi-identique à celle de la lumière au moment de leur collision. On parle dune chaîne dinjection de protons, via le LINAC 4 (accélérateur linéaire), le booster du PS (Proton Synchrotron, en français le synchroton à protons) et SPS (Super Proton Synchrotron, en français le supersynchroton à protons). Les particules sont ensuite envoyées dans le LHC (Large Hadron Collider, le grand

collisionneur de hadrons) - à ne pas confondre avec le Lausanne Hockey Club - qui a été mis en fonction en 2008. Des aimants supraconducteurs sont placés tout au long des 27km du LHC, afin daccélérer encore davantage les particules et accroître leur énergie. Le tuyau est refroidi à lhélium jusqu’à -271°, car le froid absolu favorise la supraconductivité.


LINAC 2

Selon la visite que vous ferez, vous pourrez pénétrer dans un lieu portant le nom dusine à antimatière, qui est en réalité un décélérateur dantiprotons, ainsi que LINAC 2, qui a été mis à larrêt en 2018. Il a été remplacé par LINAC 4, qui accélère les protons à des énergies trois fois plus élevées (160 MeV). Il sagit du premier maillon daccélération, qui a fourni des milliers de milliards de milliards de protons pour les expériences du CERN. Ces deux lieux représentaient un léger risque de radiation.

Lors du Big Bang, la matière et lantimatière auraient été créées en quantité égales. Lorsquelles se rencontrent, elles sannihilent mutuellement, créant de la lumière. La recherche tente de comprendre pourquoi la nature préfère la matière à lantimatière et lun des grands mystères de lunivers encore à percer consiste à savoir pourquoi et comment il a pu y avoir suffisamment de matière pour créer les étoiles, les planètes et toutes les formes de vie que nous connaissons aujourdhui. Lantimatière peut servir à des fins tout à fait concrètes : les PET-scans utilisés en médecine fonctionnent avec de lantimatière et la physique des particules contribuera sans doute à lavenir à la lutte contre le cancer.


ATLAS Experiment 

Comme chacun le sait, le World Wide Web a été lancé au CERN en 1989. Son usage premier était de permettre l’échange de gros volumes de données et d’informations entre chercheurs. Même s’il ne s’agit pas directement du fruit des recherches faites au CERN, nul ne contestera que cette découverte a totalement bouleversé notre monde, en moins de 40 ans. Internet serait probablement né de toute façon, il aurait succédé au Minitel, si populaire en France entre 1980 et 2012. Le touchscreen a également été inventé au CERN. D’autres découvertes sont plus confidentielles, comme par exemple certaines applications médicales (thérapie à base de hadrons pour traiter le cancer ou encore l’installation MEDICIS à base de radioisotopes pour la thérapie et le diagnostic). Il vaut certainement la peine pour le CERN de mieux se faire connaître du public.


CMS- Higgs Event
Le roman Anges et Démons de Dan Brown, paru en 2000, démarre au CERN, où des chercheurs auraient réussi à fabriquer de lantimatière. Une capsule de cette antimatière est volée dans le but de détruire le Vatican. Il convient de souligner que ce scénario est totalement fantaisiste et qu’il est dénué de toute vraisemblance. Certaines scènes du film, sorti en 2009, ont été tournées sur place. La « particule de Dieu » - qui n’a rien à voir avec Dieu, si ce n’est sa nature omniprésente - correspond au boson de Higgs, qui a été théorisé en 1963-64, puis découvert au CERN en 2012 par Peter Higgs et François Englert, lauréats du Prix Nobel lannée suivante. Il pourrait être intéressant de lire The God Particle : If the Universe Is the Answer, What Is the Question ? de M. Lederman et Dick Teresi, un livre de vulgarisation qui est devenu un best-seller (en français : Une sacrée particule). La physique des particules et les accélérateurs fascinent le grand public et apparaissent dans plusieurs œuvres de fiction populaire: le roman de Dan Brown mentionné ci-dessus, mais aussi Iron Man 2, Terminator 3 et même Ghostbusters, où laccélération de particules permet dattraper des fantômes ! Quelque chose à retenir, ça peut servir un jour … Dans les bandes dessinées Yoko Tsuno, il est aussi question dantimatière dont se nourrit une force extraterrestre. Lalbum La Spirale du Temps illustre dailleurs un accélérateur de particules.


Le 29 septembre 2024, le CERN fêtera ses 70 ans, qui seront célébrés avec une journée Portes Ouvertes. 


Pour plus de détails techniques et une visite virtuelle, voir home.cern 


*) Convention pour l’Établissement d’une organisation européenne pour la recherche nucléaire (1953)