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vendredi 4 juin 2010

Le suédois est-il intraduisible ?



Après m’être grattée la tête de perplexité face à la VF de Millénium, j’ai vécu un sentiment de déjà-vu en lisant un polar de Sjöwall & Wahlöö, un couple suédois qui est devenu célèbre dans les années -60 avec leurs romans policiers réalistes situés en Suède, précurseurs de Henning Mankell et de son mélancolique commissaire Wallander.

Il s’agit de L’Abominable Homme de Säffle, paru en Suède sous le titre Den vedervärtige mannen från Säffle en 1967, selon le livre en suédois que m’a prêté une amie. Déjà là, l’édition française indique qu’il serait paru en 1971. La traduction française, quant à elle, est parue en 1987. Comme avec Millénium, je me réjouissais de lire un de ces romans dont j’avais tant entendu parler. Et assez rapidement, je me suis dit qu’il y avait quelque chose de pourri au Royaume de Suède.

Tout d’abord, les maladresses en français ; oh ! rien de grave, mais suffisamment gênant pour déconcentrer le lecteur un tant soit peu critique. Quelques exemples :

- "Le temps le quittait à toute allure" (p.23) – s’agissant de quelqu’un qui vient de se faire assassiner et qui agonise.
- "Ils avaient mangé de la viande grillée" (p. 24). Je n’ai encore jamais commandé de viande grillée au restaurant. L’original parle de råbiff 1), littéralement raw beef, c-à-d du steak tartare. Etrange…
- "Désirez-vous autre chose, avant que nous n’arrêtions la vente de boissons ?" Ne serait-il pas plus naturel de dire avant que nous ne fermions ? Avant que nous ne fermions le bar ? L’original dit innan kassan stänger, littéralement : avant que la caisse ne ferme.
-"Avez-vous parlé à ceux qui occupent les chambres de chaque côté de celle-ci ? demanda Martin Beck." No comment…
-"Et combien de fois ne me suis-je fait agonir ?" (p.112) On dit que les traductions vieillissent moins bien que la version originale, cette phrase en est bien la preuve 2).

La page 115 est un véritable festival :
"Lorsqu’il s’efforçait d’écrire quelque chose sans faute de suédois ni de frappe" (ça me fait penser à Victor Hugo et son "vêtu de probité et de lin blanc") ... "Il essuya ses verres de lunettes" (pourquoi pas simplement "ses lunettes"?) ... "malgré son écriture tremblée" …" Ils sont venus me prendre mon litre" (il s’agit d’une bouteille de gnôle) 3).

- "Puis il fit des yeux le tour de ceux qui se trouvaient près de lui…" (p.272)
- "Le nombre de ceux qui aimaient Gunvald Larsson se réduisait à une seule unité, facile à désigner : Rönn" (p.372). Quel francophone s’exprime donc ainsi ? Ne serait-il pas plus idiomatique de dire que ses amis se comptaient sur les doigts d’une main ?

Ensuite, les faits culturels suédois qui sont soit effacés soit présentés tels quels : "un sac en papier du monopole de l’alcool" (p. 115, palme d’or des boulettes). Quiconque est allé en Finlande, en Suède ou dans certains Etats des U.S.A. comprendra sans peine, que les autres se débrouillent.

Et puis les généreuses libertés, par exemple :
"Je ne connais pas ce nom-là dans la police". L’original dit : Är ni över huvud tagit polis? 4) c-à-d "Vous êtes de la police, au moins ?" La nuance d’ironie disparaît complètement en français.
Ou encore : Kan jag få använda min egen ? (pistol) qui devient : "Si vous n'y voyez pas d'inconvénient , je préfère utiliser le mien" (de pistolet), alors que la VO dit simplement : Je peux utiliser le mien ? Le traducteur rend l’individu bien plus courtois qu’il ne l’est.

Il est très difficile de prendre un roman – a fortiori un polar – au sérieux, de se plonger dedans jusqu’à en oublier d’aller dormir quand la traduction ne cesse de vous ramener sur le plancher des vaches. A l’occasion du Salon du Livre, j’ai découvert que cette série de dix romans allait paraître dans une nouvelle traduction. D’autant plus que certains d’entre eux (les six premiers) ont été traduits de l’anglais. Il faut croire que le nombre de ceux qui traduisaient du suédois se réduisait à une seule unité dans les années quatre-vingt !
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Le roman a été adapté au cinéma sous le titre Un flic sur le toit

(1) la lettre å se prononce o
(2) l'original dit Hur många gånger har jag blivit nerspydd?", ce qui signifie "Combien de fois ne m'a-t-on pas vomi dessus?; reste à savoir si c'est au propre ou au figuré...
(3) l'original dit kvarting, qui est une bouteille de 37,5 cl, mais là, je pinaille...

(4) en allemand, cela donnerait : Sind Sie überhaupt Polizist ? Ce qui m’a rendu attentive au mot über (över) + haupt (huvud) : pourquoi diable dit-on "au-dessus de la tête" pour exprimer un doute empreint d’ironie ?


L’Abominable Homme de Säffle, éditions Rivages /Noir
traduit par Philippe Bouquet, auteur de plus de 100 traductions du suédois, Docteur honoris causa de l'université de Linköping (Suède), Officier des palmes académiques, Chevalier de l'ordre de l'Etoile polaire, Prix de traduction de l'Académie suédoise (1988), Prix de la Fondation suédoise des écrivains (1994), Prix personnel Ivar Lo-Johansson 1995, Nominé pour le prix Aristeion 1999.


Voir aussi: http://tiina-gva.blogspot.com/2010/05/le-phenomene-millenium.html
et: http://tiina-gva.blogspot.com/2012/05/le-suedois-est-intraduisible.html

lundi 31 mai 2010

Puhutteko suomea ?

*)

Environ une fois par mois et pas plus tard qu’avant-hier, on me demande si le finnois ressemble au hongrois, si je comprends le hongrois et si le finnois est apparenté au basque ou à l’albanais. Ensuite, je dois expliquer qu’il y a une minorité d’expression suédoise en Finlande et, non, je ne parle pas le russe. Je tiens toutefois à dire à quel point je suis épatée que les gens sachent que le finnois n’est pas une langue indo-européenne et que c’est une langue bizarre qui ne ressemble à rien.

Les langues scandinaves – suédois, norvégien, danois et dans une certaine mesure l’islandais – se ressemblent ou appartiennent en tous cas au même groupe. Dans les îles Féroé, on parle le féroïen, qui est la seule langue qui soit extrêmement proche de l’islandais et qui n'a rien à voir avec les trois autres, si ce n’est qu'elles en sont dérivées. A ma connaissance, le finnois n’a aucun rapport avec le basque ni avec le turc, même si cette langue comporte aussi deux catégories de voyelles, aou d’une part et ieyäö d’autre part, qui déterminent la forme que prendra la terminaison des mots, je vous épargne les détails.

Le finnois et le hongrois appartiennent au groupe des langues finno-ougriennes, ça tombe bien. L’estonien, qui ressemble fortement au finnois, en fait partie également. Non, je ne comprends pas un traître mot de hongrois, mais j’en reconnais la mélodie et la sonorité. Si j’entends parler hongrois quelque part, j’ai l’impression d’entendre du finnois, comme un enregistrement qu'on passerait à l'envers, mais ça s’arrête là.

Quelques exemples, finnois/hongrois : kiitos / köszönöm : merci ; maanantai / hétfö : lundi ; mansikka / eper : fraise ; rakkaus / szerelem : amour ; kauppa / bolt ou csemege ou áruház : magasin ; käsi / kéz : main ; vesi / viz : eau ; ces deux derniers mots ont une vague similitude.

La même chose, finnois/estonien cette fois-ci : kiitos / kiit : merci ; maanantai / esmaspäev (littéralement : le premier jour): lundi ; mansikka / maasikas : fraise ; rakkaus / armastus (terme vielli en finnois) : amour ; kauppa / kaup ou kauba : magasin ; käsi / käsi : main ; vesi / vesi : eau.


Fasten your seatbealt while seated - Life vest located under your seat en estonien

L’estonien est une source d’amusement intarissable pour quiconque sait le finnois. Saksus signifie à la fois être allemand et être seigneur (en finnois, saksalainen = allemand). Raamattu signifie bible en finnois et livre en estonien. Nahkhiir est une chauve-souris estonienne, littéralement : souris en cuir (peau) pour les Finlandais. J’imagine une sorte de James Dean avec de grandes oreilles et de petites dents.

Ce n’est pas pour autant que je comprenne l’estonien. Je comprends bien mieux le néerlandais ou l’italien, sans doute parce que je les entends plus souvent.

Le finnois a la réputation d’être impossible à apprendre, eh bien, c’est faux. De nombreux interprètes l’ont appris, mais ce sont des fadas des langues, alors ça ne compte pas vraiment. Un jour que je flânais au marché de Helsinki, j’ai vu deux Africains qui regardaient l’étal d’un marchand de poisson. Celui-ci, pensant avoir affaire à des touristes, commence à leur présenter sa marchandise en anglais. Et les clients de lui répondre : suomeksi ! suomeksi ! (en finnois !). C’étaient des Africains francophones, qui ne savaient pas l’anglais (c’est souvent pour eux que nous travaillons en conférence) mais qui, établis en Finlande, avaient appris le finnois.

Comme quoi, quand on veut, on peut !

*) littéralement: la ville de Pori interdit de sauter du pont, autrement dit: E pericoloso sporgersi; le graffiti dit: "les habitants de Rauma ne sont pas concernés"

Le célèbre restaurant Ravintola
(ravintola signifie restaurant en finnois)

samedi 29 mai 2010

Le meilleur ami de l'homme

Peut-on encore imaginer la vie sans téléphone mobile ? C’est bien là un objet que tout le monde possède, même si chacun l’utilise à sa façon. J’en ai un depuis 1997, à l’époque c’était encore un objet rare, un peu étrange et je n’osais pas trop l’utiliser en public, de peur d’attirer les regards et de passer pour celle qui fait sa maligne. C’était un Nokia qui faisait environ 20 cm de long et qui pesait autour de 300g. Je l’ai toujours, il va commencer à prendre de la valeur au rayon des antiquités. Alors que maintenant, le dernier des adolescents boutonneux a un téléphone hi-tech, avec vidéo, lecteur mp3 et tout le toutim.

Les sms sont une véritable source de bonheur et d’amusement, je ne pourrais plus m’en passer. Je faisais une randonnée dans les Iles Lofoten en l'an 2000 - l’année du naufrage du Koursk, ceci pour situer l’anecdote dans le temps – et un des membres du groupe étaitparfaitement ahuri qu’on puisse écrire des messages, une lettre à la fois, sur un minuscule objet, ça lui paraissait complètement idiot. Quelques années plus tard, revenant d’une randonnée à cheval cette fois-ci, deux semaines à l’écart de tout réseau mobile, j’ai eu la merveilleuse surprise de trouver un texto me souhaitant un bon anniversaire lors de mon retour vers la civilisation. C’était tout simplement magique.

Maintenant, les sms sont la chose la plus naturelle au monde. Ils permettent de demander au collègue de récupérer le parapluie ou le stylo préféré qu’on a oublié en cabine ou encore d’annoncer des infos, par exemple : Kennedy assassiné ! (c’est un exemple). Combien de fois, en vadrouille le dimanche, une amie fidèle ne m’a-t-elle pas communiqué le résultat des votations (minarets, Conseil d’Etat…), apaisant ainsi ma curiosité dévorante. On peut recevoir des notifications en tout genre et en Finlande, on peut même adhérer à un syndicat par sms. Dingue !


Autrefois, c’était un status symbol que d’avoir un téléphone mobile. Il y avait même de pauvres malheureux qui avaient de faux téléphones et qui faisaient semblant, juste pour avoir l’air cool. Ça n’existe probablement plus. De nos jours, le vrai indice de l’importance d’une personne, c’est précisément de ne pas avoir de téléphone mobile, car cela signifie alors que vous avez une secrétaire qui prend les messages pour vous. Vous êtes trop important pour qu’on vous dérange. Il y a aussi la catégorie des pauvres diables qui sont assez importants pour être tenus en laisse par leur employeur avec un Blackberry, sans avoir la secrétaire qui pourrait les en délivrer.

De nombreux collègues ont plusieurs téléphones : un numéro français et un suisse ou alors un numéro belge (ceux qui travaillent souvent à Bruxelles) et un autre dans le pays de domicile. Certains ne l’utilisent que pour communiquer par sms, d’autres ne l’allument jamais, d’autres au contraire le gardent toujours allumé, il leur sert même de réveille-matin. Bien des personnes ne possèdent même plus de montre bracelet, c’est leur téléphone qui leur donne l’heure.

Récemment, j’ai franchi un nouveau cap en rejoignant la tribu des détenteurs de iPhone. Pour l’instant, je l’utilise surtout pour téléphoner et envoyer des sms. C’est tout un apprentissage pour devenir Total Addict, que le ciel m’en garde !


PS : j’ai passé ce texte au correcteur d’orthographe : il ne connaît pas : sms, iPhone, Blackberry, Addict ;-o

C'est par là que tout a commencé (Bell, 1872)

mardi 25 mai 2010

Mobility roule pour vous

Pour la première fois depuis très longtemps, j’ai utilisé une voiture Mobility*. Ayant prêté ma fidèle Opel Corsa (1996, 80.000km au compteur) à un ami pour le week-end de Pentecôte, j’ai eu besoin d’une voiture pour aller rendre visite à ma mère. Je suis membre de Mobility depuis probablement 15 ans ou plus, mais n’y ai plus recours, puisque j’ai maintenant ma propre voiture.

C’était un drôle de voyage dans le temps que ces retrouvailles avec la coopérative d’auto-partage. Au moment d’effectuer ma réservation sur internet, soudain, un grand blanc. Mon numéro de membre ? Mon code PIN ? … Panique ... petite panique... mais panique quand même. Ces numéros étaient tellement gravés dans mon corps, après tant d’années, que je n’avais même pas songé à les noter quelque part. Que faire ? Et soudain, comme un ami fidèle, les voilà qui sont revenus, un peu comme un grand percheron qui traverserait un pré pour venir chercher la carotte que vous lui tendez. Quel phénomène étrange que la mémoire…

Ensuite, le parking où je suis allée chercher la Renault Kangoo que j’avais réservée, la seule voiture disponible ce dimanche-là. Ça m’a rappelé les innombrables fois où je suis allée à mes cours d’équitation en voiture Mobility. Ça m’a aussi fait songer à une époque, pourtant pas si lointaine, où j’avais encore l’énergie de faire tout ça : réserver une voiture, aller à ma leçon, étriller un cheval en évitant de me faire bouffer la tête. Heureusement, je n’avais pas oublié ma carte de membre, celle qui permet de dévérouiller la porte de la voiture. Chaque véhicule est équipé d’un ordinateur de bord, qui sait qui a réservé quelle voiture, quand et pour combien de temps.

Etape suivante : trouver la clé de contact dans la boîte à gants, la carte du parking sur le pare-soleil, régler le siège, le rétroviseur, repérer où se trouvent la marche arrière et les clignotants. Et en voiture, Simone !

N’ayant longtemps pas eu de voiture, j’ai l’habitude de changer de véhicule (voitures de location, Mobility ou encore Opération Nez-Rouge**). Les voitures Mobility sont récentes, propres et bien entretenues. La Kangoo avait le verrouillage central et la direction assistée, ainsi qu’un très bon auto-radio, tout ce que ma vieille Opel n’a pas. J’avais malgré tout l’impression de conduire une boîte de conserve. Une boîte de conserve fort agréable, précisons-le.

L’avantage avec Mobility, c’est qu’on sait qu’on retrouve une place de parking (places réservées) et, une fois qu’on a déposé la voiture (ne pas oublier de remettre les clés dans la boîte à gants !), on s’en va l’esprit léger, on n’a plus à se préoccuper de quoi que ce soit. C’est la coopérative qui s’occupe des plaques et des assurances, du service, du lavage et de tout le reste. C’est aux clients de faire le plein, avec la carte Shell qui est dans la voiture (le code apparaît quand on la retire de l’ordinateur de bord).

On paie au kilomètre (autour de -,60/km, selon le cours du brut) et à l’heure (autour de 2,50/h, selon le type d’abonnement : sociétaire, utilisateur, abonnement unireso, etc…). Cela peut paraître cher à la course (environ 50,- pour une après-midi et une quarantaine de kilomètres), mais quand on n’a que sporadiquement besoin d’une voiture, c’est vraiment idéal.

Mobility, what else !


* http://www.mobility.ch/
** http://www.nezrouge-geneve.ch/


Ceci n'est pas une voiture Mobility:




Ça non plus!


http://www.lematin.ch/actu/economie/100-000-personnes-roule-vert-mobility-298427

dimanche 23 mai 2010

Le goût des pépins de pomme

...ou Der Geschmack von Apfelkernen, de Katharina Hagena

Quelle merveilleuse surprise que ce roman, découvert un peu par hasard. Un best-seller qui mérite bien son succès. Un roman d’une écriture très originale, avec des images surprenantes, des jeux autour des mots, qui me font avoir une pensée toute particulière pour toutes les personnes qui ont eu à le traduire. Le livre est sorti en français et a été traduit en d’autres langues également.

Le plus difficile n’est sûrement pas de trouver les équivalences aux nombreuses plantes, fleurs et fruits, qui parsèment cet ouvrage. Certains jeux de mots se laissent transposer en français – « Harriet begriff, warum Leidenschaft eben auch so heißen muß » - à propos d’une peine d’amour, on peut jouer avec le mot passion / douleur ; ou encore : « Daß ein Heim ausgerechnet Heim hieß, war eine Gemeinheit… », foyer / foyer, à la rigueur. Mais certaines phrases ont une poésie véritablement casse-gueule : « Die monddurchflutete Nachtluft funkelte von Splitterstaub und Scherben » (après qu’une jeune fille est tombée, de nuit, par les vitres d’une vieille serre abandonnée). L’air de la nuit était baigné de rayons de lune, de poussières et d’éclats de verre… ?* Un peu kitsch, non ?

Ou encore Rosemarie qui se rend compte qu’elle a « assimilé » Mira, car le nom de celle-ci est contenu dans le sien. Un nom qui contient d’ailleurs plein de choses, telles que irre, mies, Rose, Eis, Morse, Reim, Möse et Mars. Allez donc traduire ça…. Et Iris de constater qu’elle ne contient rien, juste une fleur et un œil (ouf ! ça, ça passe !)

Heureusement, j’ai tout de même réussi à mettre mes reflexes professionnels de côté pour savourer ce roman plein de mélancolie, où il est beaucoup question de la vie, de la mort, de l’amour, mais surtout de la mémoire. Une citation de Paul Valéry figure en exergue : La mémoire ne nous servirait à rien si elle fût rigoureusement fidèle. C’est une idée qui revient souvent, se souvenir est une façon d’oublier et vice-versa. La grand-mère souffre d’Alzheimer et l’auteur écrit : Celui qui oublie le temps arrête de vieillir. L’oubli vainc le temps, ennemi de la mémoire. Car après tout, le temps guérit toutes les blessures, mais uniquement parce qu’il s’allie à l’oubli. *

Un livre de femmes aussi, dans le bon sens du terme ; beaucoup de personnages féminins, la grand-mère Bertha, ses trois filles Christa, Inga et Harriet, ses petites-filles Rosemarie et Iris (la narratrice) et leur copine Mira. Les hommes ne sont mentionnés qu’en passant. Iris hérite de la maison de sa grand-mère et c’est l’occasion pour elle de démêler tout un écheveau de souvenirs, dont certains étaient bien cachés. Le tout dans le décor du nord de l’Allemagne, dans une petite bourgade si tranquille qu’il faut aller boire du vin au cimetière si on veut qu’il s’y passe quelque chose.

Selon le Nouvel Obs : « Masqué en aimable bluette, enraciné au pommier patrimonial où trois générations s'affairent à leur compote, voici un pur chef-d'oeuvre, pépins compris. »

*ceci n'est qu'une pitoyable tentative de traduction par votre serviteur. Je n'ai pas (encore) eu la VF entre les mains...

Le Goût des pépins de pomme, par Katharina Hagena, traduction de Bernard Kreiss, Anne Carrière, 268 p., 19,50 euros.


samedi 22 mai 2010

Tintin au tribunal



Monsieur Bienvenu Mbutu Mondondo, un Congolais résidant en Belgique, porte plainte contre Tintin au Congo (probablement plutôt contre la Société Moulinsart) pour racisme. Pour savoir s’il faut en rire ou en pleurer, je suis allée me procurer cette œuvre, créée en 1931 et encore en vente libre à la fnac.

A la 2ème case, on voit Milou converser, en français, avec ses copains chiens. A la page 2, Milou se fait mordre la queue par un perroquet et Tintin lui dit : « Milou, malheureux ! As-tu songé à la psittacose ? » Et Milou de lui répondre : « Dis, Tintin, crois-tu que je pourrais attraper la psittacose ? » Et voilà qu’il faudrait mettre un avertissement sur cette bande dessinée, pour que le lecteur comprenne bien qu’il s’agit d’une œuvre de fiction. Un peu comme les mises en garde sur les gobelets contenant du café : « Attention, le contenu peut être chaud ». Un homme averti en vaut deux. Et une femme aussi, bien évidemment...

Alors bien sûr que c’est colonialiste, mais pouvait-il en être autrement en 1931 ? Quelle aurait dû être la description faite par Hergé à l’époque ? Les autochtones parlaient sans doute mal le français, mais on semble oublier qu’il s’agissait pour eux d’une langue étrangère. Si on parle mal le français, on est forcément idiot. C’est en tout cas l’interprétation que font ceux qui attaquent Tintin. Une case à la page 20 où Milou dit : « Allons, tas de paresseux, à l’ouvrage ! » fait polémique également. Le fait qu’un chien affirme cela semble confirmer que les Africains sont paresseux. A la page 12 cependant, le même Milou dit, en parlant de Tintin : « Eh bien ! Où est-il, ce paresseux ? » Reporters Sans Frontières devrait porter plainte. Et à la page 14, Tintin traîte Milou de poltron. Que fait la SPA ?

En réalité, on devrait s’étonner que le WWF, la CITES et Brigitte Bardot n’aient pas encore intenté de procédure judiciaire, car les animaux sont allégrement massacrés et maltraités dans cette BD. D’abord Milou qui attrape la psittacose ; ensuite, un crocodile à qui on laisse une carabine en travers de la gueule ; 15 antilopes abattues par erreur (Tintin croit toujours tirer sur la même) ; un chimpanzé abattu froidement, Tintin le dépèce, enfile sa peau pour se déguiser, l’autre chimpanzé n’y voit que du feu (pour rappel : ceci est une œuvre de fiction) ; un lion se fait arracher la queue par Milou ; une demi-douzaine de crocodiles se fait abattre par un missionnaire ; un boa se fait ouvrir le ventre, mais n’en meurt pas ; un léopard apprivoisé attrape une indigestion après avoir avalé une éponge et bu de l’eau ; un éléphant se fait abattre par un singe (ceci est une œuvre de fiction) et Tintin emporte fièrement ses deux défenses ; et enfin, un rhinocéros est détruit à l’explosif.

Mais tout est bien qui finit bien, Tintin rentre en Europe et une maman africaine dit à son enfant : « Si toi pas sage, toi y en sera jamais comme Tintin ». N’oublions pas que ce livre s’adressait aux petits Belges et que cette phrase s’adressait plus à eux qu’aux petits Congolais.

Ce qui est certain, c’est que Tintin au Congo est un ouvrage très dangereux, à ne pas mettre entre les mains d’un public non averti.

Et maintenant, je m’en vais relire Les Malheurs de Sophie.



Voir aussi : Le Musée africain de Tervuren


Tintin acquitté - le 10 février 2012

Décembre 2023 : Tintin au Congo a dorénavant une nouvelle couverture, de laquelle le personnage africain a disparu. Voilà comment on résoud le problème du racisme : il suffit de faire disparaître les noirs !! https://www.rts.ch/info/culture/livres/14549171-tintin-au-congo-muni-dune-preface-contextuelle-et-dune-nouvelle-couverture.html 
La revue Jeune Afrique trouve elle aussi que les éditions Moulinsart et Casterman invisibilisent les Africains en pensant déracialiser la bande dessinée : https://www.jeuneafrique.com/1513559/culture/tintin-au-congo-preface-et-revisite-une-fausse-bonne-idee/


jeudi 20 mai 2010

A chacun ses écouteurs

Depuis quelques années, les collègues succombent, les uns après les autres, à la mode des écouteurs Bang & Olufsen, high-tech, gracieux, chers et fragiles mais offrant – paraît-il – un son d’une qualité exceptionnelle.



Depuis que cette mode fait rage, l’interprète qui refuse de suivre le mouvement s’énerve, jour après jour, de devoir chercher les écouteurs en arrivant en cabine et, une fois qu’elle (en l’occurrence, l’auteur de ces lignes) les a trouvés, de devoir désemberlificoter le câble qui a parfois été enroulé 8 fois autour de l’objet, le tout bouclé par un nœud hermétique. C’est ce que font les disciples de B&O lorsqu’ils enlèvent les écouteurs de papy pour mettre les leurs à la place.

Autrefois, il suffisait d’essuyer les écouteurs avec une lingette pour les nettoyer du fond de teint, crème de jour, poudre et pellicules du collègue précédent. Maintenant, il faut commencer par retrouver son outil de travail, chercher où le brancher et enfin, sortir sa lingette. Et prévoir d’arriver au travail suffisamment tôt…

En ayant finalement eu marre de toute cette petite cuisine, j’ai décidé de m’affranchir de la chasse aux écouteurs et de la petite lingette en achetant, enfin, mes propres écouteurs hi-tech. Plutôt réticente à l’idée d’avoir le son trop directement contre mes tympans, j’ai opté pour un modèle Sennheiser, dont je suis très contente. Ils sont pliables, ce qui est très pratique.



Mon modèle est conçu pour écouter de la musique sur un lecteur mp3 et comporte des coussinets isolants anti-bruit, ce qui n’est toutefois pas idéal pour le travail d’interprète. En effet, nous préférons pouvoir bien nous écouter en travaillant, on évite ainsi de hurler dans le micro.

Reste maintenant à ne pas les oublier en cabine. Ce serait dommage. Je les aime bien, mes nouveaux écouteurs, ils me servent aussi à écouter de la musique sur mon iPod. La musique adoucit mes mœurs et apaise mes nerfs, parfois un peu mis à mal par nos chers délégués.