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jeudi 24 février 2022

Le Musée africain de Tervuren (Bruxelles, Belgique)


Le musée africain (dorénavant AfricaMuseum) a vu le jour en 1897, afin de présenter la section coloniale de l’exposition universelle de Bruxelles. Léopold II a fait construire un palais colonial sur les ruines d’un ancien château, dans le domaine de Tervuren. Aujourd’hui encore, le musée est entouré d’un immense parc et d’une forêt. L’exposition universelle permettait aux visiteurs de voir des objets ethniques, des animaux naturalisés, des produits africains à une époque où, rappelons-le, personne ne voyageait plus loin que le village voisin. Au vu de l’immense succès de cette exposition, le roi des Belges a fait construire un nouveau palais, l’actuel Musée africain, qui s’est d’abord appelé le Musée du Congo Belge (1908), puis Musée Royal d’Afrique Centrale à l’indépendance du Congo. L’AfricaMuseum a rouvert ses portes récemment (2019), après cinq années de travaux de rénovation et de décolonisation. 



Il faut être assez motivé pour aller visiter ce lieu, car il faut compter une petite heure pour y arriver, en prenant le tram 44 à la station de métro Montgomery. Rien ne vous indique que vous êtes sur le bon chemin, le site web du musée ne vous dit pas non plus à quel arrêt il faut descendre (le terminus). Il y a pourtant une halte qui s’appelle Musée du Tramway, après un autre arrêt qui s’appelle Léopold II. A l’arrivée, il faut avoir de bons yeux pour arriver à lire, en tout petit, AfricaMuseum sur une petite pancarte. Une fois dans le parc, à nouveau quasiment aucune indication quant à la direction à prendre. Voyant le pavillon de verre qui sert d’entrée au musée, j’ai tout d’abord cru qu’ils avaient poussé la décolonisation jusqu’à fermer le grand bâtiment néo-classique, j’ai même failli rebrousser chemin…. Mais non : un brillant architecte a eu l’idée originale de construire un long escalier très raide, très long et très blanc pour vous faire descendre de deux étages dans un long corridor qui évoque soit un hôpital soit un abri anti-atomique. Il faut évidemment remonter un escalier identique, très raide, très long et très blanc pour arriver au musée proprement dit, situé dans l’ancien palais. Le café et les toilettes se trouvant dans le pavillon moderne, cela décourage carrément de faire une pause pendant la visite. Une magnifique pirogue taillée dans un immense tronc en bois trône toute seule et sans la moindre explication ou mise en contexte dans ce hall aseptisé, morne et vide. Quelle tristesse !


L'Esclavage
Le reste est à l’avenant. Des objets africains sont certes exposés dans des vitrines, avec des explications sommaires écrites en petit, en blanc sur beige, sur des panneaux situés à la hauteur de vos cuisses. Quand on s’est accroupi environ 15 fois pour lire, en cherchant la version française, des textes peu intéressants, on y renonce assez rapidement. Une salle consacrée à la musique nous présente des musiciens congolais, avec leur photo, leur nom, le nom de leur groupe, sans doute pour nous apprendre qu’il y a des musiciens en Afrique. Scoop ! Une autre vitrine consacrée à l’indépendance du Congo, expose des photos d’Africains prenant la pose, en citant leurs noms.  Qu’est-ce que cela nous apprend ? Rien. Aucune information quant aux événements entourant l’indépendance, les muséographes se sont sans doute dit que tout le monde les connaissait ou alors que ce serait trop colonial d’en parler. Ailleurs on voit des bocaux de formol contenant des insectes, des araignées, des souris, un pangolin, des bébés tigres ou encore des papillons épinglés dans des cadres…. sans aucune explication. On devine qu’il s’agit là d’études scientifiques réalisées par les méchants blancs, donc : on n’en parle pas, parce que ce serait colonial. Les animaux empaillés datant de l’exposition universelle sont toujours là, heureusement, ainsi, ils ne seront pas morts pour rien. Le clou de la visite, selon moi, ce sont les statues qui décorent les murs de la rotonde, représentant soit l’Esclavage (un mauresque debout, un Africain à ses pieds) ou La Belgique apportant la Sécurité au Congo, mais dissimulées par des tentures. Autrement dit, ces statues sont visibles, ainsi que les panneaux indiquant leur titre, mais pas vraiment, puisqu’il faut aller les guigner sous le tissu qui les cache, en se tordant le cou.  


C’est au Musée Royal d’Afrique centrale qu’Hergé est allé trouver le matériel nécessaire à la création de Tintin au Congo. Mais évidemment, cette bande dessinée étant raciste et coloniale, il a été décidé que les statues et objets qui avaient permis cette abomination devaient être écartés de la vue des visiteurs. Peu importe qu’il s’agisse d’artefacts africains authentiques. Les objets considérés comme inappropriés sont regroupés dans une salle intitulée « Hors-jeu » , avec la mention « Les statues que l'on voit ici faisaient autrefois partie de l'exposition permanente mais n'y ont plus leur place aujourd'hui ».


Bien des visiteurs ayant écrit un avis sur Tripadvisor sont repartis déçus de leur visite. J’étais même un peu perturbée et cette sensation ne m’a pas quittée avant un bon moment. Je n’ai certainement pas tout vu, mais il me semble que le musée occulte l’histoire coloniale et on le quitte sans avoir appris quoi que ce soit. A quoi sert-il de censurer Tintin au Congo, si Léopold II continue de trôner en ville de Bruxelles et même dans le parc de Tervuren ? Comme le suggère un commentateur sur Tripadvisor, pour avoir un petit aperçu de l’Afrique à Bruxelles, il vaut mieux aller regarder les vitrines des marchands d’art africain à la place du Sablon ou alors aller se balader dans le quartier du Matongué (porte de Namur, chaussée de Wavre), où on trouve des commerces et des bistrots congolais, du manioc et du poisson séché ou encore des tissus wax et des postiches pour cheveux africains. 


Fresque dans le Matongué

Voir aussi : Tintin au Tribunal 

https://www.lepoint.fr/afrique/au-musee-tervuren-fenetre-d-afriques-a-bruxelles-05-08-2021-2437981_3826.php 


https://vivreabruxelles.be/africa-museum-musee-d-afrique-tervuren.html 


https://theconversation.com/a-tervuren-le-destin-contrarie-des-statues-de-leopold-ii-en-son-musee-141813


Monument à Léopold II dans le parc de Tervuren
The Congo I Presume


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