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lundi 30 août 2010

I ♥ Internet

Internet a bouleversé ma vie, je n’ai pas peur de le dire. J’avoue même une certaine addiction. C’est un peu comme avec le chocolat : je peux objectivement m’en passer - enfin, je crois - mais la vie est tellement plus belle avec que sans.


Non seulement internet, mais tous les modes de communications d’aujourd’hui font partie intégrante de ma vie. Je peux partir en voyage, même à l’autre bout du monde, mais les amis (et le travail…..) ne sont jamais bien loin. Grâce au téléphone mobile, au courrier électronique, à facebook, skype ou les SMS, on n’est plus jamais seul, peu importe qu’on soit à Stockholm, à Berlin ou à Biarritz. Je n’ai toutefois pas encore mordu à l’hameçon de msn messenger, je ne sais même pas très bien comment ça marche. Un truc de jeunes, sans doute.

Ainsi, lors de mon récent voyage dans les îles Anglo-normandes*), je communiquais bien sûr live avec mon compagnon de voyage, mais aussi par le biais de facebook. Chacun téléchargeait ses photos dans sa chambre d’hôtel et nous les commentions ensuite, tant sur facebook qu’à la table du petit-déjeuner. Et lorsque nous étions dans des hôtels différents, c’est par SMS que nous fixions l’heure de notre rendez-vous pour partir à la découverte de l’île. En effet, l’utilisation du téléphone de l’hôtel, surtout si c’est pour appeler un mobile à l’étranger, coûte ridiculement cher. Les hôteliers vont probablement bientôt les supprimer pour les remplacer par un interphone avec la réception. A Jersey, on pourrait connaître l’heure de passage du prochain bus en envoyant le numéro de l’arrêt par SMS à condition d’avoir un abonnement local ; en Finlande, on peut payer son ticket de bus, voire son repas avec son téléphone mobile.

D’autres services mobiles fonctionnent grâce au GPS contenu dans les appareils. Il existe de nombreuses applications pour iPhone qui vous indiquent la poste, la Migros ou la mosquée la plus proche. Les appareils photos sont maintenant tous équipés de GPS, vous n’avez donc plus besoin de noter où vous avez pris vos photos. Et si vous êtes perdu, il vous suffit de consulter votre appareil !


Personnellement, j’adore tout ce qui fonctionne de façon électronique. Le billet de train sur le téléphone mobile est terriblement ludique. Autrefois, les billets d’avion étaient non seulement très chers, mais venaient sous la forme de copies carbone rouges qu’il ne fallait surtout pas perdre. Maintenant, il suffit de donner son nom si on a perdu son numéro de réservation et l’affaire est dans le sac. Récemment, j’ai reçu par SMS une invitation à m’enregistrer pour le vol du lendemain, par SMS ou par internet. J’aurais tant voulu recevoir ma carte d’embarquement sur mon téléphone, mais ça sera sans doute pour la prochaine fois.

Internet est tellement omniprésent dans nos vies que je m’étonne que la WiFi publique soit encore si rare. Les cafés et les restaurants qui l’offrent à leurs clients ont un avantage concurrentiel certain. On peut surfer à la gare routière de Saint-Hélier et un peu partout en ville de Genève, mais dans la plupart des aéroports, ce service reste payant (et pas bon marché). Les cabines téléphoniques ont pour ainsi dire disparu, mais elles seront peut-être bientôt remplacées par des cabines internet. Etant donné que les billets de train ou d’opéra s’achètent de plus en plus souvent par internet et si c’est le moyen le plus simple et le plus rapide pour trouver un numéro de téléphone ou un programme de cinéma, quoi de plus normal alors que de mettre ce mode de communication à la disposition du public.

Grâce à l’euro, il est devenu inutile et obsolète de changer ses francs suisses en pesetas ou en deutschmarks. Mon porte-monnaie avec des francs français a disparu dans les oubliettes de l’histoire ; restent encore les livres sterling ou les couronnes suédoises (sans parler évidemment des dollars, baths et autres yuans). Les traveller’s cheques ressemblent dorénavant à des cartes EC. En réalité, les billets de banques me semblent terriblement vieux jeu. A quand un monde où nous payerons tout par carte, par téléphone ou, soyons fous, avec l’iris de nos yeux !


*) voir Un voyage des les îles 1 & 2
http://tiina-gva.blogspot.com/2010/08/voyage-dans-les-iles.html
http://tiina-gva.blogspot.com/2010/08/un-voyage-dans-les-iles-jersey.html

lundi 23 août 2010

Une croisière sur la Baltique

ou ruotsinlaivalla pour les intimes


Cela doit bien faire 20 ans que je n’ai plus fait de traversée en bateau entre la Finlande et l’Allemagne (Lübeck), la Suède (Stockholm) ou l’Estonie (Tallinn). Et voici que j’ai fait la traversée Stockholm-Turku avec Silja Line, une véritable expérience à tout point de vue.

Départ de Stockholm à 7h10 (réveil à 5 :45), taxi à l’heure, enregistrement sans heurt et copieux petit-déjeuner à bord. Après quoi, je pars à la découverte de ce petit univers flottant, un véritable immeuble de 12 étages. Au sous-sol, les voitures, puis plusieurs étages de cabines ; au 7ème et 8ème étages, boutiques, restaurant et bars ; des machines à sous partout ; un salon de coiffure, une esthéticienne, des massages, un sauna, une (mini-)piscine et un jacuzzi, ainsi que de petites salles de réunion au 12ème étage ; et évidemment un magasin hors-taxe bien achalandé et aux rayons bien garnis, notamment en duo-sixpacks (12) ou tetra-sixpacks de bière (24), que les gens empilent sur de petits chariots pour faire leur stock pour le week-end.





Les Finlandais appellent affectueusement ces multipacks mäyräkoira, ce qui signifie teckel. Les emballages ne sont pas perdus pour tout le monde !
A noter que le snus (tabac à priser très prisé des Suédois) n’est en vente que tant qu’on est dans les eaux territoriales suédoises. Une annonce par haut-parleurs avertit les clients potentiels qu’il leur reste une demi-heure pour aller faire leurs stocks.

Heureusement, tout le bateau est NO SMOKING. Les fumeurs doivent monter sur le pont au 12ème étage ou alors s’enfermer dans un aquarium qui se trouve, étrangement, à côté d’une aire de jeux pour les enfants (qui se transforme parfois en bar normal, avec orchestre et couples qui dansent). Sans doute est-ce pour dégoûter les petits : "Tu vois, si tu n’es pas sage, tu finiras dans un bocal tout gris comme le Monsieur !"

A midi, on peut prendre un déjeuner au buffet pour 24€ et s’en mettre plein la panse : salades et poisson froid en entrée, plats chauds, dessert et – très surprenant pour la Finlande – de la bière, ainsi que du vin rouge ou blanc au robinet, c’est-à-dire sans quota de consommation ni contrôle de l’âge. Ces bateaux étaient autrefois remplis d’ivrognes, mais ce n’est de loin plus le cas. J’ai bien vu quelques individus éméchés dès potron minet, mais le ferry Jersey-Saint-Malo tient bien la comparaison.



Les Finlandais ont tous fait ce voyage à plusieurs reprises et connaissent la musique, contrairement à votre serviteur. J’ai payé mon repas de midi en même temps que mon billet et je pensais qu’il suffisait de montrer le ticket qu’on m’a donné à l’enregistrement pour entrer dans la salle à manger. En réalité, il fallait aller s’inscrire et recevoir une réservation de table en échange, sous la forme d’un petit billet bleu, ce que je n’avais pas compris. Et chaque fois que je me comporte comme une extra-terrestre, les Finlandais s’adressent à moi en suédois, pensant : "la pauvre, elle n’est pas d’ici, on va lui parler dans la langue des étrangers". Ici, je n’ai certes pas besoin d’expliquer pourquoi il y a deux ii à mon prénom, mais ce n’est pas plus simple pour autant.

Chaque bateau est une véritable entreprise : non seulement il y a un capitaine et tous ceux qui font avancer le navire en veillant à sa sécurité, mais il y a tout le personnel d’un hôtel (nettoyage des cabines) et de plusieurs restaurants et bars. Sans compter les animateurs pour les enfants, l’orchestre, les coiffeurs-masseurs-esthéticiennes ou encore le personnel de vente des magasins (parfumerie, vêtements, disques et DVD).

Des îles, petites et grandes, nous accompagnent tout au long du voyage, il n’y a qu’un tout petit intervalle de grand large avec l’horizon pour seul paysage. C’est sans doute grâce à cela que le bateau est très stable et que personne ne semble avoir eu le mal de mer. Le voyage dure toute la journée, mais entre le shopping, les repas, la lecture et grâce à la WiFi à bord, on ne voit pas le temps passer.

A peine arrivé au port, le bateau embarque une nouvelle cargaison humaine et reprend tout à zéro dans l’autre sens, pour la traversée de nuit. Les passagers quant à eux s’éparpillent aux quatre vents, après avoir avancé leurs montres d’une heure et changé leurs couronnes en euros. Eh oui ! La Suède et la Finlande ont beau être si proches que tout le monde nous confond (voir La visite chez le notaire) , il y a malgré tout beaucoup de choses qui nous séparent (à commencer par la langue !)



www.tallinksilja.com
http://www.vikingline.fi

samedi 14 août 2010

Un voyage dans les Iles (2) – Jersey


Le passage de Guernesey à Jersey s’est fait en neuf minutes environ, au moyen d’un tout petit avion tout mignon, pouvant transporter 18 passagers. C’est bien plus simple et pas plus cher que le ferry.

A la première impression, tout est plus grand qu’à Guernesey, Jersey est d’ailleurs 50% plus grande que sa petite voisine du nord. Saint-Hélier paraît bien plus urbaine que Saint-Peter’s Port, mais en réalité, downtown se résume à King Street, où on trouve Marks & Spencer, Boots, HMV, Body Shop et l’omniprésent Swarovski. Ce qui frappe aussi, c’est qu’on croit être arrivé au Portugal : ça parle portugais tous azimuts, les serveurs et les chauffeurs de bus semblent tous venir de là-bas. Et s’ils ne sont pas Portugais, c’est qu’ils sont Polonais.

Il a fallu à nouveau essayer de comprendre comment fonctionnaient les transports publics et comment arriver aux attractions touristiques. Comme à Guernesey, un réseau d’autocars dessert bien toute l’île, mais les bus ne passent qu’une fois par heure environ, ce qui ne favorise pas les balades spontanées ni l’improvisation. Il faut au contraire essayer de concentrer les visites sur une même ligne et faire des calculs avec l’horaire. Ils ont un système astucieux de SMS permettant de connaître le passage de la prochaine correspondance ; malheureusement, ça n’a pas l’air de fonctionner avec des téléphones étrangers.



Les deux îles sont divisées en paroisses (parish) et les guides, plans et brochures vous diront que La Mare Wine Estate est à Saint-Mary et que les Tunnels de guerre sont à Saint-Lawrence. Mais on ne vous dira pas où se trouvent Saint-Mary ou Saint-Lawrence, car apparemment, c’est parfaitement évident ! Ils ne semblent pas connaître le système des grilles G4 ou B2 pour situer la cathédrale ou le château.

Il y a de très grandes plages à Jersey et sur la côte sud, les marées sont dangereuses car très rapides, comme au Mont-Saint-Michel en France ; des forteresses (Château Montorgueil, Elizabeth Castle), des falaises et des gouffres (Devil’s Hole) ou encore un zoo (Durrell Conservation Trust), qui ne vaut toutefois pas le détour. Les animaux y sont certainement très heureux, car ils ont d’immenses parcs avec beaucoup de broussailles, mais pour le visiteur, qui fait 2x30 minutes de bus et qui paie 13£ (23 CHF) l’entrée pour ne rien voir, c’est un peu frustrant. En outre, le zoo donne plutôt l’impression d’être un parc d’amusement pour enfants, avec des aires de pique-nique et de jeux, avec des panneaux didactiques simples.

Les deux îles ont été fortement marquées par l’occupation allemande pendant la deuxième guerre mondiale. Il est étonnant que cet épisode de l’histoire soit si mal connu. Les îles Anglo-normandes ont été prises très facilement par les Allemands, car Churchill avait estimé qu’elles n’avaient aucune importance stratégique et qu’il ne valait pas la peine de les défendre. Et lorsque les Alliés ont débarqué en Normandie, ils ont libéré l’Europe, toute l’Europe… non ! de petites îles restent assujetties au joug de l’occupant, car tout le monde les a oubliées ou alors s’en fiche royalement. La guerre s’est terminée le 8 mai 1945, mais les Iles, elles, n’ont été libérées que le 9 mai 1945, date largement commémorée au moyen de moult plaques apposées un peu partout, en souvenir des 40, 50, 60 ou 65 ans de La Libération.


Jersey War Tunnels

Malgré cet épisode douloureux, les îles Anglo-normandes sont restées loyales à la Couronne d’Angleterre et, en dépit de noms de lieux bien français (Saint-Ouen Beach, Bonne Nuit Bay), on y est bien en terre anglaise. Les hôtels servent du bacon & eggs au petit-déjeuner et il y a des bouilloires dans les chambres d’hôtel, pour l’indispensable tea time. Les gens qu’on croise dans la rue sont typiquement anglais, tout le monde est très aimable, l’ambiance est tranquille et paisible, voire un peu provinciale. On ne voit pas ces énergumènes des temps modernes, punks, rastas et autres extra-terrestres qui parlent tout seuls, gitans ou jeunes tatoués et percés. Je n’ai pas vu un seul analyste financier non plus. Le dépaysement total…

Et s’il y a bien une chose qu’on ne trouve pas, ce sont des pulls jerseys. Voilà une bonne raison d’y retourner, pour essayer d’en dénicher !



Voir aussi: Guernesey
www.blueislands.com compagnie aérienne qui dessert les Iles entre elles, ainsi que Genève et Zurichwww.jerseywartunnels.co.uk
www.lamarewineestate.co.uk : vins, mousseux, caramels, biscuits et l’incroyable Black Butter : un concentré de cidre et de pommes à tartiner

lundi 9 août 2010

Un voyage dans les Iles (1) - Guernesey

Un projet que je mûrissais depuis quelques années a enfin pris forme : la découverte d’un monde inconnu, pourtant tout près de nous, les îles Anglo-normandes. Un article sur une petite île hors du temps, Sark (Sercq en patois local) avait excité ma curiosité. Guernesey, Sark, Herm, Aurigny (Alderney en anglais) et Jersey forment des baillages qui dépendent de la Reine d’Angleterre (Crown Dependencies) sans toutefois faire partie du Royaume-Uni ni – heaven forbid ! – de l’Union européenne ; d’où leur statut fiscal particulier, qui en font un havre très accueillant pour toutes les grandes fortunes de ce monde et pour les fonds de placement offshore. A Guernesey, on n’a toutefois pas du tout l’impression de nager parmi les requins de la finance. L’ambiance est plutôt celle d’une petite ville portuaire, quelque part à mi-chemin entre la Bretagne et les Iles Canaries. Les cactus et les palmiers prospèrent, les mouettes rient et il y souffle le bon air marin. C’est très propre et on se sent totalement en sécurité. Les voleurs et les brigands sont sans doute naturellement freinés par le fait qu’on ne quitte pas si facilement une île.


Guernesey et Jersey ont chacune leurs propres billets, même si leur devise est alignée sur la livre sterling. On trouve des billets d’une livre, alors qu’en Angleterre, ce sont des pièces. On peut évidemment payer en GBP, mais aussi en livres écossaises et sans doute aussi en livres d’Irlande du Nord. J’ai bien remarqué quelques discrètes enseignes de banques ou de sociétés financières, mais je n’ai pas vu un seul homme en costume trois pièces. Sans doute est-ce dû à la saison. On voit bien plus de polos Carlsberg et de bermudas que d’attaché-case. Les touristes sont essentiellement anglais et français. Ce sont apparemment les seuls qui connaissent l’existence de cet endroit. Il n’y a évidemment ni roms ni joueurs de bonneteau, car ils auraient besoin d’un visa pour pénétrer dans ce petit paradis.


Bien qu’il ne fasse pas très chaud (20-22° au mois d’août), une végétation tropicale pousse partout : des aloés géants, des palmiers, des chardons, des plantes grasses et des fleurs de toutes les couleurs. Beaucoup d’hortensias aussi, ce qui nous rappelle qu’il doit tout de même beaucoup pleuvoir. Nous sommes, après tout, en plein milieu de la Manche et tout près de l’Océan atlantique. Les parapluies de Cherbourg ne sont pas bien loin… ! Les paysages et la végétation ne sont pas sans rappeler le pays basque : des plages de sable, des pins parasols et les nuages qui vous font constamment ôter et remettre votre pull. Ce qui est cocasse, ce sont les cottages très anglais, avec des plantes tropicales et des palmiers dans leur jardinet. Ils portent souvent des noms français, probablement choisis au hasard du dictionnaire : Enfin, Désormais, Le Petit Robinet (avec l’illustration d’un rouge-gorge, robin en anglais). On trouve beaucoup d’inscriptions en français, ce que j’ai de la peine à comprendre, étant donné que ces îles sont devenues anglaises en 1066. Sans doute une importante colonie française a-t-elle toujours vécu ici. 



Autour de Guernesey, trois petites îles méritent une excursion : Sark, Herm et Aurigny. Elles se vantent toutes trois d’être des lieux de calme, éloignés de toute l’excitation moderne, ce qui est certainement le cas. Malheureusement, si les voitures sont interdites, les tracteurs ne le sont pas et, sur Sark, ils sont un peu trop nombreux. Mais voilà : il faut bien transporter les valises des touristes ! Il y a encore deux autres petites îles, privées, celles-là : Jethou et Brecqhou (que les Anglais prononcent bracko). J’ai vu Brecqhou de l’avion et ce serait un décor idéal pour un film de James Bond : une immense bâtisse de type faux château, flanquée d’un héliport. Et gare à quiconque oserait s’approcher !

Guernesey porte encore de nombreuses traces de l’occupation allemande. Les côtes sont parsemées de blockhaus et Castle Cornet, une forteresse médiévale à Saint-Peter’s Port, a été arrangée pour satisfaire les besoins de l’occupant nazi. Cette période est décrite de façon tout à fait charmante dans le roman de Mary Ann Shaffer, The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society.




L’Hôtel Captain Cook est une excellente adresse pour quiconque cherche une ambiance de pension de famille, pas guindée, sans businessmen. Le soir, les clients se retrouvent au bar, soit pour recevoir la WiFi, soit pour taper le carton avec le patron. L’hôtel est situé à un jet de pierre de la maison de Victor Hugo (Hauteville House), qui a passé 16 ans d’exil à Guernesey. Ce cher Victor devra toutefois encore attendre ma visite, car le musée n’accueille que 15 personnes à la fois et qu’on se bouscule au portillon.

Autrement dit : Next Year in Guernsey !


Voir aussi: Jersey
http://www.captaincookhotel.co.uk/
http://www.visitguernsey.co.uk/
http://www.hautevillehouse.com

mercredi 4 août 2010

Vivons vieux, vivons heureux


Un changement de génération s’est fait récemment. Non seulement, j’ai atteint un chiffre rond, mais c’est maintenant à moi de m’occuper de ma mère et non l’inverse. Autour de moi, les gens de mon âge ont cessé de parler de leurs enfants et la conversation porte désormais sur nos parents respectifs, leur état de santé, leur moral, leur autonomie ou leur dépendance.

Cinquante ans, c’est vraiment l’âge idéal. On a laissé derrière soi les incertitudes et la sottise des jeunes années et on n’est pas encore affligé par l’arthrose ou la surdité. Pour rien au monde je ne voudrais avoir à nouveau 20 ans. Et en observant ma mère, j’entraperçois ce qui m’attend d’ici 30 ans, si le ciel me prête vie jusque là.

Ma mère passe actuellement des "vacances" dans une sorte de Club Med pour personnes âgées. Certains pensionnaires vivent là à demeure, d’autres à titre provisoire. Des activités sont organisées, les repas se prennent à des tables collectives, ce qui favorise les contacts. Les uns et les autres vieillissent différemment et, comme dans toute société ou groupe, toutes les personnalités sont représentées : le monsieur élégant qui garde son chapeau à table, la dame qui parle très fort puisque ses camarades de table se taisent de toutes façons, la personne agressive qui se plaint de la nourriture ou celle qui découpe soigneusement sa serviette en morceaux à l’aide de son couteau et qui s’essuie ensuite la bouche avec la nappe. Au lieu de trouver ce lieu déprimant, ma mère semble plutôt y trouver un certain réconfort : "Dieu merci, je n’en suis pas encore là !" Quant à elle, observer les allées et venues dans le parking ou encore une excursion quotidienne au supermarché d’en-face suffisent à la combler. Il y a de quoi : cela signifie qu’elle est encore capable de se déplacer toute seule, fût-ce à la vitesse de l’escargot. Mais elle a tout le temps… alors qu’importe !

Quand je vois des personnes aux cheveux blancs faire de la randonnée ou gérer leur entreprise, je suis pleine d’admiration et j’espère sincèrement vieillir comme eux. Pour y parvenir, je mets toutes les chances de mon côté en faisant du sport, en consommant cinq fruits et légumes par jour et de l’alcool avec modération. L’enfer serait de devenir dépendante relativement jeune et de devoir passer 20 ans dans un home. Tant qu’on a toute sa tête, on peut bien sûr s’occuper de façon utile et agréable, mais nul ne sait ce que l’avenir nous réserve.

Mais je ne vais certainement pas passer le temps qui me reste dans cette vallée de larmes à me préoccuper de mon avenir de petite vieille. Carpe diem et demain est un autre jour, comme disait l’autre.
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La vie est une maladie mortelle....

jeudi 29 juillet 2010

Big Brother

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#)

Bien des gens décrient facebook, en hurlant à la violation de la vie privée. Cependant, on se méfie beaucoup moins de tous les autres espions qui nous entourent, qui ne sont pourtant pas bien discrets.

Un nouvel ordinateur a récemment fait son entrée dans ma vie (voir La Caverne d’Ali Baba*) et avec lui, j’ai l’impression d’avoir ouvert tout grand ma porte à Big Brother. Tous mes faits et gestes étaient certainement déjà enregistrés par mon précédent ordinateur, mais avec Windows 7, c’est devenu carrément flagrant. Dès la première mise en marche, Toshiba m’a souhaité la bienvenue et m’a proposé de leur permettre de suivre mon activité sur internet, pour optimiser leurs services bien sûr et pour pouvoir me proposer des offres attrayantes. Ensuite, Microsoft m’a proposé la même chose. Sur iTunes, vous pouvez permettre à Genius de suivre vos habitudes et vos préférences et de vous proposer des achats selon vos goûts musicaux.

Ayant téléchargé Picasa, j’ai pu constater dès le premier clic, que toutes mes photos sur ce blog y figuraient déjà, alors que je n’avais strictement rien fait. J’ai alors compris que Blogspot et Picasa faisaient tous deux partie de Google. Au moment de télécharger un album sur Picasa, pour pouvoir le partager avec un groupe de personnes, le programme a eu l’amabilité de me demander si je voulais copier toutes les photos sur mon disque dur ou uniquement le dossier de mon choix. J’ai choisi la deuxième option, mais le logiciel n’en n’a fait qu’à sa tête et voilà que toutes mes photos sont dans Picasa. Je soupçonne qu’elles sont par conséquent aussi accessibles aux "Gens" de Google. Et je me dis que quand j’ai répondu Thanks but no thanks à Toshiba et à Microsoft qui proposaient gentiment de suivre mes mouvements sur internet, ils n’en font probablement qu’à leur tête aussi.

Dorénavant, pour avoir une messagerie Outlook, on est obligé de créer un compte Windowslive, qui vous propose – mais est-ce vraiment un choix ? – de synchroniser votre mail avec votre compte facebook et de partager vos photos avec vos amis. On vous propose aussi de "vous dévoiler un peu", en mettant une photo de vous et en affichant des informations à votre sujet. Un peu comme sur facebook.


Bizarrement, facebook ne me fait pas flipper, car il me semble que ça ne prétend pas être autre chose que ce que c’est. On affiche les infos et les photos qu’on veut et on les partage avec les personnes de son choix. Avec Google et Windows, j’ai l’impression qu’on lit mon courrier et qu’on regarde mes photos, sans que je ne sache qui lit ou qui regarde. D’autre part, on n’a pas vraiment le choix : on (je) ne peut (peux) plus vivre sans internet ni courrier électronique.

Dans le contrat de licence de Windowslive, un passage dit (je n’ai évidemment pas tout lu) que Windows se réserve le droit de stocker des informations à mon sujet et de les envoyer aux Etats-Unis. Un peu comme les données sur les passager des avions, qui sont systématiquement envoyées et stockées aux USA. Mais tout cela dans le cadre de la politique de confidentialité de Microsoft. Ouf, on respire.

D’autre part, je me demande qui peuvent bien être les pauvres diables qui vont devoir lire mon courrier et regarder mes photos. J’ai vaguement essayé de brouiller ma piste en créant différentes adresses e-mail pour différents usages, mais ça devient vite difficile à gérer. Je couvre la webcam de mon ordinateur, des fois qu’un programme pirate me filmerait en train de me moucher.

Ma petite vie est déjà amplement cartographiée grâce à mes cartes Cumulus et Supercard, ma carte de crédit et ma carte fnac. De plus, les téléphones mobiles et les appareils photos sont maintenant tous équipés de GPS, donc inutile d’essayer de cacher où vous êtes. Il faudrait revenir à l’argent comptant, au téléphone fixe, au courrier papier et aller dans différents cyber-cafés pour éviter de laisser des traces.

Mais finalement, à quoi cela servirait-il ? Migros et Coop savent, grâce à mes achats, que je suis une femme vivant seule, sans chat ni chien ni hamster. La belle affaire. D’autre part, ils sauront aussi qu’ils ont intérêt à avoir des Fisherman’s Friend et du lait de soja en stock.

Voilà : je viens de faire des révélations fracassantes sur ma vie intime et sur internet, de surcroît. Mais surtout, que cela reste entre nous !

#) photo recadrée via Picasa - je ne peux plus faire autrement - et téléchargée via Picasa - je ne peux plus faire autrement - raison pour laquelle le logo Picasa s'affiche.

*) http://tiina-gva.blogspot.com/2010/07/la-caverne-dali-baba.html
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PS : je viens d’aller sur blogspot et la page me propose de me logger avec une des mes adresses e-mail que je n’ai jamais utilisées nulle part, elle ne me sert que d’archive. Ça prouve bien que Blogspot/Google/Windows/ s’introduit sans peine dans mon compte de messagerie… Au secours !

PPS: Un article paru dans The Independent en 2007 confirme mes soupçons: http://notes2self.net/archive/2007/05/24/independent-google-is-watching-you-big-brother-row-over-plans-for-personal-database.aspx

samedi 24 juillet 2010

Les Demoiselles de Rochefort


Il y a environ un quart de siècle de cela, une amie m’a fait découvrir la musique de cette comédie musicale, composée par Michel Legrand avec des textes de Jacques Demy. Elle m’a tout de suite collé à la peau, alors que les Parapluies de Cherbourg m’avaient plutôt laissée indifférente. Ça tient sans doute au côté un peu loufoque de l’intrigue et de la douce poésie foldingue des paroles. Récemment, le film est passé sur arte et j’ai enfin pu mettre des images sur la musique et des visages sur les paroles. La magie tient toujours, bien que le film soit presque aussi vieux que moi.

C’est l’histoire de boy meets girl, avec l’aide du destin qui fait se croiser les chemins des uns et des autres. Ces chemins ne cessent de se rater ou de s’éviter pendant près de deux heures, mais fort heureusement, chacun finit par trouver sa chacune. Les demoiselles sont des sœurs jumelles (Catherine Deneuve et sa sœur, Françoise Dorléac), l’une est danseuse, l’autre musicienne. L’une trouve son amoureux par le biais de la peinture, l’autre grâce à la musique. Les très jeunes Jacques Perrin (Maxence), Danielle Darrieux (la maman des jumelles), Michel Piccoli (Simon Dame) et le plus-si-jeune Gene Kelly jouent également dans le film. Tous sont doublés pour le chant, à l’exception de Danielle Darrieux.

Quand Catherine Deneuve marche dans la rue, les gens autour d’elle se mettent à danser et à faire des cabrioles et Gene Kelly saute dans sa voiture, tout sourire et démarre en chantant chabadabadib-dip-diboubaa ! Un jeune marin part en perm’ à Nantes (Ah ! l’astuce est amusante !) et la maman des jumelles a renoncé au grand amour car, pour rien au monde, elle ne voulait s’appeler Madame Dame. Et voilà qu’une femme découpée en morceaux a été découverte rue de la Bienséance, à deux pas du château :

J'ai été arrêtée par un car de police
En rentrant de l'école où j'ai mis votre fils
Je me suis renseignée, on cherchait un sadique
Que certains qualifiaient de fou métaphysique
D'autres disaient de lui que c'est laid, que c'est lâche
L'arme du crime étant ou la scie ou la hache
Le monstre avait coupé la dame savamment
Et rangé les morceaux avec discernement

Alors que les uns cherchent leur Idéal Féminin ou l’Homme de leur Vie, d’autres cherchent plutôt la bagatelle :

Les marins sont bien plus marrants
Que tous les forains réunis
Les marins font de mauvais maris
Mais les marins font de bons amants
Marins, amis, amants ou maris
Les marins sont toujours absents

Le Happy End n’arrive qu’à la toute fin du film, quand on n’y croyait presque plus. L’astuce est vraiment amusante : le spectateur pense que Cupidon avait oublié Delphine Garnier et voilà que le Destin doublé du Hasard vient mettre son grain de sel ; le film se termine et on reste tout là tout bête et on en redemande !

Un vrai rayon de soleil dans un monde de brutes et une perle indémodable.

jeudi 15 juillet 2010

There’s no place like home


Avec la vie de bâton de chaise que je mène, il m'arrive forcément parfois – et même souvent – de devoir loger à l'hôtel. C’est une vie qui peut paraître glamour aux yeux de certains, comme le fait de prendre l’avion pour se rendre au travail, mais les choses ne sont pas toujours aussi roses qu’on se l’imagine.

Il y a essentiellement trois raisons d’aller à l’hôtel : dormir, se laver et prendre le petit-déjeuner. Ça paraît tout bête, comme ça, mais les personnes qui conçoivent les chambres d’hôtel n’y ont certainement jamais passé une nuit de leur vie. Je passe sur les chambres bruyantes et exiguës, dans des quartiers chauds ou douteux, car je ne vais évidemment que dans des endroits "très bien".

Justement, à l’occasion d’une conférence, j’ai été logée par l’organisateur dans un hôtel cinq étoiles à Rome, dans lequel je ne retournerai certainement jamais, mais pas à cause du prix (que je ne connais d’ailleurs pas). La chambre était assez grande, donnait sur une cour moche, donc silencieuse, mais la climatisation était archi-bruyante et impossible à éteindre. J’ai passé la nuit avec des boules Quiès et un pull. Ça m’a permis d’apprendre que "bruit" se dit "rumore" en italien : la climatizzazzione fa molto rumore, ou quelque chose du genre. Et la douche : une magnifique salle de bains, avec pleins de petits flacons et de savonnettes parfumées, mais un mitigeur sorti tout droit de l’enfer : on avait le choix entre glacé et bouillant. Heureusement que je n’y ai passé qu’une nuit *). J’ai prolongé mon séjour à Rome, mais les nuitées suivantes, je les ai passées dans un hôtel bien plus ordinaire mais aussi bien plus confortable.



Quasiment tous les hôtels ont été traumatisés par les vols de cintres. Mais qui donc en est réduit à voler les cintres des hôtels ? A cause de ces âmes désespérées, les chambres sont désormais toutes équipées de ces cintres anti-vol archi-agaçants, qui demandent une patience infinie pour coincer le petit clou dans la petite fente du machin qui n’arrête pas de bouger. Grrr.

Le mini-bar : je ne m’en sers jamais, mais quand il n’y en a pas, j’ai forcément un yaourt à mettre au frais ou envie d’un petit whisky avant d’aller me coucher. Une fois que j’avais laissé un yaourt sur le rebord de la fenêtre, j’ai été réveillée au petit matin par un drôle de bruit qui faisait pic-pic-pic très doucement. C’était un oiseau, qui avait percé le couvercle en aluminium et qui s’offrait un petit festin. J’ai été épatée par cette capacité d’adaptation : l’oiseau savait qu’il y avait quelque chose de nourrissant sous le couvercle en alu.

De façon générale, les chambres sont très mal conçues. La lumière est toujours tamisée, à croire que les chambres d’hôtel ne servent qu’aux rendez-vous coquins. Si on a des documents à lire, le mieux est encore d’aller s’asseoir sur la cuvette des toilettes, en général, c’est bien éclairé. Les tables de travail sont rares. On doit se contenter des tables de chevet et de l’éclairage soft pour écrire ses cartes postales. La télévision est souvent mal placée : par exemple au plafond et on doit se coucher sur le lit pour la regarder. Ou alors s’asseoir au bout de lit, sans dossier. Parfois, il n’y a que trois chaînes locales, par exemple en polonais, et CNN. Youpie.



Les salles de bains sont un chapitre à part : une douche minuscule, mansardée ou la baignoire sans rideau ; ou alors la demi-paroi en verre qui vous oblige à vous coincer dans un coin si vous ne voulez pas tout inonder ; les flacons avec de minuscules goulots d’où rien ne sort ; les sachets de gel douche impossibles à ouvrir les mains mouillées ; un porte-savon en forme de grille sur lequel il est impossible de poser le sachet de gel douche qu’on a de toutes façons massacré en tentant de l’ouvrir ; ou alors, pas de savon du tout… Ma préférence va clairement au distributeur de gel-shampooing fixé au mur.

Le petit-déjeuner : il coûte en général plus cher qu’une entrecôte aux morilles. En France, il arrive encore très souvent qu’on vous serve un croissant et un morceau de baguette. C’est absolument délicieux et so very French ! mais certainement très choquant pour des gens soucieux de leur santé. Il arrive souvent qu’on doive se farcir une radio qui est réglée juste assez fort pour faire bruit de fond, mais pas assez pour qu’on puisse suivre les nouvelles. Il m’est arrivé récemment de démarrer ma journée en compagnie de Jimmy Hendrix. Peut mieux faire…

Heureusement, les hôtels sont tous devenus non-fumeurs : une chambre sentant la cigarette froide est totalement déprimante. Un de mes critères de réservation est désormais la WiFi. Les petits hôtels l’offrent généralement gratuitement, alors que les chaînes et les hôtels pour hommes d'affaires la font payer très cher. De nos jours, internet devrait faire partie des services offerts par les hôtels, au même titre que le sèche-cheveux ou la télévision.

Quand je trouve un hôtel qui fait tout juste – calme, oreillers à plume, douche agréable, bon petit-déjeuner – j’y retourne volontiers. Et quand le personnel commence à me reconnaître, je me sens presque at home. Mais en fin de compte, on n’est jamais si bien que chez soi.
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*) sans vouloir être parano… on a sans doute donné à l’interprète une des pires chambres. Je ne voudrais donc pas condamner l’hôtel dans sa totalité. Les ministres et les princesses se voient certainement attribuer de meilleures chambres

vendredi 2 juillet 2010

La caverne d’Ali Baba



Mon ordinateur a commencé à devenir de plus en plus en plus lent, jusqu’à ne plus se réveiller qu’une fois sur deux après avoir été arrêté ou mis en veille. Après plusieurs quasi-arrêts cardiaques (de mon côté) et des sauvegardes d’urgence, j’ai décidé de l’apporter chez Docteur Informatika.

Une tanière magique se trouve à quelques 300 mètres de chez moi : l’établi de l’homme qui répare les ordinateurs, quel que soit le modèle, le processeur ou le millésime de la chose. Lorsqu’on franchit la porte en verre rapiécé, couverte d’affiches, on se retrouve plongé dans la quatrième dimension, peut-être même la cinquième. Parmi des carcasses de toutes les marques et de toutes les tailles, desktops, laptops, câbles ou disques, on trouve toujours deux ou trois personnes, qui sont parfois des clients, mais pas forcément. En effet, on passe chez Informatika pour dire bonjour, pour prendre rendez-vous ou pour rester assis sur un tabouret, parfois plusieurs heures voire plusieurs jours. C’est le souk du XXIème siècle : un capharnaüm avec de la marchandise du sol au plafond, du chenil 1), du brol 2), du fourbi, du bronx tous azimuts, il ne manque que le service de thé à la menthe. Ça discute processeurs, téléchargements ou Coupe du Monde.


Il se passe toujours quelque chose dans la boutique de l’artisan, qu’on ne voit jamais les bras ballants ni derrière un ballon de blanc au bistrot d’en-face. Il s’occupe avec gentillesse et patience de chaque personne qui vient le voir et écoute attentivement l’exposé du problème, tout en continuant à revisser un boîtier ou à faire des copier-collés.

Etant donné qu’il n’y a pas de distributeur de tickets, chacun passe à son tour, selon un système de type fuzzy logic. Tout nouveau venu relègue les anciens d’un cran en arrière dans l’ordre d’attente. Il ne faut surtout pas attendre poliment, car si on n’y prend garde, on risque bien d’y passer plus de temps que prévu. En effet, Docteur Informatika est parfaitement capable de répondre au téléphone tout en continuant à chercher une clé USB ou un disque dur dans le désordre systématique et certainement logique qui envahit tout l’espace autour de lui. Dès qu’il raccroche, il vous écoute, pour autant que vous manifestiez votre besoin de dire quelque chose. Et si vous n’avez rien à dire, vous serez néanmoins le bienvenu dans son échoppe, qui, comme la Maison du Seigneur, est ouverte à toutes les brebis égarées du quartier.

Cela fait maintenant bien deux semaines que mon ordinateur est aux soins intensifs chez lui, son mal mystérieux semblant résister, tel le village d’Astérix, à toutes les tentatives de réanimation. J’ai même vu le bon Docteur écouter le ventre de mon bébé avec un stéthoscope, car il le trouvait trop silencieux. Son petit cœur aurait-il arrêté de battre ?

Pendant ce temps, je me débrouille tant bien que mal avec mon notebook et mon iPhone et j’utilise les imprimantes que je trouve au travail, mais c’est un peu comme d’avoir le bras droit dans le plâtre : j’arrive à faire ce que j’ai à faire, ce serait juste mieux avec un vrai grand ordinateur avec un bel écran qui ne joue pas les Belles au Bois-Dormant.

Informatika, 65, Bd Saint-Georges, 1205 Genève
079-640.55.58 et 022-329.95.19
Ouvert à partir de 15h environ et jusque tard le soir (voire très tard)

Le magasin a fermé ses portes


1) mot suisse romand, signifiant désordre, fouillis, fatras ☺
2) mot belge, signifiant désordre, fouillis, fatras ☺

vendredi 25 juin 2010

La Visite Chez Le Notaire



Six mois s’étant écoulés depuis le décès de mon père, voici venu moment de signer l’acte de succession. Ma mère, ma sœur et moi nous sommes donc rendues à l’office notarial.

Pendant que nous paraphions et signions les documents, le notaire commence cette phrase : "Chez vous, en Suède…" Ma sœur et moi l’interrompons : "En Finlande". Il reprend : "Oui, donc en Suède… " "En Finlande", reprenons-nous en chœur. Regard stupéfait du notaire qui a) en tant qu’homme et b) en tant que notaire ne doit pas avoir l’habitude de se faire reprendre de la sorte, par deux blondasses de surcroît. Il réfléchit, perplexe, puis dit : "Ah, oui, c’est ce pays tout en longueur ?" "Non, ça, c’est la Norvège." Sa stupeur et sa perplexité vont s’intensifiant.

Mon agenda contient une mini mappemonde et je lui montre la Finlande, là, entre la Suède et la Russie. Ah ! Evidemment, ce n’est pas tous les jours qu’il a des Finlandais dans son office, notre brave notaire. Et voilà que s’en suit l’habituel barrage de questions : Mais vous n’êtes pas dans l’Europe ? Ah oui ?!?! Et vous avez l’euro ? Ah ! Et votre langue, ça ressemble au suédois ? Non ? Au russe, alors ? Non (voir Puhutteko suomea ? ). Et le régime politique ? Et vous payez beaucoup d’impôts, n’est-ce pas (s’il y a bien une chose pour laquelle les pays nordiques sont connus, c’est pour ça) ? Ma sœur et moi échangeons un regard de connivence, elle a visiblement l’habitude, comme moi, de répondre éternellement à ces mêmes questions.

"Et vous retournez souvent à HelsinSKI ?" Ça aussi, c’est un grand classique, mais il n’y a que les Français pour dire ça, quand ce n’est pas : "votre capitale, c’est bien Reykjavik ?" Je commençais à soupçonner qu’il ne cherchât à détourner notre attention et que les documents que nous étions en train de signer avaient peut-être été subrepticement modifiés, afin de nous déposséder des avoirs de mon père. En effet, j’étais en train de signer des documents auxquels je ne comprenais pas grand-chose et pourtant, je me targue d’être tout de même raisonnablement instruite. Par exemple : "Héritiers ensemble pour le tout ou chacun divisèment pour la moitié, sauf à tenir compte des droits du conjoint survivant". Qui reçoit quoi ? La totalité pour tous ensemble ou la moitié chacun ? Mais si nous sommes trois, ça donne quoi ? Et les "rapports de libéralités, mais dont l’exercice est limité aux biens existants… " J’espère bien, les libéralités étant "un don fait avec générosité".

Le cours d’histoire-géo touchant à sa fin, le notaire nous dit : "Ça fera X.XXX,- euros", comme ça, sans facture, sans ventilation des émoluments, taxes et frais de notaire. Ma mère a reçu sous les yeux le chiffre manuscrit et au crayon, inscrit par la secrétaire parmi d’autres notes, et a sagement établi un chèque. La note suivra, mais à mes yeux de Suissesse doublée d’une protestante luthérienne nordique, cette pratique me paraît des plus étranges, étant donné qu’il s’agissait tout de même d’une somme rondelette.

Ma sœur et moi avons vivement encouragé Me Notaire à aller passer des vacances dans notre beau pays. Il me semble que notre visite lui a fait une forte impression. Il ne doit pas lui arriver tous les jours de découvrir des lacunes dans ses connaissances, lui, Le Représentant De L’Etat. Oh ! Ce n’est pas un reproche, loin de là. Moi, c’est tous les jours que je découvre combien de choses j’ignore encore.

PS : ce matin même, un collègue m’interpelle : "Salut, l’Islandaise ! Alors tu vas aller en vacances en Islande ?" Je lui ai simplement répondu que non, la stricte vérité, en somme….

mardi 22 juin 2010

La fierté d’une petite nation



Etant donné qu’il est impossible d’ignorer la Coupe du Monde de football qui est en train de se dérouler en Afrique du Sud, autant suivre les événements dont tout le monde parle. Ce qui me frappe le plus, c’est le parallélisme entre les destinées des équipes de France et de Suisse. Parallélisme est bien le mot juste, puisqu’il s’agit de deux lignes droites condamnées à ne jamais se rencontrer – c’est la fille de mon père qui vous parle, voir le sujet précédent.

La France est omniprésente à Genève, elle nous entoure de partout. De nombreux Français viennent travailler à Genève et les Genevois sont tout aussi nombreux à aller faire leurs courses en France voisine. Tel un vieux couple, les deux nations s’aiment et se détestent, qu’il s’agisse des frontaliers qui viennent travailler en Suisse ou du prix de l’immobilier qui grimpe en France, qu’il s’agisse du CEVA ou du secret bancaire. Genève est indéniablement le plus français des cantons de Suisse. Mais revenons au football…

Alors que l’équipe de France semble avoir perdu avant même que le championnat n’ait commencé, les Suisses sont sur un petit nuage depuis qu’ils ont marqué un but contre l’Espagne, championne d’Europe, qui a sans doute péché par excès de confiance. Les commentateurs radio étaient survoltés, on aurait dit qu’un Suisse venait de marcher sur la lune. Le pays tout entier exulte. J’ai même remarqué une voiture dont les rétroviseurs étaient décorés de petites moufles aux couleurs du drapeau suisse.

Pendant ce temps-là, sur une ligne parallèle, les Bleus nous font la Ferme des Célébrités en direct live. Dans les épisodes précédents, la main de Thierry Henry – les Irlandais doivent se délecter de Schadenfreude (1) – et les mauvaises fréquentations de Ribéry, aussi mineures que vénales; les insultes de vestiaire d’Anelka, le boycott de l’entraînement et la démission vindicative du président de l’équipe ; le sélectionneur Domenech qui qualifie leur comportement d'aberration, d'imbécillité et de stupidité sans nom. Ambiance. Dire qu’on comptait sur eux pour faire passer la réforme du régime des retraites en douceur…

Les Suisses ont perdu 1-0 contre le Chili, mais ils trouvent malgré tout formidable d’être là. Même s’ils ne parviennent pas jusqu’aux huitièmes de finale, ils auront participé, ils auront au moins marqué un but, ils sont contents. Alors que l’équipe de France semble avoir oublié pourquoi ils sont venus loger dans un hôtel dont leurs nuitées accumulées équivalent au PIB du Botswana.

L’Histoire marque indéniablement l’égo des nations. En Irlande, j’ai été frappée par des autocollants sur des voitures disant God made the Irish. Ce qui est certainement vrai, mais pourrait-on imaginer la même chose sur une voiture immatriculée en Allemagne ? Ou encore des t-shirts disant Kiss me, I’m Irish. Imaginez la même chose sur un Français…

Un célèbre D-Jay a sorti un disque intitulé F*** me, I’m famous. Voilà peut-être une idée de t-shirt pour l’équipe de France !

P.S .: à l’heure où nous mettons sous presse, l’Afrique du Sud et la France sont toutes deux éliminées de la Coupe du Monde. Les Sud-africains font la fête malgré tout. La défaite est moins lourde à porter pour les petites nations (au sens footballistique).
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(1) pour les nuls qui n’auraient pas suivi : Thierry Henry a commis une faute de main qui a permis à la France de se qualifier pour la présente Coupe du Monde, écartant l’Irlande.
(1) Pour les nuls bis, Schadenfreude est un mot dont on dit qu’il n’existe qu’en allemand – et en finnois dans une traduction littérale, la joie du dommage – bien que ce soit un sentiment que tous les peuples de la terre sont capables de ressentir : se réjouir des ennuis d’autrui, la vengeance du pauvre.

mardi 15 juin 2010

Métempsycose



Mon père, grand esprit scientifique devant l’éternel, a quitté cette vallée de larmes l’année dernière pour aller rejoindre, du moins je l’espère, les terrains de chasse de ses ancêtres, accueilli sans doute par plusieurs milliers de vierges qui l’attendaient dans des jardins verdoyants.

Nous qui sommes restés de ce côté-ci de l’au-delà avons eu à trier les affaires mortelles qu’il a laissées derrière lui. Comme c’était à prévoir, il y avait beaucoup de banal, mais aussi quelques surprises amusantes ou émouvantes. Comme ce petit carnet gris rempli de formules mathématiques, datant des années -60 et qu’il a religieusement gardé dans un tiroir toutes ces années. J’ai eu à nettoyer, en vue des les donner à recycler, deux de ses ordinateurs portables. J’y ai découvert de très vieilles photos scannées (1), ainsi qu’une photo plus récente de mon père, lors d’une visite au CERN. C’était presque surréaliste de revoir mon père, tel qu’il était ces dernières années, mais avant qu’il ne tombe malade ; une photo que je n’avais jamais vue auparavant. C’était très étrange…. Parcourir ses fichiers m’a permis de me rendre compte à quel point la ville de ses origines lui tenait à cœur, malgré toutes ces années passées à l’étranger. J'ai découvert aussi que, malgré son intelligence excessive, il n’allait pas forcément toujours chercher très loin. C’est ainsi que j’ai réussi à deviner, sur une intuition, le mot de passe de l’un de ses ordinateurs : kuopio(2). What else ?

Nous avons porté six sacs Migros remplis de livres de maths et de physique à la bibliothèque de la faculté de mathématiques, qui était ravie ; un gros sac rempli de salade de câbles et d’adaptateurs en tous genres pour l’association Réalise (3) ; des habits et des chaussures pour Emmaüs, bien sûr ; une trentaine de dictionnaires, que j’ai transportés 5kg à la fois, jusqu’à Strasbourg, où des collègues finlandais ont pris le relais ; une collection de pièces de monnaies d'Iran, d'Argentine, du Japon ou d'ailleurs, datant des années -60 ou plus anciennes, qui ont atterri chez un numismate; et enfin, deux règles à calcul et deux calculatrices avec des fonctions sinus et cosinus, qui ont fait le bonheur de la faculté des sciences. Mon interlocuteur trouvait une de ces calculatrices tellement formidable – il a eu la même dans les années -80, ça l'a rendu tout nostalgique – qu’il ne comprenait pas que je ne souhaite pas la garder. Il est loin de se douter que depuis le jour où j’ai passé mon bac, j’ai pris grand soin de ne plus jamais croiser le moindre logarithme sur mon chemin.

Ainsi, les cendres de mon père, qui s’ennuient dans leur urne, n’ont toujours pas été dispersées conformément à ses vœux. Mais son esprit athée a trouvé le moyen de voyager et de revivre aux quatre coins du canton et au-delà, que ce soit dans un vieil ordinateur qui a trouvé un nouveau foyer, peut-être même en Afrique, par le biais d'un livre sur le dernier théorème de Fermat qui fait sans doute le bonheur d’un étudiant ou encore sur le bureau d’un compatriote qui traduit, comme lui, des modes d’emploi techniques.
A chacun sa réincarnation.
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(1) on peut en voir quelques unes dans le tout premier billet de ce blog
http://tiina-gva.blogspot.com/2010/05/commencons-par-le-commencement.html
(2) ville de Finlande, où mon père a vécu jeune
(3) http://www.realise.ch/

vendredi 11 juin 2010

To baby or not to baby



Lorsque la Finlande a adhéré à l’Union européenne en 1995 et que j’ai commencé à travailler régulièrement pour les Institutions européennes, j’ai eu l’occasion de faire la connaissance d’un grand nombre de Finlandais, qu’il s’agisse de collègues ou d’autres personnes. Ce qui m’a frappée, c’est que toutes ces personnes, quasiment sans exception, me demandaient "si j’avais de la famille". Et moi d’expliquer que mes parents ceci, ma sœur cela…

Un beau jour, j’ai enfin compris que ce qu’on me demandait réellement c’était si j’étais mariée et si j’avais des enfants. En Finlande, cette question, qui passerait pour plutôt indiscrète partout ailleurs, est la façon la plus courante et la plus naturelle d’entamer la conversation avec un(e) inconnue(e). Il paraît acquis que tout le monde a sa petite famille, ce qui permet ensuite de se raconter mutuellement combien d’enfants chacun a, les dents de lait, les oreillons du petit dernier, les cours de piano, le club de foot ou les louveteaux, bref une conversation sans réel danger. On évite ainsi de parler de soi.

Ayant compris cela, je me suis mise à répondre à cette inévitable question par la négative, par ailleurs fidèle à la vérité : "Non, je n’ai pas de famille", ce qui jetait un petit froid. Ah… de quoi va-t-on parler, alors… ? En disant cela, je m’entendais dire : "Je n’ai pas de famille, je suis toute seule, je suis orpheline, personne ne m’aime…", alors que pour moi, la famille englobe aussi ses propres parents, ses frères et sœurs, les nièces et les neveux, Papy et Bonne Maman, le cousin Georges, Tatie Danièle et Tonton Marcel, en l’occurrence Kirsti täti et Atski eno (1). C’est sans doute là le sens français du terme "famille"; en finnois on distingue la famille nucléaire, perhe, de suku lorsqu’on englobe tout l’arbre généalogique, ce terme signifiant la lignée (Geschlecht en allemand, mais on n’utilise ce terme que chez Wagner ou dans la littérature ancienne, il me semble).

La Finlande a beau passer pour un pays moderne, pionnier du droit de vote des femmes, une femme président, etc… les traditions ont malgré tout la peau dure. Si on veut être dans la norme, on se marie et on fait des enfants. Cette question m’énerve parfois tant que j’ai envie de répondre que je suis divorcée ou veuve, que j’avais des enfants mais qu’ils sont tous morts ou encore que je suis lesbienne, tendance cuir. Mais à quoi cela servirait-il ?

En Suisse, en France ou n’importe où ailleurs, on ne me demande pas quel est mon état civil ni quelle est ma vie sexuelle – comme le fait Uncle Geoffrey dans le Journal de Bridget Jones : So… Bridget, how’s your sex life ?, question qu’on ne pose évidemment jamais aux couples mariés.

Avoir des enfants ou pas ne devrait pas être un banal sujet de conversation, c’est quelque chose de beaucoup trop sensible pour un grand nombre de personnes : ceux qui n’arrivent pas à en avoir, ceux qui en ont trop, ceux qui ont un enfant handicapé ou caractériel, voire délinquant ou toxicomane. Et encore faut-il trouver un homme vaguement potable pour les faire, ces satanés gamins ! Non, je n’ai pas d’enfants et, à ce jour, je ne l’ai jamais regretté. C’est une lourde responsabilité, un travail à plein temps et un engagement qui dure toute la vie.
Thanks, but no thanks !

***

Dans un prochain billet, vous découvrirez ce que je pense des gynécologues. Par exemple, celui qui m’a dit : "Oh, mais vous allez avoir 39 ans ! Il serait temps de penser à faire des enfants !" Il ne m’a plus jamais revue.
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(1) tante Kirsti et oncle Atski ; en finnois, il y a un mot à part pour désigner l’oncle du côté maternel. On m’a dit qu’en arabe, il y a environ 45 mots pour désigner un cousin ou une cousine, selon le côté de la famille, le degré, la 1ère, 2ème ou 3ème épouse, etc…



Illustration tirée de www.mamannonmerci.blogspot.com

dimanche 6 juin 2010

Une maille à l’endroit, une maille à l’envers



Récemment, j’ai vu dans le journal l’avis de décès de ma maîtresse de couture, décédée à l’âge de 88 ans. Ça m’a soudainement replongée 40 ans en arrière. J’ai revu en souvenir cette vieille fille, dont la vie ne devait pas être bien passionnante et qui venait à l’école en Velosolex. Elle aurait pu être un personnage dans un film avec Fernandel et Bourvil. Elle est probablement morte dans le village, que dis-je, dans la maison qui l’a vue naître. Une vie aux antipodes de la mienne.

Et voilà que je me suis mise à repenser à tout ce que cette demoiselle m’a apporté. J’aimais beaucoup le cours de couture, j’aimais beaucoup l’école tout court. J’y apprenais plein de choses amusantes, intéressantes et utiles et j’étais assoiffée de tout apprendre. Pendant mes loisirs, je lisais même le dictionnaire. En lisant Tristan et Iseult, je cherchais des mots comme destrier et hanap, qui m’ont bien servi plus tard dans la vie.

J’adresse mille mercis à Mademoiselle, grâce à qui j’ai tricoté de nombreux pulls, bonnets, moufles, chaussettes, tant pour moi que pour les autres. C’est grâce à elle que je peux resserrer la taille des jupes et raccourcir les ourlets des pantalons que j’achète, toujours respectivement trop larges à la taille et trop longs.

Une de mes amies d’enfance n’a pas du tout les mêmes souvenirs que moi, alors qu’il s’agit pourtant de la même personne : "Je me rappelle qu'elle était d'une méchanceté à toute épreuve. Son souvenir m'est revenu récemment, en association avec l'évocation de mon arrière-grand-mère maternelle à l'occasion du repas de famille à Neuchâtel où je suis allée avec mon mari en avril, arrière-grand-mère à qui j'avais offert les épouvantables pantoufles couleur caca d'oie que Mademoiselle nous avait fait tricoter (à la sueur du front de ma mère, qui tricotait à ma place pour éviter que Mademoiselle ne me traite de "malhonnête" et ne me tape sur les doigts avec sa règle, ce qu'elle avait l'habitude de faire quand on ratait une maille ou qu'on n'avait pas tricoté le nombre considérable (pour l'empotée de ses doigts que j'étais) de rangs qu'elle donnait à faire à la maison."

Je me rappelle parfaitement ces "pantoufles", même que j’ai appris le mot "caca d’oie" en cette occasion. Pour moi, c’était simplement un exercice pour apprendre les augmentations et les diminutions, fort utiles au demeurant pour quiconque prétend tricoter quoi que ce soit d’autre que des maniques.

Je profite de ce blog pour informer toute la galaxie que j’ai même reçu le prix de couture au terme de la sixième année d’école primaire, ce qui m’a d’ailleurs coûté d’abondantes moqueries de la part de ma sœur.

Malheureusement, je ne tricote plus. Ma dernière œuvre remonte à 16 ans, lorsque j’ai tricoté deux petits maillots identiques pour mes nièces qui venaient de naître. Je ne sais même pas si j’y arriverais encore. Probablement que le tricot, c’est comme le vélo, si on n’avance pas on tombe… ou plutôt : ça ne s’oublie jamais. Mais ce qui me manque surtout, c’est le temps et la patience.
* * *
PS : pour contrebalancer ce tableau un peu trop flatteur, je tiens à préciser que j’ai toujours été archi-nulle (empotée, pour reprendre le terme de mon amie ☺) en gym. Pendant toute ma scolarité, j’ai subi l’humiliation d’être la dernière qu’on choisissait dans les équipes de basket ou de volley. Au collège, en Finlande, j’avais des résultats catastrophiques au test de Cooper, qui consiste à mesurer la distance courue en six minutes. Traumatisme éternel.


vendredi 4 juin 2010

Le suédois est-il intraduisible ?



Après m’être grattée la tête de perplexité face à la VF de Millénium, j’ai vécu un sentiment de déjà-vu en lisant un polar de Sjöwall & Wahlöö, un couple suédois qui est devenu célèbre dans les années -60 avec leurs romans policiers réalistes situés en Suède, précurseurs de Henning Mankell et de son mélancolique commissaire Wallander.

Il s’agit de L’Abominable Homme de Säffle, paru en Suède sous le titre Den vedervärtige mannen från Säffle en 1967, selon le livre en suédois que m’a prêté une amie. Déjà là, l’édition française indique qu’il serait paru en 1971. La traduction française, quant à elle, est parue en 1987. Comme avec Millénium, je me réjouissais de lire un de ces romans dont j’avais tant entendu parler. Et assez rapidement, je me suis dit qu’il y avait quelque chose de pourri au Royaume de Suède.

Tout d’abord, les maladresses en français ; oh ! rien de grave, mais suffisamment gênant pour déconcentrer le lecteur un tant soit peu critique. Quelques exemples :

- "Le temps le quittait à toute allure" (p.23) – s’agissant de quelqu’un qui vient de se faire assassiner et qui agonise.
- "Ils avaient mangé de la viande grillée" (p. 24). Je n’ai encore jamais commandé de viande grillée au restaurant. L’original parle de råbiff 1), littéralement raw beef, c-à-d du steak tartare. Etrange…
- "Désirez-vous autre chose, avant que nous n’arrêtions la vente de boissons ?" Ne serait-il pas plus naturel de dire avant que nous ne fermions ? Avant que nous ne fermions le bar ? L’original dit innan kassan stänger, littéralement : avant que la caisse ne ferme.
-"Avez-vous parlé à ceux qui occupent les chambres de chaque côté de celle-ci ? demanda Martin Beck." No comment…
-"Et combien de fois ne me suis-je fait agonir ?" (p.112) On dit que les traductions vieillissent moins bien que la version originale, cette phrase en est bien la preuve 2).

La page 115 est un véritable festival :
"Lorsqu’il s’efforçait d’écrire quelque chose sans faute de suédois ni de frappe" (ça me fait penser à Victor Hugo et son "vêtu de probité et de lin blanc") ... "Il essuya ses verres de lunettes" (pourquoi pas simplement "ses lunettes"?) ... "malgré son écriture tremblée" …" Ils sont venus me prendre mon litre" (il s’agit d’une bouteille de gnôle) 3).

- "Puis il fit des yeux le tour de ceux qui se trouvaient près de lui…" (p.272)
- "Le nombre de ceux qui aimaient Gunvald Larsson se réduisait à une seule unité, facile à désigner : Rönn" (p.372). Quel francophone s’exprime donc ainsi ? Ne serait-il pas plus idiomatique de dire que ses amis se comptaient sur les doigts d’une main ?

Ensuite, les faits culturels suédois qui sont soit effacés soit présentés tels quels : "un sac en papier du monopole de l’alcool" (p. 115, palme d’or des boulettes). Quiconque est allé en Finlande, en Suède ou dans certains Etats des U.S.A. comprendra sans peine, que les autres se débrouillent.

Et puis les généreuses libertés, par exemple :
"Je ne connais pas ce nom-là dans la police". L’original dit : Är ni över huvud tagit polis? 4) c-à-d "Vous êtes de la police, au moins ?" La nuance d’ironie disparaît complètement en français.
Ou encore : Kan jag få använda min egen ? (pistol) qui devient : "Si vous n'y voyez pas d'inconvénient , je préfère utiliser le mien" (de pistolet), alors que la VO dit simplement : Je peux utiliser le mien ? Le traducteur rend l’individu bien plus courtois qu’il ne l’est.

Il est très difficile de prendre un roman – a fortiori un polar – au sérieux, de se plonger dedans jusqu’à en oublier d’aller dormir quand la traduction ne cesse de vous ramener sur le plancher des vaches. A l’occasion du Salon du Livre, j’ai découvert que cette série de dix romans allait paraître dans une nouvelle traduction. D’autant plus que certains d’entre eux (les six premiers) ont été traduits de l’anglais. Il faut croire que le nombre de ceux qui traduisaient du suédois se réduisait à une seule unité dans les années quatre-vingt !
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Le roman a été adapté au cinéma sous le titre Un flic sur le toit

(1) la lettre å se prononce o
(2) l'original dit Hur många gånger har jag blivit nerspydd?", ce qui signifie "Combien de fois ne m'a-t-on pas vomi dessus?; reste à savoir si c'est au propre ou au figuré...
(3) l'original dit kvarting, qui est une bouteille de 37,5 cl, mais là, je pinaille...

(4) en allemand, cela donnerait : Sind Sie überhaupt Polizist ? Ce qui m’a rendu attentive au mot über (över) + haupt (huvud) : pourquoi diable dit-on "au-dessus de la tête" pour exprimer un doute empreint d’ironie ?


L’Abominable Homme de Säffle, éditions Rivages /Noir
traduit par Philippe Bouquet, auteur de plus de 100 traductions du suédois, Docteur honoris causa de l'université de Linköping (Suède), Officier des palmes académiques, Chevalier de l'ordre de l'Etoile polaire, Prix de traduction de l'Académie suédoise (1988), Prix de la Fondation suédoise des écrivains (1994), Prix personnel Ivar Lo-Johansson 1995, Nominé pour le prix Aristeion 1999.


Voir aussi: http://tiina-gva.blogspot.com/2010/05/le-phenomene-millenium.html
et: http://tiina-gva.blogspot.com/2012/05/le-suedois-est-intraduisible.html

lundi 31 mai 2010

Puhutteko suomea ?

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Environ une fois par mois et pas plus tard qu’avant-hier, on me demande si le finnois ressemble au hongrois, si je comprends le hongrois et si le finnois est apparenté au basque ou à l’albanais. Ensuite, je dois expliquer qu’il y a une minorité d’expression suédoise en Finlande et, non, je ne parle pas le russe. Je tiens toutefois à dire à quel point je suis épatée que les gens sachent que le finnois n’est pas une langue indo-européenne et que c’est une langue bizarre qui ne ressemble à rien.

Les langues scandinaves – suédois, norvégien, danois et dans une certaine mesure l’islandais – se ressemblent ou appartiennent en tous cas au même groupe. Dans les îles Féroé, on parle le féroïen, qui est la seule langue qui soit extrêmement proche de l’islandais et qui n'a rien à voir avec les trois autres, si ce n’est qu'elles en sont dérivées. A ma connaissance, le finnois n’a aucun rapport avec le basque ni avec le turc, même si cette langue comporte aussi deux catégories de voyelles, aou d’une part et ieyäö d’autre part, qui déterminent la forme que prendra la terminaison des mots, je vous épargne les détails.

Le finnois et le hongrois appartiennent au groupe des langues finno-ougriennes, ça tombe bien. L’estonien, qui ressemble fortement au finnois, en fait partie également. Non, je ne comprends pas un traître mot de hongrois, mais j’en reconnais la mélodie et la sonorité. Si j’entends parler hongrois quelque part, j’ai l’impression d’entendre du finnois, comme un enregistrement qu'on passerait à l'envers, mais ça s’arrête là.

Quelques exemples, finnois/hongrois : kiitos / köszönöm : merci ; maanantai / hétfö : lundi ; mansikka / eper : fraise ; rakkaus / szerelem : amour ; kauppa / bolt ou csemege ou áruház : magasin ; käsi / kéz : main ; vesi / viz : eau ; ces deux derniers mots ont une vague similitude.

La même chose, finnois/estonien cette fois-ci : kiitos / kiit : merci ; maanantai / esmaspäev (littéralement : le premier jour): lundi ; mansikka / maasikas : fraise ; rakkaus / armastus (terme vielli en finnois) : amour ; kauppa / kaup ou kauba : magasin ; käsi / käsi : main ; vesi / vesi : eau.


Fasten your seatbealt while seated - Life vest located under your seat en estonien

L’estonien est une source d’amusement intarissable pour quiconque sait le finnois. Saksus signifie à la fois être allemand et être seigneur (en finnois, saksalainen = allemand). Raamattu signifie bible en finnois et livre en estonien. Nahkhiir est une chauve-souris estonienne, littéralement : souris en cuir (peau) pour les Finlandais. J’imagine une sorte de James Dean avec de grandes oreilles et de petites dents.

Ce n’est pas pour autant que je comprenne l’estonien. Je comprends bien mieux le néerlandais ou l’italien, sans doute parce que je les entends plus souvent.

Le finnois a la réputation d’être impossible à apprendre, eh bien, c’est faux. De nombreux interprètes l’ont appris, mais ce sont des fadas des langues, alors ça ne compte pas vraiment. Un jour que je flânais au marché de Helsinki, j’ai vu deux Africains qui regardaient l’étal d’un marchand de poisson. Celui-ci, pensant avoir affaire à des touristes, commence à leur présenter sa marchandise en anglais. Et les clients de lui répondre : suomeksi ! suomeksi ! (en finnois !). C’étaient des Africains francophones, qui ne savaient pas l’anglais (c’est souvent pour eux que nous travaillons en conférence) mais qui, établis en Finlande, avaient appris le finnois.

Comme quoi, quand on veut, on peut !

*) littéralement: la ville de Pori interdit de sauter du pont, autrement dit: E pericoloso sporgersi; le graffiti dit: "les habitants de Rauma ne sont pas concernés"

Le célèbre restaurant Ravintola
(ravintola signifie restaurant en finnois)