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lundi 26 décembre 2011

Le quartier où le temps s'est arrêté

On croit souvent bien connaître sa ville. Et pourtant, il suffit de prendre le temps de flâner tranquillement dans ses rues, à pied et en ouvrant les yeux pour découvrir de drôles de choses. Ainsi le quartier de Saint-Gervais, plus précisément les rues Vallin et des Corps-Saints, qui vous font entrer dans une sorte de quatrième dimension, hors du temps, hors du progrès, loin du bruit et de la fureur de la grande métropole que Genève est en train de devenir. Ici, vous ne trouverez ni cybercafés ni vidéo-clubs – déjà has been, une étape que ce quartier à sautée – vous ne trouverez pas non plus de salon de piercings-tatouages ou de kebab. Si vous voulez faire un voyage dans le passé et retrouver une ambiance sixties, ôsez donc prendre un de ces ruelles que les citadins ignorent et ouvrez tout grand vos mirettes.



Vous y trouverez bien sûr une brocante, mais ce qui est bien plus étonnant, en plein cœur d’une des villes les plus chères au monde, vous pourrez y acheter un râteau, des pièges à rats et des graines chez Dufournet, A la Bonne Graine 1). Juste en face, se trouve l’hôtel Saint-Gervais 2),
un hôtel – oui, une étoile, ça existe en plein centre ville – dans lequel trois chambres se partagent une salle de bain sur le palier à chaque étage. Il est classé 66/110 par les voyageurs qui contribuent à Tripadvisor 3), qui reconnaissent que s’il est fort modeste, il offre un excellent rapport qualité-prix dans une ville qui ne connaît pas l’hôtellerie low cost.


Toujours dans la même rue, une boucherie – espèce en voie de disparition, non pas parce que les gens deviendraient végétariens, mais parce qu’ils préfèrent les grandes surfaces – un cordonnier et, paradoxe ultime : un détaillant en machines à écrire ! Si votre iPad vous déçoit et que vous en avez plus que marre des e-mails, voici votre salut. Idem si vous avez rangé votre vieille Remington, faute de ruban encreur, la maison Thiéry est là pour vous.

Ils pourront aussi vous fournir une caisse enregistreuse, de celles qui fonctionnent sans code à barres. Ensuite, deux salons de coiffure, l’un pour messieurs, où il y a en permanence une demi-douzaine de jeunes hommes qui attendent leur coupe, ce qui signifie soit que le patron est vraiment très sympa ou que ses prix défient toute concurrence ; juste à côté, un salon pour dames avec des casques séchoir pour votre mise en plis à bigoudis. Une imprimerie et un luthier viennent encore compléter cet inventaire nostalgique. Il ne manque plus que le marchand de polaroïds ou de radio-cassettes.


Au coin de la rue des Corps-Saints et de la rue Vallin, on trouve ce magasin extraordinaire

qu’est Lyzamir 4) : une épicerie orientale et mondialiste, où vous pourrez acheter du riz ou des pois chiches en vrac, du manioc frais, un narguilé, du sumac ou du curcuma, de l’eau de rose, de la mélisse, du sirop de dattes, du café à la cardamome et bien d’autres choses encore.Une autre épicerie orientale clôt la rue à son autre extrêmité, à l’angle avec Coutance.
En descendant la rue Vallin, vous rencontrerez un deuxième cordonnier, c’est à se demander comment les deux échoppes du quartier parviennent à résister à Mister Minit. Enfin, un

mini-lavomatic vous permettra de laver votre linge sale pour 5,-




Côté amont de ce lieu où persiste une vie d’une autre époque, se trouve le temple de Saint-Gervais, l’un des premiers lieux de culte de Genève, une église funéraire ayant été bâtie en cet endroit au Vème siècle déjà.

Sa crypte est l’un des plus vieux monuments chrétiens intégralement conservés en Suisse. Le temple s’appelle désormais l’Espace Saint-Gervais 5), car en plus d’être un lieu de recueillement, il accueille diverses activités culturelles et musicales.

Côté aval, le réveil est brutal, avec l’hôtel Mandarin Oriental, qui nous ramène dans l’univers bling-bling du fric conquérant, l’autre facette de notre bonne ville, faite de mille contrastes, composée d’une centaine de nationalités ou plus et connaissant des écarts entre riches et pauvres dignes de certains pays du tiers monde.

Les enseignes n’ayant pas changé ces vingt ou trente dernières années se comptent sur les doigts d’une main. Qui se rappelle le magasin de tissus Chez Joseph, a l’emplacement du McDonald’s de Rive ? Qui se rappelle les deux cinémas, le Dôme et le Rex, je crois, à l’emplacement de l’actuel Rex ou encore le temps où l’Alhambra était un cinéma ? Le Contis (actuel C&A) ? Le Radar et la Crémière, remplacés désormais par Benetton. Le Grand Passage, devenu Globus. C’était aussi l’époque où aucun immeuble n’avait de digicode. Autre temps, autre mœurs !

1) 5, rue des Corps-Saints, 1201 Genève. Commerce de gros de céréales, de semences et d'aliments pour le bétail, commerce de détail de fleurs et de plantes
2) 20, rue des Corps-Saints, 1201 Genève, www.stgervais-geneva.ch

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