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dimanche 30 octobre 2011

La vieillesse vient (mal) accompagnée


... ou Vanhuus ei tule yksin - proverbe finlandais

Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait... ils sont nombreux, les proverbes et dictons sur le passage des ans. Jeune, on se croit éternel et indestructible. Plus on avance en âge et plus on devient prudent, attentif, on surveille sa tension et son cholestérol, on se soumet à toutes sortes de dépistages. Plus on commence tôt à soigner son enveloppe mortelle et meilleures sont les chances de bien vivre le crépuscule de sa vie. C’est un peu comme le capital-soleil, il faut accumuler des points-fitness et les investir pour l’avenir.

Oncques bon cheval ne devint rosse

Différents scénarios du troisième âge sont en train de se dérouler autour de moi. Certains ont des parents qui partent en vacances à moto, mais c’est plutôt l’exception. D’autres sont de petits vieux plus ou moins en forme, mais petit à petit, la vue et l’ouïe baissent et il leur devient de plus en plus difficile de se déplacer. Avoir besoin de lunettes de lecture n’est qu’une première étape, fort bénigne. Vient ensuite le jour où on doit se résoudre à renoncer à conduire ou encore à entrer en maison de retraite. Ils ont sans doute de la chance, ceux qui quittent cette vallée de larmes avant de devoir franchir cette étape. Il ne doit pas être facile de devoir quitter sa maison, sachant qu’on n’y reviendra plus jamais. Une de mes amies a connu la pénible expérience de devoir mettre ses deux parents, simultanément, en pension; constatant que leur chambre était bien grande, son père lui a proposé, le plus sérieusement du monde, de venir s’y installer avec eux. Toutefois, en les plaçant ensemble, elle a évité de les séparer en les rendant solitaires et malheureux tous les deux. Il est très difficile de convaincre ses parents que le moment est venu de faire ses bagages et de franchir la première étape du Grand Voyage ; "Je ne veux pas y aller, il n’y a que des vieux" est une phrase couramment entendue dans ces circonstances.

L'oisiveté de la jeunesse prépare tourments pour la vieillesse – proverbe breton



Certaines veuves connaissent une nouvelle jeunesse après le décès de leur mari. Comme le voulaient les us et coutumes de leur époque, elles ont consacré toute leur vie à leur époux et à leurs enfants. Une fois libérées des chaînes du mariage, elles peuvent enfin être elles-mêmes et vivre quelques années en tant qu’êtres autonomes. Celles ou ceux dont le conjoint souffre de démence ont moins de chance. J’en connais qui passent les dix, quinze ou vingt dernières années de leur vie à rendre visite à un légume qui ne les reconnaît même plus; et ils ont encore de la chance si le légume en question est aimable, ce qui n’est pas forcément toujours le cas. Là non plus, la séparation n’est pas aisée ni facile. C’est à se demander ce qui est le plus douloureux, le décès du partenaire ou sa disparition du fait d’une maladie de l’esprit.


La vieillesse est un triste compagnon de route - proverbe danois

Ceux et celles qui passent leurs vieux jours à la maison, fût-ce seuls, ont beaucoup de chance, même si cela nécessite un certain apprentissage et certains aménagements. Les baignoires deviennent difficiles, voire dangereuses, la douche doit être assez grande pour qu’on puisse y mettre une chaise; il faut s’équiper d’une télé-alarme, en cas de chute; prévoir des livraisons de repas à domicile; avoir des voisins bienveillants qui vérifient de temps en temps que tout va bien. Les plus courageux apprennent à utiliser internet et le courrier électronique, qui offrent une formidable ouverture vers l’extérieur et permettent de rester en contact avec d’anciens amis ou la parenté. Les personnes âgées sont d’ailleurs très nombreuses parmi les utilisateurs de facebook. Tout comme la télé, cela permet de se sentir moins seul et moins coupé du monde.



Vieillir est ennuyeux, mais c'est le seul moyen que l'on ait trouvé de vivre longtemps.
 Charles-Augustin Sainte-Beuve

Les mamies et les papys ont tendance à vivre dans le passé et à remâcher leurs souvenirs, plus ou moins heureux, selon le cas. La mémoire flanche avec l’âge qui avance et les temps anciens sont souvent plus présents dans leur esprit que les événements de la veille. Une façon de mettre cela à profit de façon utile pourrait être de rédiger ses mémoires. Même si ces oeuvres ne seront en rien comparables aux biographies des grands hommes, cela peut néanmoins faire plaisir à la descendance. Le monde a tant changé au cours du siècle écoulé que les jeunes d’aujourd’hui n’ont aucune idée de ce que c’est de vivre sans électricité (sans iPhone!) et sans eau courante. L’exercice permettra sans doute aussi une certaine catharsis, qui libérera l’auteur de ses regrets passés et de toutes ses vieilles rancunes. Une infirmière australienne a pu observer de nombreuses personnes âgées au seuil de leur mort et a fait une synthèse de ce qui leur pèse le plus au moment du Grand Départ *), une lecture fort instructive pour les vivants aussi.

On croit souvent que le couple est un rempart contre la solitude. Bienheureux ceux qui parviennent à vieillir avec leur conjoint, mais leur douleur est d’autant plus cruelle quand leur moitié doit naître au ciel, comme disent les animistes. Savoir vivre en solitaire demande tout un apprentissage.



C’est grand-peine d’être vieux, mais ne l’est pas qui veut.» Gabriel Meurier



A lire : Veuf de Jean-Louis Fournier, éditions Stock
A voir : La petite chambre de Stéphanie Chuat, Véronique Reymond

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