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vendredi 25 juin 2010

La Visite Chez Le Notaire



Six mois s’étant écoulés depuis le décès de mon père, voici venu moment de signer l’acte de succession. Ma mère, ma sœur et moi nous sommes donc rendues à l’office notarial.

Pendant que nous paraphions et signions les documents, le notaire commence cette phrase : "Chez vous, en Suède…" Ma sœur et moi l’interrompons : "En Finlande". Il reprend : "Oui, donc en Suède… " "En Finlande", reprenons-nous en chœur. Regard stupéfait du notaire qui a) en tant qu’homme et b) en tant que notaire ne doit pas avoir l’habitude de se faire reprendre de la sorte, par deux blondasses de surcroît. Il réfléchit, perplexe, puis dit : "Ah, oui, c’est ce pays tout en longueur ?" "Non, ça, c’est la Norvège." Sa stupeur et sa perplexité vont s’intensifiant.

Mon agenda contient une mini mappemonde et je lui montre la Finlande, là, entre la Suède et la Russie. Ah ! Evidemment, ce n’est pas tous les jours qu’il a des Finlandais dans son office, notre brave notaire. Et voilà que s’en suit l’habituel barrage de questions : Mais vous n’êtes pas dans l’Europe ? Ah oui ?!?! Et vous avez l’euro ? Ah ! Et votre langue, ça ressemble au suédois ? Non ? Au russe, alors ? Non (voir Puhutteko suomea ? ). Et le régime politique ? Et vous payez beaucoup d’impôts, n’est-ce pas (s’il y a bien une chose pour laquelle les pays nordiques sont connus, c’est pour ça) ? Ma sœur et moi échangeons un regard de connivence, elle a visiblement l’habitude, comme moi, de répondre éternellement à ces mêmes questions.

"Et vous retournez souvent à HelsinSKI ?" Ça aussi, c’est un grand classique, mais il n’y a que les Français pour dire ça, quand ce n’est pas : "votre capitale, c’est bien Reykjavik ?" Je commençais à soupçonner qu’il ne cherchât à détourner notre attention et que les documents que nous étions en train de signer avaient peut-être été subrepticement modifiés, afin de nous déposséder des avoirs de mon père. En effet, j’étais en train de signer des documents auxquels je ne comprenais pas grand-chose et pourtant, je me targue d’être tout de même raisonnablement instruite. Par exemple : "Héritiers ensemble pour le tout ou chacun divisèment pour la moitié, sauf à tenir compte des droits du conjoint survivant". Qui reçoit quoi ? La totalité pour tous ensemble ou la moitié chacun ? Mais si nous sommes trois, ça donne quoi ? Et les "rapports de libéralités, mais dont l’exercice est limité aux biens existants… " J’espère bien, les libéralités étant "un don fait avec générosité".

Le cours d’histoire-géo touchant à sa fin, le notaire nous dit : "Ça fera X.XXX,- euros", comme ça, sans facture, sans ventilation des émoluments, taxes et frais de notaire. Ma mère a reçu sous les yeux le chiffre manuscrit et au crayon, inscrit par la secrétaire parmi d’autres notes, et a sagement établi un chèque. La note suivra, mais à mes yeux de Suissesse doublée d’une protestante luthérienne nordique, cette pratique me paraît des plus étranges, étant donné qu’il s’agissait tout de même d’une somme rondelette.

Ma sœur et moi avons vivement encouragé Me Notaire à aller passer des vacances dans notre beau pays. Il me semble que notre visite lui a fait une forte impression. Il ne doit pas lui arriver tous les jours de découvrir des lacunes dans ses connaissances, lui, Le Représentant De L’Etat. Oh ! Ce n’est pas un reproche, loin de là. Moi, c’est tous les jours que je découvre combien de choses j’ignore encore.

PS : ce matin même, un collègue m’interpelle : "Salut, l’Islandaise ! Alors tu vas aller en vacances en Islande ?" Je lui ai simplement répondu que non, la stricte vérité, en somme….

mardi 22 juin 2010

La fierté d’une petite nation



Etant donné qu’il est impossible d’ignorer la Coupe du Monde de football qui est en train de se dérouler en Afrique du Sud, autant suivre les événements dont tout le monde parle. Ce qui me frappe le plus, c’est le parallélisme entre les destinées des équipes de France et de Suisse. Parallélisme est bien le mot juste, puisqu’il s’agit de deux lignes droites condamnées à ne jamais se rencontrer – c’est la fille de mon père qui vous parle, voir le sujet précédent.

La France est omniprésente à Genève, elle nous entoure de partout. De nombreux Français viennent travailler à Genève et les Genevois sont tout aussi nombreux à aller faire leurs courses en France voisine. Tel un vieux couple, les deux nations s’aiment et se détestent, qu’il s’agisse des frontaliers qui viennent travailler en Suisse ou du prix de l’immobilier qui grimpe en France, qu’il s’agisse du CEVA ou du secret bancaire. Genève est indéniablement le plus français des cantons de Suisse. Mais revenons au football…

Alors que l’équipe de France semble avoir perdu avant même que le championnat n’ait commencé, les Suisses sont sur un petit nuage depuis qu’ils ont marqué un but contre l’Espagne, championne d’Europe, qui a sans doute péché par excès de confiance. Les commentateurs radio étaient survoltés, on aurait dit qu’un Suisse venait de marcher sur la lune. Le pays tout entier exulte. J’ai même remarqué une voiture dont les rétroviseurs étaient décorés de petites moufles aux couleurs du drapeau suisse.

Pendant ce temps-là, sur une ligne parallèle, les Bleus nous font la Ferme des Célébrités en direct live. Dans les épisodes précédents, la main de Thierry Henry – les Irlandais doivent se délecter de Schadenfreude (1) – et les mauvaises fréquentations de Ribéry, aussi mineures que vénales; les insultes de vestiaire d’Anelka, le boycott de l’entraînement et la démission vindicative du président de l’équipe ; le sélectionneur Domenech qui qualifie leur comportement d'aberration, d'imbécillité et de stupidité sans nom. Ambiance. Dire qu’on comptait sur eux pour faire passer la réforme du régime des retraites en douceur…

Les Suisses ont perdu 1-0 contre le Chili, mais ils trouvent malgré tout formidable d’être là. Même s’ils ne parviennent pas jusqu’aux huitièmes de finale, ils auront participé, ils auront au moins marqué un but, ils sont contents. Alors que l’équipe de France semble avoir oublié pourquoi ils sont venus loger dans un hôtel dont leurs nuitées accumulées équivalent au PIB du Botswana.

L’Histoire marque indéniablement l’égo des nations. En Irlande, j’ai été frappée par des autocollants sur des voitures disant God made the Irish. Ce qui est certainement vrai, mais pourrait-on imaginer la même chose sur une voiture immatriculée en Allemagne ? Ou encore des t-shirts disant Kiss me, I’m Irish. Imaginez la même chose sur un Français…

Un célèbre D-Jay a sorti un disque intitulé F*** me, I’m famous. Voilà peut-être une idée de t-shirt pour l’équipe de France !

P.S .: à l’heure où nous mettons sous presse, l’Afrique du Sud et la France sont toutes deux éliminées de la Coupe du Monde. Les Sud-africains font la fête malgré tout. La défaite est moins lourde à porter pour les petites nations (au sens footballistique).
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(1) pour les nuls qui n’auraient pas suivi : Thierry Henry a commis une faute de main qui a permis à la France de se qualifier pour la présente Coupe du Monde, écartant l’Irlande.
(1) Pour les nuls bis, Schadenfreude est un mot dont on dit qu’il n’existe qu’en allemand – et en finnois dans une traduction littérale, la joie du dommage – bien que ce soit un sentiment que tous les peuples de la terre sont capables de ressentir : se réjouir des ennuis d’autrui, la vengeance du pauvre.

vendredi 11 juin 2010

To baby or not to baby



Lorsque la Finlande a adhéré à l’Union européenne en 1995 et que j’ai commencé à travailler régulièrement pour les Institutions européennes, j’ai eu l’occasion de faire la connaissance d’un grand nombre de Finlandais, qu’il s’agisse de collègues ou d’autres personnes. Ce qui m’a frappée, c’est que toutes ces personnes, quasiment sans exception, me demandaient "si j’avais de la famille". Et moi d’expliquer que mes parents ceci, ma sœur cela…

Un beau jour, j’ai enfin compris que ce qu’on me demandait réellement c’était si j’étais mariée et si j’avais des enfants. En Finlande, cette question, qui passerait pour plutôt indiscrète partout ailleurs, est la façon la plus courante et la plus naturelle d’entamer la conversation avec un(e) inconnue(e). Il paraît acquis que tout le monde a sa petite famille, ce qui permet ensuite de se raconter mutuellement combien d’enfants chacun a, les dents de lait, les oreillons du petit dernier, les cours de piano, le club de foot ou les louveteaux, bref une conversation sans réel danger. On évite ainsi de parler de soi.

Ayant compris cela, je me suis mise à répondre à cette inévitable question par la négative, par ailleurs fidèle à la vérité : "Non, je n’ai pas de famille", ce qui jetait un petit froid. Ah… de quoi va-t-on parler, alors… ? En disant cela, je m’entendais dire : "Je n’ai pas de famille, je suis toute seule, je suis orpheline, personne ne m’aime…", alors que pour moi, la famille englobe aussi ses propres parents, ses frères et sœurs, les nièces et les neveux, Papy et Bonne Maman, le cousin Georges, Tatie Danièle et Tonton Marcel, en l’occurrence Kirsti täti et Atski eno (1). C’est sans doute là le sens français du terme "famille"; en finnois on distingue la famille nucléaire, perhe, de suku lorsqu’on englobe tout l’arbre généalogique, ce terme signifiant la lignée (Geschlecht en allemand, mais on n’utilise ce terme que chez Wagner ou dans la littérature ancienne, il me semble).

La Finlande a beau passer pour un pays moderne, pionnier du droit de vote des femmes, une femme président, etc… les traditions ont malgré tout la peau dure. Si on veut être dans la norme, on se marie et on fait des enfants. Cette question m’énerve parfois tant que j’ai envie de répondre que je suis divorcée ou veuve, que j’avais des enfants mais qu’ils sont tous morts ou encore que je suis lesbienne, tendance cuir. Mais à quoi cela servirait-il ?

En Suisse, en France ou n’importe où ailleurs, on ne me demande pas quel est mon état civil ni quelle est ma vie sexuelle – comme le fait Uncle Geoffrey dans le Journal de Bridget Jones : So… Bridget, how’s your sex life ?, question qu’on ne pose évidemment jamais aux couples mariés.

Avoir des enfants ou pas ne devrait pas être un banal sujet de conversation, c’est quelque chose de beaucoup trop sensible pour un grand nombre de personnes : ceux qui n’arrivent pas à en avoir, ceux qui en ont trop, ceux qui ont un enfant handicapé ou caractériel, voire délinquant ou toxicomane. Et encore faut-il trouver un homme vaguement potable pour les faire, ces satanés gamins ! Non, je n’ai pas d’enfants et, à ce jour, je ne l’ai jamais regretté. C’est une lourde responsabilité, un travail à plein temps et un engagement qui dure toute la vie.
Thanks, but no thanks !

***

Dans un prochain billet, vous découvrirez ce que je pense des gynécologues. Par exemple, celui qui m’a dit : "Oh, mais vous allez avoir 39 ans ! Il serait temps de penser à faire des enfants !" Il ne m’a plus jamais revue.
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(1) tante Kirsti et oncle Atski ; en finnois, il y a un mot à part pour désigner l’oncle du côté maternel. On m’a dit qu’en arabe, il y a environ 45 mots pour désigner un cousin ou une cousine, selon le côté de la famille, le degré, la 1ère, 2ème ou 3ème épouse, etc…



Illustration tirée de www.mamannonmerci.blogspot.com

dimanche 6 juin 2010

Une maille à l’endroit, une maille à l’envers



Récemment, j’ai vu dans le journal l’avis de décès de ma maîtresse de couture, décédée à l’âge de 88 ans. Ça m’a soudainement replongée 40 ans en arrière. J’ai revu en souvenir cette vieille fille, dont la vie ne devait pas être bien passionnante et qui venait à l’école en Velosolex. Elle aurait pu être un personnage dans un film avec Fernandel et Bourvil. Elle est probablement morte dans le village, que dis-je, dans la maison qui l’a vue naître. Une vie aux antipodes de la mienne.

Et voilà que je me suis mise à repenser à tout ce que cette demoiselle m’a apporté. J’aimais beaucoup le cours de couture, j’aimais beaucoup l’école tout court. J’y apprenais plein de choses amusantes, intéressantes et utiles et j’étais assoiffée de tout apprendre. Pendant mes loisirs, je lisais même le dictionnaire. En lisant Tristan et Iseult, je cherchais des mots comme destrier et hanap, qui m’ont bien servi plus tard dans la vie.

J’adresse mille mercis à Mademoiselle, grâce à qui j’ai tricoté de nombreux pulls, bonnets, moufles, chaussettes, tant pour moi que pour les autres. C’est grâce à elle que je peux resserrer la taille des jupes et raccourcir les ourlets des pantalons que j’achète, toujours respectivement trop larges à la taille et trop longs.

Une de mes amies d’enfance n’a pas du tout les mêmes souvenirs que moi, alors qu’il s’agit pourtant de la même personne : "Je me rappelle qu'elle était d'une méchanceté à toute épreuve. Son souvenir m'est revenu récemment, en association avec l'évocation de mon arrière-grand-mère maternelle à l'occasion du repas de famille à Neuchâtel où je suis allée avec mon mari en avril, arrière-grand-mère à qui j'avais offert les épouvantables pantoufles couleur caca d'oie que Mademoiselle nous avait fait tricoter (à la sueur du front de ma mère, qui tricotait à ma place pour éviter que Mademoiselle ne me traite de "malhonnête" et ne me tape sur les doigts avec sa règle, ce qu'elle avait l'habitude de faire quand on ratait une maille ou qu'on n'avait pas tricoté le nombre considérable (pour l'empotée de ses doigts que j'étais) de rangs qu'elle donnait à faire à la maison."

Je me rappelle parfaitement ces "pantoufles", même que j’ai appris le mot "caca d’oie" en cette occasion. Pour moi, c’était simplement un exercice pour apprendre les augmentations et les diminutions, fort utiles au demeurant pour quiconque prétend tricoter quoi que ce soit d’autre que des maniques.

Je profite de ce blog pour informer toute la galaxie que j’ai même reçu le prix de couture au terme de la sixième année d’école primaire, ce qui m’a d’ailleurs coûté d’abondantes moqueries de la part de ma sœur.

Malheureusement, je ne tricote plus. Ma dernière œuvre remonte à 16 ans, lorsque j’ai tricoté deux petits maillots identiques pour mes nièces qui venaient de naître. Je ne sais même pas si j’y arriverais encore. Probablement que le tricot, c’est comme le vélo, si on n’avance pas on tombe… ou plutôt : ça ne s’oublie jamais. Mais ce qui me manque surtout, c’est le temps et la patience.
* * *
PS : pour contrebalancer ce tableau un peu trop flatteur, je tiens à préciser que j’ai toujours été archi-nulle (empotée, pour reprendre le terme de mon amie ☺) en gym. Pendant toute ma scolarité, j’ai subi l’humiliation d’être la dernière qu’on choisissait dans les équipes de basket ou de volley. Au collège, en Finlande, j’avais des résultats catastrophiques au test de Cooper, qui consiste à mesurer la distance courue en six minutes. Traumatisme éternel.


vendredi 4 juin 2010

Le suédois est-il intraduisible ?



Après m’être grattée la tête de perplexité face à la VF de Millénium, j’ai vécu un sentiment de déjà-vu en lisant un polar de Sjöwall & Wahlöö, un couple suédois qui est devenu célèbre dans les années -60 avec leurs romans policiers réalistes situés en Suède, précurseurs de Henning Mankell et de son mélancolique commissaire Wallander.

Il s’agit de L’Abominable Homme de Säffle, paru en Suède sous le titre Den vedervärtige mannen från Säffle en 1967, selon le livre en suédois que m’a prêté une amie. Déjà là, l’édition française indique qu’il serait paru en 1971. La traduction française, quant à elle, est parue en 1987. Comme avec Millénium, je me réjouissais de lire un de ces romans dont j’avais tant entendu parler. Et assez rapidement, je me suis dit qu’il y avait quelque chose de pourri au Royaume de Suède.

Tout d’abord, les maladresses en français ; oh ! rien de grave, mais suffisamment gênant pour déconcentrer le lecteur un tant soit peu critique. Quelques exemples :

- "Le temps le quittait à toute allure" (p.23) – s’agissant de quelqu’un qui vient de se faire assassiner et qui agonise.
- "Ils avaient mangé de la viande grillée" (p. 24). Je n’ai encore jamais commandé de viande grillée au restaurant. L’original parle de råbiff 1), littéralement raw beef, c-à-d du steak tartare. Etrange…
- "Désirez-vous autre chose, avant que nous n’arrêtions la vente de boissons ?" Ne serait-il pas plus naturel de dire avant que nous ne fermions ? Avant que nous ne fermions le bar ? L’original dit innan kassan stänger, littéralement : avant que la caisse ne ferme.
-"Avez-vous parlé à ceux qui occupent les chambres de chaque côté de celle-ci ? demanda Martin Beck." No comment…
-"Et combien de fois ne me suis-je fait agonir ?" (p.112) On dit que les traductions vieillissent moins bien que la version originale, cette phrase en est bien la preuve 2).

La page 115 est un véritable festival :
"Lorsqu’il s’efforçait d’écrire quelque chose sans faute de suédois ni de frappe" (ça me fait penser à Victor Hugo et son "vêtu de probité et de lin blanc") ... "Il essuya ses verres de lunettes" (pourquoi pas simplement "ses lunettes"?) ... "malgré son écriture tremblée" …" Ils sont venus me prendre mon litre" (il s’agit d’une bouteille de gnôle) 3).

- "Puis il fit des yeux le tour de ceux qui se trouvaient près de lui…" (p.272)
- "Le nombre de ceux qui aimaient Gunvald Larsson se réduisait à une seule unité, facile à désigner : Rönn" (p.372). Quel francophone s’exprime donc ainsi ? Ne serait-il pas plus idiomatique de dire que ses amis se comptaient sur les doigts d’une main ?

Ensuite, les faits culturels suédois qui sont soit effacés soit présentés tels quels : "un sac en papier du monopole de l’alcool" (p. 115, palme d’or des boulettes). Quiconque est allé en Finlande, en Suède ou dans certains Etats des U.S.A. comprendra sans peine, que les autres se débrouillent.

Et puis les généreuses libertés, par exemple :
"Je ne connais pas ce nom-là dans la police". L’original dit : Är ni över huvud tagit polis? 4) c-à-d "Vous êtes de la police, au moins ?" La nuance d’ironie disparaît complètement en français.
Ou encore : Kan jag få använda min egen ? (pistol) qui devient : "Si vous n'y voyez pas d'inconvénient , je préfère utiliser le mien" (de pistolet), alors que la VO dit simplement : Je peux utiliser le mien ? Le traducteur rend l’individu bien plus courtois qu’il ne l’est.

Il est très difficile de prendre un roman – a fortiori un polar – au sérieux, de se plonger dedans jusqu’à en oublier d’aller dormir quand la traduction ne cesse de vous ramener sur le plancher des vaches. A l’occasion du Salon du Livre, j’ai découvert que cette série de dix romans allait paraître dans une nouvelle traduction. D’autant plus que certains d’entre eux (les six premiers) ont été traduits de l’anglais. Il faut croire que le nombre de ceux qui traduisaient du suédois se réduisait à une seule unité dans les années quatre-vingt !
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Le roman a été adapté au cinéma sous le titre Un flic sur le toit

(1) la lettre å se prononce o
(2) l'original dit Hur många gånger har jag blivit nerspydd?", ce qui signifie "Combien de fois ne m'a-t-on pas vomi dessus?; reste à savoir si c'est au propre ou au figuré...
(3) l'original dit kvarting, qui est une bouteille de 37,5 cl, mais là, je pinaille...

(4) en allemand, cela donnerait : Sind Sie überhaupt Polizist ? Ce qui m’a rendu attentive au mot über (över) + haupt (huvud) : pourquoi diable dit-on "au-dessus de la tête" pour exprimer un doute empreint d’ironie ?


L’Abominable Homme de Säffle, éditions Rivages /Noir
traduit par Philippe Bouquet, auteur de plus de 100 traductions du suédois, Docteur honoris causa de l'université de Linköping (Suède), Officier des palmes académiques, Chevalier de l'ordre de l'Etoile polaire, Prix de traduction de l'Académie suédoise (1988), Prix de la Fondation suédoise des écrivains (1994), Prix personnel Ivar Lo-Johansson 1995, Nominé pour le prix Aristeion 1999.


Voir aussi: http://tiina-gva.blogspot.com/2010/05/le-phenomene-millenium.html
et: http://tiina-gva.blogspot.com/2012/05/le-suedois-est-intraduisible.html

lundi 31 mai 2010

Puhutteko suomea ?

*)

Environ une fois par mois et pas plus tard qu’avant-hier, on me demande si le finnois ressemble au hongrois, si je comprends le hongrois et si le finnois est apparenté au basque ou à l’albanais. Ensuite, je dois expliquer qu’il y a une minorité d’expression suédoise en Finlande et, non, je ne parle pas le russe. Je tiens toutefois à dire à quel point je suis épatée que les gens sachent que le finnois n’est pas une langue indo-européenne et que c’est une langue bizarre qui ne ressemble à rien.

Les langues scandinaves – suédois, norvégien, danois et dans une certaine mesure l’islandais – se ressemblent ou appartiennent en tous cas au même groupe. Dans les îles Féroé, on parle le féroïen, qui est la seule langue qui soit extrêmement proche de l’islandais et qui n'a rien à voir avec les trois autres, si ce n’est qu'elles en sont dérivées. A ma connaissance, le finnois n’a aucun rapport avec le basque ni avec le turc, même si cette langue comporte aussi deux catégories de voyelles, aou d’une part et ieyäö d’autre part, qui déterminent la forme que prendra la terminaison des mots, je vous épargne les détails.

Le finnois et le hongrois appartiennent au groupe des langues finno-ougriennes, ça tombe bien. L’estonien, qui ressemble fortement au finnois, en fait partie également. Non, je ne comprends pas un traître mot de hongrois, mais j’en reconnais la mélodie et la sonorité. Si j’entends parler hongrois quelque part, j’ai l’impression d’entendre du finnois, comme un enregistrement qu'on passerait à l'envers, mais ça s’arrête là.

Quelques exemples, finnois/hongrois : kiitos / köszönöm : merci ; maanantai / hétfö : lundi ; mansikka / eper : fraise ; rakkaus / szerelem : amour ; kauppa / bolt ou csemege ou áruház : magasin ; käsi / kéz : main ; vesi / viz : eau ; ces deux derniers mots ont une vague similitude.

La même chose, finnois/estonien cette fois-ci : kiitos / kiit : merci ; maanantai / esmaspäev (littéralement : le premier jour): lundi ; mansikka / maasikas : fraise ; rakkaus / armastus (terme vielli en finnois) : amour ; kauppa / kaup ou kauba : magasin ; käsi / käsi : main ; vesi / vesi : eau.


Fasten your seatbealt while seated - Life vest located under your seat en estonien

L’estonien est une source d’amusement intarissable pour quiconque sait le finnois. Saksus signifie à la fois être allemand et être seigneur (en finnois, saksalainen = allemand). Raamattu signifie bible en finnois et livre en estonien. Nahkhiir est une chauve-souris estonienne, littéralement : souris en cuir (peau) pour les Finlandais. J’imagine une sorte de James Dean avec de grandes oreilles et de petites dents.

Ce n’est pas pour autant que je comprenne l’estonien. Je comprends bien mieux le néerlandais ou l’italien, sans doute parce que je les entends plus souvent.

Le finnois a la réputation d’être impossible à apprendre, eh bien, c’est faux. De nombreux interprètes l’ont appris, mais ce sont des fadas des langues, alors ça ne compte pas vraiment. Un jour que je flânais au marché de Helsinki, j’ai vu deux Africains qui regardaient l’étal d’un marchand de poisson. Celui-ci, pensant avoir affaire à des touristes, commence à leur présenter sa marchandise en anglais. Et les clients de lui répondre : suomeksi ! suomeksi ! (en finnois !). C’étaient des Africains francophones, qui ne savaient pas l’anglais (c’est souvent pour eux que nous travaillons en conférence) mais qui, établis en Finlande, avaient appris le finnois.

Comme quoi, quand on veut, on peut !

*) littéralement: la ville de Pori interdit de sauter du pont, autrement dit: E pericoloso sporgersi; le graffiti dit: "les habitants de Rauma ne sont pas concernés"

Le célèbre restaurant Ravintola
(ravintola signifie restaurant en finnois)

samedi 29 mai 2010

Le meilleur ami de l'homme

Peut-on encore imaginer la vie sans téléphone mobile ? C’est bien là un objet que tout le monde possède, même si chacun l’utilise à sa façon. J’en ai un depuis 1997, à l’époque c’était encore un objet rare, un peu étrange et je n’osais pas trop l’utiliser en public, de peur d’attirer les regards et de passer pour celle qui fait sa maligne. C’était un Nokia qui faisait environ 20 cm de long et qui pesait autour de 300g. Je l’ai toujours, il va commencer à prendre de la valeur au rayon des antiquités. Alors que maintenant, le dernier des adolescents boutonneux a un téléphone hi-tech, avec vidéo, lecteur mp3 et tout le toutim.

Les sms sont une véritable source de bonheur et d’amusement, je ne pourrais plus m’en passer. Je faisais une randonnée dans les Iles Lofoten en l'an 2000 - l’année du naufrage du Koursk, ceci pour situer l’anecdote dans le temps – et un des membres du groupe étaitparfaitement ahuri qu’on puisse écrire des messages, une lettre à la fois, sur un minuscule objet, ça lui paraissait complètement idiot. Quelques années plus tard, revenant d’une randonnée à cheval cette fois-ci, deux semaines à l’écart de tout réseau mobile, j’ai eu la merveilleuse surprise de trouver un texto me souhaitant un bon anniversaire lors de mon retour vers la civilisation. C’était tout simplement magique.

Maintenant, les sms sont la chose la plus naturelle au monde. Ils permettent de demander au collègue de récupérer le parapluie ou le stylo préféré qu’on a oublié en cabine ou encore d’annoncer des infos, par exemple : Kennedy assassiné ! (c’est un exemple). Combien de fois, en vadrouille le dimanche, une amie fidèle ne m’a-t-elle pas communiqué le résultat des votations (minarets, Conseil d’Etat…), apaisant ainsi ma curiosité dévorante. On peut recevoir des notifications en tout genre et en Finlande, on peut même adhérer à un syndicat par sms. Dingue !


Autrefois, c’était un status symbol que d’avoir un téléphone mobile. Il y avait même de pauvres malheureux qui avaient de faux téléphones et qui faisaient semblant, juste pour avoir l’air cool. Ça n’existe probablement plus. De nos jours, le vrai indice de l’importance d’une personne, c’est précisément de ne pas avoir de téléphone mobile, car cela signifie alors que vous avez une secrétaire qui prend les messages pour vous. Vous êtes trop important pour qu’on vous dérange. Il y a aussi la catégorie des pauvres diables qui sont assez importants pour être tenus en laisse par leur employeur avec un Blackberry, sans avoir la secrétaire qui pourrait les en délivrer.

De nombreux collègues ont plusieurs téléphones : un numéro français et un suisse ou alors un numéro belge (ceux qui travaillent souvent à Bruxelles) et un autre dans le pays de domicile. Certains ne l’utilisent que pour communiquer par sms, d’autres ne l’allument jamais, d’autres au contraire le gardent toujours allumé, il leur sert même de réveille-matin. Bien des personnes ne possèdent même plus de montre bracelet, c’est leur téléphone qui leur donne l’heure.

Récemment, j’ai franchi un nouveau cap en rejoignant la tribu des détenteurs de iPhone. Pour l’instant, je l’utilise surtout pour téléphoner et envoyer des sms. C’est tout un apprentissage pour devenir Total Addict, que le ciel m’en garde !


PS : j’ai passé ce texte au correcteur d’orthographe : il ne connaît pas : sms, iPhone, Blackberry, Addict ;-o

C'est par là que tout a commencé (Bell, 1872)