Naples n’est pas une belle ville. Elle l’a certainement été, au vu des nombreux monuments et châteaux forts qui gardent le port, mais visiblement, les Napolitains s’en fichent et laissent leur ville se délabrer lentement. Mais quand on n’est pas beau, on trouve d’autres moyens de se faire aimer et de se rendre sympathique. Ainsi, Naples se révèle être une ville très attachante pour quiconque se donne la peine de gratter un peu au-delà de la première impression. Il ne faut pas s’attendre à y trouver l’équivalent de Venise, de Rome ou de Florence, c’est tout.
C’est aussi une ville délaissée par le tourisme de masse. Le quartier espagnol, avec son cadrillage de petites rues étroites, n’est pas sans rappeler La Valette. Peu de commerces, si ce n’est quelques épiceries, quasiment aucun bar ou bistrot, mais des Vespa en veux tu, en voilà et du linge suspendu à toutes les fenêtres. Le jour où le tourisme frappera Naples, ce quartier sera envahi par des boutiques vendant des t-shirts et des cartes postales et il aura aussi son lot de caricaturistes et de musiciens de rue. La Via Toledo marque la frontière entre ce quartier populaire et le quartier monumental : le Palais Royal, la Galerie Umberto I, le Théâtre San Carlo, la Piazza del Plebiscito et son célèbre café Gambrinus.
C’est une rue commerçante, mais avec de petits magasins locaux et quelques enseignes d’un temps révolu. Ni H&M, ni Swarovski en vue, pas le moindre Starbucks. Un peu plus loin, la Via Tribunale et sa parallèle, Spaccanapoli, sont en voie de devenir des rues touristiques. La via San Gregorio d’Armeno, du moins en ce mois de décembre, propose tout ce qu’il faut pour créer sa crèche de Noël. Il y a trois funiculaires à Naples, qui vous permettent de monter sur ses collines et admirer le panorama : la ville apparaît alors comme un invraisemblable fourmillement d’immeubles et de rues, avec le Vésuve en toile de fond. Le quartier de Chiaia – via Chiaia, via Filangeri – offre une atmosphère toute différente, cossue, tranquille, bourgeoise.
La majorité des voyageurs préfèrent sans doute se tourner vers les environs de Naples, a priori plus intéressants. Le Molo Beverello est le point de départ des ferries vers Capri, Ischia ou Procida, mais la billetterie est organisée comme au Maroc : un guichet par compagnie, à vous de voir laquelle propose le prochain départ. Tous les guichets n’acceptent pas les cartes de crédit. La traversée dure entre 45 minutes et une heure. A nouveau, Ischia m’a fait penser à Malte, avec ses constructions des années -60 qui paraissaient un peu décaties et construites de façon anarchique. La lumière du mois de décembre accentuait bien sûr cette impression. Capri est bien plus chic, l’été, ça doit ressembler à Saint-Tropez, à en juger par les boutiques du downtown, Moschino, Ferragamo et consorts.
Si on quitte cette rue du shopping, au bout de 30 minutes de marche environ, on pourra admirer les Faraglioni, trois rochers qui s’élèvent de la mer, puis, un peu plus loin, la villa Malaparte, qui ressemble à un navire rouge échoué sur un écueil (elle ne se visite pas). L’autre moitié de l’île, Anacapri, semble un peu plus modeste. La villa San Michele 1), ayant appartenue à Axel Munthe, médecin et philantrope suédois, vaut le détour, pour son panorama, ses jardins et ses œuvres archéologiques.
Dans la direction opposée et au départ de la gare, avec le train de banlieue Circumvesuviano, on peut visiter Herculanum (Ercolano) et Pompeï, qui valent bien évidemment le détour. Le premier site peut se visiter en une heure ou deux, alors que pour tout voir dans le deuxième, il faudrait une journée tout entière. Les objets, fresques et mosaïques d’Herculanum et de Pompeï sont exposés au Musée national d’archéologie, en ville de Naples.
On peut également monter sur le Vésuve au départ d’Ercolano, mais les jours fériés et la météo nous en ont empêchés. Nous nous sommes consolés en allant visiter Solfatara 2), un drôle de site volcanique à Pozzuoli (champs phlégréens). Ça sentait le soufre avant même que nous n’y soyions arrivés. On a l’impression d’avoir atterri sur la lune, le sol est gris et nu et des fumerolles de soufre s’échappent des entrailles de la terre. En deux ou trois endroits, on voit carrément de petits cratères qui crachent de la fumée en faisant un bruit de chaudière. Etrangement, il y a un camping contigu au site. La petite bourgade de Pozzuoli est charmante et certainement très agréable au printemps, avec ses restaurants de bord de mer. S’y trouve également un colisée, le troisième le plus vaste d’Italie, mais que nous n’avons pas réussi à visiter.
Avant notre départ, tout le monde nous a averti contre les voleurs, les pick-pockets et l’insécurité omniprésente dans cette ville gangrénée par la Camorra. Sans doute est-ce plus tranquille en hiver, mais je me suis sentie parfaitement en sécurité. L’ambiance générale est certes plutôt pauvre, il y a de nombreux marchands de rue, qui n’ont parfois même pas d’étalage, mais qui proposent des chaussettes, debout dans la rue. Et dès qu’il se met à pleuvoir, des vendeurs de parapluie apparaissent comme par enchantement. Lorsque nous demandions notre chemin, les gens ont toujours été adorables et très serviables. Et la seule fois où nous avons pris un taxi, le chauffeur a mis le compteur et n’a fait aucun détour inutile. Comme quoi, certains préjugés méritent d’être corrigés. Naples n’est probablament pas pire que Paris ou Genève 3). Par contre, nous avons très mal mangé : la pizza a beau être napolitaine, je préfère de loin celles qu’on trouve chez nous, idem pour les pâtes. Toute la semaine, nous avons survécu avec de la gastronomie d’aire d’autoroute ou de station de ski. La clientèle manque sans doute pour tenir de véritables trattorias.
Nous avons vu énormément de choses en une semaine, mais le temps nous a manqué pour tout voir. Il y aurait encore eu des balades à faire à Ischia et à Capri ; nous n’avons pas vu la troisième île, Procida ; nous avons raté la montée au Vésuve et le Colisée de Pozzuoli ; nous n’avons pas vu Sorrento ni la côte amalfitaine ; nous n’avons pas pu visiter le Castel Nuovo ou Maschio Angioino, ni le Castel dell’Uovo pour des raisons d’horaire. J’ai bu du caffè alla nocciola – délicieux ! - à deux reprises, mais pas au Gambrinus. Autrement dit, une nouvelle visite s’impose !