samedi 12 mars 2011
facebook est mon ami
A force d’entendre dire pis que pendre de ce réseau social, de ce phénomène de société, je me dois de briser une lance pour ce club, que dis-je : cette tribu des facebookers. Aux Etats-Unis, la moitié des personnes ayant une connexion internet auraient une page fb, ça me paraît presque peu. Ce qui m’a décidée à rejoindre cette grande famille, c’est le fait qu’on y trouve des groupes qui demandent ceci ou cela. Sans page facebook toutefois, impossible de voir quoi que ce soit et encore moins de participer. Cela dit, ces groupes n’ont pas beaucoup d’influence sur la marche du monde. En ce moment, la maman de Livia et Alessia, les jumelles disparues, recueille des témoignages et des messages de sympathie sur la page de soutien. La révolte des pays arabes doit aussi beaucoup à ces fameux réseaux sociaux, qui permettent aux gens de communiquer très facilement et très rapidement, où qu’ils se trouvent dans le monde (pour autant que les autorités ne bloquent pas internet). Après le tremblement de terre au Japon, les téléphones ne fonctionnant plus, les gens donnent de leurs nouvelles via facebook et twitter.
Evidemment, tout ceci n’a d’intérêt que si on a des amis actifs, c’est-à-dire qui écrivent ou qui affichent des choses, et qui réagissent à ce que font les autres. Bien des personnes ont leur page, mais n’y vont jamais, un peu comme ces gens qui ont un téléphone mobile, mais qui ne l’allument jamais et qui ne donnent leur numéro à personne, pour ne pas être dérangés. Parmi mes amis, 50% environ sont inactifs, autant dire morts et sans intérêt (au sens de facebook, s’entend ; je les fréquente évidemment bien volontiers IRL *). L’amitié facebook, virtuelle, n’a en effet pas grand-chose à voir avec l’amitié réelle. C’est une forme de communication un peu distancée, comme le serait l’échange de SMS par rapport à une conversation face à face. On consulte sa page fb quand on veut, on ne peut donc pas être dérangé par ce qui s’y passe. La vie sur facebook regorge de ce genre d’humour que les gens s’échangent par le biais de mails collectifs, avec des photos rigolotes ou des Power Points débordant de sagesse américaine et qui se terminent inmanquablement par Envoie ceci à dix de tes amis dans l’heure qui suit et quelque chose de merveilleux t’arrivera. Sauf que là, pas besoin d’envoyer le message plus loin, une fois qu’il est affiché, tous vos amis le verront.
Les cassandres qui poussent des cris d’orfraie vous diront que facebook vous vole vos données privées, alors qu’on peut s’y inscrire sous le nom de Belle Auboidorman, dire qu’on est née Rostopchine en 1910, qu’on est végétarien et monarchiste. Ils vous diront qu’on espionne tous vos faits et gestes : tout dépend de ce qu’on écrit sur sa page et comment on verrouille ses paramètres de confidentialité. Oui, mais et les hackers ? Les hackers ont accès à votre courrier électronique, qui contient certainement des infos bien plus compromettantes que: Coincée dans les bouchons à cause du Salon de l’Auto ! Alors quel est l’intérêt de s’échanger des infos et des commentaire aussi banals ? Je comparerais ça à du bavardage de pause café, c’est un moyen de détente, d’amusement et à la pause non plus, vous n’allez pas dire que vous souffrez d’incontinence, que votre collègue vous emm…. ou que vous êtes tenté(e) de voter pour Ségolène. L’ambiance sur facebook a quelque chose de Disneyland : on est tous là pour dire coucou et bravo et J’aime à ses amis. Ce n’est pas par hasard que le bouton J’aime pas n’existe pas. Vos amis fb vous donnent de ces Streicheleinheiten #) dont la vie réelle est si avare.
On entend dire énormément de bêtises sur facebook. L’éternel scenario de votre patron qui lit que vous le traitez de gros porc ou qui voit des photos de vous à moitié nu et complètement ivre. Tout comme dans la vie réelle, il ne faut jamais insulter son patron en pensant qu’il n’en saura jamais rien et si vous menez une vie de bâton de chaise, les photos compromettantes peuvent atterrir sur le bureau de qui-il-ne-faut-pas même sans le concours de Mark Zuckerberg. Toute invention a ses bons et ses mauvais côtés : faut-il interdire le téléphone à cause du démarchage ou des appels obscènes ? Faut-il interdire internet parce qu’on y trouve les instructions pour fabriquer une bombe ? Faut-il interdire les voitures parce qu’on risque d’avoir un accident ?
Il y a surtout beaucoup d’ignorance et de fantasmes qui circulent. Les gens ne comprennent tout simplement pas comment ça fonctionne et échafaudent toutes sortes de scénarios catastrophe, où vous vous dévoilez devant le monde entier. Ils s’imaginent que n’importe qui peut écrire n’importe quoi sur votre « mur » et que tout le monde peut le lire. Que n’importe qui peut afficher des photos horribles qui détruiront votre réputation, votre carrière et qui pousseront votre conjoint / partenaire / chien à vous quitter à tout jamais. Comme dans la vraie vie, il faut choisir ses amis avec discernement et chasser ceux qui vous font du mal. Les artistes, écrivains, acteurs ont compris que facebook peut leur servir à la fois de vitrine et de fan club. Le service d’interprétation de la Commission européenne a d'ailleurs saisi cette perche: ils cherchent à attirer la relève, par définition jeune et branchée internet, par le biais de leur page Interpreting for Europe.
Facebook n’est ni un forum de discussion, ni un chat, ni une page internet ordinaire. C’est devenu pour moi comme un petit carré de chocolat que je consulte plusieurs fois par jour, je l’avoue (avec le iPhone, c’est si facile !), pour voir si mes amis ont encore affiché des photos marrantes, des liens intéressants ou s’ils ont réagi à ce que j’ai écrit. C’est un peu comme de jouer au ballon, on reçoit quelque chose en retour, une réaction, un contact, un dialogue. Alors pourquoi s’en priver ?
Voir aussi: http://tiina-gva.blogspot.com/2010/08/i-internet.html
________________________________
*) In Real Life
#) littéralement : unité de caresse, la monnaie de l’amour et de l’amitié. Comme quoi Schadenfreude n’est pas le seul mot allemand qui soit intraduisible et sans équivalent dans les autres langues
lundi 28 février 2011
Relais, pivots et retours (3) : les consoles
Ici, le canal français - votre serviteur - est en train de travailler: on voit le signe + devant FR
Jamais deux sans trois, dit le dicton populaire. Voici donc le troisième et dernier volet de cette série *). Lorsqu’un interprète ne comprend pas la langue parlée dans la salle, il doit chercher un relais dans une autre cabine. Pour cela, il doit manier sa console, dont il existe différents modèles. Les anciens équipements ont des boutons avec des langues pré-programmées qui s’enfoncent bruyamment (ONU, BIT). Fort heureusement, il suffit de nos jours d’une légère pression du doigt pour activer le canal de la langue-pivot, que l’interprète programme selon son choix. Personnellement, je mets toujours les langues que je prends en relais dans le même ordre (DE, EN, ES, FI), car tout automatisme permet d’économiser ses efforts. Dès que l’orateur parle une langue que je ne comprends pas – le russe, l’arabe, le polonais – je choisis le canal anglais ou allemand, selon le cas. Il est plus rare que je me branche sur l’espagnol et encore plus rare que je choisisse le finnois, non pas que ces langues me plaisent moins, mais simplement parce qu’il est rare que la cabine finnoise offre le grec ou le portugais.
La manipulation mécanique de boutons se situe probablement dans une autre partie du cerveau que l’analyse d’une langue et du message qu’elle véhicule, car on a vite fait de commettre une erreur de manipulation. Il arrive souvent qu’on oublie d’allumer le micro, puisqu’on a déjà activé un bouton pour choisir le canal du relais. L’inverse arrive aussi, à savoir qu’on oublie soit de se remettre sur floor (la langue originale) soit d’éteindre le micro. Et gare au désir irrépressible de dire tout ce qu’on pense de ce qu’on vient d’entendre ! A l’ère d’internet et de YouTube, ce genre de boulette devient très vite un buzz, comme cela a récemment été le cas avec la cabine française au Parlement européen.
Ceci n'est PAS une console du Parlement européen!
Les interprètes des cabines qui font un retour (prenons l’exemple de l’arabe) doivent, quant à eux, enclencher le bouton ou la manette qui permet à leur voix de sortir sur le canal p.ex. anglais, car autrement ils ne parleront cette langue qu’aux seuls arabophones. Une fois leur retour terminé, ils ne doivent pas oublier de revenir au canal de leur langue (l’arabe, dans le présent exemple) s’ils ne veulent pas abreuver ceux qui écoutent l’anglais d’une langue qui leur paraîtrait être de l’hébreu. Ceux-ci pourront alors dire : It’s all Greek to me !
Les anciennes consoles ont parfois le micro fixé au casque, ce qui est bien pratique, puisque cela permet de farfouiller dans son sac ou de ramasser un stylo tombé par terre sans s’interrompre. Oui, les interprètes sont capables non seulement d’écouter et de parler en même temps, mais aussi de demander quelque chose à leur concabin en langues des signes. J’ai même vu une collègue faire de la broderie tout en interprétant, ça l’aidait à se concentrer. De nos jours, la plupart des interprètes ont leurs propres écouteurs #), en général des Bang & Olufsen, qui jouissent d’une très grande popularité. La qualité du son est réputée excellente, mais ces accessoires sont fragiles. On a aussi vite fait de les perdre et ils ne sont pas exactement bon marché.
Les consoles sont toutes équipées d’un bouton-toussoir, dont il vaut mieux se méfier, une défaillance technique étant toujours possible. A n’utiliser qu’en cas de chat dans la gorge. Pour les médisances ou les coups de gueule, il est recommandé de fermer le micro. Se méfier aussi d’un journal posé négligemment sur les boutons : un micro allumé quand il ne faut pas, ça n’arrive pas qu’aux autres… Le bouton-toussoir est plus agréable pour le "client" qui nous écoute, car il n’a alors que le silence dans son oreillette. Toutefois, lorsqu’il y a des applaudissements ou des rires, il vaut mieux fermer le micro, pour que nos auditeurs – y compris les procès-verbalistes et ceux qui nous écoutent éventuellement sur internet, ce qui est de plus en plus fréquent – aient l’ambiance de la salle en direct live.
Selon une anecdote qui circule dans la profession, deux interprètes faisant une séance où il ne fallait allumer le micro que de temps en temps (votes, rédaction ou autre) avaient commis cette négligence regrettable qui faisait que leur micro était ouvert quand il devait être éteint et vice versa. Entre deux interventions, l’un donnait une recette de cuisine à l’autre : " … et alors tu ajoutes les œufs, les uns après les autres – qui est pour ? – puis tu verses le beurre fondu – contre ? – et ensuite, tu mets le sucre – abstentions ? – puis les amandes moulues." Un délégué aurait alors demandé : "Et on fait cuire combien de temps et à quelle température ?" Se non e vero, e ben trovato !
Console au BIT (1974, aucune modernisation depuis !), les boutons à enfoncer correspondent aux langues qu’on peut entendre dans les écouteurs : 1 floor, 2 anglais, 3 français, 4 espagnol, 5 russe, 6 allemand, 7 arabe, 8 japonais
Texte paru dans la revue Hieronymus (mars 2011), www.astti.ch
*) http://tiina-gva.blogspot.com/2010/09/relais-pivots-et-retours-1.html
http://tiina-gva.blogspot.com/2010/12/relais-pivots-et-retours-2.html
#) http://tiina-gva.blogspot.com/2010/05/chacun-ses-ecouteurs.html
Jamais deux sans trois, dit le dicton populaire. Voici donc le troisième et dernier volet de cette série *). Lorsqu’un interprète ne comprend pas la langue parlée dans la salle, il doit chercher un relais dans une autre cabine. Pour cela, il doit manier sa console, dont il existe différents modèles. Les anciens équipements ont des boutons avec des langues pré-programmées qui s’enfoncent bruyamment (ONU, BIT). Fort heureusement, il suffit de nos jours d’une légère pression du doigt pour activer le canal de la langue-pivot, que l’interprète programme selon son choix. Personnellement, je mets toujours les langues que je prends en relais dans le même ordre (DE, EN, ES, FI), car tout automatisme permet d’économiser ses efforts. Dès que l’orateur parle une langue que je ne comprends pas – le russe, l’arabe, le polonais – je choisis le canal anglais ou allemand, selon le cas. Il est plus rare que je me branche sur l’espagnol et encore plus rare que je choisisse le finnois, non pas que ces langues me plaisent moins, mais simplement parce qu’il est rare que la cabine finnoise offre le grec ou le portugais.
La manipulation mécanique de boutons se situe probablement dans une autre partie du cerveau que l’analyse d’une langue et du message qu’elle véhicule, car on a vite fait de commettre une erreur de manipulation. Il arrive souvent qu’on oublie d’allumer le micro, puisqu’on a déjà activé un bouton pour choisir le canal du relais. L’inverse arrive aussi, à savoir qu’on oublie soit de se remettre sur floor (la langue originale) soit d’éteindre le micro. Et gare au désir irrépressible de dire tout ce qu’on pense de ce qu’on vient d’entendre ! A l’ère d’internet et de YouTube, ce genre de boulette devient très vite un buzz, comme cela a récemment été le cas avec la cabine française au Parlement européen.
Ceci n'est PAS une console du Parlement européen!
Les interprètes des cabines qui font un retour (prenons l’exemple de l’arabe) doivent, quant à eux, enclencher le bouton ou la manette qui permet à leur voix de sortir sur le canal p.ex. anglais, car autrement ils ne parleront cette langue qu’aux seuls arabophones. Une fois leur retour terminé, ils ne doivent pas oublier de revenir au canal de leur langue (l’arabe, dans le présent exemple) s’ils ne veulent pas abreuver ceux qui écoutent l’anglais d’une langue qui leur paraîtrait être de l’hébreu. Ceux-ci pourront alors dire : It’s all Greek to me !
Les anciennes consoles ont parfois le micro fixé au casque, ce qui est bien pratique, puisque cela permet de farfouiller dans son sac ou de ramasser un stylo tombé par terre sans s’interrompre. Oui, les interprètes sont capables non seulement d’écouter et de parler en même temps, mais aussi de demander quelque chose à leur concabin en langues des signes. J’ai même vu une collègue faire de la broderie tout en interprétant, ça l’aidait à se concentrer. De nos jours, la plupart des interprètes ont leurs propres écouteurs #), en général des Bang & Olufsen, qui jouissent d’une très grande popularité. La qualité du son est réputée excellente, mais ces accessoires sont fragiles. On a aussi vite fait de les perdre et ils ne sont pas exactement bon marché.
Les consoles sont toutes équipées d’un bouton-toussoir, dont il vaut mieux se méfier, une défaillance technique étant toujours possible. A n’utiliser qu’en cas de chat dans la gorge. Pour les médisances ou les coups de gueule, il est recommandé de fermer le micro. Se méfier aussi d’un journal posé négligemment sur les boutons : un micro allumé quand il ne faut pas, ça n’arrive pas qu’aux autres… Le bouton-toussoir est plus agréable pour le "client" qui nous écoute, car il n’a alors que le silence dans son oreillette. Toutefois, lorsqu’il y a des applaudissements ou des rires, il vaut mieux fermer le micro, pour que nos auditeurs – y compris les procès-verbalistes et ceux qui nous écoutent éventuellement sur internet, ce qui est de plus en plus fréquent – aient l’ambiance de la salle en direct live.
Selon une anecdote qui circule dans la profession, deux interprètes faisant une séance où il ne fallait allumer le micro que de temps en temps (votes, rédaction ou autre) avaient commis cette négligence regrettable qui faisait que leur micro était ouvert quand il devait être éteint et vice versa. Entre deux interventions, l’un donnait une recette de cuisine à l’autre : " … et alors tu ajoutes les œufs, les uns après les autres – qui est pour ? – puis tu verses le beurre fondu – contre ? – et ensuite, tu mets le sucre – abstentions ? – puis les amandes moulues." Un délégué aurait alors demandé : "Et on fait cuire combien de temps et à quelle température ?" Se non e vero, e ben trovato !
Console au BIT (1974, aucune modernisation depuis !), les boutons à enfoncer correspondent aux langues qu’on peut entendre dans les écouteurs : 1 floor, 2 anglais, 3 français, 4 espagnol, 5 russe, 6 allemand, 7 arabe, 8 japonais
Texte paru dans la revue Hieronymus (mars 2011), www.astti.ch
*) http://tiina-gva.blogspot.com/2010/09/relais-pivots-et-retours-1.html
http://tiina-gva.blogspot.com/2010/12/relais-pivots-et-retours-2.html
#) http://tiina-gva.blogspot.com/2010/05/chacun-ses-ecouteurs.html
lundi 7 février 2011
Lettre à Julie
Chère Julie,
Internet et mon bon ami google m’ont aidée à trouver votre adresse. Ayant vu votre premier spectacle, basé sur vos chroniques à l’Encre Bleue, je me suis laissée tenter par votre deuxième incursion sur scène, avec C’est par où, la sortie ?, au Palais Mascotte. Je me disais bien que ce nouveau spectacle ne pouvait ressembler au premier, puisque vous avez pris votre pouêt-pouêt entretemps. Oui, votre retraite… Rien que le fait que vous n’osiez prononcer ce mot nous fait bien comprendre à quel point ce passage a été difficile et douloureux pour vous.
On vous sent aigrie et pleine de rancœur, comme si on vous avait mise à la porte comme une malpropre. Alors que l’âge de la retraite, on devrait le voit arriver de loin et il devrait être possible de s’y préparer. Alors oui, une petite jeunette a pris votre place, c’est comme ça que ça se passe dans toutes les entreprises du monde. Je reconnais qu’ils auraient pu changer le nom de la rubrique ou au moins sa signature. L’Encre Bleue est votre bébé et vous n’aimez pas le voir entre les bras d’une autre. Si ça peut vous consoler, on sent bien que l’auteur a changé, le ton et le style sont presque les mêmes, mais pas vraiment tout à fait assez pour donner le change.
Vous vous voyez dorénavant comme une vieille croûte, entourée de seniors gâteux. Merci pour eux… A 65 ans, on n’est pas plus croulant qu’à 64 et il ne tient qu’à vous d’être active et de profiter de tout le temps libre dont vous disposez dorénavant. Il n’y a pas que le travail dans la vie, que diable ! Vous aimez écrire, rien ne vous oblige à arrêter. Tournez la page de la Tribune, au propre si vous voulez, mais surtout au figuré. Ecrivez autre chose, autrement, et pour un public différent. Rejoignez des groupes, pas forcément de retraités, ce ne sont pas les activités qui manquent à Genève, vous avez bien dû vous en rendre compte au cours de toutes ces années passées dans la rédaction d’un journal.
Regardez donc le film Monsieur Schmidt, avec Nicholson, c’est votre histoire. Un homme qui a consacré toute sa vie à son travail et qui se retrouve tout seul, tout con, le jour de ses 65 ans. Il retourne au bureau et voit un jeune loup dynamique à sa place. Par la force des choses, sa vie prend un nouveau tournant. Ou lisez les livres de Virginia Ironside, No ! I don’t want to join a book club ! ou La sexygénaire n’a pas dit son dernier mot, le seul qui ait été traduit en français, je crois. Le site internet de Cité Séniors grouille de propositions d’activité, à tel point que je me réjouis d’avoir non seulement l’âge mais aussi le temps d’y participer. Pas besoin non plus d’être une vieille schnoque pour faire du bénévolat, il m’arrive d’en faire et c’est toujours très sympa.
J’ai aujourd’hui cinquante ans (et demie !) et j’ose dire que je suis parfaitement heureuse et bien dans ma peau, ayant enfin trouvé une certaine sérénité, une certaine sagesse. Je vis exactement comme je veux, je fais ce que je veux, quand je le veux (dans les limites de la décence, du respect d’autrui et de la nécessité de gagner encore un peu ma vie, bien évidemment) et je me moque bien du qu’en dira-t-on. J’irai voir le dernier film de Dany Boon si ça me chante, je m’offre des churros au marché, je farfouille dans les soldes chez Bata, je vais (parfois) me coucher à 22h... Et je dis prout ! à ceux que ça choque.
La vie est belle, vous avez sans doute encore trente ans devant vous, profitez-en ! Je connais bien des retraités qui sont encore plus occupés aujourd’hui que du temps de leur vie active. Vous êtes libre comme l’air, vous pouvez vivre selon votre rythme, dormir tard, manger à 15h, aller au cinéma l’après-midi, aller au marché aux puces le mercredi. Dans votre prochain spectacle, vous pourrez nous raconter votre nouvelle vie, tout ce que vous aurez découvert et qui vous échappait parce que vous étiez enfermée entre les quatre murs de votre bureau.
Si une fée me proposait d’avoir à nouveau vingt ans, je lui dirais : Non, merci ! Sans façons !
Internet et mon bon ami google m’ont aidée à trouver votre adresse. Ayant vu votre premier spectacle, basé sur vos chroniques à l’Encre Bleue, je me suis laissée tenter par votre deuxième incursion sur scène, avec C’est par où, la sortie ?, au Palais Mascotte. Je me disais bien que ce nouveau spectacle ne pouvait ressembler au premier, puisque vous avez pris votre pouêt-pouêt entretemps. Oui, votre retraite… Rien que le fait que vous n’osiez prononcer ce mot nous fait bien comprendre à quel point ce passage a été difficile et douloureux pour vous.
On vous sent aigrie et pleine de rancœur, comme si on vous avait mise à la porte comme une malpropre. Alors que l’âge de la retraite, on devrait le voit arriver de loin et il devrait être possible de s’y préparer. Alors oui, une petite jeunette a pris votre place, c’est comme ça que ça se passe dans toutes les entreprises du monde. Je reconnais qu’ils auraient pu changer le nom de la rubrique ou au moins sa signature. L’Encre Bleue est votre bébé et vous n’aimez pas le voir entre les bras d’une autre. Si ça peut vous consoler, on sent bien que l’auteur a changé, le ton et le style sont presque les mêmes, mais pas vraiment tout à fait assez pour donner le change.
Vous vous voyez dorénavant comme une vieille croûte, entourée de seniors gâteux. Merci pour eux… A 65 ans, on n’est pas plus croulant qu’à 64 et il ne tient qu’à vous d’être active et de profiter de tout le temps libre dont vous disposez dorénavant. Il n’y a pas que le travail dans la vie, que diable ! Vous aimez écrire, rien ne vous oblige à arrêter. Tournez la page de la Tribune, au propre si vous voulez, mais surtout au figuré. Ecrivez autre chose, autrement, et pour un public différent. Rejoignez des groupes, pas forcément de retraités, ce ne sont pas les activités qui manquent à Genève, vous avez bien dû vous en rendre compte au cours de toutes ces années passées dans la rédaction d’un journal.
Regardez donc le film Monsieur Schmidt, avec Nicholson, c’est votre histoire. Un homme qui a consacré toute sa vie à son travail et qui se retrouve tout seul, tout con, le jour de ses 65 ans. Il retourne au bureau et voit un jeune loup dynamique à sa place. Par la force des choses, sa vie prend un nouveau tournant. Ou lisez les livres de Virginia Ironside, No ! I don’t want to join a book club ! ou La sexygénaire n’a pas dit son dernier mot, le seul qui ait été traduit en français, je crois. Le site internet de Cité Séniors grouille de propositions d’activité, à tel point que je me réjouis d’avoir non seulement l’âge mais aussi le temps d’y participer. Pas besoin non plus d’être une vieille schnoque pour faire du bénévolat, il m’arrive d’en faire et c’est toujours très sympa.
J’ai aujourd’hui cinquante ans (et demie !) et j’ose dire que je suis parfaitement heureuse et bien dans ma peau, ayant enfin trouvé une certaine sérénité, une certaine sagesse. Je vis exactement comme je veux, je fais ce que je veux, quand je le veux (dans les limites de la décence, du respect d’autrui et de la nécessité de gagner encore un peu ma vie, bien évidemment) et je me moque bien du qu’en dira-t-on. J’irai voir le dernier film de Dany Boon si ça me chante, je m’offre des churros au marché, je farfouille dans les soldes chez Bata, je vais (parfois) me coucher à 22h... Et je dis prout ! à ceux que ça choque.
La vie est belle, vous avez sans doute encore trente ans devant vous, profitez-en ! Je connais bien des retraités qui sont encore plus occupés aujourd’hui que du temps de leur vie active. Vous êtes libre comme l’air, vous pouvez vivre selon votre rythme, dormir tard, manger à 15h, aller au cinéma l’après-midi, aller au marché aux puces le mercredi. Dans votre prochain spectacle, vous pourrez nous raconter votre nouvelle vie, tout ce que vous aurez découvert et qui vous échappait parce que vous étiez enfermée entre les quatre murs de votre bureau.
Si une fée me proposait d’avoir à nouveau vingt ans, je lui dirais : Non, merci ! Sans façons !
Voir aussi: http://tiina-gva.blogspot.com/2010/08/vivons-vieux-vivons-heureux.html
___________________________________
J’aimerais publier ce texte sur mon blog, mais j’aimerais avoir votre feu vert pour le faire. Vous êtes un personnage public, je ne cite pas votre vrai nom et mon texte parle du vieillissement de façon générale. L’amie qui m’a accompagnée va atteindre l’AVS dans quelques mois, elle se réjouit presque. Elle en parle depuis plusieurs années et ça ne va pas lui tomber dessus comme une mauvaise tuile. Chaque âge a ses avantages, ne les refusez pas !
Et vous aurez un droit de réponse, en mettant un commentaire, si vous le voulez bien…
Bonne chance pour la suite
Amitiés
dimanche 30 janvier 2011
Purge – Puhdistus de Sofi Oksanen
AVERTISSEMENT : ne lisez ce texte que si vous avez déjà lu ce roman ou si vous n’avez pas l’intention de le faire !
Décidément, les livres à succès, les livres-événement, les livres-dont-tout-le-monde-parle ne sont pas pour moi. Millénium m’avait laissée de marbre (le premier tome m’a suffi) et je me suis maintenant attelée à lire Purge de Sofi Oksanen, le roman-choc qui croule sous les prix et qui sera bientôt adapté au cinéma. La plupart des gens l’ont dévoré en deux jours, j’ai mis péniblement trois semaines à le terminer. J’aurais pu le laisser tomber à tout moment, mais la dimension finlandaise de la chose m’a sans doute motivée à le lire jusqu’au bout. C’est peut-être aussi parce que je l’ai lu en V.O. que je n’ai pas réussi à me passionner pour cette intrigue lente et tortueuse (voir le texte suivant).
Pendant les cent premières pages, il ne se passe rien. Zara, une jeune femme affolée, en haillons et couverte de bleus vient chercher refuge chez Aliide, une vieille femme qui vit seule dans sa ferme. L’histoire se passe en Estonie, entre 1936-39 et 1992. Aliide se méfie, Zara a peur. Aliide se méfie, Zara a peur. Aliide se méfie un peu moins, Zara sursaute au moindre bruit. L’auteur ne dit les choses que par allusions, le lecteur doit deviner ou alors être très patient. Enfin, dans la deuxième partie, un flash-back commence à nous dévoiler qui sont les personnages dont il était parfois question au début du livre. Ce jeu de ping-pong sous forme de cache-cache se poursuit jusqu’à la toute dernière page.
Aliide pourrait ressembler à ma grand-mère Alviina
C’est un roman qui parle de nazisme et de communisme, de la condition de la femme, du viol dans les régimes totalitaires, de prostitution et de l’amour fou de deux femmes pour le même homme. On notera que les nazis ont l’air moins affreux que les communistes ou les Russes, même capitalistes. Mais c’est surtout l’histoire de la jalousie dévorante d’une sœur : Ingel réussit tout mieux qu’Aliide, ses dents sont plus blanches, les rayons du soleil ne brillent que pour ses cheveux, elle fait la cuisine comme une déesse et quand elle trait les vaches, le lait est plus crémeux. Et c’est elle qui a épousé l’homme qu’Aliide a pourtant vu la première. Vivant sous le même toit familial, l’héroïne du roman se consume d’envie et de haine à devoir regarder le bonheur total dans lequel baigne sa sœur. La période stalinienne venue, elle se voit obligée de signer un document qui condamne sa sœur et sa nièce à la Sibérie. Elle ne pouvait pas faire autrement, sous ce genre de régime politique, on ne discute pas, on ne fait pas recours, une grève de la faim ne servirait à rien. Oui, mais voilà… elle en conçoit une certaine satisfaction, un sentiment de revanche et on découvre, à l’avant-dernière page, qu’en réalité, elle les a délibérément trahies. Hans, son amour tant convoité, est resté caché, tapi dans la maison. Elle a enfin l’homme de ses rêves rien que pour elle. C’est cette culpabilité qui fera l’objet d’une purge, d’une rédemption, environ un demi-siècle plus tard.
Est-il vraisemblable d’arriver à cacher un ennemi du peuple pendant plusieurs années, alors qu’on est marié à un cadre du parti communiste ? Est-il plausible qu’une pauvre petite prostituée sous-alimentée parvienne à étrangler un boss mafieux ? Qu’elle arrive à garder une vieille photo cachée dans son soutien-gorge sans que son mac ne s’en aperçoive ? Peu importe, ce n’est que de la fiction. Est-ce parce que j’ai lu le roman en finnois que je me suis ennuyée ? Le récit est bardé de répétitions – Zara a peur – de faits historiques ou culturels que le lecteur lambda ne connaît pas, à moins d’avoir étudié le cas de l’Estonie – Aliide se méfie – les gens semblent manger constamment du raifort, un peu l’équivalent du café et des sandwiches chez Stieg Larsson. Alors oui, les filles qui rêvent d’aller gagner de l’argent en occident finissent souvent dans les griffes sordides de réseaux de proxénètes sans scrupules, mais je trouve que Chaos, le film de Coline Serreau, injustement méconnu, est bien plus éloquent pour dénoncer ce genre de drame.
Sofi Oksanen
Le texte comporte en outre de nombreux passages violents et pornographiques, où l’auteur ne recule pas devant des mots tels que “bite, chatte, sperme”, etc… Je serai curieuse de recevoir les réactions de ma mère (81 ans) et de ma soeur quand elles l’auront lu. Purge est d’ailleurs à l’origine d’une polémique en Estonie. En effet, les Estoniens n’apprécient pas l’image que le livre donne de leur pays et regrettent que d’autres auteurs estoniens, aux textes moins racoleurs, n’aient pas reçu le même écho (voir l’article du Nouvel Obs *). "Ce sont des romans comme celui de Sofi Oksanen qui expliquent pourquoi, à bord des ferries finlandais et sur les pistes de danse des hôtels, les Estoniennes se considèrent toujours comme les putes de l'Est." Malheureusement, pas besoin de romans pour constater que c’est bien le cas, du moins ça l’était dans les années qui ont suivi la chute du communisme.
Le titre du roman reste cependant un peu incompréhensible. Avec sa façon de ne dire les choses qu’à moitié, Oksanen nous laisse comprendre qu’Aliide va s’immoler par le feu aux côtés du cadavre de son Hans chéri, resté enterré sous la maison pendant 40 ans. Elle a sauvé Zara, la petite-fille de sa sœur haïe, en abattant les proxénètes qui la poursuivent et choisit de se donner la mort avant que le reste du gang ne lui fasse un sort. Zara pourra hériter de ses terres. Ce serait donc ça, la Purge ? Près de 400 pages pour ça ?
Je serai curieuse de voir le film qui en sera tiré. Il y a matière à quelques bonnes scènes de suspense, mais ça risque aussi de devenir un film finlandais glauque, lent et déprimant. En tous cas, Purge aura permis au public francophone de se familiariser avec l’Estonie et avec la Finlande, c’est déjà ça !
Traduttore Traditore
La lecture de Puhdistus (Purge, voir le texte précédent) de Sofi Oksanen en finnois étant un peu ardue, non seulement parce que l’auteur ne cesse de jouer aux devinettes avec son lecteur, mais aussi parce que le texte est bardé de concepts ethniques, historiques, agricoles et traditionnels que n’explique aucune note en bas de page, j’ai eu l’idée masochiste de comparer l’original à sa traduction française, l'œuvre de Sébastien Cagnoli.
Il ne m’a pas fallu bien longtemps avant de tomber sur plusieurs énormes contresens. Le traducteur a pourtant l’air de bien maîtriser le finnois, c’est pourquoi je ne comprends pas comment il a pu laisser passer des erreurs aussi grossières. Sans doute se repose-t-il sur l’idée (fausse) que personne ne comprend le finnois et que personne n’ira vérifier de toute façon. Quelques exemples, ceci n’est en rien une liste exhaustive :
P. 240 /223 *): "Ingel en avait fait douze" alors qu'en finnois, il est écrit: Ingel oli täyttänyt kahdeksantoista, c-à-d “Ingel avait / venait d'avoir dix-huit ans”. Il est vrai que douze et dix-huit sont parfois difficiles à distinguer à l’oral, surtout dans une forme déclinée, mais même google sait traduire kahdeksantoista. Et on ne sait pas à quoi se rapporte le pronom “en”. S’agit-il d’une inattention? Le traducteur n’avait-il que peu de temps pour faire ce travail?
P. 260 /244, un autre contresens: "elle voulait être l'enfant du grand Lénine" alors que l'original dit: .... kun hän ilmoitti haluavansa isona Leninin lapsen , ce qui signifie: …lorsqu'elle annonça que, quand elle serait grande, elle voulait avoir un enfant de Lénine. La version correcte est d’ailleurs bien plus plausible.
p. 266 / 250 : "Ce n’était même pas un vrai dentiste, mais un prisonnier de guerre allemand qui avait essayé d’apprendre tant bien que mal." L’original dit: Ei se mikään oikea lääkäri edes ollut, sotavankina ollut saksalainen hammaslääkäri oli yrittänyt opettaa sitä minkä pystyi (… un prisonnier de guerre allemand avait essayé de lui apprendre comment faire, tant que possible). Le dentiste s’appelle Boris et c’est le même homme qui l’a tourmentée dans la cave de la mairie (un Soviétique, donc). Il y a erreur sur la personne et confusion entre enseigner et apprendre.
P. 268 / 252 : juuriharja (juuri = racine, harja = brosse - Würzelbürste) devient une pierre ponce, alors qu’il s’agit d’une brosse à récurer. Ce n’est pas essentiel pour la compréhension du récit, mais pourquoi diable… ?
juuriharja - Würzelbürste en allemand - devient une pierre ponce en français
P. 277 / 261 : suttura devient une conne, alors que c’est une traînée, une fille pas propre, en un mot : une pute. C’est ce qu’est cette pauvre Zara, à son corps défendant. Rien ne nous dit que c’est une conne.
P. 286 / 270 : Villi länsi devient l’Occident sauvage, ce qui n’est pas faux, c'est juste un peu bizarre en français, je trouve. C’est surtout parfaitement littéral. L’équivalent serait le far-west, même si c’est de l’anglais. "Tallinn était son far west à lui", par exemple.
P. 290/ 273 : "Sa cuisse tirée par les poils trembla comme de la chair de poule". Même sans comprendre le finnois (linnunlihainen ja karvoista nypitty reisi tärisi ), le lecteur francophone devrait rester perplexe face à ce genre de phrase… Karvoista nypitty signifie épilé. Ce serait donc : elle avait la chair de poule et sa cuisse épilée trembla
P. 336+339 / 317+319 : korsu devient un blockhaus, alors que c’est plutôt un abri en bois. Passe encore, mais un "blockhaus de bandits" / bandiittien korsu, c’est carrément un peu ridicule.
deux exemples de "blockhaus" ;-)
P. 345 / 324: Lypsäjäemakko devient "la truie de trayeuse". Non seulement l’allittération est un peu malheureuse, mais il n’est pas nécessaire d’être aussi littéral. Si on veut rester dans l’insulte agricole, "cette grosse vache" ferait très bien l’affaire.
Dans tout le roman : Le petit nom kuukunen devient "mon champignon" … Ma mère ne connaissait pas non plus ce mot, le dictionnaire nous confirme qu’il s’agit en effet d’un champignon, mais ce mot a sans doute été choisi pour sa sonorité, un peu comme "chou" en français. On ne traduirait pas "mon petit chou" par kaaliseni, non ? My little cabbage, mein Köhlchen…. Ça me fait penser à l’ouvrage Sky ! My Husband ! de J-L Chiflet
Pendant mes études, on m'a appris à être fidèle à l’original, sans toutefois être littérale. Il faut toujours rechercher ce qui est idiomatique dans la langue cible, quitte à transformer les champignons en choux, en trésors ou en petits cœurs. Il faut parfois remplacer un substantif par un verbe ou vice-versa et il faut parfois aller jusqu’à commettre un sacrifice, c-à-d éliminer quelque chose qui ne passe vraiment pas dans l’autre langue. Il ne faut surtout pas rappeler au lecteur qu’il est en train de lire une traduction, le texte doit être naturel et couler de source.
P.275/ 259: "Zara voulait croire au cahier de Pacha, qui avait une couverture plastique bleu foncé qui puait et une marque de qualité de l’Union soviétique" Ne serait-il pas plus élégant de dire, par exemple: Zara voulait croire au carnet de Pacha, recouvert de plastique bleu puant et portant le label de qualité soviétique ? De plus, "…qui puait et une marque…" est grammaticalement incorrect.
P. 288 / 271: "Zara ressentit le puissant désir de s'envelopper dans le giron de Lavrenti"
Il serait plus naturel de dire qu'elle avait envie de se blottir contre lui, dans ses bras? Il s'agit, une fois de plus, d'une traduction littérale. Le mot syli existe en allemand (Schoss) et en anglais (lap), mais pas en français. Alors giron est certes ce qu'il y a de plus proche, mais ça ne s'utilise quasiment qu'au sens figuré en français, me semble-t-il.
P.286 / 269: "Lavrenti s'était ramolli envers elle. Les ramollis ont la perspicacité qui baisse". En finnois, il est bien question de devenir plus mou (Lavrenti oli pehmennyt hänelle), mais je parlerais plutôt de s'attendrir, de devenir moins méchant, en un mot: il en pinçait pour elle. Et il faudrait plutôt écrire que Lavrenti allait devenir inattentif.
P. 283 / 266: "Le pays était plein d'emballages de glace blancs" . Ici, le pays (maa) est le sol, parterre, jonché d'emballages blancs. Maassa näkyi valkoisia jäätelöpapereita. On dirait que l’Estonie tout entière est parsemée de papiers blancs.
P. 297: "Par une de leurs fenêtres [voiture] avait été lancée une bouteille de bière"
P. 301: "Sur le couvercle de la boîte souriait un homme"
On trouve souvent ce genre de construction inversée, qui n’est pas du tout courante en français, me semble-t-il .
P. 336 / 317: « La fille était meilleure menteuse qu’Aliide l’avait jamais été »
Tyttö olikin parempi valehtelemaan kuin Aliide koskaan. Pourquoi, dans ce cas-ci, remplacer un verbe par un substantif ? Il serait plus naturel d’écrire : la fille mentait bien mieux qu’Aliide avait jamais su le faire.
Sofi Oksanen
Dans tout le roman : Le petit nom kuukunen devient "mon champignon" … Ma mère ne connaissait pas non plus ce mot, le dictionnaire nous confirme qu’il s’agit en effet d’un champignon, mais ce mot a sans doute été choisi pour sa sonorité, un peu comme "chou" en français. On ne traduirait pas "mon petit chou" par kaaliseni, non ? My little cabbage, mein Köhlchen…. Ça me fait penser à l’ouvrage Sky ! My Husband ! de J-L Chiflet
Pendant mes études, on m'a appris à être fidèle à l’original, sans toutefois être littérale. Il faut toujours rechercher ce qui est idiomatique dans la langue cible, quitte à transformer les champignons en choux, en trésors ou en petits cœurs. Il faut parfois remplacer un substantif par un verbe ou vice-versa et il faut parfois aller jusqu’à commettre un sacrifice, c-à-d éliminer quelque chose qui ne passe vraiment pas dans l’autre langue. Il ne faut surtout pas rappeler au lecteur qu’il est en train de lire une traduction, le texte doit être naturel et couler de source.
P.275/ 259: "Zara voulait croire au cahier de Pacha, qui avait une couverture plastique bleu foncé qui puait et une marque de qualité de l’Union soviétique" Ne serait-il pas plus élégant de dire, par exemple: Zara voulait croire au carnet de Pacha, recouvert de plastique bleu puant et portant le label de qualité soviétique ? De plus, "…qui puait et une marque…" est grammaticalement incorrect.
P. 288 / 271: "Zara ressentit le puissant désir de s'envelopper dans le giron de Lavrenti"
Il serait plus naturel de dire qu'elle avait envie de se blottir contre lui, dans ses bras? Il s'agit, une fois de plus, d'une traduction littérale. Le mot syli existe en allemand (Schoss) et en anglais (lap), mais pas en français. Alors giron est certes ce qu'il y a de plus proche, mais ça ne s'utilise quasiment qu'au sens figuré en français, me semble-t-il.
P.286 / 269: "Lavrenti s'était ramolli envers elle. Les ramollis ont la perspicacité qui baisse". En finnois, il est bien question de devenir plus mou (Lavrenti oli pehmennyt hänelle), mais je parlerais plutôt de s'attendrir, de devenir moins méchant, en un mot: il en pinçait pour elle. Et il faudrait plutôt écrire que Lavrenti allait devenir inattentif.
P. 283 / 266: "Le pays était plein d'emballages de glace blancs" . Ici, le pays (maa) est le sol, parterre, jonché d'emballages blancs. Maassa näkyi valkoisia jäätelöpapereita. On dirait que l’Estonie tout entière est parsemée de papiers blancs.
P. 297: "Par une de leurs fenêtres [voiture] avait été lancée une bouteille de bière"
P. 301: "Sur le couvercle de la boîte souriait un homme"
On trouve souvent ce genre de construction inversée, qui n’est pas du tout courante en français, me semble-t-il .
P. 336 / 317: « La fille était meilleure menteuse qu’Aliide l’avait jamais été »
Tyttö olikin parempi valehtelemaan kuin Aliide koskaan. Pourquoi, dans ce cas-ci, remplacer un verbe par un substantif ? Il serait plus naturel d’écrire : la fille mentait bien mieux qu’Aliide avait jamais su le faire.
Sofi Oksanen
Ceci ne sont que quelques exemples, glanés ici ou là. Il suffit au lecteur qui connaît les deux langues d’ouvrir le roman n’importe où pour trouver soit des erreurs soit des tournures maladroites. C’est d’autant plus dommage que certains passages sont traduits de façon irréprochable. Si le traducteur était plus soigneux, plus attentif (moins ramolli…), s’il se relisait, cela n’arriverait pas. Mais ce qui est encore plus consternant, c’est que les lecteurs, à commencer par ceux de la maison d’édition, semblent ne rien remarquer. Sans doute pensent-ils que, puisque ça se passe en Estonie, c’est normal que ce soit un peu bizarre et boîteux.
Dorénavant, si je dois lire des traductions, je choisirai l’anglais ou l’allemand. Ainsi, s’il y a des erreurs de style ou de grammaire, je les remarquerai moins.
Allez, un p’tit dernier pour la route : la toute dernière phrase du roman, avant les notes secrètes :
"Puis elle irait s’étendre à côté de Hans, chez elle à côté de Hans. Elle aurait le temps de le faire avant les garçons – ou bien comptaient-ils le faire cette nuit même ?" Grammaticalement, on comprend que "les garçons" souhaitent aller s’étendre à côté de Hans. La solution dans le commentaire….
Prix du roman fnac 2010, Prix Femina Etranger 2010
*) le premier chiffre indique le numéro de page de l’édition française (Stock 2010), le deuxième celui de l’édition finlandaise (WSOY 2008)
Dorénavant, si je dois lire des traductions, je choisirai l’anglais ou l’allemand. Ainsi, s’il y a des erreurs de style ou de grammaire, je les remarquerai moins.
Allez, un p’tit dernier pour la route : la toute dernière phrase du roman, avant les notes secrètes :
"Puis elle irait s’étendre à côté de Hans, chez elle à côté de Hans. Elle aurait le temps de le faire avant les garçons – ou bien comptaient-ils le faire cette nuit même ?" Grammaticalement, on comprend que "les garçons" souhaitent aller s’étendre à côté de Hans. La solution dans le commentaire….
Prix du roman fnac 2010, Prix Femina Etranger 2010
*) le premier chiffre indique le numéro de page de l’édition française (Stock 2010), le deuxième celui de l’édition finlandaise (WSOY 2008)
mardi 25 janvier 2011
La Belle Hélène de Jacques Offenbach
Patrick Zard, le Choeur de Vernier, Jacques Gay
Raphaëlle Farman et Jacques Gay, deux chanteurs lyriques de Paris ont décidé de venir monter La Belle Hélène d’Offenbach à Genève. Il se trouve qu’ils ont choisi le Chœur de Vernier pour participer à cette folle aventure et c’est ainsi que j’ai pu vivre cette expérience aussi unique qu’exceptionnelle.
Le chemin a bien sûr été parsemé d’embûches, de surprises et d’imprévus. Nous devions nous produire au Théatre du Léman en novembre et – heureusement – le spectacle a finalement eu lieu au Théâtre de l’Alhambra en janvier. Nous avons non seulement eu plus de temps pour répéter, mais le lieu est plus chaleureux et plus sympathique. Nous avons également dû changer d’orchestre et avons clairement gagné au change avec un petit quintette à corde professionnel, accompagné d’une excellente pianiste, professionnelle elle aussi. Du coup, nous avons fait quatre représentations au lieu de deux (et une de plus pour les seniors), mais c’est plutôt une bonne chose, car on s’amuse comme des fous sur scène !
Un choriste, Franck Cassard, Raphaëlle Farman, Jacques Gay
Après quatre mois de répétitions avec ou sans mise en scène (voir L’envers du décor) de septembre à décembre, le rythme s’est sérieusement accéléré dès le mois de janvier. Nous avons reçu nos costumes et accessoires et on se disait "à demain !" en quittant les répétitions. Tel un puzzle dont les pièces se mettent lentement en place, l’œuvre prenait forme. Puis le jour est venu où nous avons pu répéter avec l’orchestre, puis avec les solistes, tous des professionnels venus de Paris. Quel bonheur !
Chaque fois que j’apprends une œuvre en chantant dans un chœur, j’apprécie énormément le fait de découvrir et de comprendre tous les détails et subtilités de la pièce. Il n’en va pas autrement dans le cas de la Belle Hélène. C’est une opérette très drôle, très riche, théâtrale et pleine de petits détails. La scène du rêve d’amour est à la fois comique, romantique, sensuelle, dramatique, coquine et très mélodieuse : quel génie, cet Offenbach !
Le duo du rêve d'amour: Raphaëlle Farman, Mathieu Sempéré
Contrairement au public, nous avons l’avantage de voir cette pièce plusieurs fois et je commence à connaître toutes les répliques par cœur. Il est très intéressant aussi de voir des comédiens et chanteurs professionnels au travail : le public a l’illusion qu’ils prononcent leur texte pour la première fois, tellement c’est naturel et spontané, alors que chaque virgule est parfaitement à sa place – avec une certaine marge d’improvisation, vu la nature de l’œuvre. La scène était également agrémentée de deux danseuses de revue, qui jouaient divers rôles, essentiellement muets.
Etrangement, je n’ai jamais eu le trac. Rien que du plaisir et du fun à l’état pur. Le public réagissait bien, riait quand il le fallait et applaudissait à tout rompre à la fin du spectacle. C’était formidable ! Une excellente ambiance régnait aussi en coulisses, avec une bonne collaboration pour que chacun retrouve ses accessoires, que personne n’ait son chapeau de travers ou du rouge à lèvre sur les oreilles.
Une fois le spectacle terminé, je rentrais chez moi à pied et heureusement qu’il faisait nuit car j’étais grimée comme une femme des mauvais quartiers. Je me faisais presque peur quand je me voyais dans le miroir de l’ascenseur.
Ce qui me frappe avec cette Belle Hélène, c’est à quel point elle est populaire. Tous ceux à qui j’ai parlé de ce projet se sont écrié : "Oh, mais quelle chance ! C’est formidable, comme c’est chouette !" Tous ne sont pas venus, mais ceux qui nous ont vus et entendus ont passé une excellente soirée. Nous allons recevoir un DVD souvenir, ce qui me permettra de voir le spectacle de l’extérieur et de découvrir aussi tout ce que je n’ai pas vu parce que je devais me cacher en coulisses. Maintenant, je n’ai qu’une envie, c’est de recommencer !
Photo prise à la fin de la répétition générale; le micro servait à nous donner des instructions. Il n'y avait bien sûr aucun micro pendant la représentation.
Raphaëlle Farman (la Belle Hélène), Jacques Gay (Agamemnon), www.operaenfete.com
Partick Zard (Calchas), Franck Cassard (Ménélas), Mathieu Sempéré (Pâris), Clémentine Bourgoin (Oreste)
Direction : Franz Josefovski
Raphaëlle Farman et Jacques Gay, deux chanteurs lyriques de Paris ont décidé de venir monter La Belle Hélène d’Offenbach à Genève. Il se trouve qu’ils ont choisi le Chœur de Vernier pour participer à cette folle aventure et c’est ainsi que j’ai pu vivre cette expérience aussi unique qu’exceptionnelle.
Le chemin a bien sûr été parsemé d’embûches, de surprises et d’imprévus. Nous devions nous produire au Théatre du Léman en novembre et – heureusement – le spectacle a finalement eu lieu au Théâtre de l’Alhambra en janvier. Nous avons non seulement eu plus de temps pour répéter, mais le lieu est plus chaleureux et plus sympathique. Nous avons également dû changer d’orchestre et avons clairement gagné au change avec un petit quintette à corde professionnel, accompagné d’une excellente pianiste, professionnelle elle aussi. Du coup, nous avons fait quatre représentations au lieu de deux (et une de plus pour les seniors), mais c’est plutôt une bonne chose, car on s’amuse comme des fous sur scène !
Un choriste, Franck Cassard, Raphaëlle Farman, Jacques Gay
Après quatre mois de répétitions avec ou sans mise en scène (voir L’envers du décor) de septembre à décembre, le rythme s’est sérieusement accéléré dès le mois de janvier. Nous avons reçu nos costumes et accessoires et on se disait "à demain !" en quittant les répétitions. Tel un puzzle dont les pièces se mettent lentement en place, l’œuvre prenait forme. Puis le jour est venu où nous avons pu répéter avec l’orchestre, puis avec les solistes, tous des professionnels venus de Paris. Quel bonheur !
Chaque fois que j’apprends une œuvre en chantant dans un chœur, j’apprécie énormément le fait de découvrir et de comprendre tous les détails et subtilités de la pièce. Il n’en va pas autrement dans le cas de la Belle Hélène. C’est une opérette très drôle, très riche, théâtrale et pleine de petits détails. La scène du rêve d’amour est à la fois comique, romantique, sensuelle, dramatique, coquine et très mélodieuse : quel génie, cet Offenbach !
Le duo du rêve d'amour: Raphaëlle Farman, Mathieu Sempéré
Contrairement au public, nous avons l’avantage de voir cette pièce plusieurs fois et je commence à connaître toutes les répliques par cœur. Il est très intéressant aussi de voir des comédiens et chanteurs professionnels au travail : le public a l’illusion qu’ils prononcent leur texte pour la première fois, tellement c’est naturel et spontané, alors que chaque virgule est parfaitement à sa place – avec une certaine marge d’improvisation, vu la nature de l’œuvre. La scène était également agrémentée de deux danseuses de revue, qui jouaient divers rôles, essentiellement muets.
Etrangement, je n’ai jamais eu le trac. Rien que du plaisir et du fun à l’état pur. Le public réagissait bien, riait quand il le fallait et applaudissait à tout rompre à la fin du spectacle. C’était formidable ! Une excellente ambiance régnait aussi en coulisses, avec une bonne collaboration pour que chacun retrouve ses accessoires, que personne n’ait son chapeau de travers ou du rouge à lèvre sur les oreilles.
Une fois le spectacle terminé, je rentrais chez moi à pied et heureusement qu’il faisait nuit car j’étais grimée comme une femme des mauvais quartiers. Je me faisais presque peur quand je me voyais dans le miroir de l’ascenseur.
Ce qui me frappe avec cette Belle Hélène, c’est à quel point elle est populaire. Tous ceux à qui j’ai parlé de ce projet se sont écrié : "Oh, mais quelle chance ! C’est formidable, comme c’est chouette !" Tous ne sont pas venus, mais ceux qui nous ont vus et entendus ont passé une excellente soirée. Nous allons recevoir un DVD souvenir, ce qui me permettra de voir le spectacle de l’extérieur et de découvrir aussi tout ce que je n’ai pas vu parce que je devais me cacher en coulisses. Maintenant, je n’ai qu’une envie, c’est de recommencer !
Photo prise à la fin de la répétition générale; le micro servait à nous donner des instructions. Il n'y avait bien sûr aucun micro pendant la représentation.
Raphaëlle Farman (la Belle Hélène), Jacques Gay (Agamemnon), www.operaenfete.com
Partick Zard (Calchas), Franck Cassard (Ménélas), Mathieu Sempéré (Pâris), Clémentine Bourgoin (Oreste)
Direction : Franz Josefovski
samedi 15 janvier 2011
Beaucoup de bruit pour rien
Avez-vous remarqué à quel point le bruit est omniprésent dans nos vies ? A quel point le silence est devenu une denrée rare, une espèce en voie de disparition ? Où que nous allions, où que nous soyions, nous sommes entourés de sons, jamais librement choisis et pas toujours très agréables. Dans la rue, nous sommes affligés par les bruits de chantier, les coups de klaxon, les sirènes de police ou d’ambulance et dans les transports publics, les musiciens qui font la manche agrémentent notre voyage malgré nous. Et dans les rues de La Valette en décembre, des chants de Noël tonitruants ne semblent pas effrayer le chaland.
We wish you a Merry Christmas... ♪♪♫
En Espagne, tous les bistrots ont leur machine à sous qui crée un raffut de fond qui ne semble déranger personne. Les Espagnols, tout comme les jeunes parents, ont une tolérance au tintamarre particulièrement élevée. Les touches d’ordinateur (Enter ou clics de souris) ou du téléphone mobile font chlock ! ou clic-clic sans aucune utilité apparente (sur les téléphones mobiles, on peut désactiver ce bruit, mais je n’ai pas encore trouvé comment faire sur l’ordinateur, si ce n’est de carrément couper le son), il faut croire que les consommateurs apprécient les appareils qui font bing ! et chtoïngg ! Mais ça encore, ce n’est rien….
Ce que je supporte de moins en moins, c’est la musique d’AMBIANCE! dans les salles de petit-déjeuner des hôtels. A croire que les clients ont besoin de retrouver, au saut du lit, la discothèque qu’ils ont quittée quelques heures auparavant. Et quand ce n’est pas le juke-box ou le hit parade, c’est la radio qui nous pollue les oreilles et le cerveau. Juste assez fort pour faire du bruit, mais pas assez pour pouvoir comprendre les nouvelles ou la météo. Ou alors le volume sonore est suffisant, mais pour des jingles et de la publicité qui vous font avaler vos tartines au grand galop et démarrer votre journée dans le stress.
Une idée répandue veut que pour faire la fête, il faut faire du bruit. Quelle que soit l'occasion, hop ! des feux d’artifice pendant une heure ! On change d’année, alors on organise un grand bal populaire, avec du rap ou de la musique boum-boum, de toute manière, personne ne dort la nuit du 31 décembre. Votre équipe a remporté le match de foot : vous sautez dans votre voiture avec six de vos potes et vous parcourez la ville en klaxonnant et en faisant retentir vos trompettes !
La musique dans les magasins est censée pousser à la consommation. Selon le type de musique, je serais plutôt tentée de chercher la sortie la plus proche. Quand on vous fait patienter au téléphone, rebelotte avec les Quatre Saisons, si vous avez de la chance. Dans les trains, il y a des wagons dits Silence, mais cela ne concerne apparemment pas les conversations bruyantes, du moins selon le contrôleur auprès de qui je m’étais plainte. Soit dit en passant, j’ai pu constater que les voyageurs sont beaucoup plus courtois dans les trains français ou italiens : tout le monde se tient tranquille et les gens sortent dans le corridor pour téléphoner.
Ainsi, lorsqu’il m’arrive parfois de me trouver dans un lieu parfaitement silencieux, je me sens presque perdue, j’arrive à peine à croire mes oreilles qui ne me transmettent aucun stimulus agaçant et indésirable. C’est comme si une sournoise torture, aussi pernicieuse que permanente, venait de s’arrêter. Et mon dieu! comme cela fait du bien de retrouver, de temps en temps, la sensation perdue du silence.
We wish you a Merry Christmas... ♪♪♫
En Espagne, tous les bistrots ont leur machine à sous qui crée un raffut de fond qui ne semble déranger personne. Les Espagnols, tout comme les jeunes parents, ont une tolérance au tintamarre particulièrement élevée. Les touches d’ordinateur (Enter ou clics de souris) ou du téléphone mobile font chlock ! ou clic-clic sans aucune utilité apparente (sur les téléphones mobiles, on peut désactiver ce bruit, mais je n’ai pas encore trouvé comment faire sur l’ordinateur, si ce n’est de carrément couper le son), il faut croire que les consommateurs apprécient les appareils qui font bing ! et chtoïngg ! Mais ça encore, ce n’est rien….
Ce que je supporte de moins en moins, c’est la musique d’AMBIANCE! dans les salles de petit-déjeuner des hôtels. A croire que les clients ont besoin de retrouver, au saut du lit, la discothèque qu’ils ont quittée quelques heures auparavant. Et quand ce n’est pas le juke-box ou le hit parade, c’est la radio qui nous pollue les oreilles et le cerveau. Juste assez fort pour faire du bruit, mais pas assez pour pouvoir comprendre les nouvelles ou la météo. Ou alors le volume sonore est suffisant, mais pour des jingles et de la publicité qui vous font avaler vos tartines au grand galop et démarrer votre journée dans le stress.
Une idée répandue veut que pour faire la fête, il faut faire du bruit. Quelle que soit l'occasion, hop ! des feux d’artifice pendant une heure ! On change d’année, alors on organise un grand bal populaire, avec du rap ou de la musique boum-boum, de toute manière, personne ne dort la nuit du 31 décembre. Votre équipe a remporté le match de foot : vous sautez dans votre voiture avec six de vos potes et vous parcourez la ville en klaxonnant et en faisant retentir vos trompettes !
La musique dans les magasins est censée pousser à la consommation. Selon le type de musique, je serais plutôt tentée de chercher la sortie la plus proche. Quand on vous fait patienter au téléphone, rebelotte avec les Quatre Saisons, si vous avez de la chance. Dans les trains, il y a des wagons dits Silence, mais cela ne concerne apparemment pas les conversations bruyantes, du moins selon le contrôleur auprès de qui je m’étais plainte. Soit dit en passant, j’ai pu constater que les voyageurs sont beaucoup plus courtois dans les trains français ou italiens : tout le monde se tient tranquille et les gens sortent dans le corridor pour téléphoner.
Ainsi, lorsqu’il m’arrive parfois de me trouver dans un lieu parfaitement silencieux, je me sens presque perdue, j’arrive à peine à croire mes oreilles qui ne me transmettent aucun stimulus agaçant et indésirable. C’est comme si une sournoise torture, aussi pernicieuse que permanente, venait de s’arrêter. Et mon dieu! comme cela fait du bien de retrouver, de temps en temps, la sensation perdue du silence.