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samedi 21 juin 2014

La démocratie, c’est difficile


Pour bien faire, mille jours ne sont pas suffisants, pour faire mal, un jour suffit amplement. Proverbe chinois
Il y a parfois des expériences dans la vie qui vous ouvrent les yeux. N’étant pas née de la dernière pluie, j’ai déjà vécu bien des choses et connu bien des déconvenues. Les amis qui n’en sont pas, les gens sur qui vous comptiez et qui vous laissent tomber sans explication.... Le mensonge et l’hypocrisie sont présents bien plus souvent qu’on ne le croit. Sans devenir ni parano ni cynique, il convient d’ouvrir l’œil et le bon et surtout ne pas systématiquement faire confiance.

C’est ainsi que j’ai récemment pu faire l’expérience in vivo du fonctionnement - or lack thereof - de la démocratie. On s’exaspère face à des Poutine ou des Mugabe qui s’accrochent au pouvoir, on soupire avec condescendance face aux urnes bourrées dans les républiques bananières, mais on retrouve tout cela dans de mini-sociétés constituées juste à côté de chez nous. Je songe en particulier à une certaine association qui offre une véritable observation digne d’un laboratoire de sciences politiques.

Le mot «association» signifie, en principe, qu’un groupe de gens s’allie pour construire quelque chose ensemble. Mais certains, surtout s’ils sont membres fondateurs, estiment que l’Association est leur chose, qu’elle leur appartient et que les autres ne sont là que pour être à son service, bénévole, cela va de soi. D’autant plus si ladite association a pour seul but de promouvoir la carrière d’une personne proche de son propriétaire. A l'heure actuelle, on peut lire sur internet que l'association est dirigée par sa Directrice artistique. Pendant ce temps-là, le Comité fait tapisserie.

L’Association de droit suisse, pour pouvoir profiter de soutiens financiers suisses et de coups de pouce de la Ville de Genève, doit bien évidemment être domiciliée à Genève, même si son propriétaire habite en réalité dans le Grand Genève, c-à-d en France. C’est ainsi qu’elle cherchera une personne bienveillante qui voudra bien offrir sa boîte aux lettres, du bon côté de la frontière. Jusque-là, pas de problème, ce sont des arrangements très courants et pas bien méchants, pour autant que Madame Boîte-aux-Lettres soit quelqu’un qui participe à la vie de l’Association. Madame est même si gentille qu’elle permettra qu’on utilise un scan de sa signature pour les nombreux dossiers de demande de subvention.

Selon le droit suisse, le Président d’une association doit être domicilié en Suisse. Jusque là, le droit est respecté. Là où ça se corse, c’est quand Madame la Présidente, celle qui prête sa boîte aux lettres, se rend compte que toutes les décisions sont prises dans son dos. Ça devient carrément désagréable lorsqu’on lui demande d’entreprendre des démarches, comme d’annuler le contrat d’un artiste, alors qu’elle ne sait pas du tout ni de qui, ni de quoi il s’agit. Un peu comme un ministre qu’on enverrait à une conférence de presse sur la crise au Mali, alors qu’il n’a participé à aucune des réunions stratégiques ayant mené à ladite crise. C’est alors que la Présidente décide de prendre les choses en main. Et c’est alors que tout commence à déraper.

Ses tentatives d’investigations se heurtent à un mur. La propriétaire de l’Association n’aime pas qu’on se mêle de ses affaires. Certes, mais toute association a un Comité, une sorte de parlement miniature, qui devrait discuter du bon fonctionnement des opérations, notamment du point de vue budgétaire. La Cheffe, qui estime que l’Association lui appartient, est une personne très sensible et très émotive. Elle se mettra à pleurer dès qu’on la contredit et dira ne pas comprendre pourquoi on l’attaque. Il ne sert à rien de lui expliquer que les questions posées sont légitimes, car elle refuse d’entendre. C’est alors que s’instaure un réseau de résistance plus ou moins clandestine, avec échanges de mails et rendez-vous de discussion, qui sont immédiatement perçus comme de la conspiration et des tentatives de coup d’Etat, même si la Cheffe est parfois présente. Le clan de Madame Chef, seule Propriétaire de l’Association, recourt alors à la stratégie du mensonge et de la calomnie, en faisant passer l’opposition pour des intrigantes et des conspiratrices.


La Présidente, à partir du moment où elle a découvert que sa signature avait servi sur divers courriers dont elle n’avait aucune connaissance, ainsi que sur une quarantaine de contrats - sur lesquels il est écrit «Fait en deux exemplaires», alors qu’il y a trois signatures et dont elle n’a, bien évidemment, reçu aucune copie - décide de contrer les tentatives de diffamation en choisissant la politique de la glasnost, autrement dit, de la transparence. Tout le contraire du complot, des manigances et de la déformation grossière.

Elle donne sa version des choses aux personnes qui risqueraient de prendre pour argent comptant ce que raconte Madame Chef, puisqu’ils la connaissent depuis longtemps et la prennent pour une personne correcte et respectable. La Présidente trouve particulièrement injuste et paradoxal qu’elle n’ait pas le droit de savoir ce qui se passe, alors même qu’on appose sa signature sur des courriers, sans qu’on ne juge utile de lui demander son avis. La Cheffe, se sachant en tort, a tout d’abord trouvé un Bouc Emissaire, qu’elle a envoyé au bûcher, sous les hourras de la foule. Mais maintenant que le Bouc est parti depuis plusieurs mois, il lui devient plus difficile de défendre sa gestion dictatoriale des choses. La Présidente fera une parfaite victime pour lui succéder. Peu importe que celle-ci ait réussi à rassembler des fonds, au-delà de tout ce qu’on pouvait espérer, pour financer un projet pharaonique dont la Cheffe refuse d’assumer la responsabilité. Elle n’a jamais consulté son Comité, alors à qui la faute? Au Bouc Emissaire, bien sûr, à qui elle avait donné les pleins pouvoirs. Enfin, selon elle....



Notre dictature miniature n’a pas eu recours aux pots-de-vin, car il faut des moyens pour cela. Quant aux fausses factures, il y en a sans doute eu, on pourrait presque le prouver. Les budgets sont établis avec pas mal de créativité et d’inventivité, toujours dans le sens des dépenses somptuaires et du déficit chronique. Mais étant donné que le compte postal de l’Association se superpose aux comptes familiaux de la Cheffe, ça n’a pas réellement d’importance. Et, à l'heure qu'il est, c'est le mari de la cheffe qui est le trésorier de l'association, on n'est jamais trop sûr. Et les contrats intéressants et bien payés sont d'office attribués à la copine de la Cheffe, sans appel d'offres ni devis.

La Présidente se dit qu’il faut décidément beaucoup de courage pour être dissident dans des régimes de type Assad ou Kim Jong Un, surtout si on est seul et isolé. Elle est, fort heureusement, entourée de personnes lucides qui voient clair dans les manigances de la Cheffe. Elle recommande à certaines personnes de ne pas trop manifester leur sympathie à son égard s’ils veulent continuer à pouvoir fonctionner dans l’Association sans qu’on ne les attaque, un peu comme autrefois en Allemagne de l’Est. Le plus simple est de baisser la tête et de fermer sa gueule, ainsi, on évite les ennuis. La Présidente recourt au dazibao - le présent billet - pour informer le monde qu’il y a quelque chose de pourri au Royaume de la Cheffe de l’Association. Enfin, elle compte sur la justice poétique pour assurer sa vengeance, qui est, comme chacun le sait, un plat qui se mange froid, voire très froid. Elle n’exclut pas de donner un petit coup de pouce au destin... Ma foi, à la guerre, tous les coups sont permis.



Si quelqu'un t'a fait du mal, ne cherche pas à te venger. Va t'asseoir au bord de la rivière et bientôt tu verras passer son cadavre. Proverbe chinois

La justice poétique ou justice immanente est un procédé littéraire par lequel la vertu finit par être récompensée ou le vice puni : dans la littérature moderne, elle prend fréquemment la forme d'une ironie du sort étroitement liée à la conduite, bonne ou mauvaise, du personnage. .... 


Faux dans les titres
1
Celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite,

aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique,

ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre,

sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
2
Dans les cas de très peu de gravité, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

samedi 28 septembre 2013

Vivre dans un labyrinthe


Rue du Village-Suisse
Les autorités de la bonne ville de Genève font de leur mieux pour organiser la vie urbaine de telle sorte qu’il devienne le plus compliqué possible de se rendre d’un point A à un point B. Le réseau des bus et des trams a été remanié – suscitant l’ire et la révolte de la population tout entière – les distributeurs de billets qui ne rendaient pas la monnaie ont été remplacés par des distributeurs qui ne prennent pas les billets de banque et qui mettent environ trois minutes entières à vous donner votre titre de transport, mais uniquement lorsqu’ils ne sont pas en panne. Les trottoirs ont été élargis et les pistes cyclables ont deux voies, une dans chaque sens, afin de rétrécir au maximum l’espace disponible pour la circulation automobile. On obtient ainsi de jolis bouchons, qui deviennent encore plus beaux pour peu qu’il y ait un accident ou une panne quelque part en ville. La solution : n’avoir besoin d’aller nulle part ou seulement tout près et circuler à pied ou à vélo.


Rue du Village-Suisse


Mon quartier a été entièrement reorganisé de sorte à transformer les grands axes en culs-de-sac, en double sens unique voire en double sens interdit. Vous n’avez jamais qu’une seule option aux carrefours : soit tourner à droite, soit tourner à gauche, soit aller tout droit. La rue de la Puiserande est dotée d’un feu rouge qui ne devient jamais vert (c’est fait exprès) : lorsqu’il n’est pas rouge, il clignote et vous pouvez attendre environ une demi-journée avant de parvenir à sortir de là. Entre la moitié et un tiers des places de stationnement ont été supprimées, afin de favoriser les contacts et la convivialité dans le quartier, enfin débarrassé des voitures. En effet, il suffit de supprimer les places de stationnement pour que les automobilistes cessent de tourner en rond pendant des heures à la recherche d’une place de parking. Les habitants, qui paient leur macaron 180,-/an (bientôt 200,-) n'ont qu'à aller dans les parkings payants.
Double sens interdit à la rue du Vélodrome
C’est pourquoi mon sang n’a fait qu’un tour lorsque j’ai constaté, à mon grand désarroi, qu’un segment de rue, occupé pendant environ deux ans par des pavillons scolaires temporaires, n’allait plus jamais redevenir un axe de circulation. Au lieu de revenir au statu quo ante, le parc Gourgas va y être étendu, supprimant ainsi définitivement une vingtaine de places de stationnement et obligeant tout le monde à se rabattre sur l'avenue Sainte-Clotilde, qui reçoit déjà toute la circulation qui ne peut plus aller ailleurs. Ayant contacté les services de la ville, j’ai reçu une réponse environ deux semaines plus tard, mon courriel ayant fait tout un parcours d’un service à l’autre, d’un bureau à l’autre, un peu comme les automobilistes qui cherchent une issue qui leur permette d’aller quelque part.

Espace de rencontre à la rue Gourgas

On m’informe ainsi que "l'autorisation de fermeture de ladite rue en zone piétonne a été accordée par le Département de l'urbanisme en ce début d'année (APA n° 35434) et que cette demande et son acceptation ont fait l'objet de publications officielles. La réalisation de ces travaux se fera conjointement aux rénovations de réseaux en sous-sol prévus dans le quartier dès 2014." Autrement dit, après les pavillons temporaires, nous aurons un chantier pendant un an ou deux, après quoi la rue deviendra définitivement et irrévocablement une extension du parc. Un argument avancé pour la fermeture et suppression de ce tronçon d’une trentaine de mètres est que cela permet d’améliorer la sécurité des chers bambins qui fréquentent l’école attenante au parc. Peu importe que ces enfants doivent forcément fouler les trottoirs urbains pour se rendre à l’école ou à leur cantine à midi, leur sacro-sainte sécurité prime sur le droit d’avancer avec un véhicule.


Suppression utile d'une douzaine de places de stationnement
Pour l’instant, l’espace libéré par les pavillons est désespérément inerte et dépourvu de vie, tout comme un autre bout de rue, adjacent au même parc, qui a été fermé à la circulation afin de créer un espace de rencontre. Il a été condamné à la circulation à l’essai, mais tout indique que ces quelques mètres vont rester désertiques ad vitam eternam, même si aucune rencontre n’y aura jamais lieu.



Bon nombre de rues sont ainsi devenues très calmes, désertes, mortes et vides. Soit parce qu’elles sont inaccessibles ou parce que le gens évitent tout bonnement le quartier, sachant qu’il est devenu un véritable gymkhana (définition: une épreuve réservée à des automobiles ou des motocyclettes, qui se déroule sur un parcours hérissé d'obstacles et de difficultés diverses). Faut-il s’en plaindre ? Sans doute que non. Face à l’adversité, enfourchons notre vélo, même si cela signifie se faire détester de tous : les automobilistes immobilisés haïssent ces créatures ailées qui les dépassent avec autant d’aisance que d’arrogance. La solution idéale ne serait-elle pas de fermer toutes les rues: plus de bouchons, plus de voitures et plus besoin de chercher de places de stationnement. Les enfants pourront aller à l'école en toute sécurité et la ville deviendra un seul et immense espace de convivialité. En un mot: le paradis!

Pendant les travaux, en 2011


Pour info: un nouvel espace convivial et arboré sera aménagé sur l'ilôt Sainte-Clotilde, voir ICI. Un nouveau chantier avec rues coupées en perspective. Ce "lieu de détente, de passage et de convivialité pourra être investi de manière quotidienne ou occassionnelle". Fin des travaux prévue pour 2016. 
 

samedi 22 décembre 2012

L’aula du Collège de Saussure



Le collège de Saussure à Onex dispose d'un très bel auditorium. Comme je le disais dans mon précédent texte, le choix d’une salle de spectacles est lié à toute une série de contraintes. La salle et la scène doivent être suffisamment grandes, sans être trop chères. On préférerait un lieu au centre ville, mais à défaut de grives, on mange des merles et c’est ainsi qu'on est parfois contraint de choisir l’aula du Collège de Saussure. Il s’agit d’une salle pouvant accueillir jusqu’à 400 personnes et qui sert au collège jusqu’à 18h. Au-delà, il s’agit d’une infrastructure indépendante, avec des coulisses, des loges et une régie son et lumière.
En répétition
La salle est peu connue et difficile à trouver pour des gens peu aventureux et il vaut la peine de venir faire un repérage à l’avance. Le tram vous amène tout près (ligne 14, arrêt Les Esserts), mais ensuite, il faut cheminer dans l’obscurité sans jamais vraiment savoir si va dans la bonne direction. Si on vient en voiture, il y a un parking public au shopping Lancy Centre, mais qui ferme à 21h30. C’est aux organisateurs du spectacle de payer un garde pour qu’il reste ouvert jusqu’à la fin de la représentation, ce qui augmente le coût de la location de la salle de 25%.

Les infrastructures scéniques sont plutôt bonnes, mais il n’y a aucun moyen de communication entre les coulisses et les loges. La location d’un système de casque et de micro entre la régie-scène et les lumières, indispensable pour donner le feu vert aux comédiens/chanteurs/chef d’orchestre/autre, coûte 200,-. Il faut payer plus de 1000,- pour pouvoir utiliser les lumières de scène. Il faut ensuite obligatoirement rémunérer le technicien du collège, car il est interdit de faire venir son propre technicien-lumières. Ainsi, une salle qui est plutôt bon marché au départ finit par coûter une somme rondelette.

A la sueur de ton front.....

Il y a un assez vaste espace à l’extérieur, une sorte de lobby, qui permet de monter un bar, pour lequel il faut demander une autorisation, payante, cela va de soi. Il n’y a toutefois ni point d’eau, ni évier (pour vider les fonds de verre ou se laver les mains), il n’y a pas de frigo non plus. Autrement dit, il n’y a pas de bar ni de buvette, c’est le système camping. Il faut en outre impérativement tout débarrasser chaque soir, si on ne veut pas subir les conséquences du passage des collégiens le lendemain. Il est possible d'emprunter un frigo, mais il doit être déménagé, aller et retour, chaque soir de représentation.

Les lieux sont bien conçus pour accueillir des spectacles. Les places en amphitéâtre offrent une bonne visibilité de partout. Les coulisses sont assez grandes, il y a plusieurs séries de rideaux qui permettent de dissimuler ce qui doit rester caché. Il est aussi possible de passer de cour à jardin sans devoir trottiner derrière la scène. Les loges sont grandes, mais il n’y a que deux cabinets de toilette (1x hommes, 1x dames) et une seule douche, condamnée. L’aula a dû être construit dans les années 1970 et n’est pas exactement moderne. Il n’y a par exemple pas de monte-charge et on le sent passer quand il faut transporter les décors, les costumes et tous les accessoires dont on a besoin (réverbères, fausse neige, petites maisons, plateaux de victuailles en plastic, poêle ancien, hareng, table, chaises, lit, tapis, etc...). Il n’y a pas de réseau mobile non plus, ce qui est très fâcheux lorsque des camarades sont restés dehors...

En effet, pour des raisons de (fausse) sécurité, les portes se rabattent et ne s’ouvrent pas de l’extérieur. En théorie. Un soir de représentation, les loges ont été visitées par des indésirables, qui ont malheureusement fait une très bonne soirée. Les gens n’ont toujours pas compris que Genève est devenue la Cité du Crime et qu’il ne faut jamais avoir plus de 20,- en liquide sur soi, dans sa culotte de préférence. Certaines personnes ont perdu beaucoup d’argent pour avoir eu la naïveté de penser que les portes empêchaient les gens d’entrer. Les portes s’ouvrent très facilement à l’aide d’un simple couteau, d’autant plus si les serrures sont à moitié bourrées de papier journal (de très vieux journaux). Les voyous qui rôdent dans le quartier sont sans doute mieux renseignés que l’Office du tourisme s’agissant du programme culturel de l’aula. Ils ont également le chic pour repérer les bleus qui ne se méfieront pas. Les voitures stationnées devant l’aula sont des proies faciles, il ne faut surtout rien laisser de visible sur les banquettes.


Si les spectacles ne font pas salle comble, c'est sans doute parce que le site n'est pas au centre ville, que le lieu est peu connu et pas commode à trouver. Il n’y a que les irréductibles culturophiles pour braver la neige et l’obscurité. 

Il convient de préciser que, de nos jours, des vols ont lieu partout et dans tous les vestiaires, y compris dans les piscines publiques. Soyez prudents!

vendredi 7 décembre 2012

Comment organiser un spectacle



Monter un spectacle est une véritable entreprise, dans laquelle il ne faut pas se lancer en ayant des papillons plein les yeux. Cela demande beaucoup d’argent, de la patience et tout un savoir-faire administratif en sus des aptitudes artistiques, cela va de soi.


Il faut commencer par trouver la salle qui convient, ni trop grande ni trop petite et surtout pas trop chère. La scène doit être suffisamment grande pour le spectacle envisagé, il doit y avoir la place pour un orchestre allant de 5 instruments et un piano à un ensemble de 18 musiciens selon le cas. Il doit y avoir des coulisses et des loges, ce qui n’était pas le cas de l’Alhambra de Genève, actuellement en rénovation. Evidemment, c’était avant tout un cinéma.  Ce sera certainement une salle superbe lors de sa réouverture, mais elle sera probablement hors de prix.


Il faut ensuite auditionner les chanteurs solistes, qui doivent être des professionnels confirmés, mais pas trop connus, car autrement leur cachet risque de peser trop lourd sur le budget. Il faut surtout trouver un chef d’orchestre compétent et capable, ce qui ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. En effet, on dirait qu’il ne fait qu’agiter les bras, mais tout repose sur lui, car il donne les départs non seulement aux musiciens, mais aussi aux solistes et aux choristes. Tout le monde doit avoir un coin d’œil sur lui, mais sans en avoir l’air.


Une fois qu’on sait quel spectacle on monte, où, à quelles dates et avec quels artistes, il ne reste plus qu’à trouver des sponsors. Les temps sont durs pour tout le monde et les entreprises ne veulent apposer leur logo que sur des valeurs sûres et des manifestations de grande visibilité. Les demandes de soutien doivent parvenir à la bonne addresse avant un délai bien précis, qu’il faut chercher sur les sites internet des mécènes potentiels. La Migros-pour-cent-culturel est un bienfaiteur très généreux. Elle offre généralement son service de billetterie, ce qui n’est pas négligeable. D’autres sources de revenus sont les annonces dans le programme, les consommations au bar pendant l’entracte et, bien sûr, la vente de billets. La Ville de Genève offre parfois l'affichage, ce qui est un coup de pouce appréciable.


Du côté des dépenses, ce ne sont pas les occasions de payer qui manquent. Il faut débourser pour la location de la salle, l’impression d’affiches et de flyers, les décors, les costumes…. Il faut vérifier auprès de la SUISA s'il y a des droits d'auteur à verser. Viennent ensuite toutes les assurances. A partir du moment où il faut rémunérer des chanteurs et des musiciens, on passe à un rapport employeur-salarié, avec toutes les charges que cela représente. Il faut déclarer les artistes à l’AVS et payer les cotisations sur leurs cachets. Il faut contracter une assurance accidents, ainsi qu’une assurance RC. En effet, l’Etat, qui loue certaines salles, n’a pas de RC couvrant les spectateurs au cas où gradin s’écroulerait, par exemple. Il peut encore y avoir d'autres coûts imprévus, comme par exemple un parking ouvert tard le soir pour les spectateurs. Sans possibilité de se garer, le public hésitera à se déplacer.


Quant à la salle proprement dite, il faut pouvoir définir exactement ses besoins :  faut-il un piano,  un ou plusieurs micros, des projecteurs vidéo ou encore une régie son et lumière. Pour pouvoir utiliser de vraies flammes sur scène, des bougies par exemple, il faut prévoir la présence – payante, cela va de soi – d’un pompier. C’est pourquoi les bougies sont généralement factices, de loin, on n’y voit que du feu, c’est le cas de le dire.

Il faut ensuite demander l’autorisation d’organiser une buvette. Ladite demande doit être adressée au Service du Commerce, dont la réponse doit parvenir aux organisateurs trente jours ouvrables avant le début de la manifestation. Toute source de revenus doit être dûment encadrée par les services de l'Etat.


La date de la première s’approchant à grand pas, il faut commencer à faire de la promotion et faire connaître le spectacle. De nombreuses petites mains s’affairent alors à distribuer des flyers devant les salles de concert et à coller des affiches dans les commerces et les restaurants. On parvient parfois à obtenir des interviews à la radio, un article dans la presse locale ou encore plusieurs petits encadrés dans diverses gazettes de quartier. Le courrier électronique aux amis et connaissances, ainsi que facebook viennent compléter les efforts de relations publiques.

Ne reste plus qu’à espérer que le Département de l’urbanisme ne décide pas de restreindre, de suspendre ou d’annuler la location sans indemnité en cas de justes motifs (besoins scolaires, travaux, manifestation officielle), comme il en aurait le droit. Ne reste plus qu’à espérer que le spectacle ne dépassera pas 93 décibels par intervalles de 60 minutes, car autrement, les organisateurs s'exposent à des sanctions pénales (ce genre de règlement ne semble pas s’appliquer aux festivités du Nouvel an organisées par la Ville). Ne reste plus qu’à espérer que le public sera au rendez-vous et qu’il viendra nombreux. Ne reste plus qu’à espérer qu’il n’y aura pas de boulette majeure sur scène et qu’aucun des solistes ne soit aphone ou souffrant, si on n'a pas les moyens d'avoir des doublures.

La RéBUlique veille sur nous...
Ne reste plus qu'à croiser les doigts pour que de généreux mécènes soient charmés par la prestation scénique… cela permet d’aborder de nouveaux projets avec plus de sérénité.

dimanche 22 avril 2012

Ton chien une médaille aura...


... et à la sueur de ton front, tu l’obtiendras.
Voilà la devise de tout détenteur de chien à Genève. Etant devenue, bien malgré moi, la semi-maman d’une adorable chienne, j’ai tout loisir d’observer ce que cela représente d’avoir un animal de compagnie. C’est beaucoup d’amour, de plaisir et de moments amusants, mais c’est aussi beaucoup de contraintes, de soucis, de frais et d’emm... administratifs.

Commençons par le commencement. Adopter un chien à la SGPA  coûte 250 CHF, ce qui couvre les frais vétérinaires, les vaccins, la stérilisation et la puce ANIS , qui permettra de vous retrouver si vous étiez tenté d’abandonner votre chien sur une aire d’autoroute. Il faudra ensuite vous équiper d’une ou de plusieurs laisses, ainsi que d’un modèle pour la voiture, qui s’accroche comme une ceinture de sécurité; une ou de plusieurs gamelles, des jouets, une couverture ou un panier; de la nourriture et des friandises, bien évidemment. Si vous pensez qu’il vous suffit maintenant de jouer avec votre toutou, vous vous trompez lourdement! Si vous prenez un chien adulte, il aura certainement déjà appris à être propre et aura aussi acquis certains comportements corrects, mais il reste encore à créer le lien entre vous et la bête, pour qu’elle revienne quand on l’appelle, par exemple.
Viennent ensuite les démarches administratives. Les détenteurs de chiens doivent s’acquitter d’un impôt, ce qui est bien normal. Mais il ne suffit pas de payer et basta, ce serait trop simple. Tout chien et tout maître doivent suivre quatre cours d’éducation canine obligatoires, en vue d’obtenir l’attestation correspondante, qu’il vous faudra ensuite présenter pour obtenir la médaille qui prouvera que vous êtes en règle. Si votre chien pèse plus de 25 kg et/ou fait plus de 56 cm au garrot, vous devrez passer un TMC, le test de maîtrise et de comportement et passer à la caisse en conséquence. Ne reste plus alors qu’à trouver un éducateur canin, avec l’aide de google. Entre ceux qui ne répondent ni au téléphone ni aux e-mails, entre ceux qui vous disent: «Ah? Parce que vous voudriez suivre des cours?», ceux qui reçoivent leurs élèves les jours ouvrables pendant les heures de bureau.... ce n’est pas si simple que ça en a l’air. Nous avons fini par trouver une école pour chiens, les dimanche matins à 10h, en rase campagne, il faut donc impérativement avoir une voiture.



Nous avons réussi à faire les quatre cours dans le délai imparti, en dépit de plusieurs dimanches d’un froid polaire ou de pluies diluviennes. C’était très sympathique d’être en forêt, avec toute une ribambelle de chiens de toutes les tailles et de toutes les couleurs. L’ambiance était celle d’une cour d’école: les toutous se jaugent les uns les autres, il y a les petits et les grands, les timides, les fanfarons, les grandes gueules, les désobéissants, les premiers de classe et notre petite chérie, que nous couvions des yeux, en espérant qu’elle sera sage et qu’elle ne nous couvrira pas de honte. Le cours est ponctué de plusieurs récrés, au cours desquelles tout ce petit monde peut courir et jouer ensemble. On ne peut pas vraiment dire que nous ayions appris grand chose, étant donné qu’on nous disait de faire tel ou tel exercice et si notre chienne n’y arrivait pas, le moniteur nous disait: «il faudrait qu’elle reste à sa place» ou «il faudrait qu’elle revienne quand vous l’appelez». Certes. Notre choupette est relativement obéissante*), mais comme ça, tôt le matin, quand on n’a pas encore eu le temps de lui donner de grande balade d’une heure pour la défouler et qu’elle est entourée de plein de nouveaux copains, elle était trop distraite et excitée pour faire attention à nous. Toujours est-il que nous avons rempli notre devoir, 4 x 25 CHF + 30 CHF pour l’attestation, ne restait plus que le reste du chemin à parcourir, à savoir trouver la police municipale.



A nouveau, c’est google qui a volé à ma rescousse, car personne n’était capable de me dire où elle se trouvait. L’éducatrice canine habitant du côté français n’en n’avait pas la moindre idée, le réceptionniste à la police cantonale non plus. Ayant finalement trouvé leur site internet, j’y ai aussi trouvé la liste des documents à rassembler:
  1. la confirmation de l'enregistrement du chien à la banque de données ANIS (puce électronique);
  2. l'attestation d'assurance responsabilité civile spécifique pour "détenteur de chien";
  3. le certificat de vaccination, avec vaccin contre la rage obligatoire avec une protection vaccinale valide. ... ;
  4. l'attestation de suivi du cours théorique ou le justificatif de sa dispense délivré par le service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV);
  5. l'attestation de suivi du cours pratique ou le justificatif de sa dispense fourni par le SCAV;
  6. la pièce d'identité du propriétaire.
A noter que si vous avez été détenteur d’un chien avant le 1er septembre 2008 et que vous arrivez à le prouver, vous serez dispensé de suivre le cours théorique. La médaille coûte 10 CHF et l’impôt proprement dit 107 CHF pour le premier chien (147,- pour le deuxième et 207,- dès le troisième). Les années suivantes, le bordereau pour l’impôt devrait arriver automatiquement par la poste, il ne sera plus nécessaire d’aller transporter tous ces documents au guichet de la police municipale.
Il ne reste plus qu’à penser à lui donner du vermifuge et de l’anti-tiques et à renouveler les vaccins le moment venu. Avoir un chien demande beaucoup de patience et de tolérance, il faut organiser sa vie autour de son compagnon, en sachant qu’il faut lui donner au moins quatre sorties par jour, non seulement pour lui permettre de faire ses commissions, la petite et la grande (penser à toujours avoir plusieurs sacs à crotte sur soi, ça peut servir), mais aussi pour sa santé mentale et son bien-être. Laisser un chien tout seul toute la journée dans un appartement est cruel et égoïste. Les chats supportent cela bien mieux, surtout s’ils sont à deux (ou trois).
En échange de tout ce travail, de tous ces frais et de tous ces efforts, on a un ami fidèle et sincère - un chien est incapable de mentir ou d’être hypocrite - et tout plein de léchouilles! Obsédés de l’hygiène s’abstenir...

Moi, tant qu'on me donne des bananes...
*) grâce à une série de cours d'éducation au clicker, l'objet d'un prochain texte


Voir aussi: Parlez-vous chien?

Loi genevoise sur les chiens

dimanche 1 avril 2012

Une ville en voie de disparition



Mon cinéma de quartier va probablement devoir fermer ses portes et disparaître, victime d’une hausse de loyer et de la nécessité de passer à la projection numérique. Il n’est ni le premier ni le dernier à subir la pression de la modernité qui avance à la façon d’un rouleau compresseur. Une kyrielle de cinémas a disparu ces dernières années et, le plus triste, c’est qu’il n’y a rien à la place, rien qu’une enseigne vide, pas même un kebab ou un Starbucks pour occuper les lieux et donner un peu de vie à nos rues.


rue de Chantepoulet

Le phénomène ne se limite d’ailleurs pas aux cinémas. Deux restaurants Mövenpick, pourtant florissants, ont mis la clé sous la porte. L’un a été remplacé par un horloger de luxe, l’autre a été repris par un autre restaurant, mais qui n’a pas marché. Depuis environ deux ans, c’est une arcade borgne, vide et abandonnée. Les vitrines orphelines sont de plus en plus nombreuses en ville, les commerçants se faisant expulser ou partant d’eux-même quand on leur annonce que leur loyer va doubler, voire tripler. Seules les boutiques de luxe et les bijouteries peuvent dorénavant avoir pignon sur rue à Genève. 

rue de Chantepoulet

Dans mon quartier, ce sont des galeries d’art moderne qui occupent des espaces de création où l’air, l’intellect et des murs blancs immaculés se disputent des lieux qui ne sont généralement occupés que par une personne, assise seule derrière un ordinateur portable. Les postes de quartier ferment les unes après les autres, déplaçant leur services dans la boulangerie ou la pharmacie voisines. Les agences de voyage doivent avoir quelque chose de plus à offrir pour pouvoir régater avec internet. Le point de vente des CFF à la place Longemalle va fermer pour cause de triplement du loyer. Les clients auront le choix entre faire la queue pendant des heures à Cornavin ou acheter leur billet en ligne, pardi!


Fermé depuis une...

Les disquaires et les libraires tirent la langue, victimes des achats sur internet. Quant au vidéo-clubs, leurs jours sont comptés. Non seulement, il est très simple de télécharger gratuitement des films et des séries télé, mais les fournisseurs d’accès et les chaînes de télévision numérique proposent des films à commander d’un simple clic sur sa télécommande. On peut également louer des films pour 6,- via iTunes ou amazon, sans devoir quitter ses pantoufles.


... dizaine d'années

Les logements devenant de plus en plus inabordables, il devient tout simplement impossible pour le citoyen lambda, membre de la classe moyenne, de se loger, ni en ville ni à la campagne. Le centre ville ne sera bientôt occupé que par des bureaux, des banques, des bijouteries et des boutiques de grands couturiers. Ces gens-là font fonctionner les restaurants à midi et les bars après la fermeture des bureaux, mais c’est tout. Tout le reste pourra fermer et disparaître à jamais. Un restaurant de couscous a failli se faire déloger par une banque, qui s’était pourtant installée bien après, car les odeurs de cuisine les incommodaient. Quant au mythique Relais de l’Entrecôte, il a pu être sauvé un in extemis – mais pour combien de temps ? – grâce au tollé qu’a provoqué l’annonce de son expulsion.

ex-Au Paradoxe Perdu*), arcade vide depuis avril 2011

Nous vivons déjà dans le monde de 1984 de Georges Orwell pour ce qui est du fichage omniprésent de nos moindre faits et gestes. Notre visage est enregistré par d’innombrables caméras dans les lieux publics, tout paiement par carte laisse une trace, votre ordinateur sait tout ce que vous faites, votre téléphone mobile aussi. Nous allons bientôt vivre chacun calfeutré dans notre appartement et nous recevrons tout par internet, sur nos écrans télé, sur nos ordinateurs, nos smartphones et nos tablettes. Des frigos intelligents peuvent déjà vous signaler que vous allez être à court de lait ou de beurre, bientôt ils enverront automatiquement une commande en ligne au supermarché de votre choix. Nous pourrons vivre entièrement cloîtrés chez nous, ce qui nous permettra aussi d’être à l’abri de la délinquance urbaine. Qui va encore flâner dans des boutiques, alors qu’on peut tout commander moins cher sur internet ? Qui a encore besoin d’un épicier de quartier ? Les dépanneurs qui vendent des cigarettes et de l’alcool, même en pleine nuit, se portent en revanche très bien. 

Bd de Saint-Georges
Que faut-il penser d’une société où on peut acheter des bijoux et des robes de haute couture d’une part, des cigarettes et de l’alcool d’autre part, mais où les cinémas, les bistrots sympas, les librairies – en gros, toute activité commerciale normale - meurent à petit feu ; une ville où se déplacer, que ce soit en voiture ou en transports publics, devient un véritable parcours du combattant ; une ville dont la population active doit s’exiler dans le pays voisin, faute de logements abordables. Genève va bientôt ressembler à une ville fantôme dans laquelle les méga-riches se barricaderont dans des résidences sécurisées pendant qu'une faune interlope rôdera dans les rues. L’ambiance est indéniablement en train de changer et pas forcément pour le mieux.

Rue Paul-Bouchet
Voir aussi: Qui a tué le petit commerce?


*) actuellement au 23, rue des Bains, 1205 Genève / le magasin a fermé ses portes le 16.6.2015, mais continue d'exister sur internet www.auparadoxeperdu.com

dimanche 18 mars 2012

Genevoiseries


le chantier du tram Cornavin-Onex-Bernex (TCOB)
Qu’est-ce qu’une genevoiserie ? Ce mot est une création de nos amis et concitoyens suisse allemands, pour qui tout ce qui se trouve et se passe outre-Sarine est un peu olé-olé. En effet, la Suisse est parcourue d'une barrière de röstis qui apparaît à l’occasion de chaque votation, avec la prévisibilité des hirondelles au printemps. Les suisse allemands passent pour des Neinsager, le canton d’Appenzell est généralement le vainqueur dans cette catégorie. Les suisse romands quant à eux, appelés Welsches par les totos, passent quasiment pour des Français : ce n’est que laisser-aller et rouspétance. Au centre, la Suisse dite primitive, non pas à cause de leur mentalité ou de leur mode de vie, mais simplement parce que ce sont les premiers cantons, fondateurs de la Confédération helvétique. Dans son roman Mars, paru en 1977, Fritz Zorn qualifiait déjà Genève de Sündenbabel et de nid de communistes.

le welsche tel que vu par les totos
Et la genevoiserie, dans tout ça ? Chaque canton a sa particularité : Neuchâtel a l’industrie horlogère, Fribourg le mondialement célèbre gruyère, Zurich concentre le fleuron de l’industrie et de la banque suisse et Berne accueille le siège du gouvernement fédéral. Genève a non seulement le jet d’eau, l’horloge fleurie et le siège européen de l’ONU, mais elle se distingue par son aptitude particulière à tout faire foirer. La genevoiserie – aussi connue sous sa dénomination originale de Genferei – est en effet un projet qui peut être séparément ou cumulativement  accepté par tous mais si mal ficelé qu'il se démonte de lui-même en coûtant très cher, est bloqué par un conflit stérile entre autorités, ou encore qui ne se fait jamais mais revient sans cesse sur le tapis.


A Genève, on maîtrise l'orthographe
La traversée de la rade illustre fort bien cette définition : on en parle depuis des générations, l’idée à été soumise en votation à moult reprises mais elle n’a toujours pas abouti. Le principe d'une traversée du lac a été accepté en votation populaire à 68% en 1988, mais si le projet devait se faire un jour, on peut être relativement certain que le devis explosera, que les gabarits seront trop petits dès son inauguration et que les points d’arrivée (pont ou tunnel : that is the question !) seront forcément mal choisis et mal conçus. Voilà sans doute la raison pour laquelle le peuple ne cesse de voter non à toutes les propositions qui lui sont faites. Le CEVA 1)  a déjà fait couler des niagaras d’encre et a suscité des débats houleux.  La population craint un foirage et un ratage de grande envergure, un projet pharaonique qui ne sera jamais utilisé par personne, alors qu’il aura vidé les caisses publiques. Le récent remaniement des transports publics genevois nous sert un peu de répétition générale : on nous avait promis monts et merveilles, efficacité, rapidité, convivialité. Au lieu de cela, la grogne est généralisée, les trams bondés, le peuple excédé. Le réaménagement de la place Bel-Air, en chantier pendant des années, avec tous les désagréments que cela a pu supposer, se révèle être un fiasco total. Non seulement la terre entière y converge pour se croiser dans l’anarchie la plus totale (trams, bus, voitures  – qui n’ont rien à faire là – piétons, pick-pockets, cyclistes, scooters, mendiants et musiciens), mais les abribus ne protègent ni du vent ni de la pluie - probablement pas non plus du soleil, attendons l'été pour en avoir le coeur net. Pour couronner le tout : pas un seul banc, pas un seul arbre. La genevoiserie dans toute sa beauté : ça dure une éternité, ça coûte très cher et au final, c’est complètement raté.

Les travaux de la place Bel-Air (photo J. Piroué)
Un autre bon exemple est la mise en place de l’interdiction de fumer dans le canton de Genève. En 2008, le peuple a massivement voté en faveur de l’interdiction (79,2% de oui) et les cendriers ont disparu des lieux publics, cafés et restaurants. C’était sans compter un noyau d’irréductibles fumeurs, les Dissidents de Genève, qui ont fait recours et qui ont obtenu gain de cause. Comment est-il donc possible de révoquer le résultat d’un scrutin populaire de la sorte ? C’est fort simple : dans leur incompétence crasse, les autorités genevoises ont adopté un règlement d’exécution, c’est plus simple et ça va plus vite, oubliant de promulguer tout d’abord une loi à laquelle se rapporterait ledit règlement d’exécution. Et hop ! à la consternation générale, les fumeurs se sont remis à enfumer le monde. Le temps de faire les choses en bonne et due forme, l’interdiction de fumer est finalement entrée en vigueur en septembre 2009, avec cette fois-ci 81,7% de citoyens qui ont voté contre la cigarette. Mais quelle perte de temps, d’énergie et d’argent !



Les genevoiseries sont si nombreuses qu’un groupe de citoyens a décidé d’attribuer le Prix Genferei au plus méritant, afin de départager les nombreux candidats à la cacade la plus lamentable. En 2011, ce prix est revenu à la chancelière et au Conseil d’Etat qui ont oublié d’envoyer un représentant aux obsèques de Monseigneur Genoud, évêque de Fribourg, Genève et Lausanne. Oui : oublié. D’aucuns ont argué que, Genève canton protestant etc… mais il n’en reste pas moins que Mgr Genoud était aussi l’évêque de Genève. L’affaire Kadhafi a suivi au coude à coude, mais n’a pas réussi à remporter la palme 2)
Les candidats sont déjà en lice pour le Prix Genferei 2012 : ira-t-il au Conseiller d’Etat Mark Muller, pour sa bagarre musclée dans une boîte de nuit la nuit de la Saint-Sylvestre (à 5h du matin, c’était déjà en 2012) ? Ou encore à Eric Stauffer, pour son lancer du verre d’eau en pleine réunion du Grand Conseil? Le musée d’art et d’histoire est aussi sur les rangs, pour avoir désigné comme vainqueur du concours pour la rénovation du bâtiment le seul candidat (Jean Nouvel) n’ayant pas respecté le cahier des charges. Et nous n’en sommes qu’au mois de mars… le ciel nous protège !





L’actualité évoluant sans cesse, cette page sera probablement régulièrement mise à jour. Watch this space !

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1) Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse : projet de train RER de ceinture
2) Pour rappel, la police avait arrêté Hanibal Kadhafi qui faisait du grabuge dans une chambre d’hôtel de grand luxe de la place. Une crise diplomatique majeure s’est ensuivie, un conseiller fédéral s’est déplacé à Tripoli pour essayer, en vain, d’obtenir la libération de deux ressortissants suisses emprisonnés (retenus en otages) en Libye, leur permis de travail n’étant soudain plus valable.

Voir aussi: