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lundi 26 décembre 2011

Le quartier où le temps s'est arrêté

On croit souvent bien connaître sa ville. Et pourtant, il suffit de prendre le temps de flâner tranquillement dans ses rues, à pied et en ouvrant les yeux pour découvrir de drôles de choses. Ainsi le quartier de Saint-Gervais, plus précisément les rues Vallin et des Corps-Saints, qui vous font entrer dans une sorte de quatrième dimension, hors du temps, hors du progrès, loin du bruit et de la fureur de la grande métropole que Genève est en train de devenir. Ici, vous ne trouverez ni cybercafés ni vidéo-clubs – déjà has been, une étape que ce quartier à sautée – vous ne trouverez pas non plus de salon de piercings-tatouages ou de kebab. Si vous voulez faire un voyage dans le passé et retrouver une ambiance sixties, ôsez donc prendre un de ces ruelles que les citadins ignorent et ouvrez tout grand vos mirettes.



Vous y trouverez bien sûr une brocante, mais ce qui est bien plus étonnant, en plein cœur d’une des villes les plus chères au monde, vous pourrez y acheter un râteau, des pièges à rats et des graines chez Dufournet, A la Bonne Graine 1). Juste en face, se trouve l’hôtel Saint-Gervais 2),
un hôtel – oui, une étoile, ça existe en plein centre ville – dans lequel trois chambres se partagent une salle de bain sur le palier à chaque étage. Il est classé 66/110 par les voyageurs qui contribuent à Tripadvisor 3), qui reconnaissent que s’il est fort modeste, il offre un excellent rapport qualité-prix dans une ville qui ne connaît pas l’hôtellerie low cost.


Toujours dans la même rue, une boucherie – espèce en voie de disparition, non pas parce que les gens deviendraient végétariens, mais parce qu’ils préfèrent les grandes surfaces – un cordonnier et, paradoxe ultime : un détaillant en machines à écrire ! Si votre iPad vous déçoit et que vous en avez plus que marre des e-mails, voici votre salut. Idem si vous avez rangé votre vieille Remington, faute de ruban encreur, la maison Thiéry est là pour vous.

Ils pourront aussi vous fournir une caisse enregistreuse, de celles qui fonctionnent sans code à barres. Ensuite, deux salons de coiffure, l’un pour messieurs, où il y a en permanence une demi-douzaine de jeunes hommes qui attendent leur coupe, ce qui signifie soit que le patron est vraiment très sympa ou que ses prix défient toute concurrence ; juste à côté, un salon pour dames avec des casques séchoir pour votre mise en plis à bigoudis. Une imprimerie et un luthier viennent encore compléter cet inventaire nostalgique. Il ne manque plus que le marchand de polaroïds ou de radio-cassettes.


Au coin de la rue des Corps-Saints et de la rue Vallin, on trouve ce magasin extraordinaire

qu’est Lyzamir 4) : une épicerie orientale et mondialiste, où vous pourrez acheter du riz ou des pois chiches en vrac, du manioc frais, un narguilé, du sumac ou du curcuma, de l’eau de rose, de la mélisse, du sirop de dattes, du café à la cardamome et bien d’autres choses encore.Une autre épicerie orientale clôt la rue à son autre extrêmité, à l’angle avec Coutance.
En descendant la rue Vallin, vous rencontrerez un deuxième cordonnier, c’est à se demander comment les deux échoppes du quartier parviennent à résister à Mister Minit. Enfin, un

mini-lavomatic vous permettra de laver votre linge sale pour 5,-




Côté amont de ce lieu où persiste une vie d’une autre époque, se trouve le temple de Saint-Gervais, l’un des premiers lieux de culte de Genève, une église funéraire ayant été bâtie en cet endroit au Vème siècle déjà.

Sa crypte est l’un des plus vieux monuments chrétiens intégralement conservés en Suisse. Le temple s’appelle désormais l’Espace Saint-Gervais 5), car en plus d’être un lieu de recueillement, il accueille diverses activités culturelles et musicales.

Côté aval, le réveil est brutal, avec l’hôtel Mandarin Oriental, qui nous ramène dans l’univers bling-bling du fric conquérant, l’autre facette de notre bonne ville, faite de mille contrastes, composée d’une centaine de nationalités ou plus et connaissant des écarts entre riches et pauvres dignes de certains pays du tiers monde.

Les enseignes n’ayant pas changé ces vingt ou trente dernières années se comptent sur les doigts d’une main. Qui se rappelle le magasin de tissus Chez Joseph, a l’emplacement du McDonald’s de Rive ? Qui se rappelle les deux cinémas, le Dôme et le Rex, je crois, à l’emplacement de l’actuel Rex ou encore le temps où l’Alhambra était un cinéma ? Le Contis (actuel C&A) ? Le Radar et la Crémière, remplacés désormais par Benetton. Le Grand Passage, devenu Globus. C’était aussi l’époque où aucun immeuble n’avait de digicode. Autre temps, autre mœurs !

1) 5, rue des Corps-Saints, 1201 Genève. Commerce de gros de céréales, de semences et d'aliments pour le bétail, commerce de détail de fleurs et de plantes
2) 20, rue des Corps-Saints, 1201 Genève, www.stgervais-geneva.ch

dimanche 20 novembre 2011

La Revue 2011 - Double cuvée


Cela va bientôt faire vingt ans que je vais voir la Revue genevoise. Ma première fois était aussi celle de Marie-Thérèse Porchet, son personnage y a été créé (1993), cela vous donne une idée de ma fidélité à ce spectacle populaire, qui revient chaque année avec la régularité des vendanges. Depuis trois ans, une nouvelle équipe a repris la création du spectacle, à savoir Philippe Cohen et Gaspard Boesch. Ils ont bien évidemment apporté un style tout neuf, un langage scénique et humoristique qui est le leur, sans rapport avec ce qui se faisait autrefois.

S’il est vrai que leur première cuvée m’avait plutôt séduite, avec de nombreuses innovations et créations, j’avais déjà été dérangée et frustrée par une écriture beaucoup trop dense. Même si les comédiens professionnels font de leur mieux pour bien articuler, pour le spectateur qui écoute, sur une durée de 2 x 1h30, cela finit par devenir difficile à assimiler et on renonce à essayer de suivre le texte, surtout dans les chansons. J’avais aussi observé que la musique avait été choisie dans la discothèque personnelle et favorite du metteur en scène.


Marie-Thérèse Porchet au Cirque Knie

En cette année 2011, au troisième spectacle du duo Cohen-Boesch, je me suis carrément ennuyée. Le cahier des charges précise-t-il que la Revue a pour but d’épingler l’actualité genevoise? Ils ont certes parlé de Pierre-François Unger, qui cherche à maigrir et qui fait des mamourettes au téléphones (on en parle tous les jours dans la presse, n’est-ce pas?); de Michèle Künzler qui est régulièrement saisie de vomissements (ah, oui, c’est bien connu); de Robert Cramer qui a un penchant pour la boisson (sont-ils au courant qu’il ne siège plus qu’à Berne? et ce gag commence à être vraiment éculé); d’Eric Stauffer qui se bagarre avec un parfait inconnu au bar du Conseil municipal - l’effet de ralenti était certes excellent, mais ils auraient dû le faire se battre avec un opposant quelconque, même symbolique, plutôt que, sans doute, le vrai protagoniste de l’affaire; ils ont étrangement épargné Sandrine Salerno, qui n’est mentionnée qu’en passant, alors qu’il y aurait de quoi faire un spectacle tout entier rien que sur elle; Darius Rochebin et Pascal Décaillet qui font des erreurs de liaison: c’est peut-être le cas, je ne regarde jamais la télé, mais je n’ai jamais entendu parler de ce problème; on les couvre de logos de sponsors, comme pour laisser entendre qu’ils se font acheter de toutes parts: gag ou intox? Un sketch sur DSK, une affaire bien genevoise en effet.... qui leur a permis de bien placer le logo de leur sponsor, le fitness Harmony à Balexert, 400,- de remise sur l’abonnement annuel, nous apprend le programme. Ils ont aussi réussi à citer un autre de leurs sponsors sur scène: IKEA. Pas un seul mot sur les frontaliers et le fait que ce sont de plus en plus souvent des Genevois qui ne trouvent pas à se loger; rien sur la manie du iPhone, du iPad, du iPod et autres tablettes; pas un mot sur la glauquitude de la gare ni son chantier. Il n’y avait que deux sketches qui étaient vraiment réussis selon moi: Genève en tant que Monopoly et Il était une fois la Rivolution, le printemps arabe façon Sergio Leone. Ça n’a pas vraiment sa place dans la Revue genevoise, mais peu importe, c’était très réussi. Ou encore Fukushima, avec Georges Baumgartner, à la rigueur.

Me sentant orpheline de l’ancienne Revue, certes beaucoup plus popu et bon enfant mais qui fait rire avec le gras du bide, je suis allée voir celle qui passait aux Automnales (ancienne Foire de Genève, précédemment Salon des Arts ménagers), avec une partie de l’ancienne équipe (Thierry Meury). Cinquante minutes, deux jolies danseuses en petite tenue, deux comédiennes, deux comédiens et un petit papy qui jouait du piano façon cabaret. Quel bonheur! Un petit spectacle sincère et sans prétentions, qui a abordé: les chantiers qui transforment la ville en labyrinthe, les cycloterroristes, les primes d’assurance maladie, la difficulté de trouver un emploi où un logement, l’eau minérale qui coûte plus cher que le vin au bistrot, les bénévoles Nez Rouge... bref, rien que des sujets très quotidiens, dans lesquels le spectateur peut se retrouver. Ils ont, eux aussi, fait un sketch sur DSK, sur la chanson d’Aznavour: les ennuis, les vautours, les emmerdes!


Thierry Meury en Aimé Pouly, dans l'ancienne Revue

S’il y a bien une chose que la nouvelle équipe n’a pas comprise, c’est que le principe d’une revue, même celles qu’on fait dans les mariages, est de prendre des chansons que tout le monde connaît et de les choisir en fonction de leurs paroles, qu’on ne modifie que légèrement. De façon générale, je trouve la nouvelle mouture très française, on n’a pas l’impression que ceux qui la créent soient du terroir. Gaspard Boesch essaie certes de faire le Niolu, le personnage du vieux g’nevois râleur et ronchon que Jo-Johnny faisait à la perfection, mais ça ne passe pas. On dirait un de ces Français méprisants et arrogants qui se moquent des ploucs genevois. Ils ont fait un sketch très mystérieux sur «le concierge d’école le mieux payé au monde». Ça ressemble à un règlement de comptes personnel - idem pour le sketch sur Anne Bisang - en tout cas, je n’y ai rien compris. Je n’ai rien pigé non plus aux paroles du sketch sur Sami Kanaan qui, parce qu’il est d’origine libanaise, a été illustré comme danseur oriental. J’espère qu’il ne leur a pas fallu trois mois pour pondre cette idée-là!

Le montage du spectacle annuel de la Revue devrait bientôt être remis au concours, j’ai hâte de voir si Cohen-Boesch remporteront à nouveau le contrat. Quoi qu’il en soit, j’attendrai de voir qui sera aux commandes avant d’y retourner. Le Petit Casino semble toutefois afficher complet, ma foi, ils ont trouvé leur public, même si ce n’est plus le même qu’autrefois. En sortant de la Revue des Automnales, j’ai entendu une dame dire à son compagnon exactement ce que je pense.

Alors rendez-vous en 2012, à la Revue des Automnales!


Jo-Johnny dans l'ancienne Revue

http://www.larvue.ch/larvue_wp/
http://automnales.ch/fr/animations/la-revue-des-automnales-0-2634

mercredi 12 octobre 2011

Le carnaval des animaux


Sur une pierre tombale chauffée par le soleil, un chat se prélassait comme seuls savent le faire ces bienheureuses bêtes. Ci-gît Aymeric de Lallumyère 1764-1801, Homme pieux, grand patriote, bienfaiteur aimé de tous. Ses autres prouesses ont été dévorées par la mousse et par le temps. En face de lui, une femme termine son pique-nique à la hâte. Déjà 13 :15, son patron l’attend, ainsi qu’une pile de dossiers à traiter. Un dernier rayon de soleil, un dernier coup d’œil au paisible matou et elle se met en route. A peine est-elle sortie du cimetière que le tumulte de la ville réduit à néant ces quelques instants de calme. Bus, tram, bruit et poussières, un vélo la frôle, coups de klaxon, elle attend sagement que le feu passe au vert. De l’autre côté de la rue, Charlène et Albert lui sourient d’un air princier. A ses côté, un jeune tatoué et piercé s’élance sur son skateboard. Attendre aux feux, c’est pour les vieux. Lui aussi est pressé, il a rendez-vous avec ses potes au skatepark. Il échappe de peu à un taxi qui l’envoie au diable, lui et tous ceux de son espèce. Le chauffeur doit arriver au plus vite à la gare, son client ne peut pas se permettre de rater son train.


Sur une butte aux confins de la ville, un paon fait la roue, des cochons laineux farfouillent dans la boue de leur museau pendant qu’un charmant bambin arrache les feuilles d’un buisson qui n’a pourtant rien fait pour mériter ça. Une armada de chiens s’ébat sur une vaste étendue herbeuse en courant vainement après des bâtons dont leurs maîtres semblent vouloir constamment se défaire. Des framboises poussent sans faire de bruit dans les jardins familiaux adjacents. Ah! quelle merveilleuse quiétude! Dire qu’en contrebas, les bus vrombissent, les motos pétaradent et les cyclistes font leur numéro de haute-voltige. Deux mondes parallèles qui ignorent tout l’un de l’autre.


Un samedi sur la Grande Plaine. Des éléphants piétinent, des lions paressent, des poneys tournent en rond. Une tribu nomade se protège du soleil à l’ombre d’un half-pipe sur lequel des adolescents dépensent leur trop-plein d’énergie. On voit de tout par ici, des flâneurs de tous âges et de toutes les couleurs, les uns sont là pour acheter, les autres pour musarder. On y trouve de vieux livres, des chapeaux, des olives et des amandes, des bijoux, des chaises et des tableaux. Une ambulance longe ce petit monde sur une tangente, deux droites destinées à ne jamais se rencontrer.


Pendant ce temps-là, les téléphones sonnent sans discontinuer dans l’étude Lambert & Lambert. Cela fait belle lurette que les télex ne crépitent plus, les courriels et les textos ayant pris le relais depuis bien longtemps. Deux partenaires de l’étude négocient âprement avec leur client via Skype, il n’y a pas une seconde à perdre. Dans un bureau adjacent, les secrétaires s’affairent à écrire des lettres ou à classer des documents très importants. Là non plus, il n’y a pas une minute à perdre. C’est alors qu’un pigeon vient se poser sur le rebord de la fenêtre et jette un regard incrédule et scandalisé dans la cuisine: la machine à café se morfond, personne ne semble avoir le temps ici de venir la faire chanter.


Deux étages plus bas, dans le sous-sol, Lady Gaga s’époumonne en criant Just Dance! Une vingtaine de femmes en tops et en leggings lèvent leurs gambettes en rythme pendant que leur prof de gym scande: «Huit ! Sept ! Six ! Allez, allez ! C’est bientôt fini !» La sueur coule, les calories fondent mais les esprits rêvent de filets de perches, avec des frites et de la sauce tartare, s’il vous plaît! Par la fenêtre, on voit défiler les pieds des passants, les roues des poussettes et les pattes des chiens.


En route pour l’Andalousie, Fritz la cigogne voit tout cela de très haut. Que de frénésie, que de hâte, de cupidité et d’ambition! Les citadins semblent vouloir aller toujours plus vite, toujours plus loin, travailler plus pour gagner plus, pour avoir une plus belle voiture, perdre quelques centimètres pour être encore plus belle et désirable, se dépêcher pour ne pas rater son train, son bus, son cours de yoga, arriver au supermarché avant qu’il ne ferme. Mais Fritz s’en moque. Il ira se poser, comme chaque année, sur une tourelle de la cathédrale de Salamanque et laissera derrière lui le vacarme des carrousels de la fête, le tumulte du défilé des travestis ainsi que la pétarade des feux d’artifice. Pour faire la fête, les humains ont besoin de faire du bruit, beaucoup de bruit.


Fièrement perché sur son nid, Fritz fera entendre son claquètement qui ira se mêler au son des castagnettes et du cante jondo. Autres lieux, autres sons, autres parfums et autres lumières. Et pourtant, c’est la même planète.


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Texte présenté au concours littéraire organisé par les bibliothèques de Carouge « La ville invisible : Au-delà des larges avenues, derrière les façades rénovées, il y a dans la ville des architectures faites des empreintes de ceux qui l’habitent, la traversent ou la modifient par leur présence. »

Les textes primés :

http://www.carouge.ch/jahia/webdav/site/carouge/shared/Bibliotheque/docs/Plaquette%20Ville%20invisible%20%28concours%20litteraire%29.pdf

dimanche 2 octobre 2011

Genève, Cité du Crime



En me rendant au poste de police de mon quartier pour un renseignement, que je n’ai pas obtenu, je tombe sur une Chinoise, un peu perdue, qui ne comprenait pas bien où se trouvait la porte d’entrée. Normal, le bâtiment est en travaux. Elle se dirige vers le guichet et se rend vite compte que la préposée ne parle que le français. N’écoutant que mon cœur professionnel, je vole à sa rescousse. Son père s’était fait voler son portefeuille (argent, permis de conduire, carte de crédit) en sortant de la gare de Cornavin pour monter dans un bus. Scénario archi-classique. J’ai traduit à l’employée du guichet, qui a reçu ce récit plutôt mollement, l’air de dire « que voulez-vous qu’on y fasse ». Elle a tendu un formulaire à ces braves gens et leur a dit de s’asseoir et d’attendre. Ça risquait de durer un peu, car c’était la pause de midi, leur dit-elle.

En résumé : au poste de police judiciaire, dont la porte est banalisée, on ne trouve qu’un seul employé à la pause de midi, ledit employé ne parlant que le français. Les plaignants sont priés d’attendre une durée indéterminée. On se serait vraiment cru dans une caricature de pays en développement.

Je demande à la Chinoise d’où elle vient. New York. Ils viennent de New York et se sont fait plumer comme des bleus dans la bonne cité de Calvin. Ce n’est vraiment pas la peine que nos édiles fassent de coûteux voyages1) pour passer 24h à Big Apple, il suffirait qu’ils veuillent bien écouter les témoignages des touristes et des autochtones qui subissent les pick-pockets, jour après jour.

It’s really not safe here, is it ? me dit-elle, consternée.
No, it’s not and the authorities don’t really care, lui réponds-je.
And all those gypsies ! C’est elle qui l’a dit…. Il y en a sans doute plus chez nous qu’à Nouillorque.
30 cambriolages par jour


Evidemment, tant que le crime rapporte, en toute impunité, il n’y a pas de raison que ça change. Si vous pouvez gagner 1000 CHF en cinq minutes, vous seriez idiot de vous en priver. En supposant qu’on vous attrappe, vous pouvez être relativement certain d’être à nouveau dans la rue dans les 24h qui suivent, peut-être même avant. Je connais personnellement cinq*) victimes qui se sont fait détrousser, à des degrés variables de violence. C’est une expérience que je ne souhaite à personne, pas même à mon pire ennemi.



Alors vous tous qui me lisez aux quatre coins de la planète, sachez que si vous venez à Genève :

- n’ayez que le strict minimum nécessaire d’argent liquide sur vous et pas dans la poche arrière de votre pantalon
- si vous devez passer à un distributeur de billets, vérifiez qui est derrière vous et ne laissez personne voir votre code ; autrement, vous risquez fort de vous faire bousculer par un/des inconnu(s), avec les conséquences qu’on imagine
- ne posez pas votre veste ni votre sac à main sur le dossier de votre chaise au bistrot
- méfiez-vous de quiconque s’approche de vous, surtout si c’est pour gentiment vous aider à porter vos sacs ou pour nettoyer votre veste, que l’individu en question vient de souiller, par exemple en vous vomissant dessus (Tribune de Genève du 30.9.2011)
- ne vous laissez pas distraire par de jeunes gars qui jouent avec un ballon de foot ou qui jettent quelque chose parterre devant vous (pièces de monnaie, briquet…)
- évitez les transports publics aux heures de pointe
- n’écoutez pas de musique (iPod, walkman, radio) en marchant dans la rue, vous risquez de ne pas entendre la personne malintentionnée qui s’approche derrière vous

- ne jouez évidemment pas au « bonneteau », vous n’avez aucune chance de gagner (prétendu jeu qui consiste à deviner où se trouve une petite boulette cachée sous une de trois boîtes d’allumettes)
- si quelqu’un veut vous offrir une bague en or qu’il vient soi-disant de trouver parterre, ignorez-le ; si un inconnu vous offre des fleurs : fuyez !
- verrouillez les quatre portières de votre voiture quand vous circulez en ville, même de jour et ne laissez rien de visible dans l’habitacle quand vous vous stationnez
- à la gare ou à l’aéroport, ne posez pas votre mallette sur le sol pendant que vous prenez votre billet ou parlez à quelqu’un au guichet, elle risque fort de disparaître
- si vous avez un iPhone, un iPad ou un appareil photo sophistiqué, ne le montrez pas en public: vous serez repéré et agressé peu de temps après
- évitez de porter des bijoux en or visibles, on vous les arrachera
- si vous cherchez du hashish, de l’ecstasy, de l’héroïne ou de la cocaïne, vous en trouverez sans peine partout en ville, moins cher qu’en France, l’abondance de l’offre faisant baisser les prix ; s’il arrive que la police importune quelque peu ces pauvres dealers, la justice s’empresse de les relâcher.

C’est malheureux d’en arriver à un tel degré de paranoïa, mais c’est malheureusement justifié. Les victimes sont des personnes trop confiantes, pas assez méfiantes. Il est vrai aussi que nous vivons à une époque d’énormes écarts entre riches et pauvres, mais les vols, les cambriolages et les agressions ne sont pas la meilleure façon de répartir la richesse. Si une fée me donnait trois vœux… encore faudrait-il savoir comment formuler sa demande : faire disparaître le désir de voler ? L’envie et la convoitise ? Le besoin de flamber et d’avoir plus et mieux qu’autrui ? Imaginez tout ce qui changerait si le vol n’existait plus : plus de cadenas, plus de serrures,plus de verrouillage central, plus de codes PIN, plus d’alarmes… tout un pan de l’économie s’effondrerait. Ma foi, on ne peut pas gagner sur tous les fronts !


Downtown Geneva, c'est-à-dire mon quartier






1) 120.000, c’est le montant de l’escapade de trois conseillers d’Etat à Washington du 13 au 16 septembre. La facture comprend notamment les billets d’avion et l’hôtel (26.000,-), la contribution à une soirée à l’ambassade (50.000,-) et du vin genevois (15.000,-), a indiqué hier la chancellière. (Tribune de Genève, 30.9.2011)

Conseils trouvés sur la page de l’International Police Association, Genève :

1. Transportez votre argent liquide et vos cartes de crédit dans des portefeuille et des poches séparés. Si possible, divisez l'argent entre votre portefeuille et vos poches (Ne mettez pas les oeufs dans le même panier). Mieux : utilisez une ceinture à poches.
2. Mettez votre portefeuille dans une poche intérieure de votre veste ou dans une poche avant de votre pantalon.
3. Au milieu d'une foule, gardez les mains dans les poches : celles d'un voleur ne s'y glisseront pas...
4. Plus petit est votre sac, moins il offrira de prise à un pickpocket. Tenez-le fermement et serré devant vous ou sur le côté, mais avec la languette d'ouverture de la fermeture éclair à l'avant. S'il comporte un rabat ou une poche extérieurs, tournez ce côté-là vers vous. Un sac ouvert en haut est une invitation pour un malfaiteur.
5. Conservez précieusement les photocopies de votre carte d'identité, permis de conduire, cartes de crédit, ainsi que les numéros à appeler d'urgence en cas de vol.
6. Ne brandissez jamais d'argent ou de bijoux en public; devant un kiosque à journaux, à un arrêt d'autobus ou dans une gare, par exemple.
7. Lorsque vous faites vos courses, attention aux entrées des grandes surfaces, sur les tapis roulants, dans les ascenseurs, dans les rayons de soldes, les lieux de démonstrations, et partout où se rassemblent beaucoup de gens. Redoublez de vigilance au moment où vous payez : vous risquez de poser votre sac et vos paquets sur le comptoir. Une chose après l'autre : d'abord, rangez soigneusement votre porte-monnaie, ensuite, occupez-vous de vos courses. Ne cédez pas au stress...
8. Avant d'utiliser une billetterie, regardez bien autour de vous. Si vous vous sentez observé, allez ailleurs.
Placez-vous tout près du distributeur de façon que personne ne puisse identifier votre code ni repérer la somme retirée. En aucun cas, ne vous laissez distraire par un bruit, des paroles ou quelqu'un qui voudrait ''vous aider''... Dans le doute, après le retrait, si vous êtes près de votre domicile, marchez 50 mètres en sens opposé et vérifiez que vous n'êtes pas suivi. Si tel est le cas, dirigez-vous vers une connaissance, entrez dans un commerce proche ou un commissariat.

Les ruses des pickpockets
Le pickpocket opère souvent avec un ou des complices qui créent une diversion.
1. ''Attention aux pickpockets !'' Méfiez-vous quand vous entendez crier cette phrase : votre réaction naturelle est d'esquisser un geste vers votre argent et cela indique où il se trouve. Par contre, si cette phrase est marquée sur un panneau indicateur, redoublez de vigilance car cela veut dire que de nombreux vols ont été effectués dans cet endroit.
2. Un ''accident'' : un voyageur trébuche devant vous en descendant de l'autobus, ou une personne laisse tomber des paquets ou des pièces dans un lieu de passage...
Sans tomber dans la paranoïa, dans ces deux cas, entre autres, la confusion momentanée qui s'ensuit permet à un voleur d'agir.
3. Une ''bagarre'' : une dispute éclate et les gens se bousculent pour s'écarter. Lorsque tout est terminé, c'est vous qui avez perdu...
4. ''Oh! désolé.'' Une personne traverse en courant un hall de gare ou dans la rue, vous bouscule, ou vous renverse de la nourriture (glace, boisson, etc) sur vous. Elle s'arrête pour ''vous aider'', puis repart en courant de plus belle, avec votre portefeuille...
5. Vous êtes assis dans le train. Observez aux alentours et fixez brièvement dans les yeux celles et ceux qui sont assis autour de vous. Sachez qu'un quart de seconde en croisant le regard d'un voleur, suffit en général à le décourager car il se sent ''repéré''. Méfiez vous de celles et ceux qui se proposent de vous ''aider''...
Prenez garde aux allées et venues dans le couloir central, les pickpockets traversent souvent le train en longueur et séparés de leur complice de quelques mètres, afin de repérer une victime potentielle. Surveillez vos bagages laissés dans le box à bagages vers la sortie, ainsi que ceux qui sont dans le box au dessus de vous. Votre veste est posée sur l'adossoir, ne laissez pas d'objets de valeur dans les poches, même intérieures. Ces précautions sont également valables lorsque vous êtes au restaurant.
6. Dans les aéroports ou d'autres lieux publics, prenez toujours garde à vos bagages, ne les laissez jamais sans surveillance, une fraction de seconde suffit à un voleur pour vous prendre votre mallette, même ''coincée'' entre vos pieds lorsque vous êtes au téléphone ou à un guichet.
7. Dans le métro, prenez garde également à certains enfants qui font la quête, accompagnés de leur soeur ou de leur mère et méfiez-vous des personnes qui se collent à vous.
Comportement face à un voleur
Lorsque vous êtes en présence d'un voleur qui a tenté ou qui tente de vous voler, faites du scandale, élevez la voix et dites : ''Mais enfin ! que faites-vous ! Au voleur !!''; les voleurs agissent en général dans la discrétion et ont une sainte horreur d'être un centre d'attention. Si vous avez l'occasion de vous faire aider, retenez-le et appelez la police.

Quelques ''détails qui tuent''
Généralement, les voleurs professionnels marchent vite, suivis de quelques mètres par leur(s) complice(s).
Ils se retournent souvent (pour voir s'ils sont suivis), ils ''photographient'' les lieux en observant bien autour d'eux (pour repérer leurs victimes). Ou alors, ils marchent tranquillement dans la foule, comme de ''bons touristes'' pas pressés, aimant se coller à leur victime lors d'un croisement, devant les vitrines ou devant un spectacle. Ils agissent vite et habilement, très souvent, on ne se rend compte de rien.
Ils sont souvent bien habillés, en sombre, avec des chaussures à semelles gommées (c'est plus pratique pour courir...). Le rôle du complice consiste à faire le guet ou/et se prépare à faire diversion.
Ils sont généralement originaires d'Amérique du Sud, d'Europe de l'Est (Balkans) ou du Nord ou d'Afrique du Nord.

Profil type du ''client potentiel''
Les voleurs affectionnent particulièrement les hommes d'affaires, les dames âgées, les mères de famille occupées par leur enfant, les femmes au porte-monnaie rempli pour le lèche-vitrine, les touristes, une personne qui lit, qui est occupée, qui somnole ou qui est inattentive et peut-être VOUS...
Ne vous laissez pas distraire et SOYEZ VI-GI-LANT (e)

_________________________

*) les cinq victimes de mon entourage (ces deux dernières années):
1. Une amie s'est fait arracher son sac à main sous la menace d'une aiguille souillée, en plein après-midi, en se rendant au parc. Le malfrat - un multirécidiviste très bien connu de la police - a été rattrapé par un prof de gym du fitness adjacent. Le malfrat a tout de même pris 9 mois de prison ferme, ce qui est exceptionnel à Genève. Il est probablement à nouveau actif dans nos rues.
2. Ma nièce de 17 ans s'est fait agresser par un gang de jeunes latinos, très bien connus des services de police, de nuit, dans un parc. Elle a perdu son sac et tout son contenu (clés, téléphone mobile, porte-feuille, carte d'identité, etc..). Il est clair qu'elle ne devrait pas aller dans les parcs tard le soir, car nos parcs appartiennent à toutes sortes de drôles de gens dès la nuit tombée, à nous d'éviter d'y aller.
3. Un ami a posé sa mallette au sol chez Burger King. Le temps de passer sa commande et hop! sa mallette avait disparu. Elle contenait malheureusement pas mal d'argent. Les caméras de surveillance étaient bidon, c-à-d dissuasives mais non fonctionnelles.
4. Une collègue s'est fait pick-pocketer son portefeuille en montant dans le train, selon la tactique bien connue "oh! je me suis trompé de wagon!": un complice redescend du train avec deux grosses valises pendant que l'autre complice fait mine de monter. La victime est coincée entre les deux personnages sur l'escalier et, dans la bousculade, elle perd son porte-feuille. Ma collègue venait de passer au distributeur de billets et les complices ont vu son code. Elle a perdu BEAUCOUP d'argent, même si elle a immédiatement téléphoné à sa banque pour tout bloquer.
5. Une amie a laissé son sac dans sa voiture, qu'elle ne quittait que pour 5 minutes. A son retour: une vitre cassée et son sac disparu (permis de conduire, carte d'identité, photos des gamins, etc....)

Je me suis aussi fait cambrioler, mais il y a environ 20 ans de cela, alors je ne compte pas ça dans ces statistiques.

jeudi 29 septembre 2011

En ville à vélo


«T’es à vélo?!?!?» s’écrient immanquablement les gens quand ils me voient enfiler mon gilet de chantier orange avec des bandes fluo. «Non, je vais en discothèque, c’est du dernier chic et ça fait un effet boeuf avec les stroboscopes» ai-je envie de répliquer. En réalité, cette réaction n’a rien d’étonnant, car circuler à vélo en ville tient à la fois du courage et de la témérité, voire de l’inconscience. D’ailleurs, la première consternation passée, j’entends quasi-immédiatement: «T’es bien courageuse!»

Voilà environ trente ans que la Petite Reine me transporte fidèlement de par la ville et de par le canton. Il m’est même arrivé de faire Ferney-Voltaire - Gaillard aller-retour dans la même journée, mais pas en une seule fois, faut pas pousser.... C’est vraiment le mode de transport idéal pour avoir quelque chance d’avancer raisonnablement en ville. Le seul inconvénient, outre la pluie, c’est qu’il faut se méfier de tout le monde. La priorité ne compte pas vraiment pour les deux-roues, les pistes cyclables non plus, car elles sont idéales pour déposer un passager ou des livraisons, voire pour se stationner, après quoi, la portière s’ouvre du côté rue sans crier gare et surtout sans regarder. Les giratoires sont de vrais coupe-gorge et les piétons un danger omniprésent. Il faut se méfier des rues à notre droite: la voiture derrière nous s’y engouffrera moyennant une habile queue de poisson, la voiture venant d’en-face itou. En un mot, les cyclistes sont invisibles. C’est bien pourquoi je deviens un zèbre fluo au crépuscule et, contrairement à bon nombre de mes congénères, je veille à avoir un phare qui fonctionne. Je complète la tenue de combat de divers catadioptres et loupiotes supplémentaires.

Après avoir garanti sa survie, tant bien que mal, il ne reste plus qu’à trouver des raccourcis et des itinéraires malins pour éviter les voitures. Certaines rues moins fréquentées ont des pistes cyclables à contre-sens, qui sont de véritables cadeaux empoisonnés, car les automobilistes ne s’attendent pas à nous voir arriver. Les trottoirs nous sont interdits, mais parfois, on n’a vraiment pas le choix. J’emprunte très souvent les passages cloutés, doucement, en respectant les piétons; s’il le faut, je mets pied à terre. Au Quai du Seujet, un ascenseur astucieux permet d’éviter une montée très pénible. On peut y mettre jusqu’à trois vélos. L’ambiance y est toujours très sympathique, les gens échangent quelques mots et une drôle de complicité s’installe pendant les quelques secondes que dure le trajet.

La vue à l'arrivée au 6ème étage

Franchement, je ne comprends pas les gens qui s’obstinent à prendre leur voiture pour se déplacer en ville. Ils avancent à la vitesse de l’escargot, ils s’énervent contre les feux qui restent verts 4 secondes et rouges 120 secondes, ils tournent en rond à la recherche d’une place de stationnement, à moins qu’ils ne choisissent le parking souterrain où chaque minute coûte son pesant de caviar. Et je ne parle même pas du risque d’agression. Avec le vélo, on échappe même au car-jacking! Le vélo-jacking n’a sans doute pas encore été inventé.


Rien d’étonnant alors à ce que la plupart des villes d’Europe encouragent le deux-roues en ville, avec des formules de bicyclettes publiques payantes qui se garent sur des bornes prévues à cet effet. La Scandinavie et les Pays-Bas ont évidemment été les pionniers en la matière. Plus près de nous, Paris a lancé ses Vélib’, Strasbourg a le VelHop, Bruxelles le Villo! Dans les années -80, Genève a connu les vélos roses, à partager fraternellement et gratuitement. La nature humaine étant ce qu’elle est, ces pauvres petites choses sans défense ont très rapidement été vandalisées, jetées dans le Rhône ou cadenassées par de petits esprits égoïstes et pas baba-cool pour deux sous.

En attendant que notre bonne ville trouve le bon nom rigolo pour son système de vélo-partage, ce serait déjà une bonne chose si on pouvait avoir des parkings sécurisés, par exemple à la gare. Cela éviterait les vols et le sabotage. Le justicier masqué qui crève les pneus des vélos mal garés pourrait enfin prendre un peu de repos et le cycliste lambda n’aura plus besoin de racheter une sonnette tous les quinze jours.

Je rêve d’une ville où les bicyclettes seront plus nombreuses que les voitures. L’ambiance sera plus sereine et l’air plus respirable. Il y aura forcément encore des kamikazes qui fonceront aveuglement comme si la terre leur appartenait, mais peut-être qu’on parviendra à les amadouer. Je rêve aussi d’une sonnette involable et insabotable. Cet accessoire coûtant entre 3,- et 4,- quand il est neuf, sa valeur sur le marché noir doit tourner autour de 1 roupie de sansonnet. Quand il n’est pas possible de le voler, parce qu’il a été collé à l’Araldit, eh bien on se console en cassant le heurtoir. Ah, les petits plaisirs de la méchanceté gratuite!

Parking à vélos aux Pays-Bas

Voir aussi: Terroriste, tendance deux-roues

lundi 6 juin 2011

Bousculade lyrique


Les retransmissions en direct des représentations du Met de New York dans deux salles de cinéma de la ville remportent un franc succès. La première salle ayant très rapidement affiché complet, une deuxième salle a été ouverte. Sans qu’aucune publicité ne soit faite dans la presse ou ailleurs, tout le monde savait que les abonnements de la saison 2011-2012 seraient mis en vente le 6 juin dès 9 heures. Je m’y suis rendue pour 8h30, m’imaginant ainsi être parmi les premières à faire la queue.

Vain espoir ! Quelqu’un avait pris l’initiative de distribuer des tickets numérotés et j’ai obtenu le N° 71, ce qui n’augurait rien de bon. Plusieurs personnes étaient venues avec une chaise pliante. J’avais emporté un journal, mais j’ai retrouvé tant de collègues que c’était une précaution bien inutile. Chacun y allait de sa petite histoire, certains étaient là depuis 7h30, d’autres sont venus bien plus tôt encore. La distributrice de tickets, quant à elle, devait bien être là depuis 6h du matin. La plupart de ces mélomanes matinaux avaient les cheveux gris ou blancs, mais ils avaient néanmoins la gniaque et le courage de rester debout plusieurs heures dans l’espoir d’obtenir le précieux sésame. Malgré les tickets numérotés, tout le monde s’entassait en se serrant comme des sardines devant les guichets encore fermés. Sans les tickets, ça aurait été bien pire, mais ce système étant parfaitement informel, rien ne garantissait qu’il serait respecté ou qu’il servirait à quelque chose.

Le Metropolitan Opera de New York

Neuf heures ayant sonné, voilà que les guichets s’ouvrent enfin. On se presse, on se bouscule, personne ne comprend vraiment ce qui se passe. On croit voir que le premier acheteur prend dix abonnements, ce qui réduit évidemment d’autant les chances de tous les braves qui se sont levés au chant du coq. On en est au numéro dix, puis au numéro douze. Ça avance lentement… Cent-vingt ! Quoi, cent-vingt ? Il ne reste plus que cent-vingt places ? Ont-ils déjà vendu cent-vingt abonnements ? A raison de quatre abonnements au maximum par client, combien de billets seront partis avant qu’on n’en n’arrive au N° 71 ? Mon dieu…

Voilà déjà plus d’une heure que je poireaute, et encore : d’autres sont là depuis bien plus longtemps que moi. Et voilà qu’on découvre qu’une collègue était venue pour acheter des billets pour des séances individuelles, autrement dit, elle a bravé l’aurore pour des prunes. Nous sommes deux à nous précipiter sur son précieux N° 35 ! Et bien nous en a pris, car le N°40 est rentré bredouille….

Autrefois, ça se passait comme ça au Grand Théâtre, il fallait prendre un numéro et faire la queue. Mais à force de nous offrir des mises en scène avec des danseurs nus qui rampent dans des bunkers post-apocalyptiques, l’opéra local a fini par perdre son public qui le boude. Ils offrent toutes sortes de promotions et de formules spéciales, mais leurs abonnements n’ont décidément plus la cote. Les représentations du Metropolitan Opera de New York sont classiques sans être poussièreuses, mais ne reculent pas pour autant devant la modernité. Leurs sponsors privés n’accepteraient certainement pas les réinterprétations abracadabrantesques, où des gentilhommes portent des imperméables gris en haillons. Et les chanteurs sont bien sûr du plus haut niveau. Au cinéma, on y accède pour 40,-, coupe de champagne incluse. Que demande le peuple ?



Juan Diego Florez dans le Comte Ory de Rossini

Au vu de l’immense succès de ces représentations, il vaudrait la peine d’ouvrir une troisième salle. Elle se remplirait immédiatement. Les théâtres de la place constatent également un certain désamour de leurs abonnés. Etrangement, ils attribuent ce comportement à la crise ou à un changement d’habitudes du public. Il ne leur vient pas à l’idée de se demander si cela pourrait être lié à la qualité – or lack thereof – de leurs spectacles.

Que les laissés-pour-compte se consolent toutefois : des billets pour des séances individuelles seront mis en vente dès le mois d’août. A vos marques ! Prêts ? Départ !


Deborah Voigt dans la Walkyrie de Wagner

http://www.metoperafamily.org/metopera/broadcast/hd_events_next.aspx
et le Gaumont à Archamps (en plus, c'est moins cher...!)

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Dans la Tribune de Genève du 9 juin 2011:
Réveil à l’aube et grogne pour des fanas d’opéras
Pour s’assurer une place lors de la rediffusion des opéras du MET de New York, il fallait se lever très tôt lundi

 Laure Gabus | 08.06.2011 | 22:29

«Ma santé ne me permettait pas de venir plus tôt, quelqu’un a fait la queue pour moi depuis 4 heures du matin. Je suis arrivé à 7 heures», explique Freddy Martell, 76 ans. Comme lui, une centaine d’amateurs d’opéras ont fait le pied de grue dès l’aube devant les guichets des cinémas Pathé Balexert et Rex, les deux points de vente d’abonnements pour la retransmission des opéras du MET de New York.

Les guichets ont ouvert à 9 heures lundi matin et les 600 abonnements se sont envolés immédiatement. Freddy n’a pu en acheter que quatre, le maximum. Mais beaucoup n’ont pas eu cette chance et sont rentrés bredouilles. Les déçus pourront tenter d’acquérir l’une des 150 places individuelles disponibles à chaque rediffusion, mais devront attendre le mois d’août.

Depuis trois ans, Pathé diffuse toute la saison des opéras new- yorkais en direct, d’octobre à avril. Les projections connaissent «un très grand succès», reconnaît Brian Jones, directeur général de Pathé Suisse, et ce «surtout chez les personnes en âge de la retraite». Face à l’importante demande, la société a ouvert une nouvelle salle, l’année dernière aux cinémas Rex.

Freddy Martell déplore la vente aux guichets. «Nous sommes fâchés contre Pathé et fatigués», explique-t-il. L’actif retraité rêve d’un système d’achat d’abonnement semblable à celui du Victoria Hall où il est possible de garder les mêmes places d’une année à l’autre. Pathé ne souhaite pas instaurer un tel système «afin de permettre à tout le monde d’avoir une chance d’acheter un abonnement chaque année», explique Brian Jones.

Et pourquoi ne pas opter pour un système d’achat par Internet? «Une grande partie de nos spectateurs n’ont pas d’ordinateur à la maison ou ne sont pas habitués à acheter par Internet», explique Brian Jones. «Quel que soit le système, la demande sera toujours plus élevée que l’offre, résume Teodor Teodorescu, directeur de Pathé Suisse romande. Il y aura toujours des déçus.» Et donc des lève-tôt.
Et ma lettre au courrier des lecteurs du même journal, 10.6.2011:

Sans qu’aucune publicité ne soit faite dans la presse ou à la radio, un nombre considérable de mélomanes se sont levés à l’aube lundi dernier pour faire la queue en vue d’obtenir l’abonnement 2011-2012 du Metropolitan Opera de New York, diffusées en direct et en HD dans les cinémas Pathé. Quelqu’un avait pris l’initiative de distribuer des numéros, afin d’éviter un carnage et une bousculade au portillon qui aurait pu mal se terminer. Deux salles, le Rex et Balexert, affichaient complet en une heure! Il reste cependant un quota de places à vendre à la pièce, dès le mois d’août où ce sera rebelote, avec la chaise pliante dès 7h du matin. Autrefois, c’était au Grand Théâtre qu’on se bousculait de la sorte. Je le fréquente aussi et j’y ai vu de très beaux spectacles, mais c’est toujours un peu la loterie, on ne sait pas sur quoi on va tomber. Musicalement, c’est toujours au-dessus de tout reproche, c’est la mise en scène qui est souvent du grand n’importe quoi. Pourquoi ne pas ouvrir une ou deux salles disponibles à Genève pour les rediffusions en direct du Met de New York? Je songe à l’auditorium Arditti ou à l’Uptown pour ce qui est des salles actives, sinon, il y aurait encore le Plaza, le Broadway ou l’ABC, qui sont probablement complètement bouffées par les mites à l’heure qu’il est. Pour l'opéra au cinéma voir: http://www.pathe.ch/cinema/geneve/cine_opera.php

lundi 7 février 2011

Lettre à Julie

Chère Julie,

Internet et mon bon ami google m’ont aidée à trouver votre adresse. Ayant vu votre premier spectacle, basé sur vos chroniques à l’Encre Bleue, je me suis laissée tenter par votre deuxième incursion sur scène, avec C’est par où, la sortie ?, au Palais Mascotte. Je me disais bien que ce nouveau spectacle ne pouvait ressembler au premier, puisque vous avez pris votre pouêt-pouêt entretemps. Oui, votre retraite… Rien que le fait que vous n’osiez prononcer ce mot nous fait bien comprendre à quel point ce passage a été difficile et douloureux pour vous.

On vous sent aigrie et pleine de rancœur, comme si on vous avait mise à la porte comme une malpropre. Alors que l’âge de la retraite, on devrait le voit arriver de loin et il devrait être possible de s’y préparer. Alors oui, une petite jeunette a pris votre place, c’est comme ça que ça se passe dans toutes les entreprises du monde. Je reconnais qu’ils auraient pu changer le nom de la rubrique ou au moins sa signature. L’Encre Bleue est votre bébé et vous n’aimez pas le voir entre les bras d’une autre. Si ça peut vous consoler, on sent bien que l’auteur a changé, le ton et le style sont presque les mêmes, mais pas vraiment tout à fait assez pour donner le change.

Vous vous voyez dorénavant comme une vieille croûte, entourée de seniors gâteux. Merci pour eux… A 65 ans, on n’est pas plus croulant qu’à 64 et il ne tient qu’à vous d’être active et de profiter de tout le temps libre dont vous disposez dorénavant. Il n’y a pas que le travail dans la vie, que diable ! Vous aimez écrire, rien ne vous oblige à arrêter. Tournez la page de la Tribune, au propre si vous voulez, mais surtout au figuré. Ecrivez autre chose, autrement, et pour un public différent. Rejoignez des groupes, pas forcément de retraités, ce ne sont pas les activités qui manquent à Genève, vous avez bien dû vous en rendre compte au cours de toutes ces années passées dans la rédaction d’un journal.


Regardez donc le film Monsieur Schmidt, avec Nicholson, c’est votre histoire. Un homme qui a consacré toute sa vie à son travail et qui se retrouve tout seul, tout con, le jour de ses 65 ans. Il retourne au bureau et voit un jeune loup dynamique à sa place. Par la force des choses, sa vie prend un nouveau tournant. Ou lisez les livres de Virginia Ironside, No ! I don’t want to join a book club ! ou La sexygénaire n’a pas dit son dernier mot, le seul qui ait été traduit en français, je crois. Le site internet de Cité Séniors grouille de propositions d’activité, à tel point que je me réjouis d’avoir non seulement l’âge mais aussi le temps d’y participer. Pas besoin non plus d’être une vieille schnoque pour faire du bénévolat, il m’arrive d’en faire et c’est toujours très sympa.



J’ai aujourd’hui cinquante ans (et demie !) et j’ose dire que je suis parfaitement heureuse et bien dans ma peau, ayant enfin trouvé une certaine sérénité, une certaine sagesse. Je vis exactement comme je veux, je fais ce que je veux, quand je le veux (dans les limites de la décence, du respect d’autrui et de la nécessité de gagner encore un peu ma vie, bien évidemment) et je me moque bien du qu’en dira-t-on. J’irai voir le dernier film de Dany Boon si ça me chante, je m’offre des churros au marché, je farfouille dans les soldes chez Bata, je vais (parfois) me coucher à 22h... Et je dis prout ! à ceux que ça choque.

La vie est belle, vous avez sans doute encore trente ans devant vous, profitez-en ! Je connais bien des retraités qui sont encore plus occupés aujourd’hui que du temps de leur vie active. Vous êtes libre comme l’air, vous pouvez vivre selon votre rythme, dormir tard, manger à 15h, aller au cinéma l’après-midi, aller au marché aux puces le mercredi. Dans votre prochain spectacle, vous pourrez nous raconter votre nouvelle vie, tout ce que vous aurez découvert et qui vous échappait parce que vous étiez enfermée entre les quatre murs de votre bureau.

Si une fée me proposait d’avoir à nouveau vingt ans, je lui dirais : Non, merci ! Sans façons !

Palais Mascotte

Voir aussi: http://tiina-gva.blogspot.com/2010/08/vivons-vieux-vivons-heureux.html
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J’aimerais publier ce texte sur mon blog, mais j’aimerais avoir votre feu vert pour le faire. Vous êtes un personnage public, je ne cite pas votre vrai nom et mon texte parle du vieillissement de façon générale. L’amie qui m’a accompagnée va atteindre l’AVS dans quelques mois, elle se réjouit presque. Elle en parle depuis plusieurs années et ça ne va pas lui tomber dessus comme une mauvaise tuile. Chaque âge a ses avantages, ne les refusez pas !
Et vous aurez un droit de réponse, en mettant un commentaire, si vous le voulez bien…

Bonne chance pour la suite
Amitiés