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jeudi 28 décembre 2017

En congrès à Durban




Lorsqu’on se voit proposer un contrat dans une ville comme Durban, on oscille entre la satisfaction de se voir offrir du travail et le découragement face à un très long voyage et une destination pas vraiment folichonne. L’Afrique est un continent merveilleux et fascinant, mais certains lieux ont, depuis longtemps, la réputation – pas du tout usurpée – d’être des coupe-gorges. Afin de ne pas avoir que les inconvénients, j’ai profité de ce contrat pour faire un safari (voir : En safari à Nambiti Park).

Sur le trajet me menant du lodge à Durban, mon chauffeur s’est arrêté dans une station-service pour nous permettre de faire une escale. Il m’a dit : "It’s safe here, there are cameras everywhere". Voilà qui annonçait déjà la couleur…. Cela ressemblait à n’importe quelle station-service, mais c’était mon premier contact avec le vrai pays (c-à-d hors de la réserve naturelle) et j’ai essayé de me faire une première impression de l’atmosphère dans laquelle j’allais vivre pour la semaine à venir. Il m’a déposée à l’hôtel et je ne savais pas si j’allais pouvoir en sortir autrement qu’en taxi ou en bus navette.

Avec mes collègues que j’ai retrouvés le soir, nous avons décidé d’aller manger à 50 mètres de là, dans un restaurant situé sur la plage. Tout s’est bien passé et nous avons répété l’expérience les soirs suivants, en essayant différents bistrots des alentours, en sortant groupés. Il va sans dire que nous ne portions aucun bijou ni montre, pas de sac, tout dans les poches – et il ne nous est rien arrivé. Nous avons toutefois appris que plusieurs participants au Congrès s’étaient fait dévaliser : étaient-ils particulièrement naïfs et imprudents ? Le centre de conférences était situé à environ 500 mètres de notre hôtel, mais tout le monde y allait en bus navette. Comment peut-on vivre dans une ville pareille ? J’ai entendu le même genre d’histoires pour Johannesbourg ou Nairobi. Les autochtones savent sans doute comment se comporter et se déplacer, mais mon chauffeur m’a expliqué qu’une mosquée du centre-ville avait été transformée en centre commercial, car les places de parking n’étant pas suffisantes, les fidèles ne venaient pas. Mais alors qui va au centre commercial ? Sans doute les personnes trop pauvres pour se faire attaquer.


C’est tellement dommage, car l’Afrique est attachante et les gens si chaleureux. J’ai fait quelques emplettes auprès des petits marchands de la plage et les femmes me saluaient d’une voix chantonnante : "Hello mama ! How are you ?"

Durban est une ville dans laquelle se déroulent de nombreux congrès et conférences. C’est à se demander comment c’est possible, vu le taux de criminalité. Sans doute que ce n’est ni mieux ni pire ailleurs. Les pays africains doivent sortir de ces vieux schémas de pauvreté et de sous-développement qui n’ont rien d’une fatalité. Nous avons eu l’immense chance d’entendre une intervention par Auma Obama, la demi-sœur aînée de Barack, qui a créé la Fondation Sauti Kuu (Voix puissantes). Sa démarche consiste à convaincre ses jeunes compatriotes de leur valeur et de leurs compétences, afin qu’ils sortent d’une attitude passive, qu’ils cessent d’attendre qu’on les aide, qu’ils se prennent en main au lieu de compter sur l’aide internationale. Ainsi, ils apprennent des métiers, afin de se mettre à leur compte, devenir indépendants et pouvoir se nourrir, eux et leur famille. Le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, ne dit d’ailleurs rien d’autre : dans un récent discours, il affirme que son pays n’a plus aucune excuse à la pauvreté, 60 ans après l’obtention de son indépendance. Il dit que l’énergie que mettent leurs jeunes hommes à atteindre l’Europe devrait plutôt servir à construire leur propre pays.
 
Les sud-africains parlent encore beaucoup de l’apartheid, officiellement abolie en 1994 (il y a donc 23 ans). C’est la raison avancée à tout ce qui définit ce pays, c’est l’explication pour tout ce qui ne fonctionne pas. On y parle encore de townships, alors que ces ghettos ne devraient plus exister depuis une génération. Si j’ai bien compris, ce terme désigne aujourd’hui des quartiers pauvres, où est parquée la population la plus indigente. Mais puisque l’Afrique du Sud est non seulement indépendante mais dirigée par les noirs, ce genre d’injustice sociale ne devrait plus exister…. et pourtant si. L’ex-président Zuma et son entourage sont richissimes, comme tous les chefs d’Etat africains, leurs familles et proches. Espérons que cela changera avec l’arrivée au pouvoir de Cyril Ramaphosa.
 
Cycadophyte (anglais: cycad, allemand: Brotfruchtbaum)
L’Afrique du Sud garde encore fortement l’empreinte des colons boers. Les noms de lieux sont souvent afrikaans (Johannesbourg, Bloemfontein, Pietermaritzburg) ou anglais (Ladysmith, Dundee), mais toutes les rues de Durban ont été rebaptisées avec les noms de combattants anti-apartheid, à tel point que plus personne ne sait où est quoi. L’hôtel de ville de Durban est une copie conforme de celui de Belfast (pourquoi…. ?). Le centre-ville compte quelques bâtiments anciens, mais rien de spectaculaire. C’est plutôt une ville typique du tiers monde, qui semble être construite et (dés)organisée au petit bonheur la chance. De façon générale, les paysages et la ville sont très européens, occidentaux : des collines verdoyantes, des centres commerciaux…. on n’a pas vraiment l’impression d’être en Afrique. Même la météo était très moyenne, il ne faisait jamais vraiment très chaud, surtout le soir, et il y avait toujours un léger risque de pluie.

Stade Moses Mabhida
Une des grandes fiertés de la ville de Durban est le stade Moses Mabhida, nommé d’après l’ancien secrétaire général du parti communiste sud-africain. Ce lieu a été retenu comme un des sites pour la Coupe du monde de football de 2010. On peut monter sur l’arche qui le surmonte pour admirer le panorama. On y trouve un fitness club, des sandwicheries….. 

Les seuls moments vraiment africains étaient quand les participants au Congrès saisissaient le moindre prétexte pour se mettre à chanter et à danser : il suffisait que quelqu’un soit élu à une fonction ou qu’il faille meubler une attente, par exemple pendant un décompte de voix. Une autre manifestation de joie ou de toute autre émotion était le cri : AMANDLA ! POWER TO THE PEOPLE !!! que nous nous prenions dans les oreilles plusieurs fois par jour. Nous avons aussi souvent entendu le tube sud-africain de Myriam Makeba : Pata Pata 


A mon retour en Europe, j’ai énormément apprécié une chose toute simple, si simple que nous n’en sommes pas / plus conscients : pouvoir marcher à l’air libre, me déplacer à pied dans la rue, sans devoir craindre pour ma vie ou mon intégrité corporelle. J’espère pouvoir retourner en Afrique – du Sud ou ailleurs – quand ce continent aura atteint la justice sociale et la prospérité qui lui reviennent de droit. Espérons que les chefs d’Etat cupides et corrompus appartiendront bientôt à l’histoire.

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Lectures suggérées :
The Crisis Caravan de Linda Polman
Toxic Charity de Robert Lupton

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