photo Jérôme Piroué |
Le Paradoxe a été créé en 1982 par Jérôme Piroué, Patrick Bertholet et
Carl de Boulloche. Passionné par le cinéma et grand lecteur de science-fiction,
Jérôme rêvait de devenir metteur en scène, écrivain ou libraire. C’est cette
dernière option qui se réalisera. Etant devenu orphelin très jeune, il a pu se
lancer dans cette aventure grâce à un héritage.
Jérôme, Carl, Patrick et Douglas en 1982 |
Patrick Bertholet derrière la caisse du Paradoxe aux Etuves |
The place to be ! |
Depuis 1987, Jérôme Piroué est le seul maître à bord du vaisseau
spatial Paradoxe. En 1986, alors qu’il séjournait en prison pour objection de
conscience, il a été remplacé par un certain Marcello, qui a ensuite continué à
faire quelques heures après le retour de son patron. Il est ainsi devenu le
premier employé de la boutique. Après le départ des deux autres partenaires,
c’est le modèle patron + employés qui a prévalu.
A la rue des Etuves, la librairie vendait essentiellement des livres de
science-fiction et des polars jusqu’en 1986, des livres d’illustration, de
photo et des importations USA. Des mangas dès 1985-86, lorsque les Etats-Unis
ont commencé à publier Akira. Il y avait une demande pour des mangas en
japonais aussi, jusqu’en 1996. A l’époque, rien ne paraissait en français et
100 exemplaires de Dragonball en japonais partaient en deux à trois mois. A
l’époque, il fallait attendre trois mois pour une commande de comics américains,
le magasin a pu en vendre dès
décembre 1982. Les ventes ont toutefois rapidement décollé. Les VHS sont apparus dans les années -80, ils étaient achetés
directement à Londres, puis importés. Il n’y avait que très peu de t-shirts et
de jouets.
Jérôme Piroué (photo Laurent Guiraud, Tribune de Genève) |
Autour de cette époque, Jérôme Piroué a fait un voyage aux Etats-Unis,
pour refaire le parcours d’un héros d’un roman de Philip K. Dick, de Boise,
Idaho à San Francisco. Son fournisseur US a attiré son attention sur la
convention de San Diego (Comic-Con), qui se tient chaque été en Californie. Jérôme a fini par devenir un visiteur et un client régulier de cette
convention, où il se fournissait notamment en planches originales. Il en a
d’ailleurs monté la première exposition dans la minuscule échoppe de la rue des Etuves.
L’épisode de Star Wars, le Retour du Jedi, est sorti en 1983. Les figurines et les jouets ont commencé à sortir dès avant la sortie du film. Le magasin a été obligé de prendre un présentoir spécial pour cette marchandise, qui devait être plein (2000,- à 3000,- de marchandise). Les figurines sont parties en quelques semaines, puis un roulement s’est mis en place. Au bout d’un an, le fournisseur a informé Jérôme que Au Paradoxe Perdu était le plus gros vendeur de Suisse romande. Il a continué à en vendre, même après que La Placette (aujourd’hui Manor) avait arrêté.
Certaines commandes faites pour le magasin ont parfois causé des ennuis
avec la douane: une commande du film Maladolescenza (Jeux interdits de
l’adolescence, 1977) avec la jeune Eva Ionesco a été saisie pour cause de
pornographie. Il est vrai que le film est actuellement interdit dans plusieurs
pays pour cause de pédo-pornographie et le DVD est introuvable sauf une version édulcorée disponible en
France. Un roman et un film comme Lolita seraient-ils encore possibles de nos
jours ?
Certains créneaux sont devenus porteurs tout à fait par accident. Par exemple, lorsqu’un client a voulu commander des VHS de catch féminin, que le magasin n’avait pas en rayon. Le Paradoxe a commencé à stocker du catch, ainsi que les figurines correspondantes. Jusqu’à la fin des années -90, ces produits ont permis de dégager de très bonnes ventes. Il est arrivé la même chose avec les cartes de sport de chez Diamond : le magasin en a commandé trop par erreur, mais elles se sont très bien vendues quand même. Sur la base de cette expérience, Jérôme s'est mis à vendre des cartes Magic et Yu-Gi-Oh!, qui sont très populaires et très demandées. A la rue des Etuves, on trouvait déjà quelques cartes à collectionner Marvel ou DC Comics.
A l’inverse, certains rayons meurent à petit feu, les romans de science-fiction, par exemple. Ce rayon était important jusqu’au début des années -90. Puis, les seuls livres qui se vendaient encore étaient Star Wars ou Donjons et Dragons. Ce rayon a été éliminé lors du déménagement à la rue des Bains, mais en réalité, il était déjà mort depuis un certain temps. Les mangas continuent de se vendre, mais Au Paradoxe Perdu n’en n’a plus l’exclusivité, ce genre de marchandise étant désormais disponible dans les grandes surfaces.
Les ventes de DVD ont également fortement chuté et le magasin n’en vend
plus, sauf quelques exemplaires survivants qui sont en solde. Quand le DVD de
Matrix est sorti, il s’en est vendu 120 exemplaires en quelques semaines, puis
encore deux ou trois exemplaires par mois. Depuis que les films se téléchargent
soit illégalement, soit via Swisscom ou Netflix, les DVD ne se vendent plus du
tout. La librairie n’est pas la seule à en pâtir, les cinémas et les vidéos
clubs tirent la langue également.
Voir aussi :
La situation est plus ou moins la même pour les CD de musique de film:
il reste encore quelques clients mordus, mais le rayon est faible. Là aussi,
iTunes et internet tuent le petit commerce, avec l’aimable concours d’Amazon.
Les baguettes Harry Potter ont rencontré un vif succès, mais le marché
genevois est petit et il est maintenant saturé pour ce genre de produit. Les
pipes du Seigneur des Anneaux sont encore recherchées et il y a eu un véritable
engouement pour les masques de V for Vendetta, qui ont été récupérées par le
mouvement Anonymous. Le Paradoxe continuait de répondre à la
demande il y a quelques mois encore.
Bref, entre la concurrence d’internet, les loyers qui explosent et le
salaire minimum obligatoire*), qui atteindra 4000,-/mois (+ charges sociales + assurances)
d’ici à 2018, le petit commerce est mal barré. Le franc fort et le tourisme
d’achat contribuent, eux aussi, à ce lent travail de sape. Si vous observez le
paysage urbain de Genève, vous constaterez qu’il n’y aura bientôt plus que des
grandes chaînes et des dépanneurs (alcool et cigarettes 24h sur 24). Au
Paradoxe Perdu finira par tomber sur l’autel du Dieu Argent, après avoir fait
rêver des clients de 7 à 77 ans. Un témoignage d’un client fidèle :
"To all my friends that I have ever bored with tales of THE English-language comic shop in Geneva, have a look at the last-but-one venue and owner, friend and all-around dude Jérôme Piroué. If you know your recent comics movies skip to 1 minute 55 seconds to see owner and shop, a home away from home to me in three locations now over three decades, somewhere I feel comfortable and unafraid to be me the way others do in pubs or at sports stadiums or wherever, Oh, and it's in French, no English subs. But I know that's not really a problem for those on my [facebook] feed"https://www.youtube.com/watch?v=g139Lvl9iIE
Where's Superman when you need him ? |
www.auparadoxeperdu.com
Le blog d'un grand fan:
https://sadfran.wordpress.com/2016/05/10/souvenirs-dun-comic-shop-au-paradoxe-perdu/
Article paru dans la Tribune de Genève le 11 mars 2015 ICI
Le blog d'un grand fan:
https://sadfran.wordpress.com/2016/05/10/souvenirs-dun-comic-shop-au-paradoxe-perdu/
Article paru dans la Tribune de Genève le 11 mars 2015 ICI
Revue Point Final N° 1 : ICI
Le Paradoxe Perdu est le titre d’un roman de science-fiction de Fredric Brown
* ) le
salaire minimum à 4000 CHF/mois a été refusé en votation populaire au printemps
2014, au motif que cela mettrait en danger les petites entreprises et les
exploitations agricoles (CQFD). Le Conseil d’Etat genevois a adopté un arrêté en vertu
duquel la convention collective pour le secteur de la vente de détail a force de
loi et, partant, s’applique à tous les commerces. Les petits commerçants n’en
n’ont pas été informés. L’arrêté a été publié dans la Feuille d’avis officielle
et nul n’est censé ignorer la loi.
Arcades genevoises disparues
et remplacés par de grandes enseignes:
-
Literart,
librairie allemande, avalée par Payot et qui sera remplacée, dit-on, par une
pharmacie (il y en a déjà 5 ou 6 dans un périmètre de 300 m)
-
Le Radar et
la Crémière, remplacés par Benetton
-
Le Relais de
l’Entrecôte, remplacé par un restaurant concurrent identique. Forte
augmentation de loyer plus que vraisemblable
-
La
poissonnerie Ziwi, à la rue de la Rôtisserie a cédé la place à la pizzeria
Quirinale, tenue par
le prince Emmanuel-Philibert de Savoie - qui est maintenant fermé (4.2016) et sera remplacé par un autre restaurant
-
Au Vieux
Paris, liquidation en cours. L’immeuble et les arcades vont subir une
rénovation radicale. Les paris sont ouverts : Starbucks, Dessange, un
dépanneur…. ? Mise à jour: un salon de beauté et une auto-école occupent dorénavant les deux arcades (4.2016)
-
le très
populaire bar à café Cristallina à la rue du Rhône (probablement une
bijouterie….)
-
la
Coutellerie des rues basses a permis à PKZ de s’étendre
-
les deux
restaurants Mövenpick : l’une des arcades abrite maintenant une horlogerie
de grand luxe, l’autre a vu défiler une kyrielle de restaurants, actuellement un Mike Wong (fast food asiatique), alors que Mövenpick a très bien survécu à cet emplacement pendant des décennies
-
Tati et
toute la galerie annexe de Malbuisson est devenue le très chic Fourty-Two, rue du Rhône , avec une bijouterie Harry Winston. A un jet de pierre de là, on trouve Tiffany. A 500m, un magasin de fringues cède la place à un troisième diamantaire.
-
le tea-room
la Biscotte au rond-point de Plainpalais s'est fait déloger. Remplacé par un autre tea room (mais pourquoi diable avoir chassé les tenanciers historiques?)
- l'antiquaire scientifique à la rue du Perron sera remplacé par un marchand de vélo. Voir ICI
- l'antiquaire scientifique à la rue du Perron sera remplacé par un marchand de vélo. Voir ICI
- La Gaité, magasin de farces et attrapes à la rue de la Rôtisserie. Le magasin aurait fêté son centenaire en 2028.
-
La Gaieté,
rue de la Rôtisserie
-
Votre Santé,
magasin diététique au Bd Carl-Vogt (1974)
- le cinéma porno Le Spendid, voir ICI
- Informatika, 65 Bd de Saint-Georges, qui existe depuis 22 ans (1993)
- Cycles Girard, 3-5 rue Hoffmann, depuis 56 ans (1959)
- Informatika, 65 Bd de Saint-Georges, qui existe depuis 22 ans (1993)
- Cycles Girard, 3-5 rue Hoffmann, depuis 56 ans (1959)
et plusieurs drôles de
magasins à la rue des Corps-Saints : une boucherie, un luthier, un
grainetier, l’épicerie Lyzamir, un magasin qui vend des machines à écrire….
Sur ce sujet, voir aussi:
et
1 commentaire:
Aaah, Tiina, quelle nostalgie... A part cela, nous avons exactement le même problème à Georgetown... quelle tristesse... les banques, les commerces, les restos... too big to fail?? Pas vraiment... pour les librairies. Ici, à Washington, notre Barnes and Noble local a fermé ses portes pour donner place à un magasin Nike, au grand desespoir de Jessica. Mais merci pour ton témoignage du Paradoxe. C'est en effect une page qui se tourne, pour Jérôme, et pour la SF et les comics à Genève...
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