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lundi 26 décembre 2016

En mission à Panama



Panama City

Quand vous dites aux gens que vous partez en mission au Panama, vous avez évidemment droit à des allusions aux Panama Papers, aux comptes secrets et aux valises pleines de billets. Mais le Panama, ce n'est pas que ça! En l'occurrence, il s'agissait d'une conférence internationale sur la sécurité sociale.


Partir pour Panama, ce n'est pas comme partir au Luxembourg - allusions financières mises à part. D’abord, avant de partir, il a fallu faire une demi-douzaine de vaccins: fièvre jaune, typhoïde, hépatite A, polio, grippe (à cause de la grippe aviaire) et acheter de la prévention contre le paludisme (Malarone), ainsi que des sprays anti-moustique, version tropicale.
 
Marchands ambulants au milieu de la route
Afin d'éviter tout ennui avec l'immigration à Panama, il a fallu faire faire un laissez-passer ONU (passeport neutre), faire faire une photo d'identité au format américain et demander un visa pour ce laissez-passer, ce qui était un peu étrange, étant donné qu'avec un passeport suisse, aucun visa n'est nécessaire. Finalement, aucun visa n'était requis. Et j'ai passé le contrôle avec mon passeport suisse, comme une lettre à la poste. Ma foi, on n'est jamais trop prudent.
 
On vous aura averti!
À ce stade, je commençais presque à regretter d'avoir accepté cet engagement, ça devenait carrément un peu lourd et compliqué. En plus, on y allait en pleine saison des pluies. Quels vêtements emporter ? Climat tropical mais pluvieux avec des salles climatisées, donc frigorifiques; prévoir des manches longues à cause des moustiques; emporter un imperméable, des lunettes de soleil, des tongs et un parapluie, des pashminas pour l'intérieur et des bermudas pour l'extérieur; de la crème solaire, de l'anti-moustiques et du gel désinfectant pour les mains. Bref, tout ce qu'on emporte normalement pour aller travailler.


La traversée de l'Atlantique durant environ 11 heures, nous avons eu droit à un vol en business class, ce qui n'était pas du luxe, étant donné que nous devions être en état de travailler à l'arrivée, malgré le décalage horaire. Lufthansa reçoit ten points pour l’accueil, le confort, le service, le repas et le sommeil en position horizontale. Une bonne sélection de divertissements aussi : j'ai pu visionner la moitié de Toni Erdmann, juste assez pour me demander pourquoi tout ce battage autour de ce film. Je me passerai volontiers d'en voir la fin.

À l’escale de Francfort, je suis passée pour la première fois par un contrôle de passeport biométrique automatisé: il fallait entrer dans un sas dans lequel le visage du voyageur est reflété sur la porte en verre de la porte de sortie du sas, comme dans Minority Report, Gattaca ou équivalent. Au retour, toujours à Francfort, c'était le contrôle rayons X avec scan corporel, alors qu'on sortait d'un avion et qu'on était a priori déjà dans une zone contrôlée. Ma foi, ça commence à être la norme de nos jours. Un peu comme le marché de Noël à Strasbourg, où le vieux centre est désormais interdit aux voitures et où les piétons doivent ouvrir leurs sacs avant d'entrer dans l'enceinte sécurisée ; des CRS et des militaires armés qui patrouillent dans les rues ; des camions en travers des ponts pour empêcher un massacre dans le style de Nice ou Berlin. A l'aller, le train avait 1h20 de retard à cause d'un colis suspect en gare de Sélestat. La routine, quoi.... Mais je m'égare.


En arrivant à Panama City, il a fallu poser ses dix doigts sur un lecteur d'empreintes digitales, puis déposer ses bagages aux rayons X avant de sortir de l'aéroport. Chercheraient-ils des armes? Ou des billets de banque ?

Le bus navette de la conférence a mis 1h30 à faire les 22km qui nous séparaient de l'hôtel, à cause des bouchons. En effet, nous devions franchir le Puente de las Americas, seul passage possible. Ce pont porte bien son nom puisqu'il relie littéralement les deux moitiés du continent américain.

Nous étions logés dans l’hôtel de la conférence, le Westin Bonita Playa, très luxueux, avec des chambres immenses, mais avec une climatisation bruyante bien qu’indispensable - y compris les moteurs de la climatisation à l’extérieur, au pied de l’hôtel. J’ai dû dormir avec des bouchons dans les oreilles alors que la chambre était autrement parfaitement silencieuse. Nous avons reçu un bracelet comme à Paléo ou au ClubMed, qui nous donnait droit au forfait All Inclusive, ce qui était bien pratique, surtout pour les repas avec les collègues (pas besoin de faire de longs calculs). Seul bémol pour cet hôtel autrement parfaitement agréable : il y avait de la musique partout, mais absolument partout ! Sauf dans les restaurants, étrangement. En effet, il est impossible de nos jours de manger dans le calme et le zen, notamment le petit-déjeuner. 

Ecluses de Miraflores
La monnaie qui a cours au Panama est le dollar américain, les pièces de monnaie s’appellent cependant des balboa, selon le nom du conquistador qui a découvert la côte du Pacifique. Le casco antiguo (vieille ville) est absolument charmant, mais est en train de se boboïser avec des bars branchés, des restaurants chics, des aliments bio etc. Parmi les choses à voir dans les environs immédiats, il y a bien sûr les écluses de Miraflores et le centre de visiteurs du Canal de Panama, qui est très intéressant. A proximité, on trouve Quarry Hill, qui permet d’avoir une belle vue panoramique sur les environs, mais c’est un site qui est malheureusement fermé les week-end (pratique !). Les gravats de la construction du canal ont permis de construire la Calzada de Amador (Amador Causeway), qui est une chaussée rectiligne qui rattache quatre petites îles au continent. C’est un lieu de loisirs, avec des vélos à louer, des bistrots et quelques boutiques. L’histoire du Canal de Panama est absolument passionnante, mais cela fera l’objet d’un autre texte (voir ICI).
Format de prise



Panama, Puente de las Americas, Corazon del universo
 
 

mercredi 19 octobre 2016

Interpréter à l'Office européen des brevets (Munich)

Figure d'un brevet de pince à linge


Ce texte ne représente pas la position officielle de l’OEB et son contenu n’engage que son auteur.

L’Office européen des brevets (OEB) a son siège à Munich, travaille en trois langues officielles (français, anglais, allemand) et recourt à l’occasion aux services d’interprètes de conférence dans ces trois langues. L’Office examine des demandes de brevet du point de vue de leur conformité à la Convention sur le brevet européen (CBE). Les interprètes interviennent lors de procédures d’opposition, c-à-d lorsque le bien-fondé d’un brevet est contesté par le titulaire d’un brevet similaire ou par toute tierce partie qui souhaiterait faire opposition. La décision de maintenir ou de révoquer le brevet pourra ensuite faire l’objet d’un recours devant la chambre de recours.

Pour qu’une invention puisse jouir de la protection d’un brevet, elle doit remplir trois conditions (art 52 CBE) : être nouvelle, faire preuve d’activité inventive et avoir une application industrielle. Les inventions protégées d’un brevet représentent des enjeux commerciaux majeurs, ce qui justifie tous les efforts déployés – y compris financiers – pour les défendre. Les motifs d’opposition à la délivrance d’un brevet figurent à l’art. 100 de la CBE. Les arguments invoqués pour attaquer un brevet peuvent être l’insuffisance de la description (l’homme du métier doit pouvoir reproduire l’invention sur la base du brevet) ou encore l’extension de l’objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée.

Une invention à breveter ?
Lorsque les parties en litige demandent la tenue d’une procédure orale, destinée à récapituler et à compléter les arguments déjà échangés par écrit, elles peuvent demander qu’il y ait des interprètes dans les trois langues officielles. La langue de procédure est celle du brevet contesté. Les examinateurs de l’OEB maîtrisent les trois langues, mais doivent mener les débats dans la langue de procédure. Il peut arriver que les trois cabines travaillent, mais il n’y a généralement que deux langues interprétées - voire une seule - celles des parties au litige.

Le premier membre de la division d’opposition (de la chambre de recours, selon le cas) préside la séance et ouvre la procédure, en annonçant le titre du brevet, son numéro ainsi que le numéro de la demande. Il donne les noms des parties en présence, qui sont le titulaire (c-à-d l’inventeur) le cas échéant, les mandataires (avocats spécialisés en brevets) qui représentent le titulaire (si celui-ci a choisi de se faire représenter) et la/les partie(s) opposante(s). Ceux-ci sont parfois accompagnés d’experts, qui ne peuvent s’exprimer que s’ils en ont fait la demande dans les délais. Les procédures sont généralement publiques. Le président invite ensuite les parties à présenter leurs requêtes. Sans surprise, la titulaire demande le maintien de son brevet, alors que l’opposante demande sa révocation. Les parties attaqueront les arguments de la partie adverse sur le fond ou en invoquant des règles de procédure.

La division d’opposition est généralement composée de trois personnes, le président de la division et deux membres, dont l’un rédigera le procès-verbal; un représentant du service juridique peut également être présent. Elle entame l’examen de la nouveauté du brevet contesté, en donnant la parole, à tour de rôle, à la titulaire et à l’opposante (aux opposantes, selon le cas). La séance sera suspendue à plusieurs reprises, afin de permettre à la division d’opposition - la chambre de recours, s’il s’agit d’un recours - de débattre des arguments avancés par les parties. Le brevet contesté sera comparé à l’état de la technique, c-à-d aux brevets précédents relatifs à des inventions similaires ou à des publications techniques, scientifiques ou encore à de la littérature spécialisée qui ne relève pas du domaine des brevets. Ces documents invoqués pendant la procédure s’appellent des antériorités et sont numérotés D1, D2, D3 etc.

Si le brevet est reconnu comme nouveau, la division d’opposition passera à l’examen de l’activité inventive. Pour qu’il y ait invention, le brevet ne doit pas découler de façon évidente de l’art antérieur (ce qui existe déjà). L’invention peut être le fruit de la combinaison de deux précédents brevets, mais cette combinaison doit faire preuve d’activité inventive. Enfin, la nouveauté ou la différence par rapport à ce qui existe déjà doit être utile ou intéressante, c-à-d avoir une application industrielle. Les brevets portent soit sur des réalisations (objets, machines) ou des procédés (méthode pour faire ou produire quelque chose).

Si la division d’opposition parvient à la conclusion que  le brevet n’est pas inventif, la titulaire peut soumettre des requêtes subsidiaires, qui sont des variantes des revendications contenues dans le brevet. Les fascicules de brevet sont rédigés selon un schéma bien précis : la première page contient toutes les informations de procédure, le titre et le numéro du brevet, le nom du titulaire etc… Vient ensuite une description de l’invention, la définition du problème à résoudre, éventuellement des renvois à l’art antérieur, parfois des exemples et enfin les revendications, dans les trois langues, donnant toutes les indications techniques de l’invention faisant l’objet de la demande de brevet. A la fin du fascicule de brevet, il peut y avoir des figures, dessins, schémas et croquis de l’invention. Les revendications comportent de nombreux paragraphes, rédigés de façon très répétitive, technique et selon des règles très précises. Il y a les revendications indépendantes et les revendications dépendantes, qui sont celles qui renvoient à une précédente revendication (« Procédé selon la revendication 1….. »). Les requêtes subsidiaires présentées par la titulaire dans le cas où la nouveauté lui serait refusée, ressemblent énormément aux revendications du brevet original, du moins aux yeux de l’interprète profane. Ces requêtes subsidiaires peuvent être nombreuses et la procédure peut durer toute la journée si la division d’opposition les admet et décide de les examiner jusqu’à la dernière. La journée est émaillée de nombreuses suspensions de séance, pour permettre aux membres de la division d’opposition de pondérer les arguments des parties. La procédure s’arrête lorsque le brevet est déclaré nouveau et inventif (ces deux conditions devant être remplies) ; s’il est révoqué et que la titulaire est à court de munitions, elle s’arrête aussi. Le président de séance prononce alors – dans la langue de procédure –  la décision de la division d’opposition, le maintien ou la révocation du brevet, et informe les parties qu’elles peuvent faire recours.

Source: http://artggsb.blogspot.ch/2014_05_17_archive.html
En prévision de la procédure, les interprètes reçoivent les documents bien à l’avance, afin de pouvoir se préparer : le fascicule de brevet (B1), la demande telle que déposée (A1), les antériorités, qui sont numérotées D1, D2, D3 selon les indications figurant dans les documents, les requêtes subsidiaires de la titulaire, s’il y en a, l’avis provisoire de la division d’opposition (un document sans aucun en-tête), ainsi que les échanges de correspondance entre les parties. Il convient de trier tous ces éléments, afin de les étudier dans l’ordre qui paraît le plus judicieux (chacun à sa manière, bien entendu !). Les revendications dans les trois langues permettent de faire un glossaire sommaire. Quant au reste, qu’il s’agisse de formules chimiques, de pare-brises d’avions, de papier cigarette ou de verrouillage central…. chacun pour soi et dieu pour tous ! Les dictionnaires Ernst sont dorénavant rattrapés par Google, Linguee, Wikipedia et toutes sortes de glossaires en ligne. Comment diable faisait-on autrefois, sans internet et la WiFi en cabine?

A fin de mieux comprendre à quoi ressemble un brevet, voici celui du Post-itSon histoire a connu de nombreux rebondissements, notamment à cause de son manque d’application industrielle (une colle qui colle mal…..). Jusqu’à ce que quelqu’un fasse preuve d’activité inventive en trouvant une bonne idée pour cette erreur de parcours. Enfin, il a fallu pouvoir compter sur les talents de celui qui a réussi à commercialiser l’invention, qui est dorénavant incontournable et présente dans tous nos bureaux.
Cependant, un Américain attaque 3M, affirmant que c’est lui qui aurait inventé le Post-it en 1973. Selon un article paru dans la Tribune de Genève, le chiffre d’affaire des Post-it s’élevait à 4,4 milliards de dollars en 2015.

En gras, des termes relatifs aux procédures de brevets.
Article paru sur le site de l'aiic

Voir aussi: 
Le déroulement de la procédure sur le site de l’OEB.
L'interprète de conférence, un artiste vagabond qui permet d'être entendu par Jacky Neff


mardi 9 février 2016

Multitasking : Interpreters do it Simultaneously





"Mais comment faites-vous?" C’est l’éternelle question que l’on adresse aux interprètes. En effet, il semble tout à fait surhumain, voire magique d’être capable d’écouter une langue étrangère et d’en parler une autre (généralement sa langue maternelle) en même temps. Mais voilà. De nos jours, les interprètes font bien plus que cela. Ils lisent aussi des textes, qui ne correspondent pas forcément à ce qu’ils entendent dans leurs écouteurs. Et en plus, ils manipulent leur ordinateur ou leur tablette à la Recherche du Discours Perdu… et parfois retrouvé.

Les délégués lisent quasiment tous leur intervention. L’expression orale est en voie de disparition, car trop spontanée. C’est trop risqué. Le message doit être parfaitement contrôlé, encadré, à l’abri du moindre lapsus ou dérapage. Et pourtant, on laisse les interprètes se débrouiller pour traduire oralement des discours extrêmement écrits, où chaque mot a été soigneusement pesé et scruté avant d’être couché noir sur blanc. 

…. notes that the Government has repealed the Essential National Industries Decree in July this year, has agreed to reinstate mechanisms for managing employment grievances which had been discontinued by the Decree, has agreed to restore the check off facilities and arrangements for the deduction of union dues, and has agreed to refer to the Committee of Arbitration the current legislative definition and breadth of what should constitute an essential industry ….


Pourtant, les organisations qui ont recours à des interprètes commencent à se rendre compte à quel point il est absurde de faire se déplacer des participants venus des cinq continents, parmi lesquels il y a parfois des ambassadeurs et des ministres, pour leur faire écouter les bribes que les interprètes arrivent à attraper. Car les discours sont non seulement lus, mais ils sont lus vite, et même très vite parfois.

C’est pourquoi différents systèmes ont été mis au point pour éviter qu’on ne doive regarder le délégué lire l’écran de son iPad. La communication véritable, c’est quand le délégué partage son texte avec ses truchements, car c’est ainsi que son message passera le mieux. Et de nos jours, avec la WiFi, rien de plus facile!

A l’heure actuelle, il existe deux systèmes qu’on pourrait qualifier de Push ou Pull. Soit l’interprète va consulter un site sur lequel il aura quelque chance de trouver un discours qui lui soit utile (Pull), soit il les reçoit par dans sa messagerie électronique (Push). Pour cela, il doit:
  • Dévérouiller l'écran de son iPad ou de son ordinateur
  • Faire ou refaire le log-in pour accéder au réseau WiFi, pour la 23ème fois de la journée
  • Aller sur le site de l’organisation/de la conférence pour laquelle il travaille
  • Ensuite, il n’y a plus qu’à chercher le bon discours parmi les 58 discours qui sont arrivés au cours des six dernières heures
Tout en continuant à interpréter et tout en manipulant son ordinateur/tablette pour l'empêcher de se mettre en veille. 

The report also points out that each aspect of the Action Plan has been addressed. We understand that some challenges remain, particularly in terms of awareness raising and the behavioural change needed in the public. However, we believe that progress can be sustained and the ultimate objective of total elimination of FGM can be best achieved by adopting a much broader and comprehensive approach that focuses on increasing opportunities for the empowerment of women and girls, promoting rapid rural development and addressing socio-economic factors such as poverty.

Bien souvent, les discours sont envoyés au moment où ils sont prononcés. Parfois, ils sont envoyés après avoir été prononcés, ce qui signifie qu’ils viennent s’ajouter à la masse des discours reçus, sans pour autant servir à quoi que ce soit. En effet, le discours déjà prononcé n’a aucun intérêt pour les interprètes, car – c’est un scoop – nous ne les lisons pas une fois notre journée de travail terminée.

Parmi les discours que nous recevons, il y a ceux de la veille, ceux qui sont dans des langues que l’interprète n’a pas, il y a ceux qui ont été modifiés depuis et il y a ceux qui atterissent parmi les spams et qu’on retrouve une semaine trop tard. Dans le tas, il y a aussi des invitations à rejoindre un parfait inconnu sur LinkedIn.

With the Millenium Action agenda we have already committed to develop and operationalize a global strategy for vocational training in developing countries. In this regard, we recommend the Organization for drawing a well-balanced strike among various dimensions of its work programme for capacity building while approaching SDGs. We believe there is more to offer in our efforts towards achieving these goals with particular focus to productive employment for young people. 
Mais voilà que notre gobelet à eau est vide! Il faut sortir de cabine et faire 50 ou 100 mètres dans le corridor jusqu’à la fontaine. Au retour, il faut dévérouiller son écran, refaire son log-in…. (voir ci-dessus).

Une chose est certaine: les textes des interventions devraient absolument être classés par séance, c-à-d qu’on sache exactement à quelle réunion ils correspondent et être libellés en conséquence. Si la mention sous «Objet» se contente de dire «Intervención de Guatemala» ou «PPP» ou encore «Réfugiés» alors que le texte est en anglais, on perd un temps et une énergie folle. On ouvre le mail pour constater que le discours correspond au point 11 qui sera traité demain (par une autre équipe) ou qu’il s’agissait du point 5, qui a été examiné hier. Etant donné que nous ne connaissons notre programme qu’une demi-journée à l’avance, il est impossible de savoir quels sont les discours qui risquent éventuellement de nous concerner.

Lorsqu’il y a deux pièces jointes dans un même mail intitulé « Speeches for tomorrow », c’est parfaitement ingérable. Si les cinq pièces jointes concernent cinq séances différentes, autant laisser tomber. Ou alors, il faudrait essayer d’organiser les textes dans différents dossiers, dans l’espoir de les retrouver quand on en aura besoin. Sachant qu’il y a plusieurs équipes qui travaillent par rotation et que, sur le volume global, chaque interprète n’utilisera, à vue de nez, que 10% des discours reçus.

Il arrive aussi que les délégués ou le secrétariat de la conférence ne retrouvent plus le Power Point dont ils ont besoin, parmi les 15 exposés qui s’affichent sur leur écran.

Specifically, we have conducted a needs assessment survey for proper employment, surveys related to expansion of unemployment insurance and other aspects of the social security system, and surveys related to vocational training. We are also planning to continue to provide various types of technical assistance.

Dans ce métier, il faut non seulement bien connaître ses langues, mais il est absolument essentiel de maîtriser l’informatique et de bien savoir naviguer sur internet. Les documents des conférences nous arrivent de plus en plus souvent sous forme de liens et nous devons nous préparer sur nos écrans, sans possibilité de faire des annotations. Un PDF de 50 pages est parfaitement décourageant, tout comme le sont quinze liens vers une pléthore d’information, qu’il faudrait consulter en plusieurs langues. Mettre deux versions linguistiques en parallèle sur un écran est souvent difficile. A moins d’avoir deux ordinateurs, évidemment.

A mes débuts dans la profession, il n’y avait pas encore internet et tout était beaucoup plus lent. Plus concret, aussi. A l’arrivée des nouvelles technologies, les collègues dans la quarantaine et plus étaient très inquiets et déstabilisés, mais tout le monde a bien dû s’y mettre (il y a bien quelques vétérans qui résistent encore….). De nos jours, tout passe par internet : notre programme de travail, nos contrats, les demandes d’avances et de rétribution, les disponibilités, selon les organisations. On y trouve souvent aussi des glossaires et toutes sortes d’informations pratiques ou administratives (niveau de sécurité, accès aux bâtiments, renouvellement des badges [voir ICI] etc.)

Il arrivait autrefois que le délégué vienne nous voir en cabine en brandissant une clé USB (cinq minutes avant de faire son exposé sur son étude en psychiatrie clinique). C’était le bon vieux temps… maintenant, tout passe par le Cloud, Dropbox, un groupe Google ou encore l'appli Teamwork ou e-room, dont les interprètes sont bien sûr exclus. Dans une organisation internationale à Genève, ce que prononce la cabine anglaise est sous-titré automatiquement. D’ici que je prenne ma retraite, ce seront sans doute ce genre de logiciels qui traduiront les textes des délégués. Et finalement, tout le monde pourra rester chez lui, la communication se faisant toute seule par robots interposés. La couche d’ozone vous dira merci !



Paru sur aiic.net: ICI


Fast talking MEP's drive interpreters crazy

Why Fast-Talking MEP's are not just Bad News for Interpreters

Some of my best friends are interpreters
"European Parliament procedures bring some interesting challenges however, and a key one is that when you have limited speaking time ... people, rather predictably, try to maximise it and carefully write speeches to get as much into their 1 or 2 allotted minutes. As a result, what people are confronted with is not so much a minute of spoken language, but a minute of densely packed written language, read out."

mardi 28 avril 2015

GUF: késaco?


Parmi toutes les organisations qui utilisent les services d’interprètes de conférence, les Fédérations syndicales internationales sont peu connues. Elles ont pourtant, elles aussi, négocié et conclu un accord régissant les conditions de travail des interprètes qui travaillent pour elles.
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L’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC) rassemble des interprètes du monde entier, qui travaillent sur différents marchés et principalement dans deux secteurs: le secteur non-conventionné - qui connaît différentes dénominations, telles que marché privé ou PRIMS, dans notre jargon - d’une part et le secteur conventionné d’autre part.

Comme son nom l’indique, le secteur conventionné englobe tous les engagements professionnels qui se font dans le cadre d’un accord négocié entre les interprètes (l’AIIC) et l’organisation qui les emploie. Sur le marché du travail, on appelle cela généralement une convention collective. En échange d’un certain volume de travail et d’une certaine fidélité (parfois relative) de l’employeur vis-à-vis de ses prestataires linguistiques, ceux-ci s’engagent à travailler dans un cadre convenu lors de négociations. L’employeur, quant à lui, s’engage à respecter certaines conditions de travail, telles que la durée des séances ou les périodes de repos. Selon les secteurs (UE, GUF), l’employeur verse une contribution à la prévoyance vieillesse. La rémunération journalière est également définie. Ces accords ou conventions encadrent ainsi toutes les facettes et toutes les situations qui peuvent se poser lors d’une conférence avec interprétation simultanée.

Tout le monde connaît l’ONU ou l’UE comme débouché professionnel pour des interprètes. Il est toutefois un secteur mystérieux et peu connu, même au sein de l’AIIC, et qui porte un acronyme étrange: le secteur GUF. Alors késaco?

GUF est le sigle de Global Union Federation, qui se traduit en français par Fédérations syndicales internationales. De par leur nature internationale, ces grandes fédérations sont forcément appelées à se réunir en plusieurs langues et aux quatre coins du monde. Elles font donc régulièrement appel à des interprètes. La majorité des GUFs - ou FSI - ont leur siège à Genève ou à Bruxelles, où se déroulent la plupart de leurs réunions. Il leur arrive parfois de tenir une réunion régionale ou thématique dans un autre pays et, tous les quatre ou cinq ans, elles ont un congrès qui se tient sur l’un des cinq continents, généralement par rotation.



Les réunions et conférences des FSI se font généralement avec les grandes langues habituelles (en Europe): anglais, français, allemand, souvent l’espagnol, parfois l’italien. Les pays nordiques ayant une longue tradition syndicale et comptant parmi les principaux sponsors du mouvement syndical international ont souvent voix au chapitre et il n’est pas rare d’avoir de l’interprétation suédoise, soit active, c-à-d qu’il y a une cabine suédoise, soit passive, ce qui signifie que les délégués peuvent s’exprimer en suédois, mais doivent écouter une autre cabine lorsqu’ils ne comprennent pas les langues parlées. Il arrive ensuite souvent que, par exemple, la délégation turque ou hongroise ait son propre interprète, souvent un camarade syndicaliste, qui chuchote à côté de ses compatriotes et offre une interprétation en consécutive si celui-ci souhaitait s’exprimer dans sa langue.

Chaque fédération internationale est une organisation qui regroupe, à l’échelle mondiale, les confédérations syndicales nationales, ainsi que les syndicats des branches correspondantes. Ainsi, l’Internationale des Services Publics (PSI) aura comme organisations affiliées les syndicats représentant les fonctionnaires et agents de la fonction publique des différents pays du monde. L’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) rassemble, comme son nom l’indique, les travailleurs de la foresterie et de la construction.


Certaines fédérations syndicales sont très puissantes, comme par exemple AFL-CIO aux Etats-Unis, dont les cinéphiles connaissent le logo, étant donné qu’il apparaît toujours à la fin des génériques des films américains. D’autres grandes confédérations qui ont rang d’interlocuteur dans le débat national sont, par exemple Ver.di ou encore IG-Metall en Allemagne. Ces grandes confédérations syndicales surveillent le monde du travail dans leur pays respectifs et lancent également de nombreux projets d’aide au développement (formation syndicale, aide à la création de syndicats, recrutement de membres etc....), surtout celles des pays du nord ou nordiques (LO-TCO en Suède, par exemple). La Fondation Friedrich Ebert est aussi souvent mentionnée dans les réunions où travaillent les interprètes. 

Les fédérations syndicales internationales suivantes sont celles qui ont conclu un accord avec les interprètes de conférence, représentés par leur association, l’AIIC :


·                    Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB)
·                     Internationale de l’Education (IE)
·                     Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP)
·                     Confédération syndicale internationale (CSI)
·                     Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l'énergie, des mines        et des industries diverses ;  Fédération internationale des ouvriers de la métallurgie ; Fédération 
internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir  [i]
·                     Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA)
·                     Internationale des Services Publics (PSI)
·                    UNI Global Union


L’AIIC fonctionne, elle aussi, telle une GUF pour les membres qu’elle représente, étant donné qu’elle négocie les conditions de travail avec les grands employeurs que sont les organisations internationales, l’Union européenne et d’autres. L’AIIC ne chapeaute cependant pas de syndicats nationaux d’interprètes, qui n’existent pas, mais plutôt des régions et des secteurs. Il n’a jamais été possible de faire de l’AIIC un véritable syndicat, les collègues s’y opposant et la nature de la profession ne le permettant pas (trop grande variété de circonstances, selon les continents, les clients/employeurs et le type de réunion).

Paru sur www.aiic.net

Louis Majorelle

* * * * *
Voir aussi:
Historique et vue d’ensemble du mouvement syndical dans l’histoire et dans le monde.



[i] A noter que la FIOM (Fédération internationale des ouvriers de la métallurgie)  a englobé ICEM (chimie et mines) et ITGLWF (textiles, cuir, chaussures) pour former un nouveau mégasyndicat appelé IndustriALL Global Union. UNI est également le fruit d’une fusion entre la FIET (International Federation of Employees, Technicians and Managers), MEI (Media and Entertainment International), IGF (International Graphical Federation and CI (Communications International) et s’appelle Uni Global Union depuis 2009.