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samedi 18 mai 2013

Tapons dièze au pays des Shadoks



Les Suisses romands appellent volontiers leurs voisins français des Shadoks et depuis que j’ai à m’occuper des démarches administratives de ma mère, je comprends enfin pourquoi. Je parle pourtant couramment le français, mais j’ai l’impression d’être sur la planète Mars et de parler à des gens qui sont restés coincés quelque part dans les années soixante, comme si l’électricité, le téléphone et internet n’existaient pas - alors même qu’il s’agit de s’affairer avec des services tels que Orange et Poste Mobile.

La boutique Orange - celle où on peut parler à des êtres de chair et d’os - affirme qu’il n’est pas possible de suspendre l’abonnement internet d’une résidence secondaire quand on n’est pas là, alors que c’est faux. Il existe - pour ceux que cela peut intéresser - un abonnement moins cher dit Découverte 2010 (probablement l’année d’invention de cet ingénieux système). C’est un conseiller du 3900 - pour connaître le tarif de cet appel, tapez 1 - qui me l’a appris. Ce même conseiller m’a vivement déconseillé de modifier la formule par écrit, car l’abonnement risquait tout bonnement d’être résilié. Rectificatif au 22.5.2013: la formule Découverte 2010 n'existe pas, le conseiller Orange m'a donc raconté n'importe quoi. Ce qui ne change rien à la teneur du message de ce billet. CQFD.
Rectificatif juillet 2013: La formule Découverte 2010 existe au pays basque (64), mais il faut rendre la Livebox (= modem) à chaque suspension de l'abonnement, ce qui est très pratique, vous en conviendrez.


Ça se passe comme ça, en effet, au pays des Shadoks, ma mère en a fait l’amère expérience. Nous avons modifié son abonnement afin de retirer des options que mon père, décédé depuis trois ans, avait choisies, à savoir une clé 3G et Gigamail, dont ma mère n’avait évidemment pas besoin. Le simple fait de renoncer à des options supplémentaire a provoqué la résiliation pure et simple de sa connexion internet. J’ai appelé le 3900 moulte fois - pour connaître le tarif de cet appel, dites Tarif - en prononçant Service technique dans le combiné. Il faut reconnaître que la reconnaissance vocale fonctionne fort bien. Le service technique me dit alors que, pour un problème de résiliation, je devais appeler le Service commercial. Je prononce alors Service commercial après m’être entendu dire que je devais dire Tarif si je voulais connaître le prix de cet appel. Le Service commercial affirme qu’il n’y a eu aucune résiliation, si la connexion internet ne fonctionne pas, je dois appeler le Service technique. J’ai fait ce ping pong environ quatre fois. C’est en réessayant quelques jours plus tard que je suis tombée sur une personne bienveillante, dont les yeux étaient en face des trous, qui avait autre chose que du fromage blanc entre les oreilles, qui a enfin compris qu’il y avait une couille dans le potage et qui, visiblement, a fait ce qu’il fallait pour que les choses rentrent dans l’ordre. A noter en passant qu'en France, il faut louer son modem (Livebox) 3€/mois, alors qu'en Suisse, il est gratuit (chez Swisscom du moins), étant donnée que c'est un accessoire indispensable pour avoir accès à internet. Imaginez qu'il vous faille louer votre téléphone fixe... ça paraît non seulement inconcevable, mais parfaitement idiot et contre-productif.

Ma mère a ensuite eu la mauvaise idée de souscrire à un abonnement de téléphonie mobile à la Poste - alors qu’elle entend très mal - sur le bon conseil d’une voisine qui lui a dit qu’on ne pouvait pas appeler à l’étranger avec une carte à pré-paiement. Il faut savoir qu’en France, l’univers s’arrête aux frontières de l’Hexagone. Si vous achetez des timbres pour vos cartes postales au bureau de tabac d’une localité très touristique, le buraliste ne connaîtra pas les tarifs hors-France, il ne connaîtra pas non plus les pays qui forment l’Union européenne, sauf La France, bien entendu. Il a fallu résilier cette boulette de toute urgence, afin que ma mère n’ait pas à payer 15€/mois pour un téléphone qu’elle n’entendra pas. Tout ce que je peux dire c’est qu’il est fort heureux que les gens chez Poste Mobile n’aient pas le code de la bombe atomique et qu’ils ne soient pas chargés d’opérer les gens de la cataracte, car on serait vraiment mal barrés....


Ils dépassent même les Shadoks. Ils nous ont re-renvoyé le téléphone mobile à grosses touches que nous leur avions renvoyé, puisque nous voulions résilier l’abonnement. Pourquoi, mystère. Est-ce que cela signifie que nous pouvons garder l’objet (payé 19€ avec un abonnement à 15€/mois sur 24 mois, ce qui est du vol pur et simple)? Le service clients est incapable de répondre. En outre, le service clients n’était pas au courant de la demande de résiliation envoyée quinze jours plus tôt, parce que «vous comprenez, avec tous ces jours fériés...» Evidemment, avec l’Armistice et le pont de l’Ascension, tout s’arrête. Il restait tout de même sept jours ouvrables et un courrier de Poste Mobile disant «Nous accusons réception de
votre demande de résiliation de contrat», lettre qui portait une date antérieure à celle de la conclusion du contrat. Visiblement, les gens qui écrivent les courriers ne communiquent pas avec les gens du Service clients et il n’y a ni téléphone, ni e-mail et surtout pas internet entre les deux. La Poste Mobile a en outre besoin, pour effectuer la résiliation, que nous leur communiquions le numéro de client et le numéro d’appel du téléphone mobile (qui figuraient, bien évidemment, sur notre courrier de demande de résiliation). S’ils sont incapables de trouver ces informations - ces numéros sont tout de même attribués par eux-mêmes - on est en droit de se demander s’ils sont capables de se rendre compte si les gens paient leurs factures ou pas. 


La lettre accompagnant le téléphone renvoyé en retour dit: «Vous n’avez pas déclaré le retour de votre mobile à la Poste Mobile, veuillez joindre votre Service Client...» , qui n’est donc pas au courant de la résiliation. Nous avons ensuite reçu un courrier disant, en substance: Nous vous accordons la résiliation et vous restez liés à Poste Mobile jusqu'en avril 2015. Le numéro du Service Clients figurant sur la lettre aboutit contre un mur (Ce numéro n'est pas en service) et le N° de contrat n'est pas celui de ma mère. Au secours!!! Ils accordent magnanimement la résiliation, mais ils ont néanmoins débité près de 200€ sur le compte de ma mère, ce qui correspond sans doute aux deux ans d'abonnement qu'elle a résiliés. Nous n'avons toutefois reçu aucun courrier nous disant s'il s'agit bien de cela ou s'il s'agit d'une erreur. Pour l'instant, il a été impossible de récupérer ce débit indu. Ma soeur disait qu'on dirait des débiles légers, à mon avis, ce sont plutôt des débiles profonds. GA... BU... ZO... MEU... continuons à pomper, ça ne pourra pas être pire....



Si vous avez un problème ou une question concernant Orange dans la Drôme, par exemple, vous ne pourrez pas aller dans n’importe quelle boutique Orange dans l’Ain ou la Haute-Savoie, car cela a beau être la même entreprise dans le même pays, les différentes agences ne sont pas reliées entre elles, ni par téléphone, ni par fax, ni par telex, ni par internet, ni par pigeon voyageur. Idem pour les banques. Et que se passe-t-il si un Français résidant dans l’Ardèche a un accident dans le Var? La Sécu est-elle capable de gérer un dossier qui chevauche deux départements? On n’ose pas imaginer le cas de figure où l’accident ou la maladie surviendraient à l’étranger.

Août 2013, dernières nouvelles de chez Orange: étant allés dans la boutique Orange de Montélimar (zone commerces, hors ville) pour changer une vieille Livebox (= modem) contre une plus moderne, afin de pouvoir y connecter le téléphone et la télé par internet, on nous répond qu'ils sont en rupture de stock à l'échelle nationale, "Vous comprenez, avec les orages....." Nous demandons si chez Orange centre ville, ils pourraient en avoir en stock. Ils ne peuvent pas nous répondre et ils ne peuvent pas leur téléphoner non plus, "parce que nous n'avons pas de ligne directe". Autrement dit, Orange extra-muros ne peut pas téléphoner à Orange intra-muros, distant de 5 km, parce qu'ils n'ont pas de ligne directe. Rappelons, à toutes fins utiles, qu'Orange est une société qui vend de la téléphonie et de l'internet. Très franchement, si nous avions réussi à repartir avec une nouvelle Livebox sous le bras et une connexion internet qui remarche immédiatement, j'aurais été très très étonnée.

Dans son livre A Year in Provence, Peter Mayle n’exagérait absolument pas, même si son témoignage porte sur les différents artisans qui ont retapé sa maison dans le Lubéron. Il n’y parle pas des labyrinthes bureaucratiques ni de l’omniprésent RIB1), sans lequel vous n’allez nulle part, autant dire que vous n’existez pas. Corinne Maier décrit cela fort bien dans son brulôt Tchao la France. Pour ouvrir une ligne téléphonique, il vous faut un RIB et pour ouvrir un compte en banque (et ainsi obtenir votre RIB), il vous faut une facture de téléphone comme preuve de votre domicile. Songeons aussi aux récents témoignages d’Anne Sinclair2) et de Tatiana de Rosnay3) qui ont chacune eu à se battre avec l’administration pour prouver leur francitude. Visiblement, avoir deux parents Français (Sinclair) ou être née en France (de Rosnay) ne suffit pas toujours.


Il faut des compétences très pointues pour s’occuper des choses courantes de la vie. Moi qui suis francophone, valide et dotée d’une intelligence raisonnable, j’ai beaucoup de peine dans ces méandres héxagonaux. Le moindre problème d’abonnement de téléphone équivaut à un chemin de croix, à genoux sur des graviers. Comment font donc les allophones, les impotents, les simplets ou les gens qui sont aveugles, sourds et muets face à tout ce qui ressemble à un guichet, à un formulaire ou à une hotline? Mieux vaut éviter d’avoir des pépins en France, car on finit par se retrouver dans une véritable jungle.

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La France est le seul pays du monde développé où on trouve encore des toilettes à la turque, dans les aires de repos d'autoroute. Et qui ne sont même pas propres...; le seul pays où les supermarchés ferment entre 12h et 14h; le seul pays où on utilise encore des chèques et où lesdits chèques ne permettent pas de retirer de l'argent liquide auprès d'une banque autre que l'émettrice du carnet de chèques. "Mais je n'ai pas accès à votre compte!" me dit la dame au guichet. Et comment font donc les magasins, pour utiliser les chèques que leur donnent les clients?

C'est sans doute aussi le seul pays où on trouve des hôtels qui sont fermés le dimanche en plein mois de juillet: "Il faudrait passer chercher la clé avant 14h!". Ben voyons.... Un autre hôtel attendait un groupe de motards, mais ne savait pas exactement à quelle date: "Il faudrait nous rappeler dans 15 jours". Et on se demande pourquoi la croissance a de la peine à redémarrer.


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  1. «Ne serait-ce que pour faire trois pas dans la rue, il est indispensable d’avoir sur soi un RIB. Quoi? Vous ne savez pas ce que c’est? Alors, vous n’êtes pas un vrai Français: le RIB, c’est un relevé d’identité bancaire. Une chose qui m’a étonnée quand je suis arrivée en Belgique, c’est que ce relevé n’existe pas. Incroyable, non? Comment font-ils pour être ... belges? Bien entendu, le RIB ne suffit pas. Il faut avoir lu le document de référence qui rend (exprès?) la règle du jeu illisible. Vous n’avez pas obéi aux instructions, effectué les démarches ad hoc? C’est votre faute: comment,vous n’avez pas déchiffré l’imprimé RF420-9850 affiché à trois mètres du sol, là-bas, à l’entrée? On vous fait la leçon: «C’est le règlement, vous devriez le connaître.» in: Tchao la France, Corinne Maier, éditions J’ai Lu, p. 92
  2. 21, Rue de la Boétie, Anne Sinclair, Le Livre de Poche. «Vos quatre grands-parents sont-ils français?»
  3. A l’encre russe, Tatiana de Rosnay, Editions Héloïse d'Ormesson. Il s'agit d'un roman, mais qui est inspiré de l'expérience personnelle de l'auteur. 

Voir aussi: Comment importer/exporter un véhicule

mercredi 14 mars 2012

En thalasso à Pornic



Qui n’a jamais rêvé d’une escapade, le temps d’un week-end, histoire de changer de rythme et de tout oublier ? C’est bien plus simple à faire qu’on ne le croit et je m’étonne toujours de ne pas m’offrir ce genre de mini-break plus souvent. Une de mes amies, fan de Groupon, nous a dégotté un super-deal : quatre jours à Pornic, petit-déjeuner et soins inclus, à moitié prix. L’affaire était dans le sac et nous voilà à Nantes, avec Easy Jet, après un vol d’une heure environ.

Un taxi navette nous a déposées à la porte de l’hôtel. Les formalités d’arrivée remplies,  nous nous sommes installées dans une belle chambre avec vue sur l’océan, avec des chaises longues et une immense terrasse. La première de nos missions a été de nous remplir d’urgence la panse avec des crêpes, accompagnées de cidre, comme il se doit. Après quoi nous avons marché jusqu’au petit village de Pornic, en empruntant la route des douaniers qui longe l’océan. Les restaurants se succèdent au bord de l’eau, des crêperies, bien évidemment, mais aussi beaucoup de poisson : sardines grillées, moules, noix de Saint-Jacques, fruits de mer… L’embarras du choix, en quelque sorte. 




L’acclimatation ainsi faite, nous voilà prêtes à affronter notre première demi-journée de soins. Tout d’abord, la douche à affusions : des pommes de douches vous arrosent assez fermement d’eau de mer, alors que vous êtes couchée sur le ventre. Au bout de cinq minutes, on vient vous dire de vous retourner, comme une crêpe, c’est de circonstance. Vient ensuite la massothermie : un lit sous lequel roulent et tournent des billes chaudes, qui vous massent de la tête aux pieds.. Ce soin-là ne m’a qu’à moitié convaincue, car les boules étaient dures et c’était par moments carrément un peu douloureux. Sans doute ne suis-je pas assez grasse. Ensuite, une demi-heure d’aquagym, c’est toujours très amusant. Puis le délice ultime, le bain aux algues : une baignoire-jacuzzi dans laquelle on vous oublie pendant 17 minutes.

Au programme le lendemain : l’argile des Moutiers, un emplâtre très chaud sur le dos et les épaules. On vous enveloppe tel un rôti dans du papier cellophane, le temps que ça agisse. Ensuite, une demi-heure de stretching dans le bassin, avec une monitrice qui a sans doute l’habitude de travailler en milieu hospitalier. Puis le bain aux huiles essentielles, à nouveau la baignoire-jacuzzi dans laquelle le temps s’arrête pendant 17 délicieuses minutes. Et pour terminer, le jet pression, la thalasso comme je me l’imaginais: vous vous tenez contre le mur pendant qu’on vous fusille avec un jet d’eau très puissant, par devant et par derrière.  Si après un tel traitement, vous êtes encore tendu et stressé, c’est qu’on ne peut vraiment rien pour vous !

le jet pression
L’hôtel Alliance est vraiment très agréable et bien conçu. Le personnel est compétent et aimable, sans être obséquieux. En effet, bien que la thalassothérapie soit tout de même quelque chose de plutôt luxueux et du domaine du superflu, l’ambiance n’était ni mondaine ni snob. Tout le monde est là pour être bien et pour être heureux. La clientèle était essentiellement française. Vous pouvez choisir de manger un menu bio dans l’un des deux restaurants de l’hôtel. Le petit-déjeuner était toutefois le seul point noir, le seul élément stressant dans cet oasis de bonheur. La salle était conçue de sorte à créer un embouteillage devant le buffet, entre les clients qui arrivent, ceux qui se servent et le personnel qui passe dans tous les sens, soit pour placer les convives, soit pour débarrasser les tables. En arrivant, on doit s’annoncer, signer une feuille et on ne peut pas choisir sa table. Et les chanceux qui ont obtenu une place à la fenêtre n’en profitent souvent pas : ils lisent le journal ou tournent simplement le dos à la mer. Quel gâchis !

L'hôtel Alliance à Pornic
La piscine, ou plutôt le bassin avec des buses massantes, était aussi un peu décevante. Non seulement, ils arrêtaient les bouillonnements dès qu’il y avait un cours d’aquagym – c’est-à-dire quasiment tout le temps – mais les buses n’étaient pas très nombreuse ni très intéressantes. A Mondorf-les-Bains par exemple (Luxembourg), il y a un véritable parcours de massage, qui commence par la nuque, puis les épaules, le dos, etc… Il est également possible d’aller dehors, même en hiver, tout en restant dans l’eau chaude, comme c’est le cas aussi à Loèche-les-Bains ou encore aux bains de Lavey.


Méditation créative

Les soins de base proposés dans notre offre nous ont amplement suffi, mais on aurait pu s’offrir bien d’autres massages, conventionnels ou ayurvédiques, modelages, soins du visage, réflexologie, réequilibrage des énergies ou ambiances planantes en sus. Comme par exemple le Sovitsu, une relaxation progressive, qui développe l’expérience corporelle du ici-et-maintenant, enrichissant ainsi la perception du schéma corporel et la prise de conscience des sensations. Pourquoi ne pas se laisser tenter par un matin slave : bain aux essences de tourbe, extraits de fucus, prêle et noisette dans une baignoire furo fait d’essence de pin japonais. Il est possible aussi de loger dans la bourgade de Pornic et de venir à l’hôtel pour la journée ou pour des soins ponctuels. L’hôtel met des peignoirs à la disposition de ses hôtes en échange d’une caution et les mules de bain sont obligatoires. Des sandales de plage sont aussi recommandées si on y va à une saison qui permet la trempette dans l’océan.

Nous sommes revenues requinquées, de corps et d’esprit, les poumons rincés à l’air marin et la peau revitaminée par le soleil. Nous avons découvert le kir breton (liqueur + cidre) et le curé nantais (fromage) sur toast, ainsi qu’une conserverie très frustrante, car quand on voyage en avion, on peut difficilement emporter 15 boîtes et pots de maquereau à la moutarde, de sardines millésimées marinées au muscadet ou de tourteau à tartiner, surtout si on n’a qu’un bagage à main. Bref, rien que du bonheur, une expérience à recommencer sans modération.



vendredi 12 août 2011

Voyage en Normalitude


Chaque fois que je vais à Saint-Jean-de-Luz (pays basque français), je suis frappée par l’atmosphère particulière qui y règne. Je vous parle bien sûr de la haute saison, qui connaît un doublement voire un triplement de la population. La ville et la région sont très fréquentées, essentiellement par des familles françaises. Des gens tout à fait ordinaires. Des gens tellement ordinaires qu’ils en deviennent extraordinaires.

Apparemment, la majorité des Français va en vacances en France. Ils y vont en voiture et aiment faire du camping. Il doit y avoir une dizaine de campings rien qu’à Saint-Jean-de-Luz et environs immédiats. Des Français moyens. Tiens... une expression qu’on n’entend plus. On parle certes de la France d’en-bas, mais ces vacanciers-ci tapent un peu plus haut. La classe moyenne va au camping, la classe moyenne-supérieure va à l’hôtel. L’élite va dans le Lubéron ou à Saint-Tropez, ou alors carrément aux Maldives. La France d’en-bas, quant à elle, ne va pas en vacances du tout.


Le vacancier normal va à la plage. Il est amusant d’observer cette population balnéaire. Au Pays de la Normalitude, les familles ont 1,5 bébé / enfant. Les papas s’appellent Jean-Pierre ou Patrick et j’ai entendu une maman appeler son petit garçon Martin. Martin … ! Et non pas Brayann ou Ethan [pron : étang]. Les fillettes ne s’appellent ni Cassandre ni Océane. On joue au tennis de plage, on lance un frisbee, on fait des mots croisés, on lit le best seller de l’été. Tout le monde est très calme et courtois. On ose laisser ses affaires sur sa natte de plage le temps d’aller se baigner, car on sait qu’on retrouvera tout intact et intouché à son retour.

Il y a beaucoup de monde partout, il faut parfois se battre dans la file pour les glaces, mais de façon générale, tout le monde cohabite pacifiquement et partage fraternellement l’espace de vie disponible. Des familles et encore des familles, qu’on ne vienne pas nous dire que la natalité est en baisse. Des couples de retraités également. Mais très peu de yuppies ou de gays ostensibles, pas de survêt’s et pantalons baggy, pas de tatoués-piercés, pas de disco-techno-ecstasy-à-Ibiza, ni carrés Hermès ni sacs Vuitton. Non, ceci n’est vraiment pas l’endroit pour ça. Je me rappelle toutefois que quand je suis venue à Saint-Jean-de-Luz seule, personne ne me regardait de travers ; les serveurs enlevaient le deuxième couvert sans poser de questions, comme si c’était la chose la plus normale au monde. Ailleurs, on ne vous apporte pas la carte tant que votre vis-à-vis n’est pas arrivé et parfois, on peut attendre très longtemps.


Au Pays de la Normalitude, il n’est pas rare que les familles aient des chiens. Sauf que les chiens ne sont pas des enfants. Les chiens ne sont pas admis dans les stations service. Les chiens ne sont pas admis sur les plages. Ils ne sont évidemment pas admis dans les églises, les musées, les châteaux. Il faut donc feinter et s’arranger ; aller acheter son pique-nique à tour de rôle ; aller à la plage en toute fin de journée. Les enfants peuvent hurler et pisser dans le sable, mais ce n’est bien sûr pas pareil. Il faut aussi trouver un hôtel qui accepte les animaux de compagnie, mais ce n’est encore pas trop difficile.

La Normalitude implique également qu’on ait l’usage de ses deux jambes. Les vacanciers, qui se déplacent tous en voiture, stationnent très volontiers leur véhicule sur le trottoir. Bien obligé, il n’y a tout simplement pas assez de places de stationnement et les transports publics sont pour ainsi dire inexistants. Il y a bien une handiplage et une audio-plage (pour les non-voyants), mais à mon avis, les handicapés ne peuvent pas vraiment aller ailleurs, la ville n’étant pas du tout organisée pour eux. Même en étant valide, on doit constamment se faufiler entre les voitures et les poussettes.

Alors remercions le ciel d’avoir la possibilité physique et les moyens matériels de partir en vacances, car ce n’est pas donné à tout le monde.

Ze French petit-déjeuner

dimanche 17 juillet 2011

Expérience lexico-gastronomique


A l’occasion d’un repas de famille, nous sommes allées manger dans un très bon restaurant que nous connaissons déjà depuis fort longtemps. Ma soeur a remarqué que le menu était aussi traduit en anglais, ce qui nous a offert une bonne rigolade en guise d’apéritif. Une boulette est si vite arrivée, comme ce calamar qui est devenu un "Tittenfisch" en allemand, littéralement un poisson-nichons. Ici, rien de cochon mais Google a malgré tout frappé très fort.

Voyons d’abord ce qu’il y avait comme entrées:

Assiette de crudités
Plate of raw vegetables

Soupe de poisson avec ses croûtons et sa rouille
Soup of Fish with and its crusts and his Rust

Assiette de jambon cru sur salade
Plate of Ham Believed on Salad (Believe it or not!)

Feuilletés de chèvre sur salade
Savoury pasty of nanny goat on salad (mais d’où sort la nanny?)


Les plats de résistance:

Cuisses de grenouilles à la persillade
Thighs of frog in Persillade

Gambas flambées au whisky
Gambas Fires in Whisky

Biscuit de saumon gratinée (attente 20 minutes)
Cookie of salmon browned (wait 20 minutes)

Gratinée de quenelle de brochet sauce normande
Browned by Quenelle of Pike Wipe Norman (something brown and wipes.... erm...)

Médaillon de Bloc de foie gras de canard
Locket of Foie gras of duck

Terrine de campagne sur salade
Bowl of campaign on Salad

Pavé de boeuf poêlé au Beurre
Paving of poelé Beef in the Butter

Filet mignon de porc à la graine de moutarde
Net darling de Porc in the Kernel of Mustard

Confit de canard et sa persillade
Confit of Duck and Sa Persillade

Emincé de gigot d’agneau et son jus au thym
Emincé of lamb’s leg and its Juice in the Thyme (a juice in thyme saves nine?)

Filet mignon de porc aux morilles
Pork cute net in Morels

Faux filet sauce au poivre
Wrong net Wipes in the Pepper

Brochette de boeuf
Kebab of beef

Filet de coeur de merlu blanc sauce au basilic
Net of heart of White Hake wipes in the Basil

Filet de sole tropicale sauce crevettes
Net of tropical Sole Wipes shrimps

Filet de carrelet farci aux crevettes
Net of plaice Stuffed in Shrimps

Filets de perche meunière
Nets of Poles miller

Truite au bleu
Trout in the Blue

Truite au vin jaune
Trout in the yellow Win

Sole meunière
Flour-milling Sole

Sauce forestière, Béarnaise
Sauce forested, from the Béarn

Sauce morilles
Wipe morels


Qu’un filet devienne Net, on peut encore comprendre, mais Wipes?
La carte des desserts n’était malheureusement qu'en français (something to look forward to...?)

Nous nous sommes demandées s’il fallait leur signaler que leur carte était traduite de façon calamiteuse. Ils nous ont sans doute vues pliées de rire sur leurs menus, les larmes aux yeux, les crampes au ventre. Ils ont dû se demander pourquoi je photographiais les énoncés des plats. Ma mère nous demandait de nous tenir tranquille, de peur qu’on ne nous expulse du restaurant. Ma foi, ils ont choisi de faire l’économie d’un traducteur fait de sang et de chair, ils n’ont que ce qu’ils méritent.

Ce restaurant offre cependant une très bonne table, que je recommande chaleureusement. Nous avons mangé sur une terrasse calme et ombragée, on y aurait volontiers passé tout l’après-midi. Il est recommandé de réserver et, comme dans tous les restaurants français en France, il vaut mieux prévoir de manger aux heures très conventionnelles des repas. En effet, nous avons pu constater qu’ils ont commencé à refuser des clients dès 13 heures, alors qu’il restait des tables de libres. Le cuisiner fait sans doute ses 35 heures. Alors qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse... et qu’on se lèche les babines en se payant une pinte de bon sang!
Entretemps, le menu a été traduit en anglais correct, du moins sur le site internet.

mardi 26 octobre 2010

Un roman français

La baie de Saint-Jean-de-Luz, vue de Sainte-Barbe
Quelle drôle d’expérience que la lecture de ce livre de Frédéric Beigbeder… J’avais l’impression de lire un avatar de Mars de Fritz Zorn (voir le sujet précédent) et en même temps, je lisais les souvenirs d’enfance de mon ex-Jules, dont la prime jeunesse semble être un calque quasi-parfait de celle de ce Parisien mondain.

Tout comme Fritz Angst, alias Zorn, Frédéric Beigbeder a eu le malheur de naître dans une famille aisée. Le Neuilly de son enfance était une sorte de Genève, un village trop propre, où l’air était trop pur… une ville où le temps ne fait que passer. Il n’a jamais manqué de rien, ses parents ne se disputaient jamais. Il a été un adolescent sagement malheureux. Il n’est pas mort d’un lymphome malin, mais il se distingue par une vie de bâton de chaise. C’est sa garde à vue suite à une consommation de cocaïne sur la voie publique, largement relatée par les médias, qui est à l’origine de ce livre. L’enfermement l’a obligé à se pencher sur sa vie et sur ses souvenirs d’enfance qui lui échappaient jusqu’alors.

Ces mémoires sont parcourues de descriptions du pays basque, où l’auteur a régulièrement passé ses vacances – tout comme Jules le fait depuis cinquante ans. L’évocation des plages, Cénitz ou Ilbarritz, du toro de fuego, des macarons de chez Adam, de Biarritz ou de Saint-Jean-de-Luz me chatouille le cœur, car ce sont là des souvenirs d’une des périodes sans doute les plus heureuses de ma vie. Tout comme Jules, Beigbeder avait un grand-père aristocrate et une grand-mère américaine. Tout comme la famille de Jules, ils avaient une belle demeure, la Villa Navarre à Pau, qui est devenue un hôtel de luxe. A la mort de l’oncle de Jules, le baron de … , la belle grande maison ancienne a été vendue. Elle aurait pourtant tout ce qu’il faut pour devenir, elle aussi, un Relais & Château ou en tous cas, une très belle maison d’hôtes. Elle le deviendra peut-être un jour et y séjourner deviendra alors une expérience incontournable.


Frédéric Beigbeder appartenant – à cinq ans près – à la même génération que moi, nous avons les mêmes références culturelles, qu’il s’agisse du lion Clarence qui louchait dans Daktari ou encore des distributeurs de pastilles Pez. Nous ne recevions toutefois pas les frères Bogdanov à dîner à la maison, ni le gratin parisien. Il écrit : ma vie n’est pas plus intéressante que la vôtre, mais elle ne l’est pas moins. Les mémoires d’un contemporain ne sont certes pas moins dignes d’intérêt que celles d’un grand homme dont le nom est entré dans l’histoire et elles ont l’avantage de remuer quelque chose de proche, à quoi ceux de notre génération peuvent s’identifier.

Si un jour je me retrouve en garde à vue ou immobilisée dans un lit d’hôpital, j’aurai sans doute aussi l’occasion de réfléchir à ma vie, d’essayer de faire de l’ordre dans mes souvenirs et dans toutes les émotions qui se bousculent dans le disque dur de ma mémoire. Je ne vais malheureusement plus au pays basque, Jules y va désormais sans moi car, comme le constate très justement Frédéric Beigbeder : l’amour dure trois ans.

Une plage du pays basque...







L’amour dure trois ans, Frédéric Beigbeder, Gallimard, collection folio, 2001



Un roman français, Frédéric Beigbeder, Grasset 2009

samedi 24 juillet 2010

Les Demoiselles de Rochefort


Il y a environ un quart de siècle de cela, une amie m’a fait découvrir la musique de cette comédie musicale, composée par Michel Legrand avec des textes de Jacques Demy. Elle m’a tout de suite collé à la peau, alors que les Parapluies de Cherbourg m’avaient plutôt laissée indifférente. Ça tient sans doute au côté un peu loufoque de l’intrigue et de la douce poésie foldingue des paroles. Récemment, le film est passé sur arte et j’ai enfin pu mettre des images sur la musique et des visages sur les paroles. La magie tient toujours, bien que le film soit presque aussi vieux que moi.

C’est l’histoire de boy meets girl, avec l’aide du destin qui fait se croiser les chemins des uns et des autres. Ces chemins ne cessent de se rater ou de s’éviter pendant près de deux heures, mais fort heureusement, chacun finit par trouver sa chacune. Les demoiselles sont des sœurs jumelles (Catherine Deneuve et sa sœur, Françoise Dorléac), l’une est danseuse, l’autre musicienne. L’une trouve son amoureux par le biais de la peinture, l’autre grâce à la musique. Les très jeunes Jacques Perrin (Maxence), Danielle Darrieux (la maman des jumelles), Michel Piccoli (Simon Dame) et le plus-si-jeune Gene Kelly jouent également dans le film. Tous sont doublés pour le chant, à l’exception de Danielle Darrieux.

Quand Catherine Deneuve marche dans la rue, les gens autour d’elle se mettent à danser et à faire des cabrioles et Gene Kelly saute dans sa voiture, tout sourire et démarre en chantant chabadabadib-dip-diboubaa ! Un jeune marin part en perm’ à Nantes (Ah ! l’astuce est amusante !) et la maman des jumelles a renoncé au grand amour car, pour rien au monde, elle ne voulait s’appeler Madame Dame. Et voilà qu’une femme découpée en morceaux a été découverte rue de la Bienséance, à deux pas du château :

J'ai été arrêtée par un car de police
En rentrant de l'école où j'ai mis votre fils
Je me suis renseignée, on cherchait un sadique
Que certains qualifiaient de fou métaphysique
D'autres disaient de lui que c'est laid, que c'est lâche
L'arme du crime étant ou la scie ou la hache
Le monstre avait coupé la dame savamment
Et rangé les morceaux avec discernement

Alors que les uns cherchent leur Idéal Féminin ou l’Homme de leur Vie, d’autres cherchent plutôt la bagatelle :

Les marins sont bien plus marrants
Que tous les forains réunis
Les marins font de mauvais maris
Mais les marins font de bons amants
Marins, amis, amants ou maris
Les marins sont toujours absents

Le Happy End n’arrive qu’à la toute fin du film, quand on n’y croyait presque plus. L’astuce est vraiment amusante : le spectateur pense que Cupidon avait oublié Delphine Garnier et voilà que le Destin doublé du Hasard vient mettre son grain de sel ; le film se termine et on reste tout là tout bête et on en redemande !

Un vrai rayon de soleil dans un monde de brutes et une perle indémodable.

vendredi 25 juin 2010

La Visite Chez Le Notaire



Six mois s’étant écoulés depuis le décès de mon père, voici venu moment de signer l’acte de succession. Ma mère, ma sœur et moi nous sommes donc rendues à l’office notarial.

Pendant que nous paraphions et signions les documents, le notaire commence cette phrase : "Chez vous, en Suède…" Ma sœur et moi l’interrompons : "En Finlande". Il reprend : "Oui, donc en Suède… " "En Finlande", reprenons-nous en chœur. Regard stupéfait du notaire qui a) en tant qu’homme et b) en tant que notaire ne doit pas avoir l’habitude de se faire reprendre de la sorte, par deux blondasses de surcroît. Il réfléchit, perplexe, puis dit : "Ah, oui, c’est ce pays tout en longueur ?" "Non, ça, c’est la Norvège." Sa stupeur et sa perplexité vont s’intensifiant.

Mon agenda contient une mini mappemonde et je lui montre la Finlande, là, entre la Suède et la Russie. Ah ! Evidemment, ce n’est pas tous les jours qu’il a des Finlandais dans son office, notre brave notaire. Et voilà que s’en suit l’habituel barrage de questions : Mais vous n’êtes pas dans l’Europe ? Ah oui ?!?! Et vous avez l’euro ? Ah ! Et votre langue, ça ressemble au suédois ? Non ? Au russe, alors ? Non (voir Puhutteko suomea ? ). Et le régime politique ? Et vous payez beaucoup d’impôts, n’est-ce pas (s’il y a bien une chose pour laquelle les pays nordiques sont connus, c’est pour ça) ? Ma sœur et moi échangeons un regard de connivence, elle a visiblement l’habitude, comme moi, de répondre éternellement à ces mêmes questions.

"Et vous retournez souvent à HelsinSKI ?" Ça aussi, c’est un grand classique, mais il n’y a que les Français pour dire ça, quand ce n’est pas : "votre capitale, c’est bien Reykjavik ?" Je commençais à soupçonner qu’il ne cherchât à détourner notre attention et que les documents que nous étions en train de signer avaient peut-être été subrepticement modifiés, afin de nous déposséder des avoirs de mon père. En effet, j’étais en train de signer des documents auxquels je ne comprenais pas grand-chose et pourtant, je me targue d’être tout de même raisonnablement instruite. Par exemple : "Héritiers ensemble pour le tout ou chacun divisèment pour la moitié, sauf à tenir compte des droits du conjoint survivant". Qui reçoit quoi ? La totalité pour tous ensemble ou la moitié chacun ? Mais si nous sommes trois, ça donne quoi ? Et les "rapports de libéralités, mais dont l’exercice est limité aux biens existants… " J’espère bien, les libéralités étant "un don fait avec générosité".

Le cours d’histoire-géo touchant à sa fin, le notaire nous dit : "Ça fera X.XXX,- euros", comme ça, sans facture, sans ventilation des émoluments, taxes et frais de notaire. Ma mère a reçu sous les yeux le chiffre manuscrit et au crayon, inscrit par la secrétaire parmi d’autres notes, et a sagement établi un chèque. La note suivra, mais à mes yeux de Suissesse doublée d’une protestante luthérienne nordique, cette pratique me paraît des plus étranges, étant donné qu’il s’agissait tout de même d’une somme rondelette.

Ma sœur et moi avons vivement encouragé Me Notaire à aller passer des vacances dans notre beau pays. Il me semble que notre visite lui a fait une forte impression. Il ne doit pas lui arriver tous les jours de découvrir des lacunes dans ses connaissances, lui, Le Représentant De L’Etat. Oh ! Ce n’est pas un reproche, loin de là. Moi, c’est tous les jours que je découvre combien de choses j’ignore encore.

PS : ce matin même, un collègue m’interpelle : "Salut, l’Islandaise ! Alors tu vas aller en vacances en Islande ?" Je lui ai simplement répondu que non, la stricte vérité, en somme….