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samedi 21 octobre 2017

Back to roots : Terijoki alias Zelenogorsk




Zelenogorsk est une agglomération située à 50km au nord-ouest de Saint-Pétersbourg, sur l’isthme de Carélie, au bord de la mer Baltique. Avant la Seconde Guerre mondiale, ce village s’appelait Terijoki et faisait partie de la Finlande. Pour suivre et comprendre les mouvements de frontières au fil des siècles, voir ICI.

Voyant arriver les troupes soviétique à l’automne 1939, tous les Caréliens finlandais ont fait leur baluchon et sont devenus des personnes déplacées, c-à-d des réfugiés à l’intérieur de leur propre pays. Selon Wikipedia, cela représentait 10% de la population de l’époque, le plus important mouvement de population de ce pays. Les exilés encore en vie sont de moins en moins nombreux; ma mère, 88 ans, en est une. Elle avait 10 ans lorsqu’elle et sa famille ont dû tout abandonner (ferme, terres, bétail) pour partir sur les routes et ne jamais revenir. La perte de cette province a été un véritable traumatisme pour les Finlandais et, lors de la chute de l’Empire soviétique, d’aucuns ont commencé à rêver de pouvoir récupérer leur terre tant aimée. Cela ne s’est pas fait et ne se fera jamais, car on ne peut pas constamment redessiner les frontières et déplacer des populations. Toutefois, la nostalgie parmi les anciens Caréliens ne s’éteint pas et ils sont nombreux - en réalité de moins en moins nombreux - à retourner au village, même soviétique, même russe, pour essayer de retrouver une maison, un puits ou constater que les bouleaux ont terriblement poussé.


Ma mère y est allée en 1979, avec un voyage organisé au départ de la Finlande. A l’époque soviétique, c’était la seule façon possible d’y aller. Le prétexte était sans doute d’aller prendre les eaux dans ce lieu de villégiature au bord de la Baltique, mais le groupe était entièrement constitué d’anciens exilés. Cela a dû être traumatisant de confronter ses rêves, ses souvenirs d’enfance et ses fantasmes à la réalité, de constater que les Soviétiques avaient soit cassé soit laissé à l’abandon ces maisons auxquelles les Finlandais de Carélie avaient été si attachés. Ma mère n’a plus jamais voulu y retourner. Un jour, elle a reçu un beau livre de photos historiques sur Terijoki, son village, mais elle m’a dit qu’elle n’arrivait pas à le regarder.


Ayant eu l’occasion de me rendre à Saint-Petersbourg, j’ai décidé de faire ce pèlerinage à la place de ma mère, qui non seulement ne le veut plus, mais ne le peut tout simplement plus, vu son grand âge. C’était une excursion très simple, il m’a suffi de prendre un train régional au départ de la Gare de Finlande (Finlyandsky Vokzal); le voyage dure une heure et l’aller-retour coûte moins cher que deux tickets de bus genevois. Il était intéressant d’observer des Russes ordinaires dans leur vie quotidienne. Des bonimenteurs profitaient de ce public captif pour distribuer des calendriers orthodoxes 2018 ou vendre des ampoules super-puissantes. À noter que la gare - comme le métro, l’opéra ou certaines boutiques de souvenirs - est équipée de portiques détecteurs de métaux.


Une fois arrivée à Zelenogorsk, je suis allée demander mon chemin dans un centre commercial. Les Russes ne parlant que le russe et vraiment très peu l’anglais, il a fallu se débrouiller avec des gestes et des mimiques. J’ai demandé le vieux village, mais il n’y en a pas - ou plus. Ma mère connaissait le nouveau nom de sa rue, Krasnaïa Komandirov, qui n’a pas changé après 1989. Pour y parvenir, il suffit de suivre Prospekt Lenina (avenue Lénine) puis bifurquer. C’est une rue résidentielle bien tranquille, où se côtoient de vieilles maisons en bois, qui ont connu des jours meilleurs et de grandes villas appartenant visiblement à des gens qui font de très belles carrières. S’il y a un village, il doit être de l’autre côté des rails, car de ce côté-ci, il n’y a aucune activité commerciale. Au bord de la mer, on trouve un yacht-club, ainsi qu’un parc avec un petit zoo et des carrousels pour les enfants. Un peu plus loin, deux églises, l’une orthodoxe et l’autre Finlandaise.

Tout au long de la rue du Commandant Rouge on voit de belles grandes maisons en bois, qui semblent témoigner d’une certaine prospérité. Elles ont probablement été habitées et entretenues pendant les années soviétiques, mais elles sont maintenant à l’abandon, à moitié brûlées, effondrées, moisies, remplies de détritus…. L’avantage paradoxal des régimes communistes, c’est que leur incurie contribue à préserver le passé : tout ce qui n’a pas été détruit a simplement été oublié et négligé. Ces maisons sont sans doute vides depuis une vingtaine d’années. Vu leur année de construction, elles n’ont ni l’eau courante, ni le chauffage central et les toilettes sont/étaient au fond du jardin. Quiconque voudrait construire sur ces parcelles doit commencer par débarrasser une vieille épave, bien trop abîmée pour être rénovée.


Il est intéressant de constater que le yacht club s’appelle Terijoki (l’ancien nom finlandais) et que l’église finlandaise propose des cours de finnois. Qui peuvent bien être les élèves ? Qui donc, en Carélie désormais russe, veut apprendre le finnois ? Et pourquoi ai-je voulu voir le lieu d’origine de ma mère et de mes grands-parents, qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il était autrefois ? La sœur et le frère de ma mère ont quitté cette vallée de larmes, la tombe de son père à Zelenogorsk n’existe plus. Quant à moi, qui ai perdu mes racines finlandaises, je sais bien qu’elles ne sont pas non plus en Carélie. Je suis souvent retournée voir les lieux où j’ai vécu, sachant que ça n’apporte pas grand-chose, si ce n’est la confirmation du temps passé. J’ai néanmoins l’impression d’avoir maintenant bouclé la boucle. Les années qu’il me reste à vivre sont devant moi et non pas derrière.

La plage de Zelenogorsk/Terijoki


Terijoki sur Wikipedia

Galerie de photos sur Wikimedia Commons

Le gouvernement populaire de Finlande (marionnette de l’URSS), discours de propagande soviétique

Un blog - en finnois - qui parle, entre autres, de Terijoki

Un autre blog - en anglais avec des photos de lieux que je n'ai pas vus. Un deuxième voyage s'impose!




vendredi 7 novembre 2014

De coloribus … non est disputandum


Appelez-les comme vous voulez!

Quand j’étais enfant, je mangeais des têtes de nègres et j’adorais ça. Avant d’arriver en Suisse, je mangeais des Negerkuss – des baisers de nègre – et j’adorais ça. Bien que leur fille soit mineure, mes parents ne voyaient aucun mal à ce qu’elle reçoive des baisers d’un homme de couleur. C’est sans doute parce qu’il n’y avait aucun homme, de quelque couleur que ce soit, à l’horizon. Cette friandise si appréciée a pu, fort heureusement, survivre, il a simplement fallu lui donner un autre nom : tête au choco ou autre. A noter qu'en Autriche, cette même friandise s'appelle Schwedenbombe. Ça ne pose évidemment aucun problème.

Fazerin lakupekka 1)

Lorsque j’étais enfant, ce que j’aimais le plus en allant en vacances en Finlande, c’était de retrouver les bâtons de réglisse de chez Fazer, le célèbre pâtissier-confiseur. Les emballages portaient l’image stylisée et caricaturale d’un habitant du continent d’où provient la matière première de ladite friandise. Autrement dit, enfant, j’ai appris à associer l’Afrique à quelque chose de sucré et de délicieux, tout comme les baisers – dorénavant interdits – du paragraphe précédent.

Avant / Après
En Allemagne, certaines petites épiceries portaient (portent encore?) le nom de Kolonialwaren : marchandises coloniales. Cela signifiait qu’on y vendait du café, du thé, du cacao, du sucre, marchandises autrefois exotiques. Je ne sais pas si cette dénomination a été supprimée, mais en Autriche, les enseignes des magasins Julius Meinl portent encore une image qu’on pourra qualifier de raciste. Mais quel magasin affichera une image négative pour attirer le chaland, je vous le demande ? Peut-on réellement croire à une intention mauvaise et discriminatoire derrière ce choix ? Il va sans dire que l’image d’un gros Bavarois avec une chope de bière à la main ne poserait aucun problème, mais quel rapport avec le café et le chocolat ?
Café Julius Meinl
La Suède, championne toutes catégories du politiquement correct, s’est lancée dans l’éradication de tout ce qui pourrait inciter à la haine raciale. Les têtes au choco ne s’appellent donc plus negerbollen. Le papa de Fifi Brindacier n’est plus un Negerkung mais Kung Kalle av Kurrekurreduttön  (le roi Kalle d’un endroit imaginaire). Comme tous les enfants, j’ai lu Fifi – en anglais, mind you… - et son père était un King of the Southern Seas. Je me souviens avoir été un peu effrayée à l’idée de cette fillette de mon âge qui vivait toute seule dans une grande maison, avec un singe et un cheval, mais elle avait tout de même un papa et s’il était absent, c’est parce qu’il était quelqu’un de très important à l’autre bout du monde. Astrid Lindgren a voulu faire du papa de Pippi Långstrump quelqu’un de formidable et inspirant le respect. Selon les règles du politiquement correct, elle aurait dû en faire un ingénieur forestier travaillant quelque part en Laponie. Mais est-ce la bonne solution que de n’avoir, dans les livres pour enfants, que des personnages blancs, européens et ennuyeux ? Et que faut-il penser du fait que cette fillette vive seule, entourée d'animaux? Va-t-elle au moins à l'école? Que font donc les services sociaux ?

Option PC: le bonhomme est blanc
Tout va bien
Dans les pays nordiques, Noël est une fête très importante, un havre de lumière au milieu de l’hiver. Comme ailleurs en Europe du nord, on y mange des biscuits de type pain d’épice, contenant de la cannelle, du gingembre, du girofle et de la mélasse, ce qui leur donne une couleur brun-caramel. Ces biscuits ont diverses formes : étoile, fleur, cheval, bonhomme, cochon….. A l’occasion de la fête de la Sainte-Lucie, les enfants se déguisent et il arrive – oh ! Sainte horreur ! – que certains enfants se déguisent en biscuit de Noël. Cela a maintenant été décrété comme étant raciste et donc interdit. J’imagine qu’il est aussi interdit de se déguiser en Rois mages, ou alors il faudrait ré-ecrire la Bible et décréter que ces trois messagers étaient blancs. Il faudrait aussi traiter la cannelle, le gingembre, le girofle et la mélasse pour qu’ils deviennent blancs. Il sera alors à nouveau permis de se déguiser en biscuit de Noël. Le catalogue IKEA présente des emporte-pièces en forme de sapin, de maison, d’étoile….. mais pas de bonhomme. On n’est jamais trop prudent.
Toujours en Suède, Haribo a retiré de ses sachets de bonbons à la réglisse ceux qui avaient la forme de masques africains, amérindiens, asiatiques. Il faudrait sans doute aussi fermer les musées d’art primitif et d’art africain, qui se vend pourtant très cher. Ne resteront donc que les bonbons en forme de fleur, de voiture ou de petite maison. Mais finalement, ne faudrait-il pas tout simplement interdire la réglisse ?
Les partisans du politiquement correct ne voient-ils donc pas à quel point ils font l’inverse de l’effet recherché ? Leur message revient à dire : pour ne pas être raciste, tout doit être blanc, donc normal, comme dirait Coluche. La négritude n’existe pas, le métissage non plus. Si une personne a de la couleur sur la peau, on fera surtout semblant de ne pas la voir, parce qu’en réalité, ça dérange et ça met mal à l’aise.

Racisme anti-autrichien
En France, on tourne aussi savamment autour du pot, pour ne surtout pas appeler un chat un chat. On dira : une personne issue de la diversité ou encore : une personne appartenant aux minorités visibles. Comment peut-on considérer qu’il s’agit là d’une dénomination correcte et respectueuse ? Car cela revient à dire : "Tu n’es pas comme nous et ça se voit ". On dira aussi : une personne issue des quartiers sensibles et tout le monde comprendra : délinquant, voyou et dealer. C’est parfait ! Comme ça, on n’aura au moins pas dit immigré, ni maghrébin ni bougnoule – mot qui signifie noir en arabe du Maghreb   – mais on le pense néanmoins très fort. Ça ne changera rien à la réalité, les personnes provenant de ces quartiers ou de ces pays continueront à être mal perçues et rejetées par la société. Notons au passage à quel point il est devenu impossible de prononcer ces trois mots, surtout le dernier, qui a toujours eu un sens péjoratif, alors que les deux premiers ne font que décrire un fait, une réalité.

A force d’éviter d’associer les non-caucasiens à des bonbons ou à des pâtisseries, que leur reste-t-il comme modèles positifs ? Des footballeurs, des rappeurs et quelques acteurs qui se comptent sur les doigts d’une main. Pourrait-on envisager de choisir Omar Sy comme égérie du Nespresso ? Ce serait une véritable révolution. On a beau prendre des gants et des pincettes, rien de tout cela n’empêche le continent noir – permettez-moi ce qualificatif – d’être affligé de guerres, de famines, d’épidémies, de pauvreté, de mortalité infantile et maternelle, d’islamisme stupide…. Le pire, c’est qu’on ne demande même pas aux intéressés s’ils se sentent insultés par des têtes au choco et des pains d’épice.
Ne contient pas d'Africain(e)s
Je vais me resservir d’une tasse de thé vert et d’un biscuit bio. Bien au chaud dans mon salon, j’aurai la conscience tranquille, sachant que Tintin n’ira plus au Congo, que le papa de Fifi Brindacier est non seulement blanc mais CEO chez Nestlé et que les bonhommes en pepparkakka ne fêteront plus la Sainte-Lucie. Tout va bien dans le meilleur des mondes.


Epilogue: Tout le monde connaît le riz Uncle Ben's. La farine pour pancakes Aunt Jemima est sans doute moins connue de ce côté-ci de l'Atlantique. Il s'agit de deux produits très courants et très populaires aux Etats-Unis. Tous deux ont pour logo le visage souriant d'une personne d'origine afro-américaine (mais peut-être qu'on ne les appelle plus ainsi....). Le visage de l'Oncle Ben est celui d'un homme ayant réellement existé et qui était maître d' dans un restaurant. Tante Jemima s'appelait Nancy Green et était une esclave affranchie. Les esclaves âgés, ceux qui finissaient par faire partie de la famille, portaient le titre de Oncle et Tante, car il était interdit de les appeler Monsieur ou Madame. Nous avons donc deux représentations de personnages faisant allusion, de façon très directe, à l'esclavage aux Etats-Unis et pourtant, ces marques et ces logos existent toujours.
http://lencrenoir.com/derriere-uncle-bens-et-aunt-jamima/


 1) Pekka est un prénom typiquement finlandais. 

Voir aussi : Tintin au tribunal

Mise à jour, juin 2020 

Et si on les remplaçait par des personnages blancs ? Faudrait-il aussi changer le nom du produit ? Oncle Bernard et Tante Jeannine ?

dimanche 22 décembre 2013

Le front de libération du mois de décembre



"Tu fais quoi à Noël? Tu rentres en Finlande?"
Qui ose répondre: Rien! à la première question? Et combien de fois dois-je expliquer que si je rentre quelque part, c’est à Genève?

Joulupukki

Bien des tabous sont tombés et bien des traditions sont mortes depuis les lointaines années de mon enfance, mais Noël semble être absolument inébranlable et indéracinable. Au contraire, non content d’obliger le monde chrétien à célébrer la naissance du petit Jésus, on est en train d’exporter cette fête païenne et mercantile aux quatre coins du monde. C’est ainsi que la Finlande veut faire du Père Noël une marque déposée et s’en arroger l’exclusivité, afin d’en faire un produit commercialisable toute l’année et sur toute la planète. Le Joulupukki finlandais est svelte et ne dit pas Ho-Ho-Ho! comme son homologue américain. Il défend des valeurs telles que la générosité et la solidarité et il va rendre visite aux enfants malades de Fukushima. Difficile toutefois d’enregistrer ce bonhomme barbu comme marque déposée, étant donné qu’il est devenu un concept universel. Difficile aussi, en ces temps de paranoïa pédophile, de défendre un monsieur qui prend les petits enfants sur ses genoux pour leur donner des cadeaux et des bonbons. Comment apprendre aux petits à faire la différence et à ne pas croire à n’importe quel Père Noël?


Alors comment échapper à Noël? Aller en vacances en Israël ou dans des pays musulmans? Dans le monde occidental, c’est tout simplement impossible. Même les détenus ne peuvent y échapper, coincés qu’ils sont dans leurs cellules, puisqu’on leur sert un menu de Noël, que cela fasse partie de leur culture ou pas. En Finlande, on leur servira sans doute du jambon à l’os, de gré ou de force, puisque c’est le repas traditionnel. Cela fait plusieurs années que je n’en n’ai plus mangé, étant donné que ce plat me sort littéralement par les oreilles, ce qui n’est pas commode pour la digestion, vous en conviendrez. Un tuyau: grâce à IKEA, on trouve du Julskinka dans le monde entier, mais uniquement en fin d'année.


Dans le roman About a Boy de Nick Hornby, le personnage principal vit dans l’oisiveté depuis et pour toujours, grâce aux royalties d’une chanson de Noël inoxydable, composée par son père. Lui aussi déteste cette période de Fêtes, même si c’est ce qui le fait vivre confortablement, car les mélodies douceâtres - plus particulièrement celle de son père - lui donnent la nausée. Certaines localités (Divonne-les-Bains ou La Valette par exemple) vous obligent à écouter en boucle des White Christmas et des Jingle Bells auxquels vous ne pourrez échapper qu’en vous enfermant chez vous - et encore: priez pour qu’un haut-parleur n’ait pas été placé juste sous vos fenêtres!


Les fêtes sont une période à déprime pour beaucoup de gens. Tous ceux qui sont seuls et à qui tout le monde dit: "Oh! ma/mon pauvre! Tu es tout(e) seul(e) pour Noël, ça doit être terrible!" Des repas caritatifs sont organisés en cette occasion, où tous ceux qui sont seuls peuvent se réunir pour déprimer tous ensemble. Le reste de l’année, ils n’ont qu’à avoir faim et broyer du noir tout seuls chez eux, ce qui est peut-être légèrement moins bluesy. Ayant fait une fois un séjour de ski au Club Med la semaine de Noël, j’ai pu constater que l’hôtel était rempli de gens qui détestaient Les Fêtes, parce que depuis que leurs parents sont morts, ces jours les remplissent de tristesse, par exemple. Nous avons, malgré tout, eu un repas spécial le 25 décembre (servi à table au lieu du buffet habituel), il y avait une crèche sans le petit Jésus pour les enfants et une descente aux flambeaux, avec des personnages habillés de rouge, mais sans aucune connotation religieuse, pour ne froisser aucun client. Mais Noël était bien là, pas possible d’y échapper.


Certains préféreraient passer Noël peinards chez eux, puisque les repas de famille sont l'occasion de nombreuses tensions et disputes. C'est l'occasion où tout le monde fait le poing dans sa poche et fait de son mieux pour que la fête soit belle. Il faut aller réveillonner chez les deux beaux-parents pour que personne ne soit fâché, faire des cadeaux à tous les frères et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, à mamy, à papounet, aux quinze cousins et neveux...

D'où la consommation effrénée, les magasins bondés, les journaux et les magazines qui ne parlent plus que d’idées de cadeaux et les gens qui stressent parce qu’ils n’ont pas encore acheté tout ce qu’il leur faut. Faut-il offrir quelque chose à son patron et, si oui, de quelle valeur? Trop cheap, ça fait cheap et trop cher, ça fait fayot. La frénésie de l’après-Noël, où il faut aller échanger le pull trop petit ou le roman qu’on a déjà ou alors carrément les revendre sur eBay ou Ricardo. Pourquoi est-on obligé de trop manger et pourquoi est- il impossible de trouver un restaurant qui serve une carte normale? Manger des spaghettis carbonara à Noël: l’acte anarchiste extrême!


Le mois de décembre se termine en beauté sur le réveillon du 31 décembre, autre obligation incontournable, à laquelle on ne peut pas échapper, même en partant à l’autre bout du monde. Comment fuir les cotillons et les feux d’artifice? Comment échapper aux huîtres et aux repas pantagruéliques? Comment éviter d’ajouter des kilos à ceux qu’on a déjà en trop - et qu’on ne peut pas revendre sur internet? Ce jour-là aussi, des milliers et des millions de personnes se morfondent de ne pas savoir que faire ni où aller. Une solution sympa est de faire bénévole à l’occasion de l’Opération Nez Rouge  : vous serez parmi des gens qui, comme vous, détestent le Nouvel An et qui veulent passer le cap autrement. On vous servira quand même du Rimuss et tout le monde se fera la bise à minuit, sauf les veinards qui sont déjà partis en mission.
Champagne halal


A partir du lendemain, tout commence à aller mieux. Les journées sont déjà plus longues et on entame quelque chose de nouveau. Il faudra tout de même souhaiter la Bonne Année à tous les gens qu’on croise. C’est évidemment fort sympathique et cela permet d’avoir des contacts avec tous ceux avec qui on ne bavarde pas forcément le reste de l’année.

Alors à vous tous, chers lecteurs et lectrices fidèles, je vous souhaite un très joyeux Noël, entourés de tous ceux qui vous sont chers, et je vous présente tous mes meilleurs voeux pour que 2014 soit une année remplie de joie, de prospérité, d’amour et de bonne santé! 


Le Père Noël est-il blanc? A lire ICI



mercredi 4 juillet 2012

Une nuit blanche chez arte



La télévision finlandaise a eu cette idée folle de faire une émission qui durerait toute la nuit de la Saint-Jean, Juhannus, apogée de l’année dans les pays nordiques puisque c’est le solstice d’été, le jour le plus long, voire le jour sans nuit en Laponie. Le fil conducteur était un train allant de Helsinki à Rovaniemi et c’était aussi l’occasion de fêter les 150 ans des chemins de fer finlandais. Les Norvégiens ont déjà fait quelque chose de similaire, non seulement un voyage en train à travers le pays, un programme de 13 heures, mais aussi la croisière du sud au nord en passant par tous les fjords, une émission sur trois jours, en direct! Il ne s’y passait pas grand chose, paraît-il, mais les paysages grandioses se suffisaient à eux-même.
Juhannusjuna, le train de la Saint-Jean, a été diffusé par arte, avec interprétation simultanée en français et en allemand, avec le titre Sous le soleil de minuit1). Nous étions douze interprètes au total, trois voix masculines et trois voix féminines, vers chacune des deux langues. Le travail était tout différent, non seulement parce qu’il impliquait d’y passer toute la nuit, mais aussi parce qu’on travaillait par personnage et non pas par langue (il n’y en n’avait qu’une, le finnois) ni par demi-heure, mais par intervention. Nous avions un planning de l’émission, qui nous permettait de savoir quand il y aurait des dialogues en live, c’est-à-dire quand on allait devoir travailler. Le tout était entrecoupé de documentaires, de morceaux de musique ou de paysages filmés d’un hélicoptère. C’était une nuit de vigilance extrême, avec des moments très brefs mais très intenses où il fallait saisir très vite ce qui se disait, parfois dans la confusion, les personnages parlant tous en même temps, puis parvenir à transposer dans le même ton, un peu léger et parfois un peu argotique. Il fallait s’efforcer de terminer en même temps que l’orateur. Nous ne pouvions pas être sur pilote automatique, car personne n’allait parler de plan d’austérité ou du traité de Prüm.


L’émission s’adressait bien sûr au public finlandais, mais devait aussi servir de promotion touristique, puisqu’elle était aussi diffusée à l’étranger. Je ne suis toutefois pas certaine que ce deuxième objectif ait été atteint. Le voyage commençait à Helsinki, mais arte n’a embarqué qu’à Tampere. Il manquait donc les images de la capitale, ce qui est un peu dommage. Le présentateur masculin, Iiro Rantala, est un musicien de jazz bien connu en Finlande et l’émission a commencé par une interview de Kari Väänänen, un acteur et une célébrité locale, mais un parfait inconnu au sud de la Baltique. Jaakko Kolmonen, un cuisinier de télé a fait une démonstration d’éviscération de poissons, mais l’émission ne nous expliquait pas que cela fait trente ans qu’il passe à la télé, puisque c’était évident pour le public finlandais. Le train s’est arrêté dans plusieurs gares, où il y avait diverses animations. Des interviews de people ou de gens ordinaires ont eu lieu dans le train, ce qui donnait un tableau sociologique de la société finlandaise: deux couples qui s’étaient rencontrés sur internet, un homo et un hétéro; deux adolescents altermondialistes, écolos, objecteurs de conscience et végétaliens; Roman Schatz, un journaliste et écrivain allemand établi depuis très longtemps en Finlande; une grand-mère et son petit-fils qui adore les trains; une numérologue; Rosa Liksom, auteur anticonventionnelle, traduite en plusieurs langues. J’ai aussi pu me rendre compte que l’accordéon est un instrument très populaire là-bas et que ce sont surtout de jeunes femmes qui en jouent.



Nous profitions des documentaires et des intermèdes musicaux pour aller grignoter quelque chose, voire pour aller dehors, respirer un peu d’air frais. Il fallait tenir toute la nuit, que diable! Le train a fini par arriver à Rovaniemi. Il n’a jamais fait nuit, pas même à Strasbourg quand nous sommes allés prendre un bol d’air vers 4h du matin. A 8h du matin, c’était terminé et nous nous sommes éparpillés aux quatre vents. Certains ont directement pris le train ou la voiture pour rentrer chez eux. Quant à moi, je suis allée dormir à l’hôtel, cela équivalait à une sorte de décalage horaire.
Y a-t-il un public pour ce genre d’émission? Qui diable va rester debout toute la nuit et regarder des plans interminables d’un train qui traverse des forêts tout aussi interminables? Il semblerait que ce programme ait eu un taux d’audience honorable en France, un peu moins en Allemagne; on ne sait évidemment pas combien de personnes l’ont possiblement enregistré. En Finlande, la plupart des gens auront choisi de faire la fête en grillant des saucisses plutôt qu’en regardant la télé. Ils ont cependant été nombreux sur facebook 2) à cliquer J’aime, à laisser des commentaires et à demander s’ils recommenceront l’année prochaine. 
Quant à nous qui avons passé la nuit dans les studios à Strasbourg, nous nous sommes bien amusés à faire ce contrat qui sortait de l’ordinaire à tout point de vue. A mon avis, ce n’est pas demain la veille qu’une telle occasion se présentera à nouveau.





1) visible encore quelques jours sous www.arte.tv/finlande , puis cliquer sur Carte interactive