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lundi 26 décembre 2016

En mission à Panama



Panama City

Quand vous dites aux gens que vous partez en mission au Panama, vous avez évidemment droit à des allusions aux Panama Papers, aux comptes secrets et aux valises pleines de billets. Mais le Panama, ce n'est pas que ça! En l'occurrence, il s'agissait d'une conférence internationale sur la sécurité sociale.


Partir pour Panama, ce n'est pas comme partir au Luxembourg - allusions financières mises à part. D’abord, avant de partir, il a fallu faire une demi-douzaine de vaccins: fièvre jaune, typhoïde, hépatite A, polio, grippe (à cause de la grippe aviaire) et acheter de la prévention contre le paludisme (Malarone), ainsi que des sprays anti-moustique, version tropicale.
 
Marchands ambulants au milieu de la route
Afin d'éviter tout ennui avec l'immigration à Panama, il a fallu faire faire un laissez-passer ONU (passeport neutre), faire faire une photo d'identité au format américain et demander un visa pour ce laissez-passer, ce qui était un peu étrange, étant donné qu'avec un passeport suisse, aucun visa n'est nécessaire. Finalement, aucun visa n'était requis. Et j'ai passé le contrôle avec mon passeport suisse, comme une lettre à la poste. Ma foi, on n'est jamais trop prudent.
 
On vous aura averti!
À ce stade, je commençais presque à regretter d'avoir accepté cet engagement, ça devenait carrément un peu lourd et compliqué. En plus, on y allait en pleine saison des pluies. Quels vêtements emporter ? Climat tropical mais pluvieux avec des salles climatisées, donc frigorifiques; prévoir des manches longues à cause des moustiques; emporter un imperméable, des lunettes de soleil, des tongs et un parapluie, des pashminas pour l'intérieur et des bermudas pour l'extérieur; de la crème solaire, de l'anti-moustiques et du gel désinfectant pour les mains. Bref, tout ce qu'on emporte normalement pour aller travailler.


La traversée de l'Atlantique durant environ 11 heures, nous avons eu droit à un vol en business class, ce qui n'était pas du luxe, étant donné que nous devions être en état de travailler à l'arrivée, malgré le décalage horaire. Lufthansa reçoit ten points pour l’accueil, le confort, le service, le repas et le sommeil en position horizontale. Une bonne sélection de divertissements aussi : j'ai pu visionner la moitié de Toni Erdmann, juste assez pour me demander pourquoi tout ce battage autour de ce film. Je me passerai volontiers d'en voir la fin.

À l’escale de Francfort, je suis passée pour la première fois par un contrôle de passeport biométrique automatisé: il fallait entrer dans un sas dans lequel le visage du voyageur est reflété sur la porte en verre de la porte de sortie du sas, comme dans Minority Report, Gattaca ou équivalent. Au retour, toujours à Francfort, c'était le contrôle rayons X avec scan corporel, alors qu'on sortait d'un avion et qu'on était a priori déjà dans une zone contrôlée. Ma foi, ça commence à être la norme de nos jours. Un peu comme le marché de Noël à Strasbourg, où le vieux centre est désormais interdit aux voitures et où les piétons doivent ouvrir leurs sacs avant d'entrer dans l'enceinte sécurisée ; des CRS et des militaires armés qui patrouillent dans les rues ; des camions en travers des ponts pour empêcher un massacre dans le style de Nice ou Berlin. A l'aller, le train avait 1h20 de retard à cause d'un colis suspect en gare de Sélestat. La routine, quoi.... Mais je m'égare.


En arrivant à Panama City, il a fallu poser ses dix doigts sur un lecteur d'empreintes digitales, puis déposer ses bagages aux rayons X avant de sortir de l'aéroport. Chercheraient-ils des armes? Ou des billets de banque ?

Le bus navette de la conférence a mis 1h30 à faire les 22km qui nous séparaient de l'hôtel, à cause des bouchons. En effet, nous devions franchir le Puente de las Americas, seul passage possible. Ce pont porte bien son nom puisqu'il relie littéralement les deux moitiés du continent américain.

Nous étions logés dans l’hôtel de la conférence, le Westin Bonita Playa, très luxueux, avec des chambres immenses, mais avec une climatisation bruyante bien qu’indispensable - y compris les moteurs de la climatisation à l’extérieur, au pied de l’hôtel. J’ai dû dormir avec des bouchons dans les oreilles alors que la chambre était autrement parfaitement silencieuse. Nous avons reçu un bracelet comme à Paléo ou au ClubMed, qui nous donnait droit au forfait All Inclusive, ce qui était bien pratique, surtout pour les repas avec les collègues (pas besoin de faire de longs calculs). Seul bémol pour cet hôtel autrement parfaitement agréable : il y avait de la musique partout, mais absolument partout ! Sauf dans les restaurants, étrangement. En effet, il est impossible de nos jours de manger dans le calme et le zen, notamment le petit-déjeuner. 

Ecluses de Miraflores
La monnaie qui a cours au Panama est le dollar américain, les pièces de monnaie s’appellent cependant des balboa, selon le nom du conquistador qui a découvert la côte du Pacifique. Le casco antiguo (vieille ville) est absolument charmant, mais est en train de se boboïser avec des bars branchés, des restaurants chics, des aliments bio etc. Parmi les choses à voir dans les environs immédiats, il y a bien sûr les écluses de Miraflores et le centre de visiteurs du Canal de Panama, qui est très intéressant. A proximité, on trouve Quarry Hill, qui permet d’avoir une belle vue panoramique sur les environs, mais c’est un site qui est malheureusement fermé les week-end (pratique !). Les gravats de la construction du canal ont permis de construire la Calzada de Amador (Amador Causeway), qui est une chaussée rectiligne qui rattache quatre petites îles au continent. C’est un lieu de loisirs, avec des vélos à louer, des bistrots et quelques boutiques. L’histoire du Canal de Panama est absolument passionnante, mais cela fera l’objet d’un autre texte (voir ICI).
Format de prise



Panama, Puente de las Americas, Corazon del universo
 
 

mercredi 19 octobre 2016

Interpréter à l'Office européen des brevets (Munich)

Figure d'un brevet de pince à linge


Ce texte ne représente pas la position officielle de l’OEB et son contenu n’engage que son auteur.

L’Office européen des brevets (OEB) a son siège à Munich, travaille en trois langues officielles (français, anglais, allemand) et recourt à l’occasion aux services d’interprètes de conférence dans ces trois langues. L’Office examine des demandes de brevet du point de vue de leur conformité à la Convention sur le brevet européen (CBE). Les interprètes interviennent lors de procédures d’opposition, c-à-d lorsque le bien-fondé d’un brevet est contesté par le titulaire d’un brevet similaire ou par toute tierce partie qui souhaiterait faire opposition. La décision de maintenir ou de révoquer le brevet pourra ensuite faire l’objet d’un recours devant la chambre de recours.

Pour qu’une invention puisse jouir de la protection d’un brevet, elle doit remplir trois conditions (art 52 CBE) : être nouvelle, faire preuve d’activité inventive et avoir une application industrielle. Les inventions protégées d’un brevet représentent des enjeux commerciaux majeurs, ce qui justifie tous les efforts déployés – y compris financiers – pour les défendre. Les motifs d’opposition à la délivrance d’un brevet figurent à l’art. 100 de la CBE. Les arguments invoqués pour attaquer un brevet peuvent être l’insuffisance de la description (l’homme du métier doit pouvoir reproduire l’invention sur la base du brevet) ou encore l’extension de l’objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée.

Une invention à breveter ?
Lorsque les parties en litige demandent la tenue d’une procédure orale, destinée à récapituler et à compléter les arguments déjà échangés par écrit, elles peuvent demander qu’il y ait des interprètes dans les trois langues officielles. La langue de procédure est celle du brevet contesté. Les examinateurs de l’OEB maîtrisent les trois langues, mais doivent mener les débats dans la langue de procédure. Il peut arriver que les trois cabines travaillent, mais il n’y a généralement que deux langues interprétées - voire une seule - celles des parties au litige.

Le premier membre de la division d’opposition (de la chambre de recours, selon le cas) préside la séance et ouvre la procédure, en annonçant le titre du brevet, son numéro ainsi que le numéro de la demande. Il donne les noms des parties en présence, qui sont le titulaire (c-à-d l’inventeur) le cas échéant, les mandataires (avocats spécialisés en brevets) qui représentent le titulaire (si celui-ci a choisi de se faire représenter) et la/les partie(s) opposante(s). Ceux-ci sont parfois accompagnés d’experts, qui ne peuvent s’exprimer que s’ils en ont fait la demande dans les délais. Les procédures sont généralement publiques. Le président invite ensuite les parties à présenter leurs requêtes. Sans surprise, la titulaire demande le maintien de son brevet, alors que l’opposante demande sa révocation. Les parties attaqueront les arguments de la partie adverse sur le fond ou en invoquant des règles de procédure.

La division d’opposition est généralement composée de trois personnes, le président de la division et deux membres, dont l’un rédigera le procès-verbal; un représentant du service juridique peut également être présent. Elle entame l’examen de la nouveauté du brevet contesté, en donnant la parole, à tour de rôle, à la titulaire et à l’opposante (aux opposantes, selon le cas). La séance sera suspendue à plusieurs reprises, afin de permettre à la division d’opposition - la chambre de recours, s’il s’agit d’un recours - de débattre des arguments avancés par les parties. Le brevet contesté sera comparé à l’état de la technique, c-à-d aux brevets précédents relatifs à des inventions similaires ou à des publications techniques, scientifiques ou encore à de la littérature spécialisée qui ne relève pas du domaine des brevets. Ces documents invoqués pendant la procédure s’appellent des antériorités et sont numérotés D1, D2, D3 etc.

Si le brevet est reconnu comme nouveau, la division d’opposition passera à l’examen de l’activité inventive. Pour qu’il y ait invention, le brevet ne doit pas découler de façon évidente de l’art antérieur (ce qui existe déjà). L’invention peut être le fruit de la combinaison de deux précédents brevets, mais cette combinaison doit faire preuve d’activité inventive. Enfin, la nouveauté ou la différence par rapport à ce qui existe déjà doit être utile ou intéressante, c-à-d avoir une application industrielle. Les brevets portent soit sur des réalisations (objets, machines) ou des procédés (méthode pour faire ou produire quelque chose).

Si la division d’opposition parvient à la conclusion que  le brevet n’est pas inventif, la titulaire peut soumettre des requêtes subsidiaires, qui sont des variantes des revendications contenues dans le brevet. Les fascicules de brevet sont rédigés selon un schéma bien précis : la première page contient toutes les informations de procédure, le titre et le numéro du brevet, le nom du titulaire etc… Vient ensuite une description de l’invention, la définition du problème à résoudre, éventuellement des renvois à l’art antérieur, parfois des exemples et enfin les revendications, dans les trois langues, donnant toutes les indications techniques de l’invention faisant l’objet de la demande de brevet. A la fin du fascicule de brevet, il peut y avoir des figures, dessins, schémas et croquis de l’invention. Les revendications comportent de nombreux paragraphes, rédigés de façon très répétitive, technique et selon des règles très précises. Il y a les revendications indépendantes et les revendications dépendantes, qui sont celles qui renvoient à une précédente revendication (« Procédé selon la revendication 1….. »). Les requêtes subsidiaires présentées par la titulaire dans le cas où la nouveauté lui serait refusée, ressemblent énormément aux revendications du brevet original, du moins aux yeux de l’interprète profane. Ces requêtes subsidiaires peuvent être nombreuses et la procédure peut durer toute la journée si la division d’opposition les admet et décide de les examiner jusqu’à la dernière. La journée est émaillée de nombreuses suspensions de séance, pour permettre aux membres de la division d’opposition de pondérer les arguments des parties. La procédure s’arrête lorsque le brevet est déclaré nouveau et inventif (ces deux conditions devant être remplies) ; s’il est révoqué et que la titulaire est à court de munitions, elle s’arrête aussi. Le président de séance prononce alors – dans la langue de procédure –  la décision de la division d’opposition, le maintien ou la révocation du brevet, et informe les parties qu’elles peuvent faire recours.

Source: http://artggsb.blogspot.ch/2014_05_17_archive.html
En prévision de la procédure, les interprètes reçoivent les documents bien à l’avance, afin de pouvoir se préparer : le fascicule de brevet (B1), la demande telle que déposée (A1), les antériorités, qui sont numérotées D1, D2, D3 selon les indications figurant dans les documents, les requêtes subsidiaires de la titulaire, s’il y en a, l’avis provisoire de la division d’opposition (un document sans aucun en-tête), ainsi que les échanges de correspondance entre les parties. Il convient de trier tous ces éléments, afin de les étudier dans l’ordre qui paraît le plus judicieux (chacun à sa manière, bien entendu !). Les revendications dans les trois langues permettent de faire un glossaire sommaire. Quant au reste, qu’il s’agisse de formules chimiques, de pare-brises d’avions, de papier cigarette ou de verrouillage central…. chacun pour soi et dieu pour tous ! Les dictionnaires Ernst sont dorénavant rattrapés par Google, Linguee, Wikipedia et toutes sortes de glossaires en ligne. Comment diable faisait-on autrefois, sans internet et la WiFi en cabine?

A fin de mieux comprendre à quoi ressemble un brevet, voici celui du Post-itSon histoire a connu de nombreux rebondissements, notamment à cause de son manque d’application industrielle (une colle qui colle mal…..). Jusqu’à ce que quelqu’un fasse preuve d’activité inventive en trouvant une bonne idée pour cette erreur de parcours. Enfin, il a fallu pouvoir compter sur les talents de celui qui a réussi à commercialiser l’invention, qui est dorénavant incontournable et présente dans tous nos bureaux.
Cependant, un Américain attaque 3M, affirmant que c’est lui qui aurait inventé le Post-it en 1973. Selon un article paru dans la Tribune de Genève, le chiffre d’affaire des Post-it s’élevait à 4,4 milliards de dollars en 2015.

En gras, des termes relatifs aux procédures de brevets.
Article paru sur le site de l'aiic

Voir aussi: 
Le déroulement de la procédure sur le site de l’OEB.
L'interprète de conférence, un artiste vagabond qui permet d'être entendu par Jacky Neff


dimanche 31 juillet 2016

Hôtel Résidence Odalys Iratzia - Saint-Jean-de-Luz


Il est difficile de trouver le logement de vacances idéal en haute saison et dans un lieu hautement touristique. Surtout si on a certaines exigences en matière de confort, silence, espace etc.

Pour une semaine à Saint-Jean-de-Luz, mon choix avait porté sur la résidence hôtelière Odalys Iratzia, situé tout près de la plage d'Erromardie, tout près de Saint-Jean-de-Luz également. La fusion parfaite entre la plage et la ville. La résidence propose des appartements de différentes tailles. L'appartement "4 personnes" semblait adéquat pour deux, pour un prix de 1117€ la semaine (mi-juillet), ce qui fait tout de même 160€/jour.

Or l'appartement vous offre les murs, les lits, un coin salon, une kitchenette et un balcon, mais c'est quasiment tout. Tout se paie en supplément. Avec un animal et le ménage en fin de séjour, on arrive à environ 140€ supplémentaires, ce qui met l'appartement à 180€/nuit environ. Précisons qu'il s'agit d'une résidence ****.

Le jeux de draps est offert (Wow!) mais est affiché à 11€ (x2); le jeu de serviettes de bain à 6€ (x2); le ménage en fin de séjour coûte 56€ pour l'appartement dit "4 personnes" (mais on doit quand même laver et ranger la vaisselle); il faut payer 30€ pour avoir la jouissance de la télévision, qu'on ne peut même pas connecter à son ordinateur pour regarder des films; internet revient à 20€ par semaine et par appareil; la lessive est à 5€, la poudre 1,50€ et le séchoir 3€. Les animaux de compagnie sont les bienvenus à 50€ la semaine. La cuisine doit être rendue propre, mais vous devrez débourser 5€ pour obtenir un petit kit contenant une éponge et du produit vaisselle sans aucun pouvoir dégraissant. Le papier WC n'est évidemment pas fourni. La chambre à coucher contient un lit en 140 cm de large avec 30 cm tout autour. Le salon cuisine avec le canapé-lit fait environ 3x 6 m. Ce qui nous fait un total de 25 m2 environ (sans compter la salle de bains et le balcon), ce qui fait 6m2/ personne si on est quatre. Selon le Comité pour la prévention de la torture, il faudrait idéalement 7m2 par prisonnier, on parle de traitement inhumain et dégradant quand on arrive à 3m2 par personne.

C'est sans doute la règle du jeu, mais j'ai le souvenir d'avoir logé dans un appart-hôtel à Ajaccio qui était bien plus accueillant et confortable.


La résidence Odalys à Erromardie est en réalité la version quatre étoiles du camping. Les clients qui en ont l'habitude font sans doute le voyage en emportant leurs draps, leurs assiettes et leurs couverts, leur petite réserve de liquide vaisselle et de poudre à lessive. A noter que l'appartement fournit la vaisselle, à raison de 4 tasses, 4 verres, les assiettes sont un peu plus nombreuses, il est vrai. Il y a un lave-vaisselle et le kit à 5€ vous donne droit à 3 pastilles, qui sont largement insuffisantes vu la quantité de vaisselle à disposition, d'autant plus si on devait vivre à quatre personnes dans cet espace très réduit. On part évidemment du principe que les clients passent leurs journées dehors, mais il y peut y avoir des journées froides et pluvieuses aussi.

Ce qu'il y a de paradoxal, c'est qu'Odalys propose également des chambres d'hôtel, à 125€/nuit en haute saison. Pour ce prix là, vous aurez gratuitement : les draps (vous n'avez pas besoin de les porter jusqu'à votre logement et retour lors du départ et votre lit sera fait à votre arrivée), des serviettes propres tous les jours, du savon et du shampoing, du papier WC, peut-être même un sèche-cheveux! La télévision sera gratuite, tout comme la WiFi et on vous fera le ménage tous les jours, c'est inclus dans le prix. Vous ne pourrez certes pas cuisiner, mais pour une différence de prix de 55€, ça vous paie bien deux sorties au restaurant.

La piscine est à la disposition de tous les résidents, mais il n'y a de loin pas assez de chaises longues ni de parasols par rapport au nombre de clients.


La formule "appartement pour 4 personnes" conviendra sans doute parfaitement pour une famille avec deux jeunes enfants, le prix par personne par rapport à la prestation devenant alors adéquat. A savoir qu'il y a un spectacle de Toro-piscine deux fois par semaine dans l'immédiate proximité de l'hôtel-résidence, dont le volume sonore dépasse largement les 100 dB et qui s'entend à 1km de distance. Les appartements qui sont tout au fond du domaine voient passer le train à 200 mètres. En revanche, la plage est toute proche, avec deux bars-restaurants, ainsi que des pizzérias de camping. L'hôtel Odalys a également un restaurant.

Les appartements se louent à la semaine, du samedi au samedi. On est censé arriver entre 17h et 20h, mais il vaut la peine de tenter sa chance avant. En effet, comme il y a une centaine d'appartements, chacun faisant son check-in, cela prend beaucoup de temps et il faut attendre son tour patiemment. Lors du départ, il faut libérer les locaux pour 10h et attendre le feu vert de l'état des lieux (étape inexistante avec les chambres d'hôtel, alors que les dégâts sont possibles également). Nous avons décidé de partir un jour plus tôt afin d'éviter de passer des heures à faire la queue.

L'offre hôtelière est immense dans cette région très touristique, mais il n'est pas facile de trouver chaussure à son pied, surtout si on voyage avec un animal. Il y a une résidence Pierre et Vacances quasiment en ville de Saint-Jean-de-Luz. Les logements AirBnB n'acceptent pas les animaux (j'en ai consulté un certain nombre). Il faudrait encore chercher sur des sites de type "Tourisme au Pays basque", Gîtes de France ou Clé Vacances.

Ce qui est certain, c'est que si on trouve la perle rare qui réunit tous les critères pour un prix raisonnable et honnête, il faut se la réserver bien à l'avance. Des vacances réussies dépendent aussi de bonnes conditions d'hébergement.

 Toro Piscine à 100 mètres: https://www.youtube.com/watch?v=f8j8KHILqwQ

mercredi 2 mars 2016

La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil

  

C'est en 1966 que Sébastien Japrisot écrit cet extraordinaire polar, La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil, qui a fait l'objet de deux adaptations cinématographiques: la première d'Anatole Litvak (1970) en collaboration avec l'auteur (musique de Michel Legrand, interprétée par Petula Clark), objet introuvable et, plus récemment de Joann Sfar (2015), qui sembla avoir été un bide retentissant. J'aimerais beaucoup voir la version de Litvak, étant donné que le livre baigne dans une délicieuse atmosphère sixties. Les polars de cette époque sont bien plus intéressants, étant donné toutes les entraves qu'on ne connaît plus aujourd'hui. Les personnages doivent trouver des cabines téléphoniques et il ne suffit pas de faire une recherche Google pour retrouver l'assassin.

L'histoire démarre un peu comme Psycho de Hitchcock: une jeune secrétaire se voit confier la belle voiture de son patron (une forte somme d'argent liquide dans Psycho) et décide de garder la voiture pendant l'absence de son patron, se disant qu'il n'y verrait que du feu. À partir de là, les événements dérapent et la jeune narratrice se demande, pendant tout le roman, si elle n'est pas en train de devenir folle. Le lecteur se fait délicieusement mener en bateau, lui non plus ne sait jamais si c'est du lard ou du cochon. Les événements semblent cohérents et, en même temps, parfaitement invraisemblables.

Mais ce qu'il y a de plus amusant, c'est le voyage dans le temps que nous offre ce roman. "Je n'ai jamais vu la mer". La phrase d'ouverture place déjà le décor. De nos jours, plus personne ne dit ça, ce rêve devenu possible grâce aux congés payés: des vacances à la plage. De nos jours, tous les gamins sont déjà allés en Thaïlande ou au Brésil, ou à tout le moins, en Grèce ou aux Îles Canaries. Ensuite, la jeune secrétaire - aujourd'hui, elle serait assistante - tape à la machine. Attention! Avec une IBM électrique! Les jeunes, qui tweetent avec leurs pouces opposables, savent-ils seulement ce que ça veut dire? Il n'est toutefois pas question de copies carbone, que j'ai encore connues, avec le petit pinceau de TippEx, mais qui sait encore ce que signifie "Cc" dans nos mails quotidiens?


Comble de la modernité, les collègues ont des "transistors made-in-Japan avec magnétophone incorporé, on peut piquer tous les trucs d'Europe 1 en même temps que ça passe". Moi aussi, quand j'étais jeune, j'avais un cassettophone, la qualité des enregistrements n'était pas top, mais on ne connaissait pas iTunes à l'époque. Et encore, je n'ai pas fait la transition vers Spotify ou Deezer. Les collègues masculins vont en Yougoslavie, parce que là-bas, "pour cinq voltaires par jour, on vit comme un nabab sur des plages à couper le souffle". Cinq voltaires = 50 francs français, attention: des nouveau francs! Le roman ayant été écrit en 1966, ça équivalait à 50 francs suisses.


Des diapositives couleur, des Agfacolor; le téléphone qui est mis aux abonnés absents; deux pièces de vingt centimes dans le compteur automatique du parking; une Caravelle de Swissair (ah! Swissair!); un beau brun au sourire Gibbs; la station service où on vous fait le plein et où on vous nettoie votre pare-brise; une radiophoto ....? Une radiographie, sans doute; un gamin de treize ans, coiffé comme les Beatles; Alain Barrière chante à travers des sonneries de billard électrique; elle cherche un disque de Bécaud sur le cadran de la boîte à musique (juke-box?); dans un bureau de poste, une rangée d'annuaires des départements; un numéro de téléphone 2-20 ou encore Colbert 09.10, qu'on demande à la standardiste; étant en province, il faut attendre pour avoir Paris au bout du fil, attendre même une heure pour atteindre Genève; les standardistes qui écoutent les conversations; des camions Somua ou Berliet; une tante qui était yéyé; chercher à atteindre la frontière italienne ou espagnole pour échapper à la police (elle est bien bonne, celle-là!); une 2CV; l'aéroport des Invalides (je paie un cornet de frites à celui/celle qui a connu ça); des négatifs et une planche contact; quelqu'un qui ressemble à Gary Cooper; une enveloppe de salaire; un trousseau de jeune fille brodé à l'orphelinat. Il ne manque plus qu'un flipper, un vélosolex, un scopitone...



La dame s'appelle Danielle Longo, l'auto est une Thunderbird, le fusil, une Winchester à répétition, de calibre 7.62, à canon rayé. Quant aux lunettes, elles n'étaient pas de marque en ce temps-là.

Parlant de Genève, l'auteur écrit ceci: "Je n'ai jamais vu Genève, mais je présume qu'il doit y avoir, au moins pour les Caravaille [son patron] et ceux qui leur ressemblent, des hôtels ouatés, de grandes terrasses ouvertes sur la lune et la douceur mélancolique des violons, des journées lumineuses et des soirées illuminées, enfin des heures comme je n'en connaîtrai jamais, et pas seulement parce qu'elles sont payables en francs lourds ou en dollars."

Sébastien Japrisot, Jean-Baptiste Rossi de son vrai nom, est mort en 2003, à 71 ans. Il laisse derrière lui une œuvre prolifique qui a souvent inspiré le cinéma, comme par exemple L'été meurtrier ou Un long dimanche de fiançailles. Il a remporté de nombreux prix littéraires et à traduit Catcher in the Rye de Salinger.

L'été meurtrier - Adjani & Souchon

mardi 9 février 2016

Multitasking : Interpreters do it Simultaneously





"Mais comment faites-vous?" C’est l’éternelle question que l’on adresse aux interprètes. En effet, il semble tout à fait surhumain, voire magique d’être capable d’écouter une langue étrangère et d’en parler une autre (généralement sa langue maternelle) en même temps. Mais voilà. De nos jours, les interprètes font bien plus que cela. Ils lisent aussi des textes, qui ne correspondent pas forcément à ce qu’ils entendent dans leurs écouteurs. Et en plus, ils manipulent leur ordinateur ou leur tablette à la Recherche du Discours Perdu… et parfois retrouvé.

Les délégués lisent quasiment tous leur intervention. L’expression orale est en voie de disparition, car trop spontanée. C’est trop risqué. Le message doit être parfaitement contrôlé, encadré, à l’abri du moindre lapsus ou dérapage. Et pourtant, on laisse les interprètes se débrouiller pour traduire oralement des discours extrêmement écrits, où chaque mot a été soigneusement pesé et scruté avant d’être couché noir sur blanc. 

…. notes that the Government has repealed the Essential National Industries Decree in July this year, has agreed to reinstate mechanisms for managing employment grievances which had been discontinued by the Decree, has agreed to restore the check off facilities and arrangements for the deduction of union dues, and has agreed to refer to the Committee of Arbitration the current legislative definition and breadth of what should constitute an essential industry ….


Pourtant, les organisations qui ont recours à des interprètes commencent à se rendre compte à quel point il est absurde de faire se déplacer des participants venus des cinq continents, parmi lesquels il y a parfois des ambassadeurs et des ministres, pour leur faire écouter les bribes que les interprètes arrivent à attraper. Car les discours sont non seulement lus, mais ils sont lus vite, et même très vite parfois.

C’est pourquoi différents systèmes ont été mis au point pour éviter qu’on ne doive regarder le délégué lire l’écran de son iPad. La communication véritable, c’est quand le délégué partage son texte avec ses truchements, car c’est ainsi que son message passera le mieux. Et de nos jours, avec la WiFi, rien de plus facile!

A l’heure actuelle, il existe deux systèmes qu’on pourrait qualifier de Push ou Pull. Soit l’interprète va consulter un site sur lequel il aura quelque chance de trouver un discours qui lui soit utile (Pull), soit il les reçoit par dans sa messagerie électronique (Push). Pour cela, il doit:
  • Dévérouiller l'écran de son iPad ou de son ordinateur
  • Faire ou refaire le log-in pour accéder au réseau WiFi, pour la 23ème fois de la journée
  • Aller sur le site de l’organisation/de la conférence pour laquelle il travaille
  • Ensuite, il n’y a plus qu’à chercher le bon discours parmi les 58 discours qui sont arrivés au cours des six dernières heures
Tout en continuant à interpréter et tout en manipulant son ordinateur/tablette pour l'empêcher de se mettre en veille. 

The report also points out that each aspect of the Action Plan has been addressed. We understand that some challenges remain, particularly in terms of awareness raising and the behavioural change needed in the public. However, we believe that progress can be sustained and the ultimate objective of total elimination of FGM can be best achieved by adopting a much broader and comprehensive approach that focuses on increasing opportunities for the empowerment of women and girls, promoting rapid rural development and addressing socio-economic factors such as poverty.

Bien souvent, les discours sont envoyés au moment où ils sont prononcés. Parfois, ils sont envoyés après avoir été prononcés, ce qui signifie qu’ils viennent s’ajouter à la masse des discours reçus, sans pour autant servir à quoi que ce soit. En effet, le discours déjà prononcé n’a aucun intérêt pour les interprètes, car – c’est un scoop – nous ne les lisons pas une fois notre journée de travail terminée.

Parmi les discours que nous recevons, il y a ceux de la veille, ceux qui sont dans des langues que l’interprète n’a pas, il y a ceux qui ont été modifiés depuis et il y a ceux qui atterissent parmi les spams et qu’on retrouve une semaine trop tard. Dans le tas, il y a aussi des invitations à rejoindre un parfait inconnu sur LinkedIn.

With the Millenium Action agenda we have already committed to develop and operationalize a global strategy for vocational training in developing countries. In this regard, we recommend the Organization for drawing a well-balanced strike among various dimensions of its work programme for capacity building while approaching SDGs. We believe there is more to offer in our efforts towards achieving these goals with particular focus to productive employment for young people. 
Mais voilà que notre gobelet à eau est vide! Il faut sortir de cabine et faire 50 ou 100 mètres dans le corridor jusqu’à la fontaine. Au retour, il faut dévérouiller son écran, refaire son log-in…. (voir ci-dessus).

Une chose est certaine: les textes des interventions devraient absolument être classés par séance, c-à-d qu’on sache exactement à quelle réunion ils correspondent et être libellés en conséquence. Si la mention sous «Objet» se contente de dire «Intervención de Guatemala» ou «PPP» ou encore «Réfugiés» alors que le texte est en anglais, on perd un temps et une énergie folle. On ouvre le mail pour constater que le discours correspond au point 11 qui sera traité demain (par une autre équipe) ou qu’il s’agissait du point 5, qui a été examiné hier. Etant donné que nous ne connaissons notre programme qu’une demi-journée à l’avance, il est impossible de savoir quels sont les discours qui risquent éventuellement de nous concerner.

Lorsqu’il y a deux pièces jointes dans un même mail intitulé « Speeches for tomorrow », c’est parfaitement ingérable. Si les cinq pièces jointes concernent cinq séances différentes, autant laisser tomber. Ou alors, il faudrait essayer d’organiser les textes dans différents dossiers, dans l’espoir de les retrouver quand on en aura besoin. Sachant qu’il y a plusieurs équipes qui travaillent par rotation et que, sur le volume global, chaque interprète n’utilisera, à vue de nez, que 10% des discours reçus.

Il arrive aussi que les délégués ou le secrétariat de la conférence ne retrouvent plus le Power Point dont ils ont besoin, parmi les 15 exposés qui s’affichent sur leur écran.

Specifically, we have conducted a needs assessment survey for proper employment, surveys related to expansion of unemployment insurance and other aspects of the social security system, and surveys related to vocational training. We are also planning to continue to provide various types of technical assistance.

Dans ce métier, il faut non seulement bien connaître ses langues, mais il est absolument essentiel de maîtriser l’informatique et de bien savoir naviguer sur internet. Les documents des conférences nous arrivent de plus en plus souvent sous forme de liens et nous devons nous préparer sur nos écrans, sans possibilité de faire des annotations. Un PDF de 50 pages est parfaitement décourageant, tout comme le sont quinze liens vers une pléthore d’information, qu’il faudrait consulter en plusieurs langues. Mettre deux versions linguistiques en parallèle sur un écran est souvent difficile. A moins d’avoir deux ordinateurs, évidemment.

A mes débuts dans la profession, il n’y avait pas encore internet et tout était beaucoup plus lent. Plus concret, aussi. A l’arrivée des nouvelles technologies, les collègues dans la quarantaine et plus étaient très inquiets et déstabilisés, mais tout le monde a bien dû s’y mettre (il y a bien quelques vétérans qui résistent encore….). De nos jours, tout passe par internet : notre programme de travail, nos contrats, les demandes d’avances et de rétribution, les disponibilités, selon les organisations. On y trouve souvent aussi des glossaires et toutes sortes d’informations pratiques ou administratives (niveau de sécurité, accès aux bâtiments, renouvellement des badges [voir ICI] etc.)

Il arrivait autrefois que le délégué vienne nous voir en cabine en brandissant une clé USB (cinq minutes avant de faire son exposé sur son étude en psychiatrie clinique). C’était le bon vieux temps… maintenant, tout passe par le Cloud, Dropbox, un groupe Google ou encore l'appli Teamwork ou e-room, dont les interprètes sont bien sûr exclus. Dans une organisation internationale à Genève, ce que prononce la cabine anglaise est sous-titré automatiquement. D’ici que je prenne ma retraite, ce seront sans doute ce genre de logiciels qui traduiront les textes des délégués. Et finalement, tout le monde pourra rester chez lui, la communication se faisant toute seule par robots interposés. La couche d’ozone vous dira merci !



Paru sur aiic.net: ICI


Fast talking MEP's drive interpreters crazy

Why Fast-Talking MEP's are not just Bad News for Interpreters

Some of my best friends are interpreters
"European Parliament procedures bring some interesting challenges however, and a key one is that when you have limited speaking time ... people, rather predictably, try to maximise it and carefully write speeches to get as much into their 1 or 2 allotted minutes. As a result, what people are confronted with is not so much a minute of spoken language, but a minute of densely packed written language, read out."

lundi 25 janvier 2016

Visiter Neuschwanstein


C'est l'un des monuments les plus visités au monde, au même titre que la Tour Eiffel ou le Taj Mahal: l'un des châteaux de Louis II de Bavière, situé tout au sud de l'Allemagne, comme le sont aussi Linderhof et Herrenchiemsee, deux autres résidences royales.

On dit de Louis II qu'il était fou et, quand on voit les châteaux qu'il s'est fait construire, il y a de quoi. En réalité, il était très solitaire et vivait en reclus, au milieu de dorures délirantes (Linderhof ) ou dans un monde de mythes de contes médiévaux (Neuschwanstein), car il était né à la mauvaise époque et dans la mauvaise famille. Il est devenu roi à 19 ans, mais ne s'intéressait ni à la guerre, ni à la politique ni à la finance. Il aimait la musique, les arts et les lettres et voulait s'échapper dans un monde de rêves et de fantaisie. Il a repoussé la date de ses fiançailles à plusieurs reprises et ne s'est finalement jamais marié. Il était très probablement gay, ce qui, pour le roi catholique d'une province encore aujourd'hui très conservatrice était tout simplement impensable. Ne restait donc que la fuite.
Linderhof
Lorsque Louis II a demandé une rallonge budgétaire pour son château, le parlement a estimé que la plaisanterie avait suffisamment duré (monarchie parlementaire) et l'a démis de son trône. Il a été exilé au château de Berg et quelques jours plus tard, on l'a retrouvé noyé, avec son psy, dans un lac de Starnberg. Sa mort n'a jamais été élucidée: accident, meurtre, suicide … (en compagnie de son psy?). Sept semaines après sa mort, Neuschwanstein ouvrait déjà ses portes aux premiers visiteurs. Ce château a coûté une fortune à bâtir, son entretien est évidemment ruineux, mais il est également devenu une attraction majeure qui rembourse amplement ses frais.
La salle du trône
Un tel endroit ne se visite évidemment pas "en touriste". J'ai eu la bonne idée d'y aller par une froide journée de janvier et nous étions quasiment tout seuls. Choisir d'y aller en voyage organisé en autocar était également une bonne idée, car l'accès au château est réglé comme du papier à musique, avec des créneaux horaires bien précis.

Le château est situé au sud-ouest de Munich, près de Füssen, accessible en train. De là, il faudrait prendre un bus pour Hohenschwangau, une petite localité composée uniquement de boutiques pour touristes, de restaurants et d'hôtels. Il est possible de réserver son heure de visite par internet, mais les billets s'achètent sur place. Il faut ensuite monter la côte, soit à pied (20 minutes), soit en bus navette (ne circule pas en cas de neige ou de verglas), soit en carriole à chevaux. Inutile de dire que s'il y a la foule, ce qui est le cas 360 jours par an, il faut bien planifier son temps, car un créneau horaire manqué ne se rattrape pas. Il est donc fortement recommandé de choisir l'autocar, même si l'excursion dure toute la journée (10 heures). La visite du château, quant à elle, dure environ 30 minutes. Il faut faire de la place pour le groupe suivant!



Contrairement à Linderhof, qui croule sous les dorures, les miroirs et les bougies et qui est un hommage à Louis XIV, Neuschwanstein est une construction wagnérienne, d'atmosphère médiévale. Louis II était un fan absolu de Wagner, il en était également le mécène. Les murs sont décorés de fresques représentant des troubadours, des chevaliers, des scènes de Tristan et Iseult ou encore Lohengrin ou Parsifal. La salle du trône - qui n'accueillait jamais personne - semble venir tout droit de Constantinople. La salle des chanteurs imite et reprend celle du château de Wartburg et pourrait servir de décor à Tannhäuser. Un corridor vous plonge dans une grotte avec stalactites et éclairages en couleur. L'énorme paradoxe de cette folie des grandeurs est que Louis II était farouche, misanthrope et solitaire. Personne n'était jamais convié ni à Linderhof ni à Neuschwanstein. Le roi préférait s'isoler en ermite dans son univers de mages et de fées. Il dormait le jour et lisait la nuit entouré de bougies dont les flammes étaient démultipliées à l'infini par d'immenses miroirs. Le cygne était son animal préféré (Lohengrin), d'où le nom du château, qui signifie littéralement "le nouveau rocher du cygne", bâti sur les ruines de deux précédentes constructions.

La salle des chanteurs
Le roi était sans doute fou, mais il était aussi très moderne. Ses châteaux disposaient de l'eau courante et d'un précurseur du chauffage central, un système de soufflerie d'air chaud. Ça ne l'empêchait pas d'avoir de magnifiques cheminées recouvertes de lapis-lazuli importé d'Afghanistan. Il avait aussi l'électricité, qui lui servait surtout à éclairer des grottes artificielles et à animer des mises en scène rappelant l’univers wagnérien. Ses magnifiques carrosses étaient équipés de phares électriques. Quant à avoir un psy…. la profession venait d'être inventée (Freud est né huit ans avant le roi).

Le château de Neuschwanstein est certes connu, mais sa copie l’est encore plus. En effet, Walt Disney s’en est lourdement inspiré pour son château de contes de fées, qui est une fusion hybride de plusieurs constructions royales mégalomaniaques. Louis II aurait certainement adoré visiter Disneyland. Décidément, il est vraiment né à la mauvaise époque.



jeudi 3 septembre 2015

Restaurant from Hell

Faulty Towers

Aller manger au restaurant devrait être un moment de plaisir, où on se laisse chouchouter et où on se régale de bonnes choses. Ça paraît tout simple, mais réussir une visite au bistrot n’est pas toujours chose aisée.

Tout d’abord, on ne peut pas toujours choisir sa place. J’ai assisté à un ballet surréaliste sur une terrasse à Strasbourg, par une belle journée ensoleillée. Le patron, qui travaillait sans doute autrefois dans une cantine de pensionnat, disait à tous les clients où ils devaient s'asseoir sur sa terrasse: surtout pas à deux tables de quatre personnes, qu’il gardait religieusement pour un hypothétique groupe. Arrivent sept Italiens, qui ont le droit de s'y asseoir. Mais c’était le moment où tout le monde demandait l’addition et le patron garde-chiourme a tant tardé à prendre leur commande qu'ils sont partis. Voilà la pause déjeuner qui se termine et huit belles places en terrasse sont restées vides et interdites aux clients qui ne venaient qu'à deux ou trois (ou pire: seuls !)


Ensuite, les restaurants disco, avec une musique boum-boum, imposée, à plein volume. On y trouve en général des écrans télé sur chaque mur, passant le Top 50, mais qui ne correspond pas à ce qu’on entend. Ou alors le Tour de France ou Roland Garros. Peu importe, personne ne regarde de toute façon.

On retrouve ce même phénomène quand on prend son petit-déjeuner à l'hôtel: la radio est obligatoire, avec l’étape du jour du Tour de France ou l'état des bouchons sur les routes. Avec un peu de chance, la radio est mal réglée et on ne distingue que quelques mots parmi la friture. Même si on voulait suivre les infos, on n'y arrive pas. La radio sert à faire du bruit et rien d'autre. Et si vous avez l’audace de demander qu’on l’éteigne, on vous regardera comme si vous vous étiez échappé de l’asile.

L’enfer des terrasses: des fumeurs à la table d'à-côté. Qui fument entre tous les plats. Qui fument le cigare. Heureusement, plus personne ne fume la pipe. Mais le cigare suffit à vous faire manger à l’intérieur, voire carrément ailleurs.

Si je vois une tablée de gamins, je vais m’installer à l’autre bout de la salle. Car bien souvent, ils hurlent, pleurent, réclament de l’attention et les parents les laissent faire. Dans un passé pas si lointain, les enfants étaient les derniers servis et mangeaient ce qui restait dans les plats. Ils étaient assis à une table à part, parfois même dans une autre salle, voire à la cave. Children should be seen, not heard. C'était le bon vieux temps, on y reviendra peut-être. La génération qui a grandi comme nombril du monde ne tolérera pas les enfants insupportables.

Vient ensuite le dilemme du menu contraint: on ne peut bien sûr pas panacher les menus, mais bien souvent, on ne peut pas renoncer à l'entrée, si c'est quelque chose que vous n'arrivez pas à avaler (comme de l’andouillette), même en promettant de payer le menu au même prix. Après une terrine, même petite, d'andouillette, on n'a tout simplement plus faim. Alors on réceptionne l'entrée, on la touille un peu pour faire plaisir au cuisinier et on attend d'être débarrassé. Tant pis pour la faim dans le monde. On ne peut sans doute pas non plus renoncer au dessert, même si on est au régime ou qu'on est diabétique. Heureusement, de plus en plus de restaurants offrent l'option entrée+plat ou plat+dessert.


Vous aimeriez remplacer le gratin dauphinois par du riz - il y en a avec d'autres plats inscrits sur la carte - mais ce n'est pas possible. Le suprême de poulet sera servi avec du gratin dauphinois, un point, c’est tout! C'est comme ça, sinon c'est l'anarchie!

En France, les restaurants ne proposent que de la viande, de la volaille ou du poisson. Si vous êtes végétarien, passez votre chemin. Idem si vous êtes intolérant au gluten ou au lactose. Les salades contiennent toutes des lardons ou du bacon, ainsi que du fromage.

En voyage dans le Sud-ouest, au sens large, c-à-d tout le quart de la France où les numéros de téléphone commencent par 05, le choix est sérieusement limité au foie gras, aux gésiers et au magret, sous toutes ses formes. Manger de l'oie ou du canard matin, midi et soir finit par être un peu lassant. Vous ne trouverez jamais de choucroute au pays basque ou sur la Côte d'Azur, pour ça, il faut aller en Alsace. On ne trouve pas non plus de couscous, mais c'est sans doute trop connoté.

En France, il n'y a que dans les grandes villes qu'on trouve autre chose que le traditionnel viande-patates. Si vous avez envie de manger thaï ou italien (autre que des pizzas), changez de pays ou allez à Paris ou à Lyon.

Parfois, le service est hyper-lent: il faut attendre 30 minutes avant qu'on ne vous remarque et qu'on vous apporte la carte. Encore 30 minutes pour qu'on passe prendre la commande. Vous demandez des côtelettes d'agneau.... Ah ben, c'est dommage, il n'y en a plus, vous avez trop tardé. Si vous allez seul au restaurant, il ne faut surtout pas lire, car on vous oubliera complètement. Vous pourrez finir Guerre et Paix en toute tranquillité.

de la polenta!
A propos de manger seul au restaurant: on viendra vous retirer votre assiette alors que vous êtes encore en train de mastiquer votre dernière bouchée. Vous occupez deux places et on est pressé de rentabiliser la table.

Venons-en aux plats proprement dits: trop salé, trop cuit, sorti du congélateur puis du micro-ondes. La crêpe froide, donc industrielle, qu'on a oublié de mettre au micro-ondes, nappée d'une sauce chocolat en flacon; les rondelles de bananes sont fraîches, mais uniquement parce la banane refuse de se laisser mettre en boîte ou en tube. Vous commandez des penne au pesto et on vous les apporte carbonara. Les légumes alibi, qui ne servent qu'à décorer l'assiette. En effet, la vraie nourriture, ce sont la viande et les patates.

Les restaurant chics et guindés sont censés être ce qu’il y a de mieux. En ce qui me concerne, trop de cérémonie me coupe l’appétit. Vous aimeriez un peu plus de vin, mais vous devez attendre que le loufiat daigne venir vous servir. S'il est occupé ou qu'il vous oublié, vous n'aurez pas de vin, un point c'est tout.

Downton Abbey
Évidemment, certains restaurants ont tout juste, ce sont ceux qui font tout l'inverse: On respectera votre désir de vous asseoir à-côté de la fenêtre ou sur la terrasse, on n'insistera pas pour que vous preniez un apéritif, on vous apportera la carte assez rapidement.
Si vous mangez seul, on vous laissera tranquille quelques instants à la fin de votre repas.
On vous permettra de choisir un accompagnement qui ne soit pas à base de pommes de terre (vapeur, duchesse, robe des champs, purée, frites, gratin dauphinois). Parmi les desserts, il y en aura quelques uns qui ne sont pas les sempiternels glace, flan, moelleux au chocolat. Les dessert maison, originaux, sont très rares. C'est sans doute difficile à gérer d'un point de vue économique. Le restaurant sympa est celui qui accepte les chiens et où on leur offre spontanément un bol d'eau.

Le festin de Babette
Tous les exemples de service psycho-rigide sont des cas vrais et vécus en France. En Suisse ou ailleurs, on ne prend pas le service au restaurant autant au sérieux. En Suisse allemande, il y a toujours une ou plusieurs options végétariennes, j'ai même mangé un plat de chasse sans gibier: rien qu’avec les accompagnements - spätzle, airelles, châtaignes, poire cuite, chou rouge etc. - il y avait amplement de quoi se rassasier. Il est souvent possible de commander une demi-portion. En Finlande, il y a toujours plusieurs plats sans lactose ou sans gluten. C'est un lourd fardeau à porter que d'avoir la réputation d'être le parangon universel de la gastronomie.

L'aile ou la cuisse

Pour ceux qui voudraient dîner comme à Faulty Towers: ICI