dimanche 31 juillet 2016
Hôtel Résidence Odalys Iratzia - Saint-Jean-de-Luz
Il est difficile de trouver le logement de vacances idéal en haute saison et dans un lieu hautement touristique. Surtout si on a certaines exigences en matière de confort, silence, espace etc.
Pour une semaine à Saint-Jean-de-Luz, mon choix avait porté sur la résidence hôtelière Odalys Iratzia, situé tout près de la plage d'Erromardie, tout près de Saint-Jean-de-Luz également. La fusion parfaite entre la plage et la ville. La résidence propose des appartements de différentes tailles. L'appartement "4 personnes" semblait adéquat pour deux, pour un prix de 1117€ la semaine (mi-juillet), ce qui fait tout de même 160€/jour.
Or l'appartement vous offre les murs, les lits, un coin salon, une kitchenette et un balcon, mais c'est quasiment tout. Tout se paie en supplément. Avec un animal et le ménage en fin de séjour, on arrive à environ 140€ supplémentaires, ce qui met l'appartement à 180€/nuit environ. Précisons qu'il s'agit d'une résidence ****.
Le jeux de draps est offert (Wow!) mais est affiché à 11€ (x2); le jeu de serviettes de bain à 6€ (x2); le ménage en fin de séjour coûte 56€ pour l'appartement dit "4 personnes" (mais on doit quand même laver et ranger la vaisselle); il faut payer 30€ pour avoir la jouissance de la télévision, qu'on ne peut même pas connecter à son ordinateur pour regarder des films; internet revient à 20€ par semaine et par appareil; la lessive est à 5€, la poudre 1,50€ et le séchoir 3€. Les animaux de compagnie sont les bienvenus à 50€ la semaine. La cuisine doit être rendue propre, mais vous devrez débourser 5€ pour obtenir un petit kit contenant une éponge et du produit vaisselle sans aucun pouvoir dégraissant. Le papier WC n'est évidemment pas fourni. La chambre à coucher contient un lit en 140 cm de large avec 30 cm tout autour. Le salon cuisine avec le canapé-lit fait environ 3x 6 m. Ce qui nous fait un total de 25 m2 environ (sans compter la salle de bains et le balcon), ce qui fait 6m2/ personne si on est quatre. Selon le Comité pour la prévention de la torture, il faudrait idéalement 7m2 par prisonnier, on parle de traitement inhumain et dégradant quand on arrive à 3m2 par personne.
C'est sans doute la règle du jeu, mais j'ai le souvenir d'avoir logé dans un appart-hôtel à Ajaccio qui était bien plus accueillant et confortable.
La résidence Odalys à Erromardie est en réalité la version quatre étoiles du camping. Les clients qui en ont l'habitude font sans doute le voyage en emportant leurs draps, leurs assiettes et leurs couverts, leur petite réserve de liquide vaisselle et de poudre à lessive. A noter que l'appartement fournit la vaisselle, à raison de 4 tasses, 4 verres, les assiettes sont un peu plus nombreuses, il est vrai. Il y a un lave-vaisselle et le kit à 5€ vous donne droit à 3 pastilles, qui sont largement insuffisantes vu la quantité de vaisselle à disposition, d'autant plus si on devait vivre à quatre personnes dans cet espace très réduit. On part évidemment du principe que les clients passent leurs journées dehors, mais il y peut y avoir des journées froides et pluvieuses aussi.
Ce qu'il y a de paradoxal, c'est qu'Odalys propose également des chambres d'hôtel, à 125€/nuit en haute saison. Pour ce prix là, vous aurez gratuitement : les draps (vous n'avez pas besoin de les porter jusqu'à votre logement et retour lors du départ et votre lit sera fait à votre arrivée), des serviettes propres tous les jours, du savon et du shampoing, du papier WC, peut-être même un sèche-cheveux! La télévision sera gratuite, tout comme la WiFi et on vous fera le ménage tous les jours, c'est inclus dans le prix. Vous ne pourrez certes pas cuisiner, mais pour une différence de prix de 55€, ça vous paie bien deux sorties au restaurant.
La piscine est à la disposition de tous les résidents, mais il n'y a de loin pas assez de chaises longues ni de parasols par rapport au nombre de clients.
La formule "appartement pour 4 personnes" conviendra sans doute parfaitement pour une famille avec deux jeunes enfants, le prix par personne par rapport à la prestation devenant alors adéquat. A savoir qu'il y a un spectacle de Toro-piscine deux fois par semaine dans l'immédiate proximité de l'hôtel-résidence, dont le volume sonore dépasse largement les 100 dB et qui s'entend à 1km de distance. Les appartements qui sont tout au fond du domaine voient passer le train à 200 mètres. En revanche, la plage est toute proche, avec deux bars-restaurants, ainsi que des pizzérias de camping. L'hôtel Odalys a également un restaurant.
Les appartements se louent à la semaine, du samedi au samedi. On est censé arriver entre 17h et 20h, mais il vaut la peine de tenter sa chance avant. En effet, comme il y a une centaine d'appartements, chacun faisant son check-in, cela prend beaucoup de temps et il faut attendre son tour patiemment. Lors du départ, il faut libérer les locaux pour 10h et attendre le feu vert de l'état des lieux (étape inexistante avec les chambres d'hôtel, alors que les dégâts sont possibles également). Nous avons décidé de partir un jour plus tôt afin d'éviter de passer des heures à faire la queue.
L'offre hôtelière est immense dans cette région très touristique, mais il n'est pas facile de trouver chaussure à son pied, surtout si on voyage avec un animal. Il y a une résidence Pierre et Vacances quasiment en ville de Saint-Jean-de-Luz. Les logements AirBnB n'acceptent pas les animaux (j'en ai consulté un certain nombre). Il faudrait encore chercher sur des sites de type "Tourisme au Pays basque", Gîtes de France ou Clé Vacances.
Ce qui est certain, c'est que si on trouve la perle rare qui réunit tous les critères pour un prix raisonnable et honnête, il faut se la réserver bien à l'avance. Des vacances réussies dépendent aussi de bonnes conditions d'hébergement.
Toro Piscine à 100 mètres: https://www.youtube.com/watch?v=f8j8KHILqwQ
mercredi 2 mars 2016
La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil
C'est en 1966 que Sébastien Japrisot écrit cet extraordinaire polar, La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil, qui a fait l'objet de deux adaptations cinématographiques: la première d'Anatole Litvak (1970) en collaboration avec l'auteur (musique de Michel Legrand, interprétée par Petula Clark), objet introuvable et, plus récemment de Joann Sfar (2015), qui sembla avoir été un bide retentissant. J'aimerais beaucoup voir la version de Litvak, étant donné que le livre baigne dans une délicieuse atmosphère sixties. Les polars de cette époque sont bien plus intéressants, étant donné toutes les entraves qu'on ne connaît plus aujourd'hui. Les personnages doivent trouver des cabines téléphoniques et il ne suffit pas de faire une recherche Google pour retrouver l'assassin.
L'histoire démarre un peu comme Psycho de Hitchcock: une jeune secrétaire se voit confier la belle voiture de son patron (une forte somme d'argent liquide dans Psycho) et décide de garder la voiture pendant l'absence de son patron, se disant qu'il n'y verrait que du feu. À partir de là, les événements dérapent et la jeune narratrice se demande, pendant tout le roman, si elle n'est pas en train de devenir folle. Le lecteur se fait délicieusement mener en bateau, lui non plus ne sait jamais si c'est du lard ou du cochon. Les événements semblent cohérents et, en même temps, parfaitement invraisemblables.
Mais ce qu'il y a de plus amusant, c'est le voyage dans le temps que nous offre ce roman. "Je n'ai jamais vu la mer". La phrase d'ouverture place déjà le décor. De nos jours, plus personne ne dit ça, ce rêve devenu possible grâce aux congés payés: des vacances à la plage. De nos jours, tous les gamins sont déjà allés en Thaïlande ou au Brésil, ou à tout le moins, en Grèce ou aux Îles Canaries. Ensuite, la jeune secrétaire - aujourd'hui, elle serait assistante - tape à la machine. Attention! Avec une IBM électrique! Les jeunes, qui tweetent avec leurs pouces opposables, savent-ils seulement ce que ça veut dire? Il n'est toutefois pas question de copies carbone, que j'ai encore connues, avec le petit pinceau de TippEx, mais qui sait encore ce que signifie "Cc" dans nos mails quotidiens?
Comble de la modernité, les collègues ont des "transistors made-in-Japan avec magnétophone incorporé, on peut piquer tous les trucs d'Europe 1 en même temps que ça passe". Moi aussi, quand j'étais jeune, j'avais un cassettophone, la qualité des enregistrements n'était pas top, mais on ne connaissait pas iTunes à l'époque. Et encore, je n'ai pas fait la transition vers Spotify ou Deezer. Les collègues masculins vont en Yougoslavie, parce que là-bas, "pour cinq voltaires par jour, on vit comme un nabab sur des plages à couper le souffle". Cinq voltaires = 50 francs français, attention: des nouveau francs! Le roman ayant été écrit en 1966, ça équivalait à 50 francs suisses.
Des diapositives couleur, des Agfacolor; le téléphone qui est mis aux abonnés absents; deux pièces de vingt centimes dans le compteur automatique du parking; une Caravelle de Swissair (ah! Swissair!); un beau brun au sourire Gibbs; la station service où on vous fait le plein et où on vous nettoie votre pare-brise; une radiophoto ....? Une radiographie, sans doute; un gamin de treize ans, coiffé comme les Beatles; Alain Barrière chante à travers des sonneries de billard électrique; elle cherche un disque de Bécaud sur le cadran de la boîte à musique (juke-box?); dans un bureau de poste, une rangée d'annuaires des départements; un numéro de téléphone 2-20 ou encore Colbert 09.10, qu'on demande à la standardiste; étant en province, il faut attendre pour avoir Paris au bout du fil, attendre même une heure pour atteindre Genève; les standardistes qui écoutent les conversations; des camions Somua ou Berliet; une tante qui était yéyé; chercher à atteindre la frontière italienne ou espagnole pour échapper à la police (elle est bien bonne, celle-là!); une 2CV; l'aéroport des Invalides (je paie un cornet de frites à celui/celle qui a connu ça); des négatifs et une planche contact; quelqu'un qui ressemble à Gary Cooper; une enveloppe de salaire; un trousseau de jeune fille brodé à l'orphelinat. Il ne manque plus qu'un flipper, un vélosolex, un scopitone...
La dame s'appelle Danielle Longo, l'auto est une Thunderbird, le fusil, une Winchester à répétition, de calibre 7.62, à canon rayé. Quant aux lunettes, elles n'étaient pas de marque en ce temps-là.
Parlant de Genève, l'auteur écrit ceci: "Je n'ai jamais vu Genève, mais je présume qu'il doit y avoir, au moins pour les Caravaille [son patron] et ceux qui leur ressemblent, des hôtels ouatés, de grandes terrasses ouvertes sur la lune et la douceur mélancolique des violons, des journées lumineuses et des soirées illuminées, enfin des heures comme je n'en connaîtrai jamais, et pas seulement parce qu'elles sont payables en francs lourds ou en dollars."
Sébastien Japrisot, Jean-Baptiste Rossi de son vrai nom, est mort en 2003, à 71 ans. Il laisse derrière lui une œuvre prolifique qui a souvent inspiré le cinéma, comme par exemple L'été meurtrier ou Un long dimanche de fiançailles. Il a remporté de nombreux prix littéraires et à traduit Catcher in the Rye de Salinger.
L'été meurtrier - Adjani & Souchon |
mardi 9 février 2016
Multitasking : Interpreters do it Simultaneously
"Mais
comment faites-vous?" C’est l’éternelle question que l’on adresse aux
interprètes. En effet, il semble tout à fait surhumain, voire magique d’être
capable d’écouter une langue étrangère et d’en parler une autre (généralement
sa langue maternelle) en même temps. Mais voilà. De nos jours, les interprètes
font bien plus que cela. Ils lisent aussi des textes, qui ne correspondent pas forcément
à ce qu’ils entendent dans leurs écouteurs. Et en plus, ils manipulent leur
ordinateur ou leur tablette à la Recherche du Discours Perdu… et parfois
retrouvé.
Les délégués lisent
quasiment tous leur intervention. L’expression orale est en voie de disparition,
car trop spontanée. C’est trop risqué. Le message doit être parfaitement
contrôlé, encadré, à l’abri du moindre lapsus ou dérapage. Et pourtant, on
laisse les interprètes se débrouiller pour traduire oralement des discours
extrêmement écrits, où chaque mot a été soigneusement pesé et scruté avant
d’être couché noir sur blanc.
…. notes that
the Government has repealed the Essential National Industries Decree in July
this year, has agreed to reinstate mechanisms for managing employment grievances
which had been discontinued by the Decree, has agreed to restore the check off
facilities and arrangements for the deduction of union dues, and has agreed to
refer to the Committee of Arbitration the current legislative definition and
breadth of what should constitute an essential industry ….
Pourtant, les organisations qui ont recours à des interprètes commencent à se rendre compte à quel point il est absurde de faire se déplacer des participants venus des cinq continents, parmi lesquels il y a parfois des ambassadeurs et des ministres, pour leur faire écouter les bribes que les interprètes arrivent à attraper. Car les discours sont non seulement lus, mais ils sont lus vite, et même très vite parfois.
C’est pourquoi différents
systèmes ont été mis au point pour éviter qu’on ne doive regarder le délégué
lire l’écran de son iPad. La communication véritable, c’est quand le délégué
partage son texte avec ses truchements, car c’est ainsi que son message passera
le mieux. Et de nos jours, avec la WiFi, rien de plus facile!
A l’heure actuelle, il
existe deux systèmes qu’on pourrait qualifier de Push ou Pull. Soit
l’interprète va consulter un site sur lequel il aura quelque chance de trouver
un discours qui lui soit utile (Pull),
soit il les reçoit par dans sa messagerie électronique (Push). Pour cela, il doit:
- Dévérouiller l'écran de son iPad ou de son ordinateur
- Faire ou refaire le log-in pour accéder au réseau WiFi, pour la 23ème fois de la journée
- Aller sur le site de l’organisation/de la conférence pour laquelle il travaille
- Ensuite, il n’y a plus qu’à chercher le bon discours parmi les 58 discours qui sont arrivés au cours des six dernières heures
Tout
en continuant à interpréter et tout en manipulant son ordinateur/tablette pour
l'empêcher de se mettre en veille.
The report also points out that each
aspect of the Action Plan has been addressed. We understand that some
challenges remain, particularly in terms of awareness raising and the
behavioural change needed in the public. However, we believe that progress can
be sustained and the ultimate objective of total elimination of FGM can be best
achieved by adopting a much broader and comprehensive approach that focuses on
increasing opportunities for the empowerment of women and girls, promoting rapid
rural development and addressing socio-economic factors such as poverty.
Bien
souvent, les discours sont envoyés au moment où ils sont prononcés. Parfois,
ils sont envoyés après avoir été prononcés, ce qui signifie qu’ils viennent s’ajouter
à la masse des discours reçus, sans pour autant servir à quoi que ce soit. En effet,
le discours déjà prononcé n’a aucun intérêt pour les interprètes, car – c’est
un scoop – nous ne les lisons pas une fois notre journée de travail terminée.
Parmi
les discours que nous recevons, il y a ceux de la veille, ceux qui sont dans
des langues que l’interprète n’a pas, il y a ceux qui ont été modifiés depuis
et il y a ceux qui atterissent parmi les spams et qu’on retrouve une semaine
trop tard. Dans le tas, il y a aussi des invitations à rejoindre un parfait
inconnu sur LinkedIn.
With the Millenium Action agenda we have already committed to develop and operationalize a global strategy for vocational training in developing countries. In this regard, we recommend the Organization for drawing a well-balanced strike among various dimensions of its work programme for capacity building while approaching SDGs. We believe there is more to offer in our efforts towards achieving these goals with particular focus to productive employment for young people.Mais voilà que notre gobelet à eau est vide! Il faut sortir de cabine et faire 50 ou 100 mètres dans le corridor jusqu’à la fontaine. Au retour, il faut dévérouiller son écran, refaire son log-in…. (voir ci-dessus).
Une chose est certaine:
les textes des interventions devraient absolument être classés par séance,
c-à-d qu’on sache exactement à quelle réunion ils correspondent et être
libellés en conséquence. Si la mention sous «Objet» se contente de dire «Intervención de Guatemala» ou «PPP» ou encore «Réfugiés» alors que le texte est en anglais, on perd un temps et
une énergie folle. On ouvre le mail pour constater que le discours correspond
au point 11 qui sera traité demain (par une autre équipe) ou qu’il s’agissait
du point 5, qui a été examiné hier. Etant donné que nous ne connaissons notre
programme qu’une demi-journée à l’avance, il est impossible de savoir quels
sont les discours qui risquent éventuellement de nous concerner.
Lorsqu’il y a deux pièces
jointes dans un même mail intitulé « Speeches for
tomorrow », c’est
parfaitement ingérable. Si les cinq pièces jointes concernent cinq séances
différentes, autant laisser tomber. Ou alors, il faudrait essayer d’organiser
les textes dans différents dossiers, dans l’espoir de les retrouver quand on en
aura besoin. Sachant qu’il y a plusieurs équipes qui travaillent par rotation
et que, sur le volume global, chaque interprète n’utilisera, à vue de nez, que
10% des discours reçus.
Il arrive aussi que les
délégués ou le secrétariat de la conférence ne retrouvent plus le Power Point
dont ils ont besoin, parmi les 15 exposés qui s’affichent sur leur écran.
Specifically,
we have conducted a needs assessment survey for proper employment, surveys
related to expansion of unemployment insurance and other aspects of the social
security system, and surveys related to vocational training. We are also
planning to continue to provide various types of technical assistance.
Dans ce métier, il faut
non seulement bien connaître ses langues, mais il est absolument essentiel de
maîtriser l’informatique et de bien savoir naviguer sur internet. Les documents
des conférences nous arrivent de plus en plus souvent sous forme de liens et
nous devons nous préparer sur nos écrans, sans possibilité de faire des
annotations. Un PDF de 50 pages est parfaitement décourageant, tout comme le
sont quinze liens vers une pléthore d’information, qu’il faudrait consulter en
plusieurs langues. Mettre deux versions linguistiques en parallèle sur un écran
est souvent difficile. A moins d’avoir deux ordinateurs, évidemment.
A
mes débuts dans la profession, il n’y avait pas encore internet et tout était
beaucoup plus lent. Plus concret, aussi. A l’arrivée des nouvelles
technologies, les collègues dans la quarantaine et plus étaient très inquiets
et déstabilisés, mais tout le monde a bien dû s’y mettre (il y a bien quelques
vétérans qui résistent encore….). De nos jours, tout passe par internet : notre
programme de travail, nos contrats, les demandes d’avances et de rétribution, les
disponibilités, selon les organisations. On y trouve souvent aussi des
glossaires et toutes sortes d’informations pratiques ou administratives (niveau
de sécurité, accès aux bâtiments, renouvellement des badges [voir ICI] etc.)
Il
arrivait autrefois que le délégué vienne nous voir en cabine en brandissant une
clé USB (cinq minutes avant de faire son exposé sur son étude en psychiatrie
clinique). C’était le bon vieux temps… maintenant, tout passe par le Cloud,
Dropbox, un groupe Google ou encore l'appli Teamwork ou e-room, dont les interprètes sont bien sûr exclus. Dans une organisation internationale à Genève, ce
que prononce la cabine anglaise est sous-titré automatiquement. D’ici que je
prenne ma retraite, ce seront sans doute ce genre de logiciels qui traduiront
les textes des délégués. Et finalement, tout le monde pourra rester chez lui,
la communication se faisant toute seule par robots interposés. La couche
d’ozone vous dira merci !
Paru sur aiic.net: ICI
Why Fast-Talking MEP's are not just Bad News for Interpreters
Some of my best friends are interpreters
"European Parliament procedures bring some interesting challenges however, and a key one is that when you have limited speaking time ... people, rather predictably, try to maximise it and carefully write speeches to get as much into their 1 or 2 allotted minutes. As a result, what people are confronted with is not so much a minute of spoken language, but a minute of densely packed written language, read out."
lundi 25 janvier 2016
Visiter Neuschwanstein
C'est l'un des
monuments les plus visités au monde, au même titre que la Tour Eiffel ou le Taj
Mahal: l'un des châteaux de Louis II de Bavière, situé tout au sud de
l'Allemagne, comme le sont aussi Linderhof et Herrenchiemsee, deux autres
résidences royales.
On dit de Louis II
qu'il était fou et, quand on voit les châteaux qu'il s'est fait construire, il
y a de quoi. En réalité, il était très solitaire et vivait en reclus, au milieu
de dorures délirantes (Linderhof ) ou dans un monde de mythes de contes médiévaux (Neuschwanstein),
car il était né à la mauvaise époque et dans la mauvaise famille. Il est devenu
roi à 19 ans, mais ne s'intéressait ni à la guerre, ni à la politique ni à la
finance. Il aimait la musique, les arts et les lettres et voulait s'échapper
dans un monde de rêves et de fantaisie. Il a repoussé la date de ses fiançailles
à plusieurs reprises et ne s'est finalement jamais marié. Il était très
probablement gay, ce qui, pour le roi catholique d'une province encore
aujourd'hui très conservatrice était tout simplement impensable. Ne restait
donc que la fuite.
Linderhof |
Lorsque Louis II a
demandé une rallonge budgétaire pour son château, le parlement a estimé que la
plaisanterie avait suffisamment duré (monarchie parlementaire) et l'a démis de
son trône. Il a été exilé au château de Berg et quelques jours plus tard, on
l'a retrouvé noyé, avec son psy, dans un lac de Starnberg. Sa mort n'a jamais
été élucidée: accident, meurtre, suicide … (en compagnie de son psy?). Sept
semaines après sa mort, Neuschwanstein ouvrait déjà ses portes aux premiers visiteurs.
Ce château a coûté une fortune à bâtir, son entretien est évidemment ruineux,
mais il est également devenu une attraction majeure qui rembourse amplement ses
frais.
La salle du trône |
Un tel endroit ne se
visite évidemment pas "en touriste". J'ai eu la bonne idée d'y aller
par une froide journée de janvier et nous étions quasiment tout seuls. Choisir
d'y aller en voyage organisé en autocar était également une bonne idée, car
l'accès au château est réglé comme du papier à musique, avec des créneaux
horaires bien précis.
Le château est situé
au sud-ouest de Munich, près de Füssen, accessible en train. De là, il faudrait
prendre un bus pour Hohenschwangau, une petite localité composée uniquement de
boutiques pour touristes, de restaurants et d'hôtels. Il est possible de
réserver son heure de visite par internet, mais les billets s'achètent sur
place. Il faut ensuite monter la côte, soit à pied (20 minutes), soit en bus
navette (ne circule pas en cas de neige ou de verglas), soit en carriole à
chevaux. Inutile de dire que s'il y a la foule, ce qui est le cas 360 jours par
an, il faut bien planifier son temps, car un créneau horaire manqué ne se
rattrape pas. Il est donc fortement recommandé de choisir l'autocar, même si
l'excursion dure toute la journée (10 heures). La visite du château, quant à elle, dure environ 30 minutes. Il faut faire de la place pour le groupe suivant!
Contrairement à
Linderhof, qui croule sous les dorures, les miroirs et les bougies et qui est
un hommage à Louis XIV, Neuschwanstein est une construction wagnérienne,
d'atmosphère médiévale. Louis II était un fan absolu de Wagner, il en était
également le mécène. Les murs sont décorés de fresques représentant des
troubadours, des chevaliers, des scènes de Tristan et Iseult ou encore
Lohengrin ou Parsifal. La salle du trône - qui n'accueillait jamais personne - semble venir tout droit de Constantinople.
La salle des chanteurs imite et reprend celle du château de Wartburg et
pourrait servir de décor à Tannhäuser. Un corridor vous plonge dans une grotte avec stalactites et éclairages en couleur. L'énorme paradoxe de cette folie des
grandeurs est que Louis II était farouche, misanthrope et solitaire. Personne
n'était jamais convié ni à Linderhof ni à Neuschwanstein. Le roi préférait
s'isoler en ermite dans son univers de mages et de fées. Il dormait le jour et
lisait la nuit entouré de bougies dont les flammes étaient démultipliées à
l'infini par d'immenses miroirs. Le cygne était son animal préféré (Lohengrin),
d'où le nom du château, qui signifie littéralement "le nouveau rocher du
cygne", bâti sur les ruines de deux précédentes constructions.
La salle des chanteurs |
Le roi était sans
doute fou, mais il était aussi très moderne. Ses châteaux disposaient de l'eau
courante et d'un précurseur du chauffage central, un système de soufflerie
d'air chaud. Ça ne l'empêchait pas d'avoir de magnifiques cheminées recouvertes
de lapis-lazuli importé d'Afghanistan. Il avait aussi l'électricité, qui lui
servait surtout à éclairer des grottes artificielles et à animer des mises en
scène rappelant l’univers wagnérien. Ses magnifiques carrosses étaient équipés de phares électriques. Quant à avoir un psy…. la profession venait d'être inventée (Freud est né huit ans avant le roi).
Le château de
Neuschwanstein est certes connu, mais sa copie l’est encore plus. En effet,
Walt Disney s’en est lourdement inspiré pour son château de contes de fées, qui
est une fusion hybride de plusieurs constructions royales mégalomaniaques.
Louis II aurait certainement adoré visiter Disneyland. Décidément, il est
vraiment né à la mauvaise époque.
jeudi 3 septembre 2015
Restaurant from Hell
Faulty Towers |
Aller manger au restaurant devrait être un moment de plaisir, où on se laisse chouchouter et où on se régale de bonnes choses. Ça paraît tout simple, mais réussir une visite au bistrot n’est pas toujours chose aisée.
Tout d’abord, on ne peut pas toujours choisir sa place. J’ai assisté à un ballet surréaliste sur une terrasse à Strasbourg, par une belle journée ensoleillée. Le patron, qui travaillait sans doute autrefois dans une cantine de pensionnat, disait à tous les clients où ils devaient s'asseoir sur sa terrasse: surtout pas à deux tables de quatre personnes, qu’il gardait religieusement pour un hypothétique groupe. Arrivent sept Italiens, qui ont le droit de s'y asseoir. Mais c’était le moment où tout le monde demandait l’addition et le patron garde-chiourme a tant tardé à prendre leur commande qu'ils sont partis. Voilà la pause déjeuner qui se termine et huit belles places en terrasse sont restées vides et interdites aux clients qui ne venaient qu'à deux ou trois (ou pire: seuls !)
Ensuite, les restaurants disco, avec une musique boum-boum, imposée, à plein volume. On y trouve en général des écrans télé sur chaque mur, passant le Top 50, mais qui ne correspond pas à ce qu’on entend. Ou alors le Tour de France ou Roland Garros. Peu importe, personne ne regarde de toute façon.
On retrouve ce même phénomène quand on prend son petit-déjeuner à l'hôtel: la radio est obligatoire, avec l’étape du jour du Tour de France ou l'état des bouchons sur les routes. Avec un peu de chance, la radio est mal réglée et on ne distingue que quelques mots parmi la friture. Même si on voulait suivre les infos, on n'y arrive pas. La radio sert à faire du bruit et rien d'autre. Et si vous avez l’audace de demander qu’on l’éteigne, on vous regardera comme si vous vous étiez échappé de l’asile.
L’enfer des terrasses: des fumeurs à la table d'à-côté. Qui fument entre tous les plats. Qui fument le cigare. Heureusement, plus personne ne fume la pipe. Mais le cigare suffit à vous faire manger à l’intérieur, voire carrément ailleurs.
Si je vois une tablée de gamins, je vais m’installer à l’autre bout de la salle. Car bien souvent, ils hurlent, pleurent, réclament de l’attention et les parents les laissent faire. Dans un passé pas si lointain, les enfants étaient les derniers servis et mangeaient ce qui restait dans les plats. Ils étaient assis à une table à part, parfois même dans une autre salle, voire à la cave. Children should be seen, not heard. C'était le bon vieux temps, on y reviendra peut-être. La génération qui a grandi comme nombril du monde ne tolérera pas les enfants insupportables.
Vient ensuite le dilemme du menu contraint: on ne peut bien sûr pas panacher les menus, mais bien souvent, on ne peut pas renoncer à l'entrée, si c'est quelque chose que vous n'arrivez pas à avaler (comme de l’andouillette), même en promettant de payer le menu au même prix. Après une terrine, même petite, d'andouillette, on n'a tout simplement plus faim. Alors on réceptionne l'entrée, on la touille un peu pour faire plaisir au cuisinier et on attend d'être débarrassé. Tant pis pour la faim dans le monde. On ne peut sans doute pas non plus renoncer au dessert, même si on est au régime ou qu'on est diabétique. Heureusement, de plus en plus de restaurants offrent l'option entrée+plat ou plat+dessert.
Vous aimeriez remplacer le gratin dauphinois par du riz - il y en a avec d'autres plats inscrits sur la carte - mais ce n'est pas possible. Le suprême de poulet sera servi avec du gratin dauphinois, un point, c’est tout! C'est comme ça, sinon c'est l'anarchie!
En France, les restaurants ne proposent que de la viande, de la volaille ou du poisson. Si vous êtes végétarien, passez votre chemin. Idem si vous êtes intolérant au gluten ou au lactose. Les salades contiennent toutes des lardons ou du bacon, ainsi que du fromage.
En voyage dans le Sud-ouest, au sens large, c-à-d tout le quart de la France où les numéros de téléphone commencent par 05, le choix est sérieusement limité au foie gras, aux gésiers et au magret, sous toutes ses formes. Manger de l'oie ou du canard matin, midi et soir finit par être un peu lassant. Vous ne trouverez jamais de choucroute au pays basque ou sur la Côte d'Azur, pour ça, il faut aller en Alsace. On ne trouve pas non plus de couscous, mais c'est sans doute trop connoté.
En France, il n'y a que dans les grandes villes qu'on trouve autre chose que le traditionnel viande-patates. Si vous avez envie de manger thaï ou italien (autre que des pizzas), changez de pays ou allez à Paris ou à Lyon.
Parfois, le service est hyper-lent: il faut attendre 30 minutes avant qu'on ne vous remarque et qu'on vous apporte la carte. Encore 30 minutes pour qu'on passe prendre la commande. Vous demandez des côtelettes d'agneau.... Ah ben, c'est dommage, il n'y en a plus, vous avez trop tardé. Si vous allez seul au restaurant, il ne faut surtout pas lire, car on vous oubliera complètement. Vous pourrez finir Guerre et Paix en toute tranquillité.
de la polenta! |
A propos de manger seul au restaurant: on viendra vous retirer votre assiette alors que vous êtes encore en train de mastiquer votre dernière bouchée. Vous occupez deux places et on est pressé de rentabiliser la table.
Venons-en aux plats proprement dits: trop salé, trop cuit, sorti du congélateur puis du micro-ondes. La crêpe froide, donc industrielle, qu'on a oublié de mettre au micro-ondes, nappée d'une sauce chocolat en flacon; les rondelles de bananes sont fraîches, mais uniquement parce la banane refuse de se laisser mettre en boîte ou en tube. Vous commandez des penne au pesto et on vous les apporte carbonara. Les légumes alibi, qui ne servent qu'à décorer l'assiette. En effet, la vraie nourriture, ce sont la viande et les patates.
Les restaurant chics et guindés sont censés être ce qu’il y a de mieux. En ce qui me concerne, trop de cérémonie me coupe l’appétit. Vous aimeriez un peu plus de vin, mais vous devez attendre que le loufiat daigne venir vous servir. S'il est occupé ou qu'il vous oublié, vous n'aurez pas de vin, un point c'est tout.
Downton Abbey |
Évidemment, certains restaurants ont tout juste, ce sont ceux qui font tout l'inverse: On respectera votre désir de vous asseoir à-côté de la fenêtre ou sur la terrasse, on n'insistera pas pour que vous preniez un apéritif, on vous apportera la carte assez rapidement.
Si vous mangez seul, on vous laissera tranquille quelques instants à la fin de votre repas.
On vous permettra de choisir un accompagnement qui ne soit pas à base de pommes de terre (vapeur, duchesse, robe des champs, purée, frites, gratin dauphinois). Parmi les desserts, il y en aura quelques uns qui ne sont pas les sempiternels glace, flan, moelleux au chocolat. Les dessert maison, originaux, sont très rares. C'est sans doute difficile à gérer d'un point de vue économique. Le restaurant sympa est celui qui accepte les chiens et où on leur offre spontanément un bol d'eau.
Le festin de Babette |
Tous les exemples de service psycho-rigide sont des cas vrais et vécus en France. En Suisse ou ailleurs, on ne prend pas le service au restaurant autant au sérieux. En Suisse allemande, il y a toujours une ou plusieurs options végétariennes, j'ai même mangé un plat de chasse sans gibier: rien qu’avec les accompagnements - spätzle, airelles, châtaignes, poire cuite, chou rouge etc. - il y avait amplement de quoi se rassasier. Il est souvent possible de commander une demi-portion. En Finlande, il y a toujours plusieurs plats sans lactose ou sans gluten. C'est un lourd fardeau à porter que d'avoir la réputation d'être le parangon universel de la gastronomie.
L'aile ou la cuisse |
Pour ceux qui voudraient dîner comme à Faulty Towers: ICI
vendredi 24 juillet 2015
Qui a tué le petit commerce ?
De tous temps, j’ai plutôt eu une bonne opinion des syndicats, même s’ils sont à l’origine de grèves qui emmerdent tout le monde. Il m’arrive même de travailler pour les fédérations syndicales internationales, qui prennent la défense de travailleurs vulnérables qui sont au service de grandes multinationales, considérées, de façon pavlovienne, comme des monstres qui exploitent le prolétariat. Les syndicats sont des empêcheurs de tourner en rond, qui, comme toute forme d’opposition, ont au moins le mérite de susciter le débat et de faire bouger les choses, dans le bon sens, peut-on espérer.
Mais
voilà. Il arrive aussi que le syndicalisme se trompe de cible, en prenant
aveuglément la défense du pauvre travailleur vis-à-vis du vil employeur, qui
est, forcément, une créature dickensienne qui fouette sa main-d’œuvre pour la
faire travailler plus dur, tout en la privant de sa dignité d’être humain.
Pourtant, combien de fois n’ai-je entendu dire, en conférence, que les PME sont
les principales créatrices d’emploi? En effet, sans odieux employeur
capitaliste, pas de travail non plus et, par conséquent, pas de revenus pour
les gentils travailleurs victimes de la cupidité de leur patron.
Par
ailleurs, les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas appris à gérer leurs émotions ni
leurs frustrations. Tout leur est dû, sur un plateau d’argent, s’il vous plaît,
et à la première contrariété, ils explosent, provoquant une avalanche, doublée
d’un tsunami. Ils ne discutent pas, ils attaquent. Certains partent même faire
le djihad, tellement ils ont la haine. Ils n’ont aucune idée des réalités du
monde du travail: il faut se lever tôt, tous les jours, il faut arriver à
l’heure et non, on ne peut pas prendre de pauses à tout bout de champ. Et puis,
il faudrait travailler aussi.... mais bof.... c’est trop ennuyeux et puis,
c’est fatiguant.
Alors
quand ils se font licencier parce qu’ils ne fichent rien et ignorent les instructions
de leur employeur, ils s’estiment victimes de la plus grande des injustices. Ils
sont incapables de se demander si leur licenciement pourrait, éventuellement,
être la conséquence de leur attitude au boulot et de faire le lien entre la
cause et l’effet. Et, au lieu d’en parler, au lieu de discuter ou de dialoguer,
ils vont pleurer dans le giron du syndicat, qui volera immédiatement au secours
de ces pauvres chous sans défense, sans douter un seul instant de leurs dires,
ni vérifier si leurs accusations sont fondées.
C’est
ainsi qu’un tout petit patron, qui a de la peine à survivre face aux loyers qui
explosent et face à la concurrence féroce du e-commerce, reçoit, début décembre
pour des faits remontant à la deuxième moitié du mois de novembre, un courrier
comminatoire l’accusant de «faits pénalement répréhensibles» et le sommant de
se présenter à une séance de conciliation, avec ordre de donner réponse dans
les trois jours. Le syndicat refuse de se rendre compte que le petit patron
devra fermer boutique pour répondre à ces injonctions, étant donné qu’il ne
peut pas s’absenter de son poste, contrairement à bon nombre de salariés et
contrairement au secrétaire syndical, dont c’est le boulot.
Lors de la
séance de conciliation, on comprendra rapidement que «les faits pénalement
répréhensibles» ne sont que le fruit de l’incompréhension des quatre jeunes (de
19 à 27 ans) qui attaquent celui qui était leur ami encore quelques jours plus
tôt. Ils accusaient leur patron de ne pas payer leurs charges sociales, croyant
sans doute que ces charges sociales viendraient s’ajouter à leur salaire. Cela
a permis de découvrir que l’un d’entre eux, qui pleurait à chaudes larmes parce
que son patron ne respectait pas une loi dont celui-ci ignorait l’existence,
était plutôt en situation indélicate lui-même – mais nous ne nous étendrons pas
sur le sujet.
Le
patron sera alors le seul à se faire remonter les bretelles et il fera ce qu’il faut
pour se mettre en règle. En effet, il ignorait que la Convention collective de
travail (CCT) pour le secteur de la vente de détail, négocié entre les
syndicats et les mastodontes du commerce de détail (Migros, Globus et
consorts), s’applique exactement de la même manière aux petits commerces de
quartier. Personne ne l’en a informé, mais nul n’est censé ignorer la loi. Le
citoyen lambda qui essaiera de se renseigner découvrira qu’un arrêté
d’extension est entré en vigueur le 1er octobre 2014, mais ça signifie que la
CCT s’appliquait à tous les commerces déjà bien avant cette date. Logique et
parfaitement clair.
La CCT
impose un salaire minimum obligatoire, pourtant refusé en votation populaire au
printemps 2014, précisément parce que cela allait pousser les petits
exploitants et les petites entreprises à la faillite. La CCT augmente ce
salaire minimum chaque année, le but étant de parvenir à 4000,-/mois en 2018,
auxquels il faut ajouter les charges sociales, qui augmentent
proportionnellement. Autant dire que tous les petits commerces auront disparu
d’ici-là, la tendance est déjà clairement visible.
Avec
l’extension de la CCT, une Commission paritaire syndicats-employeurs a été
créée, dont le but est de surveiller les employeurs et les entreprises. Les
travailleurs, quant à eux, sont forcément purs comme la blanche colombe qui
vient de naître.
Du fait de
cette même CCT qui a force de loi, il n’existe plus de petits boulots
d’étudiants. Les gamins n’ayant aucune expérience du monde du travail doivent
être rémunérés exactement de la même manière que des adultes responsables et
mûrs. Faut-il dès lors s’étonner que personne ne souhaite les embaucher?
Sachant, de plus, que ces jeunes enfants gâtés iront vous dénoncer au syndicat
dès le moindre malentendu. On feint ensuite de s’étonner face au phénomène du
chômage des jeunes. Evidemment qu’ils arrivent dans le monde professionnel sans
avoir la moindre idée de quoi que ce soit, comment pourrait-il en aller
autrement?
A
l’avenir, nous irons faire nos courses chez Migros, Manor et Interdiscount, sur
amazon et eBay. Les grands magasins ont des pointeuses qui décomptent les
arrivées tardives et les pauses cigarette, ils ont aussi des départements
juridiques capables d’affronter le syndicat. Quant au e-commerce, fini les
flâneries et les achats sur impulsion, les surprises qu’on découvre au hasard
d’une vitrine. Finie l’animation dans les quartiers, les arcades seront
remplacées par des bureaux ou par Starbucks & C°.
Et si
d’aventure vous étiez tenté d’engager du personnel, soyez prudent ! Il est
moins risqué de tuer quelqu’un en roulant bourré (l’ébriété étant considérée comme une circonstance atténuante) ou encore de dealer de la coke (il suffit de
perdre ses papiers et on vous relâchera illico). Il est aussi recommandé
d’engager un juriste et un comptable, afin de ne pas se tromper dans le calcul
des charges sociales, des vacances, du 13ème mois, de la LPP et
n’oubliez surtout pas l’assurance perte de gain en cas de maladie, sinon, vous
vous ferez taper sur les doigts !
Le texte
de la CCT 2013-2018 https://www.ge.ch/cct/EnVigueur/dati/cct/doc/68721.pdf
A noter
que les kiosques ne sont pas tenus de l’appliquer, ce qui explique leur
prolifération. Les accordeurs de piano non plus…
Les Suisses disent non à 76% au salaire minimum : ICI
« Les milieux économiques, le gouvernement et les partis de centre et de droite ont au contraire fait valoir que ce salaire minimum, «le plus élevé du monde», n’aurait pas été supportable pour de nombreuses entreprises. Celles-ci auraient été contraintes de se restructurer, de délocaliser à l’étranger voire même de mettre la clé sous la porte. »
CQFD