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samedi 31 août 2024

Saint-François d’Assise de Olivier Messiaen

Mise en scène d'Adel Abdessemed

Au printemps de cette année, j’ai eu la chance et le privilège de pouvoir participer, en tant que choriste, aux représentations de l’opéra Saint-François d’Assise d’Olivier Messiaen (1908-1992) au Grand Théâtre de Genève (avril 2024). Bien que Messiaen ait composé de nombreuses œuvres, il n’a écrit qu’un seul opéra. Saint-François a été créé en 1983 à l’Opéra de Paris, avec Jose van Dam dans le rôle-titre et Seiji Ozawa à la direction. Parmi les autres grands chefs d’orchestre à s’être attaqué à cette œuvre monumentale (plus de quatre heures), une mention toute particulière va à Kent Nagano, qui dirigeait par cœur, ce qui n’est pas une mince affaire, si l’on songe que la partition fait 2200 pages et pèse environ 18 kg ! Quant aux effectifs sur scène, il faut compter 120 musiciens, 150 choristes et neuf solistes, dont une seule femme (l’Ange).


Chaque personnage est accompagné d’un leitmotiv qui lui est propre et qui suit les lignes mélodiques d’un chant d’oiseau, tel que l’alouette, la fauvette à tête noire, la fauvette gérygone, le philemon de lIle aux Pins, la rousserolle effarvatte… On entend plus de 30 chants d’oiseaux différents dans cet opéra : le chant du troglodyte, de la linotte, du roselin cramoisi, du merle bleu, du rossignol à ventre jaune, du traquet à tête grise… Il s’agit d’oiseaux du Japon, de Mélanésie, du Maroc, de Corse, de Suède, dItalie et même de Nouvelle-Calédonie : « Je nai jamais entendu ces oiseaux dans notre Ombrie », objectera très justement Frère Massée. Messiaen était passionné par les oiseaux, il était d’ailleurs non seulement compositeur et organiste, mais aussi ornithologue. Saint François d’Assise étant connu pour son art à communiquer avec les oiseaux, le personnage ne pouvait que toucher le compositeur : « Saint François est en quelque sorte pour moi un confrère, je suis ornithologue et il prêchait aux oiseaux. » 


Si la multitude d’oiseaux ressemble à un inventaire de Prévert, que dire alors de l’orchestre ? On y trouve de nombreuses percussions, l’opéra démarre d’ailleurs par un thème au gamelan balinais souvent répété tout au long du spectacle ; également des xylophones, un xylorimba, un glockenspiel, un vibraphone, des marimbas, timbales et cymbales ; pas moins de six cors et huit contrebasses, seize cuivres, une clarinette contrebasse, un héliophone, des maracas, des gongs, un reco-reco, des crotales (non, pas le serpent !), des cloches tubulaires, des tam-tams, un géophone, une plaque-tonnerre …. mais pas le moindre raton laveur ! Tout ceci en sus des banals violons et autres clarinettes. La pièce maîtresse dans le rare et l’étrange est l’onde martenot, il n’y en a pas moins de trois ! Cet instrument étrange, un peu tombé dans l’oubli, est un piano électronique, inventé en 1918, qui crée des sons de fantôme et de soucoupe volante. C’est un précurseur des synthétiseurs et une sorte de cousin du thérémine, inventé quasi simultanément en Union soviétique, en 1919. Dans les années 1990, la belle-sœur ondiste - une personne qui joue des ondes martenot - de Messiaen, Jeanne Loriod a contribué à la mise au point de l’ondea, une version remaniée qui a servi dans la musique populaire moderne. La production d’ondes martenot a cessé en 1988, autrement dit, les trois instruments sur la scène du Grand Théâtre de Genève étaient des spécimens rares et relativement anciens.
 


Le prêche aux oiseaux au deuxième acte est un véritable feu d’artifice de chants multicolores. Dans ce fouillis organisé - le terme est de Messiaen - qui ne doit rien au hasard, Messiaen a voulu transcrire les myriades de couleurs déversées par les vitraux d’église, exprimant ainsi sa foi sincère. L’opéra - ou opératorio - porte le sous-titre « scènes franciscaines », on n’y trouve aucune trace d’un drame amoureux ou d’une vengeance sanglante. Cette fois-ci, ce n’est pas la soprano qui meurt à la fin, mais Saint-François, exalté de retrouver son créateur. L’œuvre est classée parmi la musique contemporaine. 


Saint-François d’Assise est une œuvre éminemment pieuse, aussi mystique que statique, qui parle beaucoup aux personnes croyantes. Messiaen était profondément catholique, passionné d’oiseaux et de musique. Étant aussi synesthète, il voyait la musique en couleurs. Il s’est intéressé à la musique traditionnelle indienne, japonaise, balinaise, ainsi qu’aux rythmes grecs. Entré au Conservatoire de Paris à l’âge de 11 ans, il obtient cinq prix dont ceux dorgue et de composition. A l’âge de 22 ans, il devient l’organiste titulaire de l’église de la Trinité à Paris, poste qu’il occupera pendant 61 ans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Messiaen a été fait prisonnier par les Allemands. Il passera son temps à analyser des partitions pour oublier la faim et composera le Quatuor pour la fin des temps pour les instruments disponibles dans son stalag (1941). De nombreux grands compositeurs modernes seront ses élèves, parmi lesquels Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Mikis Theodorákis, Lalo Schifrin ou encore Iannis Xenakis, parmi bien d’autres.



Olivier Messiaen a entamé la composition de Saint-François d’Assise à l’âge de 67 ans et l’a terminée à 75 ans. Il a encore composé une pièce pour piano et quatuor à cordes à 83 ans, une année avant son décès. La vieillesse n’est donc pas forcément un naufrage, comme l’affirmait le Général de Gaulle. Quant à Saint-François, il a été canonisé en 1228 par le pape Grégoire IX et Jean-Paul II l’a fait patron de l’écologie en 1979 (voir le Cantique des créatures). On lui attribue une prière pour la paix, parue en 1912, qu’il a sans doute écrite sur son nuage au paradis. Espérons que Dieu, quel qu’il soit, l’entendra enfin !


 

Prière pour la paix

Parue pour la première fois en 1912, rédigée par l'abbé Bouquerel. Reprise ensuite par des pacifistes protestants qui ont été les premiers à l’associer à Saint-François d’Assise.


Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,

Là où est la haine, que je mette l’amour.

Là où est l’offense, que je mette le pardon.

Là où est la discorde, que je mette l’union.

Là où est l’erreur, que je mette la vérité.

Là où est le doute, que je mette la foi.

Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.

Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.

Là où est la tristesse, que je mette la joie.

Oh Seigneur, que je ne cherche pas tant à

être consolé qu’à consoler,

à être compris qu’à comprendre,

à être aimé qu’à aimer.

Car c’est en se donnant qu’on reçoit,

c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,

c’est en pardonnant qu’on est pardonné,

c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie.


Liste des percussions utilisées dans SFA (merci ChatGPT)


**Instruments à peau :**
- Grosse caisse
- Caisse claire
- Tambourin
- Tom-Toms
- Timbales
- Tambours basques

**Instruments métalliques :**
- Tam-tams de différentes tailles
- Cymbales (suspendues, crash, splash)
- Triangle
- Dong (gong chinois et autres gongs)
- Cloches tubulaires
- Carillon (cloches)
- Crotales (petites cymbales accordées en métal, jouées avec des baguettes)
- Cloches de bétail

**Instruments à lames :**
- Xylophone
- Marimba
- Vibraphone
- Glockenspiel (jeu de cloches)
- Tubes accordés

**Autres percussions :**
- Wood-blocks
- Castagnettes
- Maracas
- Güiro
- Flexatone
- Temple block


- Héliophone 
L'héliophone est un instrument très rare utilisé pour sa sonorité unique et distinctive. Bien qu'il ne soit pas couramment trouvé dans les orchestres standards, Messiaen l'utilise pour enrichir la texture sonore de son opéra. Il produit un son brillant et résonnant qui contribue à l'atmosphère céleste et mystique de l'œuvre.

- Plaque tonnerre :
La plaque tonnerre est une grande plaque en métal que l'on frappe pour imiter le bruit du tonnerre. Cet instrument est utilisé pour ajouter des effets dramatiques et atmosphériques, renforçant les moments de tension et de puissance dans la musique.