Voilà quelques unes des paroles de sagesse qu’on peut lire sur cet étrange monument qui se trouve à Hauterives, dans le nord de la Drôme : le Palais Idéal du Facteur Cheval, dont la construction a duré 33 ans, de 1879 à 1912. Son architecte et bâtisseur, Ferdinand Cheval, est décédé il y a maintenant exactement 100 ans. Il passait pour un original et un doux dingue à son époque, mais aujourd’hui son œuvre est devenue une attraction touristique et artistique connue dans le monde entier. Son style appartient à l’art naïf, mais aussi à l’art brut, compte tenu du profil psychologique de ce créateur hors-normes. En effet, on soupçonne qu’il était autiste asperger. Ce comportement aussi tenace qu’obsessionnel semble en effet pointer dans cette direction. Pendant ses tournées de distribution du courrier - il parcourait 32 km à pied tous les jours - il ramassait des cailloux, des pierres et des coquillages. Il passait ensuite ses nuits à pétrir de la chaux, du ciment et du mortier, s’aidant de fils de fer, utilisant ainsi les techniques du béton armé avant l’heure. Une fois son palais achevé, il a encore consacré 8 ans à bâtir sa propre sépulture - le Tombeau du silence et du Repos sans fin - qu’il a réussi à terminer deux ans avant sa mort.
Au XIXème siècle, la France était extrêmement pauvre et Ferdinand Cheval a eu la chance de pouvoir aller à l’école jusqu’à l’âge de 12 ans. Il a tout d’abord travaillé comme boulanger - d’où le pétrissage de ses matériaux de construction - mais a ensuite trouvé un emploi comme facteur, étant donné qu’il savait lire. Le tourisme en était à ses balbutiements et Ferdinand Cheval a certainement trouvé son inspiration dans les illustrations des cartes postales qu’il distribuait. Car on trouve toutes sortes de cultures lointaines parmi les innombrables convolutions de son palais. Il y a fait figurer un château du Moyen-Âge, une maison carrée d’Alger, un chalet suisse, une maison blanche, un temple hindou, une mosquée … Le palais est également décoré de trois géants et de colonnes barbaresques, d’une niche aux hirondelles, d’un musée antédiluvien, d’une crèche merveilleuse et de toutes sortes d’animaux, y compris des gargouilles. Sa construction s’appelait tout d’abord Le Temple de la Nature. Ici et là, on peut lire des aphorismes ou déclarations en tout genre, comme par exemple « Ce rocher dira un jour bien des choses » ou encore « Sur cette terre, comme l'ombre nous passons. Sortis de la poussière, nous y retournerons ». On peut facilement passer une heure ou deux, voire davantage, à flâner dans et autour de ce petit château de contes de fées, tant il y a de détails surprenants à observer. André Malraux, alors Ministre de la Culture, a eu la clairvoyance de classer le site Monument historique en 1969, alors que d’autres estimaient que ce n’était qu’un « affligeant ramassis d’insanités ». Ferdinand Cheval était également admiré d’André Breton, Picasso et Max Ernst, à qui il a inspiré des œuvres, tout comme à Nikki de Saint Phalle. Son œuvre a été découverte et reconnue encore de son vivant, ce qui a permis à son travail d’être enfin apprécié à sa juste valeur. Aujourd’hui, le Palais Idéal accueille 200.000 visiteurs par an.
Peut-être qu’il vous arrive, à vous aussi, d’admirer les jolis cailloux qu’on trouve sur les plages de galets, qui ont parfois des formes et des motifs intéressants ou surprenants. Les personnes qui collectionnent des cailloux s’appellent des « chiens de roche ». Certains s’amusent à bâtir des « cairns », c-à-d des cailloux empilés dans un exercice d’équilibrisme zen. Cette mode est toutefois néfaste pour l’environnement, surtout si elle encourage les touristes à exhiber ensuite leurs œuvres tellement instagrammables sur les réseaux ! Cela finit par perturber l’équilibre naturel au point qu’il est devenu nécessaire d’infliger des amendes aux émules du Facteur Cheval, qui espèrent ainsi se rapprocher un peu de Bouddha. Par exemple, à Nice, vous risquez 38€ d’amende si vous emportez des cailloux. Un touriste revenant de Sardaigne s’est fait pincer avec 41 kg de galets - qui ont été saisis et remis à leur place. La municipalité d’Étretat a fait passer un message à la télévision, exhortant les visiteurs à ne pas emporter leurs précieux galets. On estime que les vacanciers en embarquent environ 400 kg par jour. Une brave personne, prise de remords, a mis ses quatre galets dans une enveloppe et les a renvoyés à Étretat. Ce petit geste n’est, évidemment, qu’une goutte d’eau dans l’océan Atlantique ….
Pierre qui roule n’amasse pas mousse, dit-on en français. Les personnes qui vivent dans des maisons en verre feraient mieux de ne pas lancer de cailloux, dit-on en anglais et en allemand. Il faut collectionner les pierres qu’on vous jette, c’est le début d’un piédestal - aurait dit Hector Berlioz. Alors si quelqu’un cherche à vous lapider…. vous pourrez toujours commencer à bâtir un piédestal, à défaut de bâtir un palais !
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