Nobody remembers Philip K. Dick, although everybody knows the many films that were made after his novels. He has had a lasting impact on popular culture for the past decades and his heritage still pervades our everyday lives, today more than ever before.
Philip Kindred Dick est un auteur américain injustement tombé dans l’oubli, seuls les boomers savent encore qui il était. Et pourtant, tout le monde le connaît sans en être conscient. Il a écrit de nombreuses nouvelles parues dans des revues de science fiction (pulps), puis des romans, sans vraiment rencontrer d’immense succès de son vivant, si ce n’est avec son roman Le Maître du Haut Château (The Man in the High Castle, récemment adapté en série télé). La science-fiction était alors considérée comme un genre mineur et il aurait aimé être reconnu comme auteur « généraliste » . Il est mort d’un AVC quelques mois avant la sortie au cinéma de Blade Runner, adaptation de Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (Do Androids Dream of Electric Sheep ?). Il fait ainsi partie de ces génies incompris, qui vivotent malheureux et frustrés et dont l’œuvre finit par avoir un impact énorme sur un monde auquel ils n’appartiennent plus.
Sa vie était loin d’être un fleuve tranquille. Sa sœur jumelle est décédée quelques semaines après leur naissance, un événement qui l’a fortement marqué. C’était un enfant calme, aimant la musique et qui était capable de reconnaître de nombreuses œuvres, rien qu’en écoutant les premières mesures. Il passait beaucoup de temps seul, à se raconter des histoires, il lisait Poe et Lovecraft. Jeune, il souffre de troubles psychiques - crises d’angoisse et introversion - et sa mère l’enverra consulter un psychiatre dès l’âge de 14 ans. S’étant bien renseigné sur les mille et une facettes de la psychologie, Dick finira par devenir maître de la manipulation, parvenant à mener les psys par le bout du nez. Il savait exactement comment il fallait répondre aux tests pour qu’on le juge normalement anormal ou anormalement normal. Il suivait des cours spéciaux pour HPI et se vantait d’avoir triché aux tests. Selon lui, un imposteur parvenant à se faire passer pour un génie était encore plus malin qu’un génie véritable. En outre, il a su exploiter l’incroyable effet dramatique que provoquait la mort de sa sœur jumelle, tout en faisant d’elle une compagne imaginaire. Agoraphobe, chétif, souffrant de vertiges et d’angoisses, aimant les arts et la musique, il pensait être homosexuel. Par amour de la musique et de Schubert, Schumann et Brahms, il s’est mis à apprendre l’allemand. Il a d’abord travaillé dans un magasin de musique, pensant en faire sa carrière, mais sa deuxième femme (il a été marié cinq fois) l’a encouragé à écrire, ce qu’il a fait et fera toute sa vie.
Sa vie intérieure était intense, tourmentée, animée d’une riche imagination, alimentée par ses phobies, ainsi que par une palette de drogues et de médicaments, qui lui permettront d’entrevoir l’avenir tel un visionnaire particulièrement perspicace. Il a en effet deviné et pressenti l’intelligence artificielle, la société de surveillance, les réseaux sociaux, le Big Data et les univers virtuels qui parcourent tous ses romans. Sa paranoïa et ses délires lui ont permis de décrire des réalités distordues, des mondes parallèles, des mirages quasi palpables et des univers dystopiques. Il est devenu l’écrivain le plus adapté au cinéma, avec des films connus de tous : Blade Runner, Minority Report, Total Recall, A Scanner Darkly, le Maître du Haut Château (série télé). D’autres films ont clairement été inspirés des œuvres de Dick : Matrix, Ghost in the Shell, The Truman Show, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, eXistenZ, Inception …
Autour de 1974, il commencera à avoir des hallucinations et tombera dans des élucubrations mystiques. Il était persuadé de vivre simultanément au XXème siècle et à l’époque de Jésus Christ. Etant très populaire en France, il sera invité à un congrès de science-fiction à Metz en 1977. De très nombreux fans attendaient avec impatience de boire les paroles de leur idole. Au lieu de leur parler de ses œuvres, de sa vision du réel et de l’irréel ou encore de l’avenir du futur, il les a assommés avec des péroraisons théologiques fumeuses. Son discours était intitulé : Si vous trouvez ce monde mauvais, vous devriez en voir quelques autres. Le public avait tout d’abord pensé qu’il s’agissait d’une astuce dickienne, qu’il allait y avoir un retournement de situation, la révélation de l’ironie d’un deuxième degré, mais non : Philip K. Dick était tout ce qu’il y a de plus sérieux. C’était une erreur de casting totale, l’orateur ne correspondant plus du tout à son public. L’interprète avait cessé de traduire et ceux qui comprenaient l’anglais ne pouvaient que constater que Dick était devenu non seulement fou mais bigot. Au retour de cette expérience humiliante, il se mettra à rédiger son Exégèse, un pavé contenant des réflexions philosophico-religieuses. Il écrira encore quelques romans teintés de mysticisme, avant de s’éteindre en 1982.
Le destin est cruel et la vie profondément injuste. Dick est aujourd’hui tombé dans l’oubli, alors que le monde dans lequel nous vivons pourrait parfaitement servir de décor à un de ses romans : chacun vit dans sa bulle, le regard vissé sur son téléphone mobile déverrouillé à l'aide d'une empreinte digitale ; nous communiquons par le biais de messages WhatsApp ou des réseaux sociaux; certains ont recours à la chirurgie esthétique pour correspondre à l’idéal artificiel des filtres Instagram ou pour avoir un meilleur aspect sur Zoom; un tweet écrit à l’autre bout de la planète peut provoquer des réactions violentes partout ailleurs, alors qu’un DJ sud-africain parvient à faire danser toute la planète sur Jerusalema. Et que dire de l’actuelle pandémie de la Covid-19 : nous circulons masqués, séparés les uns des autres par des parois en plexiglas, nous scannons des codes barres pour qu’on puisse nous suivre à la trace et nous nous faisons implanter des puces 5G pour que Bill Gates…. ah non, ça, ça reste encore de la fiction. A moins que … comme dans un roman de Dick, la réalité ne soit pas vraiment la réalité, que la fiction dépasse la fiction et que, dans la vraie vie, nous soyons tous des androïdes qui ne savent pas qu’ils le sont.
Emmanuel Carrère : Je suis vivant, vous êtes tous morts (biographie de Philip K. Dick) Éditions Seuil, Collection Points N° P258
France Culture, Regards sur Philip K. Dick https://www.franceculture.fr/emissions/series/regards-sur-philip-k-dick
If you find this world bad, you should see some of the others : http://empslocal.ex.ac.uk/people/staff/mrwatkin/PKDick.htm
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