samedi 8 octobre 2011

Dachau


Par deux fois, j’aurais eu l’occasion de visiter Auschwitz et je n’ai pas osé. Par peur d’être confrontée à l’horreur à l’état pur et par peur du voyeurisme. D’autre part, il y a le devoir de mémoire et celui de rendre hommage aux victimes de la barbarie. C’est ainsi que j’ai pris mon courage à deux mains et me suis rendue sur le site du mémorial du camp de concentration de Dachau, près de Munich. Mémorial est bien le mot exact, car il ne reste plus grand chose, si ce n’est les murs des bâtiments, disons, administratifs (accueil des nouveaux arrivants, prisons - eh oui, il y avait une prison à l’intérieur du camp - salles d’interrogatoire et de torture, etc...). Deux baraquements ont été reconstitués, le reste du terrain est marqué par de longs rectangles recouverts de gravier, représentant l’emplacement des constructions disparues. L’espace, la superficie sont tout simplement impressionnants, car ils donnent à imaginer le nombre de personnes qui ont été détenues ici. Devant les baraquements, une immense cour qui servait à faire l’appel: matin et soir, les prisonniers devaient se tenir debout, au garde à vous, et si le nombre de détenus n’était pas le bon, ils devaient rester ainsi pendant des heures, qu’il neige ou qu’il vente.


Dachau était le premier camp de concentration à avoir été bâti, quelques semaines seulement après l’arrivée au pouvoir de Hitler. Dans les premiers temps, on n’y envoyait que des Allemands, dissidents politiques et autres dégénérés (au yeux du régime, s’entend). C’est le camp qui a servi de modèle à tous les autres et qui était le centre de formation des SS. Par la suite, il allait accueillir non seulement des juifs, mais aussi des communistes, des homosexuels, des témoins de Jéhovah, des gitans et quiconque refusait de marcher droit. Trente-sept nations y étaient représentées. Tout comme à Auschwitz, le portail porte la devise Arbeit macht frei. Quel donc est l’esprit pervers qui a pondu cette phrase?1)


Les troupes américaines ont libéré le camp de Dachau le 29 avril 1945. Le Comité international de Dachau a été fondé en 1958 et c’est en 1965 que le site a été transformé en mémorial. Les Allemands (de l’ouest, il faut le préciser) sont les seuls à avoir fait ce douloureux travail de mémoire (Vergangenheitsbewältigung, littéralement: maîtriser le passé) qui consiste à se regarder en face et à assumer les horreurs commises, afin d’éviter que l’histoire ne se répète. Les Français et les Polonais ont beaucoup de peine à avouer leur zèle coupable dans la collaboration. La lecture du roman Sarah’s Key de Tatiana de Rosnay, m’a appris que ce n’est qu’en 1995 que le président Chirac a rappelé - révélé, pour certains - la terrible rafle du Vel’ d’Hiv du 16 juillet 1942 et le rôle très actif de la police française. La rue Nélaton n’évoque rien à l’homme de la rue et pourtant c’est l’adresse de ce lieu de sinistre mémoire. Et qui a entendu parler de Beaune-la-Rolande? Aujourd’hui, le camp de Drancy est habité tout normalement par des locataires qui ignorent sans doute tout des fantômes qui les hantent la nuit. La Cité de la Muette, ça vous dit quelque chose?




Cependant, je retournerai à Dachau, car c’est aussi un ravissant petit village, avec une vieille ville bucolique et un château entouré d’un charmant jardin. J’ai toujours trouvé étonnant que des gens puissent avoir Dachau comme adresse postale, mais c’est un fait que cette localité, autrefois un havre pour peintres et poètes, est plus ancienne même que la ville de Munich, distante de seulement 18km, car la première mention du lieu remonte à l’an 805 contre 1158 pour sa grande voisine.

Et si quelqu’un vous disait qu’il habite à Pithiviers, cela vous choquerait-il? 2)


http://www.kz-gedenkstaette-dachau.de/, qui permet une visite très virtuelle du site (-> Übersichtsplan -> virtueller Rundgang), en anglais ou en allemand

1) C'est le général SS Theodor Eicke qui ordonna l'apposition de la phrase à l'entrée des camps de concentration et des camps d'extermination, notamment Auschwitz, Dachau, Gross-Rosen, Sachsenhausen, et à la prison de la Gestapo de Theresienstadt en République tchèque. Avant cela, cette phrase avait été utilisée par la société allemande IG Farben au-dessus du fronton de ses usines (wikipedia)

2)
le camp où a été envoyée Irène Nemirovski

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