Lorsqu’on se voit proposer
un contrat dans une ville comme Durban, on oscille entre la satisfaction de se
voir offrir du travail et le découragement face à un très long voyage et une
destination pas vraiment folichonne. L’Afrique est un continent merveilleux et
fascinant, mais certains lieux ont, depuis longtemps, la réputation – pas du
tout usurpée – d’être des coupe-gorges. Afin de ne pas avoir que les
inconvénients, j’ai profité de ce contrat pour faire un safari (voir : En safari à Nambiti Park).
Sur le trajet me menant du
lodge à Durban, mon chauffeur s’est arrêté dans une station-service pour nous
permettre de faire une escale. Il m’a dit : "It’s safe here, there
are cameras everywhere". Voilà qui annonçait déjà la couleur…. Cela
ressemblait à n’importe quelle station-service, mais c’était mon premier
contact avec le vrai pays (c-à-d hors de la réserve naturelle) et
j’ai essayé de me faire une première impression de l’atmosphère dans laquelle
j’allais vivre pour la semaine à venir. Il m’a déposée à l’hôtel et je ne savais
pas si j’allais pouvoir en sortir autrement qu’en taxi ou en bus navette.
Avec mes collègues que
j’ai retrouvés le soir, nous avons décidé d’aller manger à 50 mètres de là,
dans un restaurant situé sur la plage. Tout s’est bien passé et nous avons répété
l’expérience les soirs suivants, en essayant différents bistrots des alentours,
en sortant groupés. Il va sans dire que nous ne portions aucun bijou ni montre,
pas de sac, tout dans les poches – et il ne nous est rien arrivé. Nous avons
toutefois appris que plusieurs participants au Congrès s’étaient fait
dévaliser : étaient-ils particulièrement naïfs et imprudents ? Le
centre de conférences était situé à environ 500 mètres de notre hôtel, mais
tout le monde y allait en bus navette. Comment peut-on vivre dans une ville
pareille ? J’ai entendu le même genre d’histoires pour Johannesbourg ou
Nairobi. Les autochtones savent sans doute comment se comporter et se déplacer,
mais mon chauffeur m’a expliqué qu’une mosquée du centre-ville avait été
transformée en centre commercial, car les places de parking n’étant pas
suffisantes, les fidèles ne venaient pas. Mais alors qui va au centre
commercial ? Sans doute les personnes trop pauvres pour se faire attaquer.
C’est tellement dommage,
car l’Afrique est attachante et les gens si chaleureux. J’ai fait quelques
emplettes auprès des petits marchands de la plage et les femmes me saluaient
d’une voix chantonnante : "Hello mama ! How are
you ?"
Durban est une ville dans
laquelle se déroulent de nombreux congrès et conférences. C’est à se demander
comment c’est possible, vu le taux de criminalité. Sans doute que ce n’est ni
mieux ni pire ailleurs. Les pays africains doivent sortir de ces vieux schémas
de pauvreté et de sous-développement qui n’ont rien d’une fatalité. Nous avons
eu l’immense chance d’entendre une intervention par Auma Obama, la
demi-sœur aînée de Barack, qui a créé la Fondation Sauti Kuu (Voix
puissantes). Sa démarche consiste à convaincre ses jeunes compatriotes de leur
valeur et de leurs compétences, afin qu’ils sortent d’une attitude passive,
qu’ils cessent d’attendre qu’on les aide, qu’ils se prennent en main au lieu de
compter sur l’aide internationale. Ainsi, ils apprennent des métiers, afin de
se mettre à leur compte, devenir indépendants et pouvoir se nourrir, eux et
leur famille. Le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, ne dit d’ailleurs rien
d’autre : dans un récent discours, il affirme que son pays n’a plus aucune
excuse à la pauvreté, 60 ans après l’obtention de son indépendance. Il dit que
l’énergie que mettent leurs jeunes hommes à atteindre l’Europe devrait plutôt
servir à construire leur propre pays.
Les sud-africains parlent
encore beaucoup de l’apartheid, officiellement abolie en 1994 (il y a donc 23
ans). C’est la raison avancée à tout ce qui définit ce pays, c’est
l’explication pour tout ce qui ne fonctionne pas. On y parle encore de
townships, alors que ces ghettos ne devraient plus exister depuis une
génération. Si j’ai bien compris, ce terme désigne aujourd’hui des quartiers
pauvres, où est parquée la population la plus indigente. Mais puisque l’Afrique
du Sud est non seulement indépendante mais dirigée par les noirs, ce genre
d’injustice sociale ne devrait plus exister…. et pourtant si. L’ex-président
Zuma et son entourage sont richissimes, comme tous les chefs d’Etat africains,
leurs familles et proches. Espérons que cela changera avec l’arrivée au pouvoir
de Cyril Ramaphosa.
L’Afrique du Sud garde
encore fortement l’empreinte des colons boers. Les noms de lieux sont souvent
afrikaans (Johannesbourg, Bloemfontein, Pietermaritzburg) ou anglais
(Ladysmith, Dundee), mais toutes les rues de Durban ont été rebaptisées avec
les noms de combattants anti-apartheid, à tel point que plus personne ne sait
où est quoi. L’hôtel de ville de Durban est une copie conforme de celui de
Belfast (pourquoi…. ?). Le centre-ville compte quelques bâtiments anciens,
mais rien de spectaculaire. C’est plutôt une ville typique du tiers monde, qui
semble être construite et (dés)organisée au petit bonheur la chance. De façon
générale, les paysages et la ville sont très européens, occidentaux : des
collines verdoyantes, des centres commerciaux…. on n’a pas vraiment
l’impression d’être en Afrique. Même la météo était très moyenne, il ne faisait
jamais vraiment très chaud, surtout le soir, et il y avait toujours un léger
risque de pluie.
Stade Moses Mabhida |
Une des grandes fiertés de
la ville de Durban est le stade Moses Mabhida, nommé d’après l’ancien
secrétaire général du parti communiste sud-africain. Ce lieu a été retenu comme
un des sites pour la Coupe du monde de football de 2010. On peut monter sur
l’arche qui le surmonte pour admirer le panorama. On y trouve un fitness club,
des sandwicheries…..
Les seuls moments vraiment africains étaient quand les participants au Congrès saisissaient
le moindre prétexte pour se mettre à chanter et à danser : il suffisait
que quelqu’un soit élu à une fonction ou qu’il faille meubler une attente, par
exemple pendant un décompte de voix. Une autre manifestation de joie ou de
toute autre émotion était le cri : AMANDLA ! POWER TO THE
PEOPLE !!! que nous nous prenions dans les oreilles plusieurs fois par jour. Nous
avons aussi souvent entendu le tube sud-africain de Myriam Makeba : Pata
Pata
A mon retour en Europe,
j’ai énormément apprécié une chose toute simple, si simple que nous n’en sommes
pas / plus conscients : pouvoir marcher à l’air libre, me déplacer à pied
dans la rue, sans devoir craindre pour ma vie ou mon intégrité corporelle.
J’espère pouvoir retourner en Afrique – du Sud ou ailleurs – quand ce continent
aura atteint la justice sociale et la prospérité qui lui reviennent de droit.
Espérons que les chefs d’Etat cupides et corrompus appartiendront bientôt à
l’histoire.
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Lectures suggérées :
The Crisis Caravan de Linda Polman
Toxic Charity de Robert Lupton
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