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samedi 29 décembre 2018

Qu’il est dur d’être un homme !

Le Grand Bain de Gilles Lellouche, 2018
Chacun le sait, tout le monde a pu l’observer, les relations hommes-femmes subissent une véritable crise, peut-être même une révolution. Le modèle traditionnel de la famille n’en mène pas large; à cela vient s’ajouter une bonne dose d’individualisme et de narcissisme, exacerbée par les réseaux sociaux et le besoin de paraître. Ceux qui acceptent de jouer à ce jeu s’imposent la pression et l’obligation d’être quelqu’un, d’avoir une vie passionnante, d’être beau et d’avoir du succès, afin de pouvoir ensuite afficher ses photos et selfies sur Instagram ou Facebook. 

Pour les hommes (au sens de sexe masculin), la pression est d’autant plus marquée qu’ils ont, depuis toujours, le besoin d’être le mâle alpha, d’avoir une belle voiture, une Rolex et la jolie jeune femme qui va avec. C’est véritablement le fil conducteur qui parcourt le film Le Grand Bain de Gilles Lellouche [attention: Spoilers !!]. Des hommes dans la quarante-cinquantaine, très ordinaires, très franchouillards, vivant, travaillant et survivant du mieux qu’ils le peuvent quelque part en France banale (le décor n’est ni la Provence, ni la Bretagne, ni la Corse) s’adonnent à la natation synchronisée masculine. Ils sont tous cabossés par la vie, dépression, vie familiale boiteuse, et c’est l’entraînement à cette discipline improbable qui les réunit. Après le bassin, ils se retrouvent au sauna, où chacun s’épanche et dévoile ses faiblesses. N’ayant évidemment jamais pu être une mouche sur le mur pendant ce genre de réunion masculine, il m’est impossible de savoir si c’est vraisemblable - on dira que ça l’est, aux fins du scénario. Le plus cocasse est d’imaginer qu’ils acceptent de se soumettre à un entraîneur femme (c’est à dessein que je ne dis pas entraîneuse ;-)) d’abord Virginie Efira, suivie de Leila Bekhti, qui les mène littéralement à la baguette avec toute la douceur d’un US Marine. Elle les engueule et leur donne des coups de cravache, mais ils se soumettent et lui obéissent. Nous sommes bien dans une oeuvre de fiction ! Tous ces hommes subissent les railleries de leur entourage, parce qu’ils suivent une activité de tapettes - voilà encore une des nombreuses contraintes que subissent nos pauvres hommes, l’obligation d’être un macho et l’interdiction absolue de s’approcher de tout ce qui n’est pas foot-bagnole-violence. Les personnages du film sont d’ailleurs parcourus en permanence par le besoin de revanche, les affrontements d’egos, les mots et les gestes violents, à quoi viennent s’ajouter la nécessité de réussir et d’avoir un emploi valorisant. 

Leila Bekhti et Philippe Katerine
Ce qui est frappant dans ce film, c’est que la souffrance de chacun des personnages vient de leur incapacité à avouer leurs points faibles, à montrer une part de douceur ou de tendresse, à reconnaître leurs erreurs, à aimer leur femme et leurs enfants au lieu de se préoccuper de leur image et de leur réussite. Bref, leur refus d’accepter leur part de féminité. Etre plus fort que son voisin ou son collègue semble être le maître mot. C’est exactement ce qui se passe entre Poutine, Trump et Kim Jong-un (qui a le même âge que Leila Bekhti, il serait intéressant de comparer leurs horoscopes) : c’est à qui aura la plus grosse fusée, à qui pissera le plus loin, grâce à ses missiles hypersoniques. Si seulement toute cette énergie et tout cet argent pouvaient servir à nourrir la planète et à éduquer les masses, le monde serait bien différent. Et que se passe-t-il, une fois qu’on est le plus grand et le plus fort de tout l’univers? On a peur d’être détrôné….. C’est un cycle sans fin, qui ne peut déboucher que sur du malheur.

Deux personnages semblent échapper à cette torture permanente, c’est Philippe Katerine,  qui joue une sorte de gros benêt et Balasingham Thamilchelvan, un Sri Lankais sorti on ne sait d’où, qui baragouine dans une drôle de langue que personne ne comprend; ils sont d’ailleurs toujours d’accord avec lui. Les personnages féminins portent aussi leur croix (« ton mari est plus minable que le mien »), entre Delphine, qui est une alcoolique au cœur brisé et Amanda, qui est paraplégique, mais néanmoins la plus forte de tous. Le film raconte, sous forme de sketches, la vie et le destin des différents personnages, qui sont pitoyables, chacun à sa façon.

Stockholm Art Swim Gents
A noter que la natation synchronisée est une discipline très exigeante et complexe, qui demande une très grande force cardio-respiratoire, ainsi qu'une grande énergie musculaire. Les athlètes doivent être souples, puissants, créatifs et endurants. Cette discipline demande de la concentration pour suivre le rythme musical, se déplacer et se repérer en trois dimensions dans l'eau. Proche de la danse, la natation synchronisée doit faire preuve de grâce, d'élégance, de beauté et de souplesse mais aussi de tonicité, selon Wikipedia. Et malgré cela, ça passe pour un amusement pour pédés, si d’aventure des hommes se lanceraient. Ce sport est essentiellement féminin, mais commence à s’ouvrir au sexe dit fort, avec notamment des binômes mixtes, un peu comme au patinage artistique. C’est une discipline olympique depuis 1984.



Post scriptum avec spoiler : ce film suit l’intrigue classique d’un projet fou, voué à l’échec et qui aboutit pourtant. Cette bande de losers gras du bide obtient la médaille d’or aux championnats du monde en Norvège. La morale de l’histoire est alors que pour retrouver l’amour de sa femme et l’estime de sa fille, il faut au moins une médaille d’or. C’est un peu dommage. J’aurais préféré qu’on dise aux hommes qu’il suffirait d’être un peu moins brutal et avoir un peu plus d’empathie, d’humilité, d’ouverture envers son prochain pour être quelqu’un de bien. Ne pas être constamment fauché, bourré ou paresseux est un atout. Ils auraient pu revenir bredouilles de Norvège, mais en ayant noué des liens d’amitié et en ayant enrichi leur vie d’une expérience inoubliable. 

Swimming With Men de Oliver Parker, 2018

Post Post Scriptum : Amusant: les Britanniques ont sorti un film identique, intitulé Swimming with Men (voir ICI), sorti de façon quasiment synchrone avec Le Grand Bain. Cette coïncidence s’explique par le fait que les Suédois (who else ?) ont décidé de relancer ce sport pour les hommes, avec le Stockholm Art Swim Gents, ce qui a donné lieu au tout premier film du genre, en 2008, Allt Flyter ou The Swimsuit Issue en anglais. Il y a également Men Who Swim, un film britannico-suédois sorti en 2010. A croire que ça va devenir une catégorie cinématographique, comme le western ou la comédie musicale. A noter également que cela semble être le remède aux crises existentielles qui frappent autour de la cinquantaine. A bon entendeur !


La natation synchronisée masculine existe-t-elle vraiment ?  ICI


Un nouveau souffle de Karl Marcovics, cinéaste autrichien. Toutefois, il n'y est pas question de natation synchronisée. 


dimanche 16 décembre 2018

Echapper à un attentat


Pont du Corbeau, Strasbourg
Alors ca y est, le terrorisme islamiste a de nouveau frappé. Et moi qui me disais justement que cela faisait longtemps…. Pour la première fois, j’étais présente dans la ville où ça s’est passé, Strasbourg. La session parlementaire, le marché de Noël, la routine, quoi. On y pense et puis, on oublie. Pour pénétrer au centre ville, il fallait passer devant les gardes vigipirate, mais leurs contrôles étaient assez superficiels, il suffisait d’ouvrir son sac; sans doute qu’eux aussi pensaient que le danger appartenait dorénavant au passé. Et pourtant…. on pouvait fort bien se rendre au marché de Noël avec un pistolet et un couteau dans ses poches. Ou une ceinture d’explosifs.


Le mardi 11 décembre 2018 à 20h, je me trouvais au Parlement européen, à 3km du centre ville, où des coups de feu avaient éclaté. Les gardes ne laissaient plus personne sortir. On ne savait pas ce qui se passait. Un attentat? Un règlement de compte? Des pétards? Il a bien fallu attendre environ une demi-heure avant que les sites d’information ne commencent à nous éclairer. Tout d’abord, il n’était question que de coups de feu dans le centre historique. Avec mon collègue, nous nous sommes dit qu’il valait mieux aller manger, puisqu’on ne pouvait pas savoir combien de temps cela allait durer - et nous avons bien fait, car la cafétéria a immédiatement été prise d’assaut, tout le monde s’étant fait la même réflexion.

Puis, l’attente s’est installée…. Petit à petit, des informations commençaient à filtrer, minuit, une heure du matin….. L’auteur des faits a été identifié très rapidement, grâce aux caméras de surveillance. Il faut dire que l’individu était très bien connu - et défavorablement - des services de police, ayant 27 condamnations à son actif. Mais comme il demeurait introuvable, la nuit de confinement s’annonçait longue.

Les écrans, un peu partout au Parlement, qui servent à présenter le déroulement de la séance plénière, n’ont pas servi à nous tenir au courant de la situation. Une séance d’information a été organisée dans l’hémicycle, mais comment le savoir? Nous avons reçu un mail nous demandant d’annoncer si nous étions en vie et en sécurité. A noter que c’est le service du recrutement qui nous a écrit, ils voulaient sans doute savoir s’il y aurait des morts ou des blessés à remplacer. A l’époque des SMS et de la WiFi omniprésente, il est tout de même surprenant que l’info ait circulé aussi parcimonieusement. Sans doute que le Parlement n’a pas mis au point de scénario à suivre en cas de situation de crise. 


Je consultais internet toutes les cinq minutes, mais le flou demeurait: un tireur en cavale au centre-ville, le nombre de morts a fluctué pendant 24 heures. C’est alors qu’on se rend compte que, dans le feu de l’action, il est très difficile d’affirmer quoi que ce soit. On ne savait même pas si c’était le scénario terroriste dorénavant bien rôdé ou si c’était simplement un détraqué. Certaines personnes sont restées bloquées dehors, en pleine nuit, les barrages de police les empêchant de regagner leur domicile ou de rejoindre leur hôtel. Nous avions encore de la chance d’être au chaud et à l’abri au Parlement européen. 


J’ai su que l’alerte était levée quand j’ai vu des gens commencer à mettre leur manteau. Il était alors 2h10 du matin. Certains optimistes ont commencé à attendre des taxis, heureusement que j’avais mon vélo de location. Nous avons appris le lendemain que les députés ont été raccompagnés à leur hôtel (en car ou en voiture), mais le menu fretin a été lâché dans la ville, où se terrait un tueur fou. A chacun de se débrouiller et certains sont rentrés à pied, à 2h du matin, dans le froid et la nuit. Le lendemain, on travaillait normalement, comme si rien ne s’était passé.
Marché de Noël: fermé

Le lendemain, la vie a repris son cours, sauf que quelque chose planait dans l’air. Tout le monde parlait de ce qui s’était passé la veille. Le marché de Noël était fermé et le resterait encore un jour de plus. Les informations commençaient à être un peu plus précises et cohérentes, confirmant un déroulement dorénavant classique: l’auteur des coups de feu et de couteau (bilan à l’heure actuelle: 4 morts et 12 blessés) était un jeune français d’origine algérienne, fiché S pour radicalisation islamiste. Des citoyens ordinaires ont tenté de l’arrêter. Ses victimes: un touriste thaïlandais qui n’avait pas prévu de passer par Strasbourg, un retraité de 61 ans, un jeune journaliste italien, un garagiste-mécanicien afghan. Alors quel est le message et l’utilité d’une telle attaque? A part la stupidité la plus profonde? Quel est le coût pour la société d’une telle folie (engagement des forces de l’ordre, sécurité, soins médicaux) ? Et surtout, que faire pour que cela cesse, une bonne fois pour toute?

On peut certes affirmer que « ça n’a rien à voir avec l’islam » et « c’est pas ça l’islam » ou encore « il ne faut pas faire l’amalgame », mais il faut être complètement aveugle et borné pour ne pas voir le point commun entre tous ces attentats qui ciblent des civils innocents qui n’ont aucun rapport avec la choucroute - c’est bien le cas de le dire dans le cas de Strasbourg. En refusant de nommer le mal, à savoir le radicalisme islamique, on ne rend pas service aux musulmans. Ce sont précisément ceux qui crient à l’amalgame qui mettent tous les musulmans dans le même sac. En effet, si une secte catholique se mettait à commettre des attentats, nous serions parfaitement capables de comprendre qu’il s’agit d’une secte et on n’hésiterait pas à la critiquer et à la dénoncer. Force est de constater qu’il ne sert à rien de tourner autour du pot sans désigner la source du problème, puisque les attentats et les attaques se poursuivent.

Un détail étrange dans cette affaire: le terroriste a utilisé une arme de collection, un revolver d’ordonnance de la fin du XIXème siècle, un modèle qui a servi pendant la Première guerre mondiale. C’est néanmoins une arme interdite à la vente et soumise à autorisation. 

Le message des services d'interprétation

Ce mardi soir, le 11 décembre, ma réunion s’est terminée à 20h. Mon collègue a proposé que nous allions boire un verre, ce que nous avons fait. Mais sans cette providentielle coupe de crémant d’Alsace, j’aurais sans doute eu le temps de sortir du bâtiment. Et alors….. ? Il est peu probable que je me sois trouvée au centre ville, car les barrages de police étaient sans doute déjà en place. Mais je serais peut-être restée en rade dehors, dans la nuit, le froid, le ventre vide de surcroît. Comme quoi, les voies du destin, qui a choisi, cette nuit-là, de laisser mourir un touriste thaïlandais et un garagiste afghan, sont bien mystérieuses. 


Hommage aux victimes, le dimanche 16 décembre 2018 ICI


Mise à jour: une 5ème victime vient de décéder: il s'agit d'un Polonais de 36 ans, Bartek Pedro Orent-Niedzielski, qui vivait à Strasbourg depuis 36 ans. Il était responsable d'animations au sein d'un festival européen de bande dessinée, il voulait fonder une "auberge linguistique", il était passionné de langues et de cultures. Il était en compagnie du journaliste italien, tous deux sont morts.


A la différence des précédents attentats, on donne cette fois-ci l’identité, l’âge, et la nationalité des victimes, sans doute parce qu’elles sont moins nombreuses. En tout cas, si le terroriste voulait frapper des Français, c’est un peu raté. Il a même réussi à éliminer un coreligionnaire.


Un mois plus tard, place Kléber. Combien de fois encore faudra-t-il décorer des places de fleurs, de bougies et de photos?


Hommages:


"J'aurais tellement de choses à te dire, Antonio ! Je m'appelle ADINA LAUTARU, je viens de ROUMANIE .... j'étais là, à 3m derrière toi, j'ai vu comme tu t'effondrais sur le coup de feu, j'ai eu le sang glacé quand l'attaquant a pointé ensuite son fusil vers moi et vers une autre femme qui, à cause de l'effroi, a perdu connaissance et s'est évanouie. Je me suis faite si petite et je me suis cachée derrière un pot de fleur en pierre pas plus haut d'un mètre. Le tireur, paniqué par les hurlements des gens parmi lesquels il avait semé la terreur, a emprunté un passage étroit, un "coupe-gorge" qui porte bien son nom, car en prenant ce chemin, ce fou a continué de faire des victimes avec son couteau. Mais, pour moi, c'était la chance de rester en vie! Dans les 5 minutes qui ont suivi, j'ai couru vers vous, toi et l'autre jeune homme qui est tombé aussi sur le coup du tireur ... vous n'étiez pas morts ! Résiste - j'ai crié - reste avec nous, résiste ! Tu as bougé tes lèvres, tu voulais me dire quelque chose mais tu avais du mal, tu n'as pas réussi. Le monde continuait de crier et soudain, j'ai été prise par la panique : et si le tueur revenait ! Alors je t'ai abandonné et j'ai couru me recacher derrière le pot de fleur en pierre. De là, je te regardai, terrifiée, des minutes qui m'ont semblé interminables se sont écoulés. J'ai pris encore le courage de m'avancer vers toi, je t'ai parlé, tu as bougé tes lèvres, tes yeux ouverts regardaient loin. Encore une dizaine deminutes sont passés, la police, les pompiers sont arrivés, ils t'ont pris, ils n'ont pas réussi à te sauver, moi non plus. Tu es parti, à JAMAIS, mais dans ma mémoire et dans mon cœur, tu resteras pour TOUJOURS!



"Bartek, you are one of the most beautiful human being and soul that I've meet, You've always been here for everyone and for me; for the best laugh ever, for the best beer ever and even in the worst scenario you were there. You have one of the biggest heart that I know. I will never ever forget those moments we had together. All of those memories are here forever and nobody will never be able to take them back.
I could let the hate submerge me, but I won't because Bartek would not want that. He is and will ever be for the peace in the world and he is an inspiration for everyone he knows. 
I cannot imagine how difficult this must be for all his nearest family and friends and in this time of grief, It is with the most profound integrity that I am so sorry for what happened to you.

To Bartek,
To his family
To Strasbourg,
To the universal peace,        I love you brother."


jeudi 28 décembre 2017

En congrès à Durban




Lorsqu’on se voit proposer un contrat dans une ville comme Durban, on oscille entre la satisfaction de se voir offrir du travail et le découragement face à un très long voyage et une destination pas vraiment folichonne. L’Afrique est un continent merveilleux et fascinant, mais certains lieux ont, depuis longtemps, la réputation – pas du tout usurpée – d’être des coupe-gorges. Afin de ne pas avoir que les inconvénients, j’ai profité de ce contrat pour faire un safari (voir : En safari à Nambiti Park).

Sur le trajet me menant du lodge à Durban, mon chauffeur s’est arrêté dans une station-service pour nous permettre de faire une escale. Il m’a dit : "It’s safe here, there are cameras everywhere". Voilà qui annonçait déjà la couleur…. Cela ressemblait à n’importe quelle station-service, mais c’était mon premier contact avec le vrai pays (c-à-d hors de la réserve naturelle) et j’ai essayé de me faire une première impression de l’atmosphère dans laquelle j’allais vivre pour la semaine à venir. Il m’a déposée à l’hôtel et je ne savais pas si j’allais pouvoir en sortir autrement qu’en taxi ou en bus navette.

Avec mes collègues que j’ai retrouvés le soir, nous avons décidé d’aller manger à 50 mètres de là, dans un restaurant situé sur la plage. Tout s’est bien passé et nous avons répété l’expérience les soirs suivants, en essayant différents bistrots des alentours, en sortant groupés. Il va sans dire que nous ne portions aucun bijou ni montre, pas de sac, tout dans les poches – et il ne nous est rien arrivé. Nous avons toutefois appris que plusieurs participants au Congrès s’étaient fait dévaliser : étaient-ils particulièrement naïfs et imprudents ? Le centre de conférences était situé à environ 500 mètres de notre hôtel, mais tout le monde y allait en bus navette. Comment peut-on vivre dans une ville pareille ? J’ai entendu le même genre d’histoires pour Johannesbourg ou Nairobi. Les autochtones savent sans doute comment se comporter et se déplacer, mais mon chauffeur m’a expliqué qu’une mosquée du centre-ville avait été transformée en centre commercial, car les places de parking n’étant pas suffisantes, les fidèles ne venaient pas. Mais alors qui va au centre commercial ? Sans doute les personnes trop pauvres pour se faire attaquer.


C’est tellement dommage, car l’Afrique est attachante et les gens si chaleureux. J’ai fait quelques emplettes auprès des petits marchands de la plage et les femmes me saluaient d’une voix chantonnante : "Hello mama ! How are you ?"

Durban est une ville dans laquelle se déroulent de nombreux congrès et conférences. C’est à se demander comment c’est possible, vu le taux de criminalité. Sans doute que ce n’est ni mieux ni pire ailleurs. Les pays africains doivent sortir de ces vieux schémas de pauvreté et de sous-développement qui n’ont rien d’une fatalité. Nous avons eu l’immense chance d’entendre une intervention par Auma Obama, la demi-sœur aînée de Barack, qui a créé la Fondation Sauti Kuu (Voix puissantes). Sa démarche consiste à convaincre ses jeunes compatriotes de leur valeur et de leurs compétences, afin qu’ils sortent d’une attitude passive, qu’ils cessent d’attendre qu’on les aide, qu’ils se prennent en main au lieu de compter sur l’aide internationale. Ainsi, ils apprennent des métiers, afin de se mettre à leur compte, devenir indépendants et pouvoir se nourrir, eux et leur famille. Le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, ne dit d’ailleurs rien d’autre : dans un récent discours, il affirme que son pays n’a plus aucune excuse à la pauvreté, 60 ans après l’obtention de son indépendance. Il dit que l’énergie que mettent leurs jeunes hommes à atteindre l’Europe devrait plutôt servir à construire leur propre pays.
 
Les sud-africains parlent encore beaucoup de l’apartheid, officiellement abolie en 1994 (il y a donc 23 ans). C’est la raison avancée à tout ce qui définit ce pays, c’est l’explication pour tout ce qui ne fonctionne pas. On y parle encore de townships, alors que ces ghettos ne devraient plus exister depuis une génération. Si j’ai bien compris, ce terme désigne aujourd’hui des quartiers pauvres, où est parquée la population la plus indigente. Mais puisque l’Afrique du Sud est non seulement indépendante mais dirigée par les noirs, ce genre d’injustice sociale ne devrait plus exister…. et pourtant si. L’ex-président Zuma et son entourage sont richissimes, comme tous les chefs d’Etat africains, leurs familles et proches. Espérons que cela changera avec l’arrivée au pouvoir de Cyril Ramaphosa.
 
Cycadophyte (anglais: cycad, allemand: Brotfruchtbaum)
L’Afrique du Sud garde encore fortement l’empreinte des colons boers. Les noms de lieux sont souvent afrikaans (Johannesbourg, Bloemfontein, Pietermaritzburg) ou anglais (Ladysmith, Dundee), mais toutes les rues de Durban ont été rebaptisées avec les noms de combattants anti-apartheid, à tel point que plus personne ne sait où est quoi. L’hôtel de ville de Durban est une copie conforme de celui de Belfast (pourquoi…. ?). Le centre-ville compte quelques bâtiments anciens, mais rien de spectaculaire. C’est plutôt une ville typique du tiers monde, qui semble être construite et (dés)organisée au petit bonheur la chance. De façon générale, les paysages et la ville sont très européens, occidentaux : des collines verdoyantes, des centres commerciaux…. on n’a pas vraiment l’impression d’être en Afrique. Même la météo était très moyenne, il ne faisait jamais vraiment très chaud, surtout le soir, et il y avait toujours un léger risque de pluie.

Stade Moses Mabhida
Une des grandes fiertés de la ville de Durban est le stade Moses Mabhida, nommé d’après l’ancien secrétaire général du parti communiste sud-africain. Ce lieu a été retenu comme un des sites pour la Coupe du monde de football de 2010. On peut monter sur l’arche qui le surmonte pour admirer le panorama. On y trouve un fitness club, des sandwicheries….. 

Les seuls moments vraiment africains étaient quand les participants au Congrès saisissaient le moindre prétexte pour se mettre à chanter et à danser : il suffisait que quelqu’un soit élu à une fonction ou qu’il faille meubler une attente, par exemple pendant un décompte de voix. Une autre manifestation de joie ou de toute autre émotion était le cri : AMANDLA ! POWER TO THE PEOPLE !!! que nous nous prenions dans les oreilles plusieurs fois par jour. Nous avons aussi souvent entendu le tube sud-africain de Myriam Makeba : Pata Pata 


A mon retour en Europe, j’ai énormément apprécié une chose toute simple, si simple que nous n’en sommes pas / plus conscients : pouvoir marcher à l’air libre, me déplacer à pied dans la rue, sans devoir craindre pour ma vie ou mon intégrité corporelle. J’espère pouvoir retourner en Afrique – du Sud ou ailleurs – quand ce continent aura atteint la justice sociale et la prospérité qui lui reviennent de droit. Espérons que les chefs d’Etat cupides et corrompus appartiendront bientôt à l’histoire.

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Lectures suggérées :
The Crisis Caravan de Linda Polman
Toxic Charity de Robert Lupton