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mercredi 23 août 2017

Le chapeau de Panama







Atelier d’écriture à Marsanne – le 16-17 août 2017
Texte écrit sur un objet rapporté d’un voyage (Panama)


Me voilà arrivée à Panama City. Le voyage a été long, mais sans incident. Puis, transit de l’aéroport à l’hôtel cinq étoiles de la conférence, éloigné de tout. Nous n’aurons pas beaucoup de temps entre les séances de travail, mais je compte bien sortir de ce cocon confortable et climatisé pour découvrir Panama City.

Panama…. Un nom qui évoque un pays lointain, une destination moins galvaudée que le Brésil ou le Mexique. Je ne connais pas grand-chose de ce pays, si ce n’est le canal et les fameux chapeaux.
Notre hôtel est loin de la ville, des deux villes : Panama City, ses gratte-ciels modernes et ses sociétés financières de mauvaise réputation et la vieille ville, le Casco Antiguo, évidemment bien plus intéressant. Le taxi s’impose, nous n’avons pas assez de temps pour compter sur les transports publics.

L’arrivée dans un pays inconnu a toujours quelque chose de fascinant, d’intrigant et d’un peu effrayant à la fois. Je me rappelle ma toute première découverte du Maroc : il faisait nuit quand nous sommes arrivés à Tanger, nous avons entendu le chant du muezzin au milieu de la nuit. On se sentait vraiment sur une autre planète. 

Il me fallait donc découvrir au plus vite tout ce qui se passait à l’extérieur de l’enceinte protégée de notre hôtel. Dès le premier jour, je me suis organisée pour faire une petite escapade dans la vie réelle du Panama. Une vieille ville touristique n’offre évidemment pas une vision de la réalité, mais c’est néanmoins un début.

A peine débarquée du taxi, je vois un homme assis derrière une petite table basse sur laquelle sont empilés des panamas. Il ne vend rien d’autre. Je lui demande quel est son prix, histoire de me faire une idée. Un peu plus loin, je tombe sur un marché artisanal pour touristes, sur une place du centre ville. Je n’aime pas acheter des souvenirs dès le premier jour, mais là, je n’ai pas vraiment le choix : les occasions de faire des sorties seront rares et je ne sais pas quand la prochaine se présentera. Il faut que je me décide, et vite ! Les chapeaux dits « panama » se ressemblent tous, il n’y a qu’à choisir la bonne taille. Je trouve celui qui me convient et l’affaire est dans le sac.

Climat tropical
Les panamas ont ceci de particulier qu’on peut les plier, les rouler en boule, s’asseoir dessus…. Ils retrouvent toujours leur forme. Ils donnent un air très classe à quiconque les porte. C’était un achat parfaitement utilitaire, le soleil était bien présent et se balader avec un panama au Panama n’avait rien d’un luxe. Les collègues et les touristes ont bien sûr tous suivi la même démarche et la vieille ville avait un peu des airs de secte : la tribu des chapeaux blancs.

En réalité, le panama vient d’Equateur. Il a été importé au Panama par les ouvriers équatoriens qui travaillaient à la construction du canal. Le chapeau a les parfaites qualités pour un climat tropical, raison pour laquelle il est devenu très populaire parmi la population très cosmopolite présente sur le chantier. C’est le Président Roosevelt qui lui a donné une notoriété internationale en arborant ce magnifique couvre-chef lors de l’inauguration du canal en 1914.

Les véritables panamas coûtent une fortune, autour de 200 dollars, euros ou francs, peu importe, mais ils sont vraiment magnifiques : soyeux, souples, d’un blanc immaculé, infroissables, indestructibles, éternels….. jusqu’au coup de vent fatal qui les emporte au loin. Le mien a coûté autour de 25$, il n’est pas d’un blanc virginal, mais tant pis. J’ai pu le rouler en boule et le mettre dans ma valise, je l’ai retrouvé comme neuf à mon retour sur le vieux continent.

Roosevelt
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J’ai passé des heures en position fœtale dans l’obscurité. Je n’avais pas beaucoup de place pour bouger. Où étais-je ? Que m’arrivait-il ? Et surtout : pourquoi ?

J’étais tranquille, sur l’étal du marché des artisans, à l’ombre, la brise de l’océan Pacifique tout près, celle qui me permettrait peut-être de voler un jour… On m’a dit que c’était une sensation formidable. Vous êtes vissés sur le crâne du quidam qui vous a choisi, il vous retient à chaque velléité d’évasion, il vous met sous son coude ou dans son sac dès qu’Eole se déchaîne un peu trop. Ah…. prendre mon envol… mon rêve ! Le rêve de tout chapeau.

Alors me voilà roulé en cylindre, coincé entre des tongs qui n’ont rien à raconter et du linge sale à qui je n’ai vraiment pas envie de parler. Soudain, un rugissement effroyable se fait entendre et sentir…. je me sens comprimé….. je vais étouffer…… je ne vais jamais retrouver mes courbes si élégantes…. Ah ! Sainte Marie Madonne ! Viens à mon secours ! ¡Ayuda ! ¡Ayuda !

Elle a dû m’entendre, la pression s’atténue légèrement. Je soupire, je respire. Miss Tong me regarde d’un air narquois et me dit : « Ben quoi ? T’as jamais pris l’avion ? Pas de quoi en faire un fromage. Relax, Max ! » L’avion…. Je suis dans un avion ! Je vole….. Enfin ! Je vole ! Roulé en boule comme un escargot dans sa coquille, mais je vole ! Je vole !

Chat-peau

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Contraintes d’écriture :
Ecrire sur un objet rapporté d’un voyage – 2ème partie : Faire parler l’objet.

PS : la monnaie qui a cours au Panama est le dollar des Etats-Unis. Les pièces de monnaie s’appellent des balboa.

PPS: Mais pourquoi appelle-t-on Paris Paname ?

Il existe plusieurs théories qui expliqueraient cet étrange surnom, qui est apparu au cours de la Première Guerre mondiale. Néanmoins, la plus partagée est à propos d'un chapeau. Le "panama" était très à la mode au début du 20e siècle. Tous les hommes élégants l'avaient adopté et l'arboraient fièrement dans la rue. Ce couvre-chef venait des ouvriers qui creusaient le canal du même nom. Néanmoins peu de temps après, le scandale de Panama éclata. Il s'agissait d'une affaire de corruption par rapport à cette construction, qui touche de nombreux hommes importants français.

C'est donc cette succession de faits, qui faisait tout d'abord référence à l'élégance de la ville puis à ses illusions et désillusions, qui aurait donné lieu à cette appellation. C'est ainsi que la capitale française gagna ce nouveau surnom, et c'est pourquoi Paris est Paname. Néanmoins sachez qu'à l'origine, on l'écrivait "Panam". Le "e" fut ajouté plusieurs années plus tard, pour une raison encore inconnue.



mardi 22 août 2017

La visite du Roi de Thaïlande




Atelier d’écriture à Marsanne – le 15 août 2017
Texte écrit autour d’une photo de voyage (Thaïlande)

Je me suis assise sur le bord du lit, épuisée. En prévision de l’arrivée de la smala, j’avais préparé une gigantesque ratatouille, qui continuait à mijoter tranquillement. Pour changer un peu de la routine, j’avais décidé de remplacer l’ail et l’oignon par de l’anis et de la vanille. Eh oui, c’est comme ça qu’on cuisine dans les antipodes, il faudrait bien s’y habituer. Il fallait ébranler tous ces schémas immuables dans lesquels on se laisse emprisonner, par paresse ou par complaisance.

Voilà déjà deux heures que ça mijotait dans la cuisine. Pour que les saveurs terminent leur subtile alchimie, j’ai éteint la cuisinière, laissant les légumes à leur joyeux babil. Je n’avais plus beaucoup de temps pour finir de me préparer : la maison avait été nettoyée et apprêtée, de la cave au grenier. On avait sorti la vaisselle des grandes occasions et déroulé le tapis rouge, qui descendait le long du grand escalier, telle une immense chenille de cérémonie. Le jardinier avait tondu le gazon et taillé les buissons. Il avait choisi les plus belles fleurs du jardin pour agrémenter la table d’une symphonie de couleurs.

La famille élargie allait se réunir pour marquer un grand jour : la visite du roi de Thaïlande en personne, rien que ça. Pour cette occasion, les meubles d’ébène et d’acajou avaient été dépoussiérés et cirés, laissant éclater leur splendeur boisée. Je commençais à regretter d’avoir invité le roi. Qu’est-ce qui m’avait donc pris ? Il est vrai que j’avais une faveur à lui demander, mais j’aurais pu m’y prendre autrement. Je sentais le trac monter en moi, il me fallait un instant de recueillement.
Je me suis rendue au fond du jardin, là où coule un ruisselet et où le paysage se déploie paisiblement. Inspirer….. Expirer…… Inspirer….. Ne penser à rien….. Aïe ! Le saucisson ! La taoïsme l’autorise-t-il ? On n’est jamais trop sûr. La crainte de provoquer un incident diplomatique a réduit à néant mes efforts de méditation zen.


L’orchestre devait être arrivé, on entendait les violons qui s’accordaient. La soirée allait être formidable. Pourvu que les journalistes arrivent à temps. Il faudra les avertir, en cuisine, qu’ils leur mettent quelques rations de côté. Je les connais, ces gaillards…. ils ont un solide appétit ! En repartant d’ici, ils auront mangé pour une semaine. Pourvu qu’on arrive à tenir les anti-monarchistes à l’écart, il faudra à tout prix éviter les échauffourées.

Peut-être que j’avais vu trop grand. Mon ambition me perdra… Je ferais mieux de réduire la voilure à l’avenir. Aujourd’hui, c’était moi la maîtresse de cérémonie. L’avenir des relations helvético-thaïes allait dépendre de l’accueil réservé au roi Bhumibol II de Thaïlande. Heureusement que j’avais un important stock de calamars séchés. Je savais que c’était son plat préféré. Tout était en bonne voie. La soirée pouvait commencer.



NB : toute ressemblance avec des personnages ou des faits historiques réels ne saurait être que le fruit de mon imagination. Ce texte a été rédigé en atelier d’écriture, sans aucune vérification sur internet. Par conséquent, il est parfaitement fantaisiste et ne doit en aucun cas être pris au sérieux.

Mots imposés à placer dans l’ordre, en laissant 2-3 phrases entre chacun :
Ratatouille – immuable – joyeux – chenille – symphonie – boisé – recueillement – saucisson – violon – solide – échauffourée – voilure

Incipit imposé :
« Je me suis assise au bord du lit…. »

Au Fil de la Plume

vendredi 11 août 2017

Le canal de Panama




A man, a plan, a canal : Panama ! *)

De nos jours, le canal de Panama semble être une évidence et pourtant, il n'existe que grâce à la ténacité et à l'obstination d'un grand nombre d'hommes du monde entier. Actuellement, le Nicaragua, avec l’aide de la Chine, envisage de creuser son propre canal pour tenter de concurrencer celui de Panama, visant les juteux revenus de péage qu'un tel ouvrage permettrait de dégager. Les travaux ont d’ailleurs déjà commencé. Ce sera toutefois un chantier aussi titanesque que celui de Panama, les coûts seront pharamineux et l’ouvrage est loin d’être terminé….. 

L'idée d'un canal transocéanique germe déjà dans l'esprit des conquistadors espagnols. Un dénommé Vasco Nuñez de Balboa était le premier à découvrir la côte Pacifique, au sud de l’isthme, en 1513. Dès l'année suivante, la Couronne d'Espagne charge le gouverneur qui a fondé la ville de Panama d'explorer la possibilité d'un passage naturel entre les deux océans. Un Chemin Royal permettra d'abord le transport de marchandises entre le nord et le sud - le Panama s'étendant d'est en ouest, le futur canal suivra par conséquent un tracé nord-sud. Enfin, dès 1527, le fleuve Chagres, le Chemin Royal et le Chemin de Cruces offrent un premier tracé reliant la "mer du nord" à la " mer du sud", à moitié sur la terre, à moitié le long du fleuve.   

C'est Charles Quint qui, le premier, eut l'idée d'ouvrir une voie navigable à travers l'isthme. Le royaume d'Espagne avait même déjà eu l'idée de percer un canal à travers ce qui deviendra le Nicaragua, où la présence d'un lac devait faciliter la chose. À l'époque, il n'y avait évidemment pas de militants écologistes pour s'opposer à un tel projet, contrairement à aujourd'hui. L'idée a fait son chemin au fil des siècles. Alexandre von Humboldt a tracé neuf routes possibles pour un canal.
La région de Panama faisait partie de la Colombie au XIXème siècle. Dès 1852, la Colombie accorde une concession à des entrepreneurs américains pour la construction d'un chemin de fer; en 1878, c'est une société française qui obtient une concession sur 99 ans, afin de construire un canal dans l'isthme de Panama. 
 
La première traversée

La route par le Cap Horn étant longue et dangereuse, le besoin de bâtir un canal à Panama devient de plus en plus impérieux. Ferdinand de Lesseps était devenu célèbre et réputé depuis la construction du canal de Suez (1859-1869), il était donc l’homme tout trouvé pour ce projet ambitieux et téméraire. En effet, non seulement la région est susceptible de subir des tremblements de terre, mais son climat tropical était un obstacle majeur à la réalisation du projet. Un peu comme avec la malédiction de la Grande Pyramide, quasiment toute personne participant à la construction du canal risquait d’y perdre la vie, des suites du paludisme ou de la fièvre jaune. 

Des micro-organismes, virus et parasites, tous deux transmis par les moustiques, ont failli empêcher la construction du canal. C’était sans compter, là aussi, sur l’engagement de plusieurs esprits scientifiques  : entre ceux qui ont découvert l’agent pathogène, ceux qui ont découvert son mode de transmission (les moustiques) et enfin, ceux qui ont découvert le vaccin et les moyens d’éliminer la prolifération des moustiques…. Il a fallu des années et beaucoup de morts pour vaincre ces deux maladies, sans quoi, le Canal de Panama serait resté au stade de chimère impossible à réaliser.

LesEspagnols, les Portugais, les Ecossais, les Allemands, les Français…… tous s’y sont cassé les dents et des milliers d’ouvriers et d’ingénieurs y ont perdu la vie (choléra, paludisme, fièvre jaune, dengue). De plus, les Français se sont empêtrés dans le Scandale de Panama, Ferdinand de Lesseps a été condamné à la prison, le financement de ce projet titanesque ayant échoué de façon calamiteuse. Un chemin de fer traversant le Panama de part en part a également été construit au prix de 12.000 vies. Finalement, ce sont les Américains qui ont repris les tranchées construites et abandonnées par les Français. Ce sont eux qui ont achevé, en 1914, cet immense chantier, auquel tant de personnes ont contribué. Faut-il dès lors s’étonner qu’ils aient obtenu une concession et le droit d’exploitation de l’ouvrage ? 



Toutefois, suite à un référendum organisé au Panama (1977), le canal revient à la république du Panama le 1er janvier 2000. Tant que le canal était aux mains des Américains, le péage ne servait qu’à couvrir les frais d’exploitation. Le Panama, quant à lui, a choisi d’en tirer le profit maximum, faisant payer très cher le passage des navires. Cependant, le pays comporte encore beaucoup de pauvreté, en dépit de cette importante source de richesse. En 2016, le canal a été élargi, en reprenant des tranchées creusées, puis abandonnées par les Français. Ces nouveaux tronçons permettent le passage de navires dits « Panamax » , c’est-à-dire ayant la largeur maximale pour franchir les écluses, tant en largeur qu’en profondeur.
 
Centre des visiteurs de Miraflores
 Le canal de Panama est un ouvrage impressionnant à plus d’un titre : son histoire jalonnée d’échecs, des morts par centaines de milliers, un scandale financier, sa rétrocession par les Etats-Unis, son élargissement…. C’est une véritable prouesse d’ingénierie, qui ne peut se permettre la moindre erreur, le moindre dysfonctionnement. Et il fonctionne sans relâche, 365 jours par an, Noël et Nouvel an inclus !

Plaza de Francia




*) célèbre palindrome

Voir aussi : En mission à Panama