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mercredi 15 septembre 2010

La Finlande nouvelle est arrivée !



Le pays de mes ancêtres a bien changé depuis mon d’adolescence et mes trois années de lycée à Helsinki, dans les années -70. C’était l’époque de la finlandisation, l’Union soviétique était encore debout, l’islam n’était qu’une religion exotique dont on ne parlait jamais et les seuls étrangers à vivre là-bas étaient les diplomates qui y avaient été parachutés à leur corps défendant. Les seules personnes à parler le finnois étaient les autochtones et une idée répandue voulait que ce soit une langue impossible à apprendre.

Depuis lors, la planète a effectué une bonne trentaine de révolutions, à tel point que mes parents ne reconnaissent plus la terre qu’ils ont quittée il y a bientôt cinquante ans de cela. La Finlande est devenue cosmopolite, multiculturelle, branchée et cool. Elle est même devenue une destination touristique très courue et pas uniquement pour le folklore lapon. Mon récent vol Helsinki-Copenhague, sur Estonian Air, était plein comme un œuf, avec beaucoup de Japonais et d’Italiens, impossibles à ignorer tant ils faisaient de bruit et de moulinets avec les mains (les Italiens, donc). On entend désormais parler toutes les langues dans les rues d’Helsinki au mois d’août et les brochures touristiques sont même disponibles en russe, ce qui était parfaitement inconcevable avant 1989. Il devient difficile de distinguer les touristes de la population locale et on constate la présence d’une génération de secundos 1) qui parle couramment l’argot finnois, ce qui ne cesse de me surprendre et de m’amuser. Autrefois, la population était si parfaitement homogène que ça me donnait la claustrophobie. D’autant plus que ma différence sautait immédiatement aux yeux des autres : je suis certes finlandaise, j’ai le nom, le faciès et je parle la langue, mais… il y avait quelque chose qui clochait. Aujourd’hui, je me sens presque plus à l’aise quand je suis là-bas.

Lors de mon récent séjour en Finlande, j’ai mangé à deux reprises dans des restaurants népalais. J’aurais pu manger de la paella au renne au marché ou même du renne à la népalaise 2). Dans un effort pour être international, un bistrot proposait même des cannellonis à la maison ; ils mettent de l’ail et du fromage de chèvre partout, alors qu’autrefois, il ne connaissaient que le sel et le poivre et que la cuisine locale ne méritait pas vraiment le détour. Un article de journal relatait la difficulté de respecter le ramadan s’il tombait pendant les mois d’été en Finlande 3).
Dans mon hôtel, j’ai bavardé avec deux Chinois de Bruxelles qui découvraient l’Europe. Ils m’ont demandé ce que je pensais d’Helsinki. Séquence schizophrène : j’ai renoncé à leur expliquer que, étant plus ou moins du pays, mes impressions étaient un peu trop compliquées à exprimer. Very nice ! m’a offert la solution de facilité.

Le monde s’internationalise et se mondialise, à un tel point que même le coin le plus reculé d’Europe est devenu un creuset, un lieu de passage et de brassage. C’est pourquoi je continue de m’étonner et de m’exaspérer quand on me demande – pas plus tard qu’hier encore – comment se fait-il que je parle si bien le français. Dans l’esprit de bien des gens, s’il est normal que des Portugais ou des Chiliens parlent couramment le français ou que des Turcs parlent l’allemand sans accent, les Finlandais, eux, doivent vivre en Finlande, ne parler que le finnois, se déplacer en traineau, manger du renne en invitant le Père Noël à partager leur repas, boire beaucoup, être affligés par les moustiques et payer beaucoup d’impôts.

Quand diable les gens apprendront-ils à think outside the box ?


Lyophyllum shimeji , champignon pour gourmets japonais, dont on a découvert qu’il poussait en Finlande et en Suède et qui se vend 800€/kg. Est-ce là ce qui attire tant les Japonais ?
http://www.sciencedaily.com/releases/2010/06/100628075820.htm

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1) terme utilisé en Suisse pour désigner la deuxième génération d’immigrés ; sans aucune connotation péjorative, car ils sont très bien intégrés et réussissent mieux à l’école que les autochtones.
2) mais quelle est donc cette Népal Connection en Finlande ? On n’a pas de restaurants népalais, ici en Suisse !
3) le ramadan tombant un peu plus tôt chaque année, il tombera bientôt au mois de juin où il ne fait pas nuit du tout. L’islam est un phénomène si récent dans ce pays que la question ne s’est encore jamais posée.

dimanche 5 septembre 2010

Relais, pivots et retours (1)


Pour être interprète, il faut connaître au minimum une langue étrangère, pour interpréter, par exemple, d’anglais en français (anglais passif : langue qu’on écoute ; français actif : langue qu’on parle dans le micro). Mais avec cette combinaison linguistique là, on ne va pas bien loin. Tout change si on "fait le retour", c’est-à-dire que le même interprète travaille d’anglais en français et de français en anglais. Les vrais bilingues étant plutôt rares, une des deux langues est généralement une langue étrangère que l’interprète maîtrise assez bien pour trouver la bonne préposition et la bonne concordance des temps dans le feu de l’action. Passer d’une langue à l’autre nécessite en outre une souplesse cérébrale particulière, chaque langue ayant sa structure propre – et gare aux faux amis !

En général, les interprètes ont une langue dite A, leur langue maternelle, celle qu’ils parlent dans le micro, et plusieurs langues C, les langues passives qu’ils interprètent vers leur langue A. La langue dite B est une langue de retour (voir ci-dessus). Les combinaisons linguistiques disponibles sur un marché donné sont en général le résultat de l’offre et de la demande. Ainsi, à Genève, où sont situées de nombreuses organisations de la famille des Nations Unies, on trouvera plutôt les langues officielles de l’ONU (EN, FR, ES, RU, AR, ZH et DE pour le BIT*). Certains collègues ont aussi PT ou IT , ou d’autres langues encore.

Tous les interprètes ont l’anglais ou le français, mais que se passe-t-il quand un orateur dans la salle parle russe ou arabe ? Le cerveau humain ayant ses limites, il est impossible pour chaque interprète de maîtriser les six langues de l’ONU, dont le chinois et l’arabe, et encore moins les vingt-deux de l’Union européenne. C’est alors qu’intervient le système du "relais". Les équipes sont constituées de façon à avoir – en général dans la cabine EN et FR dans les organisations onusiennes – au moins un interprète qui comprend, par exemple, le russe. Ce collègue s’appelle le "pivot". Si un délégué dans la salle parle russe, les collègues qui ne comprennent pas cette langue régleront leur console de sorte à entendre ce que dit (par exemple) le collègue de la cabine anglaise, qui, lui, interprète de russe en anglais. Cela s’appelle "prendre le russe en relais sur la cabine anglaise". De même, lorsqu’un délégué parle espagnol, les collègues des autres cabines qui ne connaissent pas cette langue se brancheront sur la cabine dans laquelle se trouve le pivot pour l’espagnol et prendront l’espagnol en relais sur cette cabine-là. Si un délégué parle arabe ou chinois, ce sont alors les collègues des cabines chinoise et arabe qui font un retour, étant donné qu’aucun interprète – à part quelques phénomènes – n’a ces langues passives dans sa combinaison. Le retour de l’arabe ou du chinois se fait toujours vers le français ou l’anglais.


Ce système entraîne un léger retard, puisqu’au lieu d’interpréter directement, il y a une étape intermédiaire, le relais. On cherchera aussi à éviter les doubles relais, car cela ne fait qu’aggraver les retards et les risques d’erreur, chacun connaissant le principe du téléphone arabe ! C’est la raison pour laquelle les pivots doivent, de préférence, se trouver dans des cabines de langues courantes. Lorsque le délégué russe ou hispanophone a terminé son intervention, il faut quitter le canal du relais et régler à nouveau sa console sur "floor", c’est-à-dire le son dans la salle.

Il arrive parfois que le délégué qui s’exprime en espagnol, en arabe ou en portugais change soudain de langue. Il faut alors que le pivot dise dans le micro "en anglais" ou "en français" pour que les collègues qui le prennent en relais se rendent compte qu’on est passé à une autre langue. On évite ainsi que la cabine anglaise ou française ne retraduise vers l’anglais ou le français. Les collègues qui sont pivots ont une responsabilité particulière et un stress additionnel, car s’ils se trompent ou si quelque chose leur échappe, tous les autres qui le prennent en relais feront la même erreur ou la même omission. Dans une équipe d’interprètes, on veillera toujours à ce qu’il y ait deux pivots, pour répartir les risques, car il se peut que le collègue-pivot ait une soudaine quinte de toux ou qu’il soit sorti pour téléphoner ou satisfaire un besoin naturel.

Le pivot doit tout particulièrement veiller à parler clairement, bien terminer ses phrases, éviter de marmonner ou d’utiliser des termes rares ou des expressions idiomatiques que les collègues des autres cabines risquent de ne pas connaître. Il doit aussi éviter de laisser de grands silences, car cela déstabilise et inquiète ceux qui le prennent en relais.

Il m’est arrivé une fois qu’une déléguée suédoise, qui écoutait le canal français pour se faire son petit Berlitz pendant la conférence, me dise pendant la pause : "Mais comment faites-vous ? Vous connaissez toutes ces langues et même le chinois !" Autrement dit, le système fonctionne si bien que nos auditeurs – si tout va bien – n’y voient que du feu.

*) AR arabe ; DE allemand ; EN anglais ; ES espagnol ; FR français ; IT italien; PT portugais; RU russe ; ZH chinois

* * * *

Un prochain article portera sur le fonctionnement de l’interprétation dans les institutions européennes. Avec vingt-deux langues, on doit forcément compter sur le système des relais.

Texte paru dans la revue Hieronymus (septembre 2010) www.astti.ch


Console d'interprète : les + indiquent les canaux actifs, ceux où l'interprète est en train de travailler. Dans le cas présent, la cabine française se tait (0), car le délégué est en train de s'exprimer en français. Les cabines qui seraient en relais auraient le signe -, ce qui n'est pas le cas ici.

lundi 30 août 2010

I ♥ Internet

Internet a bouleversé ma vie, je n’ai pas peur de le dire. J’avoue même une certaine addiction. C’est un peu comme avec le chocolat : je peux objectivement m’en passer - enfin, je crois - mais la vie est tellement plus belle avec que sans.


Non seulement internet, mais tous les modes de communications d’aujourd’hui font partie intégrante de ma vie. Je peux partir en voyage, même à l’autre bout du monde, mais les amis (et le travail…..) ne sont jamais bien loin. Grâce au téléphone mobile, au courrier électronique, à facebook, skype ou les SMS, on n’est plus jamais seul, peu importe qu’on soit à Stockholm, à Berlin ou à Biarritz. Je n’ai toutefois pas encore mordu à l’hameçon de msn messenger, je ne sais même pas très bien comment ça marche. Un truc de jeunes, sans doute.

Ainsi, lors de mon récent voyage dans les îles Anglo-normandes*), je communiquais bien sûr live avec mon compagnon de voyage, mais aussi par le biais de facebook. Chacun téléchargeait ses photos dans sa chambre d’hôtel et nous les commentions ensuite, tant sur facebook qu’à la table du petit-déjeuner. Et lorsque nous étions dans des hôtels différents, c’est par SMS que nous fixions l’heure de notre rendez-vous pour partir à la découverte de l’île. En effet, l’utilisation du téléphone de l’hôtel, surtout si c’est pour appeler un mobile à l’étranger, coûte ridiculement cher. Les hôteliers vont probablement bientôt les supprimer pour les remplacer par un interphone avec la réception. A Jersey, on pourrait connaître l’heure de passage du prochain bus en envoyant le numéro de l’arrêt par SMS à condition d’avoir un abonnement local ; en Finlande, on peut payer son ticket de bus, voire son repas avec son téléphone mobile.

D’autres services mobiles fonctionnent grâce au GPS contenu dans les appareils. Il existe de nombreuses applications pour iPhone qui vous indiquent la poste, la Migros ou la mosquée la plus proche. Les appareils photos sont maintenant tous équipés de GPS, vous n’avez donc plus besoin de noter où vous avez pris vos photos. Et si vous êtes perdu, il vous suffit de consulter votre appareil !


Personnellement, j’adore tout ce qui fonctionne de façon électronique. Le billet de train sur le téléphone mobile est terriblement ludique. Autrefois, les billets d’avion étaient non seulement très chers, mais venaient sous la forme de copies carbone rouges qu’il ne fallait surtout pas perdre. Maintenant, il suffit de donner son nom si on a perdu son numéro de réservation et l’affaire est dans le sac. Récemment, j’ai reçu par SMS une invitation à m’enregistrer pour le vol du lendemain, par SMS ou par internet. J’aurais tant voulu recevoir ma carte d’embarquement sur mon téléphone, mais ça sera sans doute pour la prochaine fois.

Internet est tellement omniprésent dans nos vies que je m’étonne que la WiFi publique soit encore si rare. Les cafés et les restaurants qui l’offrent à leurs clients ont un avantage concurrentiel certain. On peut surfer à la gare routière de Saint-Hélier et un peu partout en ville de Genève, mais dans la plupart des aéroports, ce service reste payant (et pas bon marché). Les cabines téléphoniques ont pour ainsi dire disparu, mais elles seront peut-être bientôt remplacées par des cabines internet. Etant donné que les billets de train ou d’opéra s’achètent de plus en plus souvent par internet et si c’est le moyen le plus simple et le plus rapide pour trouver un numéro de téléphone ou un programme de cinéma, quoi de plus normal alors que de mettre ce mode de communication à la disposition du public.

Grâce à l’euro, il est devenu inutile et obsolète de changer ses francs suisses en pesetas ou en deutschmarks. Mon porte-monnaie avec des francs français a disparu dans les oubliettes de l’histoire ; restent encore les livres sterling ou les couronnes suédoises (sans parler évidemment des dollars, baths et autres yuans). Les traveller’s cheques ressemblent dorénavant à des cartes EC. En réalité, les billets de banques me semblent terriblement vieux jeu. A quand un monde où nous payerons tout par carte, par téléphone ou, soyons fous, avec l’iris de nos yeux !


*) voir Un voyage des les îles 1 & 2
http://tiina-gva.blogspot.com/2010/08/voyage-dans-les-iles.html
http://tiina-gva.blogspot.com/2010/08/un-voyage-dans-les-iles-jersey.html

lundi 23 août 2010

Une croisière sur la Baltique

ou ruotsinlaivalla pour les intimes


Cela doit bien faire 20 ans que je n’ai plus fait de traversée en bateau entre la Finlande et l’Allemagne (Lübeck), la Suède (Stockholm) ou l’Estonie (Tallinn). Et voici que j’ai fait la traversée Stockholm-Turku avec Silja Line, une véritable expérience à tout point de vue.

Départ de Stockholm à 7h10 (réveil à 5 :45), taxi à l’heure, enregistrement sans heurt et copieux petit-déjeuner à bord. Après quoi, je pars à la découverte de ce petit univers flottant, un véritable immeuble de 12 étages. Au sous-sol, les voitures, puis plusieurs étages de cabines ; au 7ème et 8ème étages, boutiques, restaurant et bars ; des machines à sous partout ; un salon de coiffure, une esthéticienne, des massages, un sauna, une (mini-)piscine et un jacuzzi, ainsi que de petites salles de réunion au 12ème étage ; et évidemment un magasin hors-taxe bien achalandé et aux rayons bien garnis, notamment en duo-sixpacks (12) ou tetra-sixpacks de bière (24), que les gens empilent sur de petits chariots pour faire leur stock pour le week-end.





Les Finlandais appellent affectueusement ces multipacks mäyräkoira, ce qui signifie teckel. Les emballages ne sont pas perdus pour tout le monde !
A noter que le snus (tabac à priser très prisé des Suédois) n’est en vente que tant qu’on est dans les eaux territoriales suédoises. Une annonce par haut-parleurs avertit les clients potentiels qu’il leur reste une demi-heure pour aller faire leurs stocks.

Heureusement, tout le bateau est NO SMOKING. Les fumeurs doivent monter sur le pont au 12ème étage ou alors s’enfermer dans un aquarium qui se trouve, étrangement, à côté d’une aire de jeux pour les enfants (qui se transforme parfois en bar normal, avec orchestre et couples qui dansent). Sans doute est-ce pour dégoûter les petits : "Tu vois, si tu n’es pas sage, tu finiras dans un bocal tout gris comme le Monsieur !"

A midi, on peut prendre un déjeuner au buffet pour 24€ et s’en mettre plein la panse : salades et poisson froid en entrée, plats chauds, dessert et – très surprenant pour la Finlande – de la bière, ainsi que du vin rouge ou blanc au robinet, c’est-à-dire sans quota de consommation ni contrôle de l’âge. Ces bateaux étaient autrefois remplis d’ivrognes, mais ce n’est de loin plus le cas. J’ai bien vu quelques individus éméchés dès potron minet, mais le ferry Jersey-Saint-Malo tient bien la comparaison.



Les Finlandais ont tous fait ce voyage à plusieurs reprises et connaissent la musique, contrairement à votre serviteur. J’ai payé mon repas de midi en même temps que mon billet et je pensais qu’il suffisait de montrer le ticket qu’on m’a donné à l’enregistrement pour entrer dans la salle à manger. En réalité, il fallait aller s’inscrire et recevoir une réservation de table en échange, sous la forme d’un petit billet bleu, ce que je n’avais pas compris. Et chaque fois que je me comporte comme une extra-terrestre, les Finlandais s’adressent à moi en suédois, pensant : "la pauvre, elle n’est pas d’ici, on va lui parler dans la langue des étrangers". Ici, je n’ai certes pas besoin d’expliquer pourquoi il y a deux ii à mon prénom, mais ce n’est pas plus simple pour autant.

Chaque bateau est une véritable entreprise : non seulement il y a un capitaine et tous ceux qui font avancer le navire en veillant à sa sécurité, mais il y a tout le personnel d’un hôtel (nettoyage des cabines) et de plusieurs restaurants et bars. Sans compter les animateurs pour les enfants, l’orchestre, les coiffeurs-masseurs-esthéticiennes ou encore le personnel de vente des magasins (parfumerie, vêtements, disques et DVD).

Des îles, petites et grandes, nous accompagnent tout au long du voyage, il n’y a qu’un tout petit intervalle de grand large avec l’horizon pour seul paysage. C’est sans doute grâce à cela que le bateau est très stable et que personne ne semble avoir eu le mal de mer. Le voyage dure toute la journée, mais entre le shopping, les repas, la lecture et grâce à la WiFi à bord, on ne voit pas le temps passer.

A peine arrivé au port, le bateau embarque une nouvelle cargaison humaine et reprend tout à zéro dans l’autre sens, pour la traversée de nuit. Les passagers quant à eux s’éparpillent aux quatre vents, après avoir avancé leurs montres d’une heure et changé leurs couronnes en euros. Eh oui ! La Suède et la Finlande ont beau être si proches que tout le monde nous confond (voir La visite chez le notaire) , il y a malgré tout beaucoup de choses qui nous séparent (à commencer par la langue !)



www.tallinksilja.com
http://www.vikingline.fi

samedi 14 août 2010

Un voyage dans les Iles (2) – Jersey


Le passage de Guernesey à Jersey s’est fait en neuf minutes environ, au moyen d’un tout petit avion tout mignon, pouvant transporter 18 passagers. C’est bien plus simple et pas plus cher que le ferry.

A la première impression, tout est plus grand qu’à Guernesey, Jersey est d’ailleurs 50% plus grande que sa petite voisine du nord. Saint-Hélier paraît bien plus urbaine que Saint-Peter’s Port, mais en réalité, downtown se résume à King Street, où on trouve Marks & Spencer, Boots, HMV, Body Shop et l’omniprésent Swarovski. Ce qui frappe aussi, c’est qu’on croit être arrivé au Portugal : ça parle portugais tous azimuts, les serveurs et les chauffeurs de bus semblent tous venir de là-bas. Et s’ils ne sont pas Portugais, c’est qu’ils sont Polonais.

Il a fallu à nouveau essayer de comprendre comment fonctionnaient les transports publics et comment arriver aux attractions touristiques. Comme à Guernesey, un réseau d’autocars dessert bien toute l’île, mais les bus ne passent qu’une fois par heure environ, ce qui ne favorise pas les balades spontanées ni l’improvisation. Il faut au contraire essayer de concentrer les visites sur une même ligne et faire des calculs avec l’horaire. Ils ont un système astucieux de SMS permettant de connaître le passage de la prochaine correspondance ; malheureusement, ça n’a pas l’air de fonctionner avec des téléphones étrangers.



Les deux îles sont divisées en paroisses (parish) et les guides, plans et brochures vous diront que La Mare Wine Estate est à Saint-Mary et que les Tunnels de guerre sont à Saint-Lawrence. Mais on ne vous dira pas où se trouvent Saint-Mary ou Saint-Lawrence, car apparemment, c’est parfaitement évident ! Ils ne semblent pas connaître le système des grilles G4 ou B2 pour situer la cathédrale ou le château.

Il y a de très grandes plages à Jersey et sur la côte sud, les marées sont dangereuses car très rapides, comme au Mont-Saint-Michel en France ; des forteresses (Château Montorgueil, Elizabeth Castle), des falaises et des gouffres (Devil’s Hole) ou encore un zoo (Durrell Conservation Trust), qui ne vaut toutefois pas le détour. Les animaux y sont certainement très heureux, car ils ont d’immenses parcs avec beaucoup de broussailles, mais pour le visiteur, qui fait 2x30 minutes de bus et qui paie 13£ (23 CHF) l’entrée pour ne rien voir, c’est un peu frustrant. En outre, le zoo donne plutôt l’impression d’être un parc d’amusement pour enfants, avec des aires de pique-nique et de jeux, avec des panneaux didactiques simples.

Les deux îles ont été fortement marquées par l’occupation allemande pendant la deuxième guerre mondiale. Il est étonnant que cet épisode de l’histoire soit si mal connu. Les îles Anglo-normandes ont été prises très facilement par les Allemands, car Churchill avait estimé qu’elles n’avaient aucune importance stratégique et qu’il ne valait pas la peine de les défendre. Et lorsque les Alliés ont débarqué en Normandie, ils ont libéré l’Europe, toute l’Europe… non ! de petites îles restent assujetties au joug de l’occupant, car tout le monde les a oubliées ou alors s’en fiche royalement. La guerre s’est terminée le 8 mai 1945, mais les Iles, elles, n’ont été libérées que le 9 mai 1945, date largement commémorée au moyen de moult plaques apposées un peu partout, en souvenir des 40, 50, 60 ou 65 ans de La Libération.


Jersey War Tunnels

Malgré cet épisode douloureux, les îles Anglo-normandes sont restées loyales à la Couronne d’Angleterre et, en dépit de noms de lieux bien français (Saint-Ouen Beach, Bonne Nuit Bay), on y est bien en terre anglaise. Les hôtels servent du bacon & eggs au petit-déjeuner et il y a des bouilloires dans les chambres d’hôtel, pour l’indispensable tea time. Les gens qu’on croise dans la rue sont typiquement anglais, tout le monde est très aimable, l’ambiance est tranquille et paisible, voire un peu provinciale. On ne voit pas ces énergumènes des temps modernes, punks, rastas et autres extra-terrestres qui parlent tout seuls, gitans ou jeunes tatoués et percés. Je n’ai pas vu un seul analyste financier non plus. Le dépaysement total…

Et s’il y a bien une chose qu’on ne trouve pas, ce sont des pulls jerseys. Voilà une bonne raison d’y retourner, pour essayer d’en dénicher !



Voir aussi: Guernesey
www.blueislands.com compagnie aérienne qui dessert les Iles entre elles, ainsi que Genève et Zurichwww.jerseywartunnels.co.uk
www.lamarewineestate.co.uk : vins, mousseux, caramels, biscuits et l’incroyable Black Butter : un concentré de cidre et de pommes à tartiner

lundi 9 août 2010

Un voyage dans les Iles (1) - Guernesey

Un projet que je mûrissais depuis quelques années a enfin pris forme : la découverte d’un monde inconnu, pourtant tout près de nous, les îles Anglo-normandes. Un article sur une petite île hors du temps, Sark (Sercq en patois local) avait excité ma curiosité. Guernesey, Sark, Herm, Aurigny (Alderney en anglais) et Jersey forment des baillages qui dépendent de la Reine d’Angleterre (Crown Dependencies) sans toutefois faire partie du Royaume-Uni ni – heaven forbid ! – de l’Union européenne ; d’où leur statut fiscal particulier, qui en font un havre très accueillant pour toutes les grandes fortunes de ce monde et pour les fonds de placement offshore. A Guernesey, on n’a toutefois pas du tout l’impression de nager parmi les requins de la finance. L’ambiance est plutôt celle d’une petite ville portuaire, quelque part à mi-chemin entre la Bretagne et les Iles Canaries. Les cactus et les palmiers prospèrent, les mouettes rient et il y souffle le bon air marin. C’est très propre et on se sent totalement en sécurité. Les voleurs et les brigands sont sans doute naturellement freinés par le fait qu’on ne quitte pas si facilement une île.


Guernesey et Jersey ont chacune leurs propres billets, même si leur devise est alignée sur la livre sterling. On trouve des billets d’une livre, alors qu’en Angleterre, ce sont des pièces. On peut évidemment payer en GBP, mais aussi en livres écossaises et sans doute aussi en livres d’Irlande du Nord. J’ai bien remarqué quelques discrètes enseignes de banques ou de sociétés financières, mais je n’ai pas vu un seul homme en costume trois pièces. Sans doute est-ce dû à la saison. On voit bien plus de polos Carlsberg et de bermudas que d’attaché-case. Les touristes sont essentiellement anglais et français. Ce sont apparemment les seuls qui connaissent l’existence de cet endroit. Il n’y a évidemment ni roms ni joueurs de bonneteau, car ils auraient besoin d’un visa pour pénétrer dans ce petit paradis.


Bien qu’il ne fasse pas très chaud (20-22° au mois d’août), une végétation tropicale pousse partout : des aloés géants, des palmiers, des chardons, des plantes grasses et des fleurs de toutes les couleurs. Beaucoup d’hortensias aussi, ce qui nous rappelle qu’il doit tout de même beaucoup pleuvoir. Nous sommes, après tout, en plein milieu de la Manche et tout près de l’Océan atlantique. Les parapluies de Cherbourg ne sont pas bien loin… ! Les paysages et la végétation ne sont pas sans rappeler le pays basque : des plages de sable, des pins parasols et les nuages qui vous font constamment ôter et remettre votre pull. Ce qui est cocasse, ce sont les cottages très anglais, avec des plantes tropicales et des palmiers dans leur jardinet. Ils portent souvent des noms français, probablement choisis au hasard du dictionnaire : Enfin, Désormais, Le Petit Robinet (avec l’illustration d’un rouge-gorge, robin en anglais). On trouve beaucoup d’inscriptions en français, ce que j’ai de la peine à comprendre, étant donné que ces îles sont devenues anglaises en 1066. Sans doute une importante colonie française a-t-elle toujours vécu ici. 



Autour de Guernesey, trois petites îles méritent une excursion : Sark, Herm et Aurigny. Elles se vantent toutes trois d’être des lieux de calme, éloignés de toute l’excitation moderne, ce qui est certainement le cas. Malheureusement, si les voitures sont interdites, les tracteurs ne le sont pas et, sur Sark, ils sont un peu trop nombreux. Mais voilà : il faut bien transporter les valises des touristes ! Il y a encore deux autres petites îles, privées, celles-là : Jethou et Brecqhou (que les Anglais prononcent bracko). J’ai vu Brecqhou de l’avion et ce serait un décor idéal pour un film de James Bond : une immense bâtisse de type faux château, flanquée d’un héliport. Et gare à quiconque oserait s’approcher !

Guernesey porte encore de nombreuses traces de l’occupation allemande. Les côtes sont parsemées de blockhaus et Castle Cornet, une forteresse médiévale à Saint-Peter’s Port, a été arrangée pour satisfaire les besoins de l’occupant nazi. Cette période est décrite de façon tout à fait charmante dans le roman de Mary Ann Shaffer, The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society.




L’Hôtel Captain Cook est une excellente adresse pour quiconque cherche une ambiance de pension de famille, pas guindée, sans businessmen. Le soir, les clients se retrouvent au bar, soit pour recevoir la WiFi, soit pour taper le carton avec le patron. L’hôtel est situé à un jet de pierre de la maison de Victor Hugo (Hauteville House), qui a passé 16 ans d’exil à Guernesey. Ce cher Victor devra toutefois encore attendre ma visite, car le musée n’accueille que 15 personnes à la fois et qu’on se bouscule au portillon.

Autrement dit : Next Year in Guernsey !


Voir aussi: Jersey
http://www.captaincookhotel.co.uk/
http://www.visitguernsey.co.uk/
http://www.hautevillehouse.com

mercredi 4 août 2010

Vivons vieux, vivons heureux


Un changement de génération s’est fait récemment. Non seulement, j’ai atteint un chiffre rond, mais c’est maintenant à moi de m’occuper de ma mère et non l’inverse. Autour de moi, les gens de mon âge ont cessé de parler de leurs enfants et la conversation porte désormais sur nos parents respectifs, leur état de santé, leur moral, leur autonomie ou leur dépendance.

Cinquante ans, c’est vraiment l’âge idéal. On a laissé derrière soi les incertitudes et la sottise des jeunes années et on n’est pas encore affligé par l’arthrose ou la surdité. Pour rien au monde je ne voudrais avoir à nouveau 20 ans. Et en observant ma mère, j’entraperçois ce qui m’attend d’ici 30 ans, si le ciel me prête vie jusque là.

Ma mère passe actuellement des "vacances" dans une sorte de Club Med pour personnes âgées. Certains pensionnaires vivent là à demeure, d’autres à titre provisoire. Des activités sont organisées, les repas se prennent à des tables collectives, ce qui favorise les contacts. Les uns et les autres vieillissent différemment et, comme dans toute société ou groupe, toutes les personnalités sont représentées : le monsieur élégant qui garde son chapeau à table, la dame qui parle très fort puisque ses camarades de table se taisent de toutes façons, la personne agressive qui se plaint de la nourriture ou celle qui découpe soigneusement sa serviette en morceaux à l’aide de son couteau et qui s’essuie ensuite la bouche avec la nappe. Au lieu de trouver ce lieu déprimant, ma mère semble plutôt y trouver un certain réconfort : "Dieu merci, je n’en suis pas encore là !" Quant à elle, observer les allées et venues dans le parking ou encore une excursion quotidienne au supermarché d’en-face suffisent à la combler. Il y a de quoi : cela signifie qu’elle est encore capable de se déplacer toute seule, fût-ce à la vitesse de l’escargot. Mais elle a tout le temps… alors qu’importe !

Quand je vois des personnes aux cheveux blancs faire de la randonnée ou gérer leur entreprise, je suis pleine d’admiration et j’espère sincèrement vieillir comme eux. Pour y parvenir, je mets toutes les chances de mon côté en faisant du sport, en consommant cinq fruits et légumes par jour et de l’alcool avec modération. L’enfer serait de devenir dépendante relativement jeune et de devoir passer 20 ans dans un home. Tant qu’on a toute sa tête, on peut bien sûr s’occuper de façon utile et agréable, mais nul ne sait ce que l’avenir nous réserve.

Mais je ne vais certainement pas passer le temps qui me reste dans cette vallée de larmes à me préoccuper de mon avenir de petite vieille. Carpe diem et demain est un autre jour, comme disait l’autre.
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La vie est une maladie mortelle....