vendredi 25 août 2017

Cendrillon




Texte écrit en atelier d’écriture à Marsanne – le 18 août 2017
Texte écrit autour des pieds et de tout ce qui s’y rapporte


C’était le silence qui m’avait réveillée et pourtant, je m’étais levée du mauvais pied. La journée s’annonçait plutôt bien : je me savais loin du tumulte de la ville, du tohu-bohu de toute cette agitation inutile qui nous secoue tous, tels des marionnettes qui ne toucheraient jamais le sol.

Il fallait commencer à se mettre en route, même si je n’avais aucun but précis. J’irais où mes pieds me mèneraient. J’étais équipée de pied en cap, en prévision de tous les aléas qui m’attendaient. Le plus long voyage commence par un premier pas, selon un proverbe chinois. Alors pourquoi attendre davantage, il suffisait d’oser.

Un chapeau à larges bords me cachait du regard des autres et ma cape en popeline pied-de-poule me permettrait de me camoufler et de disparaître dans le paysage. Personne ne devait savoir que je me lançais dans ce périple. Arrivée au pied d’une falaise, j’hésite : escalader, au risque de me casser la figure ou contourner et retarder le moment d’atteindre mon but ? J’ai choisi la route la plus longue, mon pied-à-terre me permettrait de faire une escale. Je ne prenais pas beaucoup de risques, quelques ampoules aux pieds, tout au plus.
 
Au bord du chemin, une fontaine où Marie-Madeleine lavait les pieds de son Seigneur sans jamais se lasser. J’en profite pour lui demander de laver aussi les miens, endoloris par mon errance.

J’allais bientôt arriver, je le sentais, je le pressentais. En effet, j’aperçus une clairière, au milieu de laquelle se trouvait une magnifique armoire qui resplendissait de mille feux. Dans un premier temps, j’ai été prise d’effroi. Visiblement, l’armoire m’attendait de pied ferme, elle était là pour moi, elle avait toujours été là. Protégée par mon armure en popeline pied-de-poule, je m’approchai. Ma main s’est tendue vers le loquet. J’ai tiré la bobinette et la chevillette a chu silencieusement. Les battants des portes se sont ouverts comme par magie : des chaussures par milliers me sont apparues, des sandalettes, des escarpins, des espadrilles, des bottines en strass, des bottes en caoutchouc… et toutes à ma taille ! 

Dire que cette armoire était là depuis toujours ! Il suffisait d’oser partir à sa recherche.



jeudi 24 août 2017

Un atelier d’écriture à Marsanne



Lâchez-vous!
Ayant décidé de faire quelque chose de différent pendant mes vacances, quelque chose de constructif et de créatif, j’ai choisi, presque sur un coup de tête, de participer à un atelier d’écriture qui allait se dérouler à Marsanne, dans la Drôme. Je n’avais pas besoin de partir trop loin, ni trop longtemps, c’était parfait. J’aime écrire et l’encadrement de l’animateur, additionné à l’émulation du groupe ne pouvait que me faire du bien et relancer mes désirs d’écriture qui étaient un peu tombés en panne. Les obligations de la vie m’obligeant à me disperser, je n’arrivais plus à me centrer en moi-même, à me concentrer. Cet atelier à Marsanne m’a non seulement permis de retrouver le plaisir du texte, mais il m’a donné de nouvelles idées et de nouveaux élans : me voilà repartie avec de bonnes résolutions pour une meilleure hygiène de vie intellectuelle, pourvu que ça dure !

La source miraculeuse
L’atelier se déroulait au Centre spirituel de Fresneau, sur les hauts de Marsanne. Il s’agit d’un lieu de pèlerinage car un miracle s’y est déroulé : une fillette aveugle a retrouvé la vue grâce à la Vierge Marie qui lui est apparue et qui lui a dit de boire l’eau de la source. Son père a fait construire une petite chapelle pour remercier la Madonne. La source existe toujours, c’est une fontaine d’où coule une eau d’une pureté parfaite. Du matin au soir, des gens viennent y remplir des bouteilles et des jerricans – les participants à l’atelier aussi !

Nous étions onze participantes*), dix femmes et un homme, de 17 à 71 ans. Avant d’entamer la journée de travail, nous faisions de petits exercices de qi gong ou de taï chi sur la terrasse pour nous mettre en état de concentration méditative. Chacun à son tour proposait un mouvement qui lui revenait à l’esprit, ce qui contribuait également à créer une belle cohésion dans le groupe.


Nous avons commencé par de petits exercices simples pour faire connaissance et pour permettre à l’esprit de se débloquer, de se mettre en mode Ecriture, qui est un mode de fonctionnement très différent. On doit vraiment puiser à l’intérieur de soi en s’arrêtant pour écouter ses émotions, ses pensées, au lieu de foncer la tête baissée comme on le fait trop souvent. Il fallait tout d’abord coucher sur le papier des choses telles que : « J’aime / je n’aime pas…. Ecrire, pour moi, c’est…. Lire, pour moi, c’est….. » Il fallait le faire assez rapidement, de sorte à ne pas avoir trop le temps de réfléchir. D’ailleurs, tous les textes au cours de la semaine ont été écrits dans un élan spontané, afin que cela sorte du cœur et des tripes, évitant ainsi des choses trop cérébrales et contraintes, qui auraient forcément été indigestes. Chacune lit ensuite ce qu’elle a écrit. Il était strictement interdit de commencer par se justifier en expliquant pourquoi on n’a pas réussi à écrire quelque chose digne du Prix Goncourt….. ça n’intéresse personne ! On lit, les autres écoutent, l’animateur donne un feedback, les participantes peuvent aussi réagir, mais toujours dans la bienveillance. La critique négative ne sert à rien et ce n’est vraiment pas le but de l’exercice. D’ailleurs, elle n’aurait pas eu lieu d’être, les textes étaient toujours une découverte intéressante et amusante, car, qu’on le veuille ou non, celle qui manie la plume se dévoile forcément.
 
La maison de l'écriture
Il fallait généralement écrire avec une contrainte et un temps limité, ça évite de rechercher la perfection stérile. La contrainte pouvait être un thème imposé (p.ex. les pieds), une liste de mots choisis au hasard par la voisine, un incipit, un souvenir de voyage….. Il était amusant de voir toute la palette, la variété de versions différentes, étant donné que chacune interprétait les mots ou la consigne à sa façon. Les unes se lançaient dans un poème ou une liste, d’autres écrivaient une lettre à l’être aimé, c’était parfois lyrique ou concret, amoureux, historique, amusant….. Nous avons également découvert les haïkus, dans le but de comprendre la beauté de la concision. Less is more, comme le disent les anglo-saxons. C’est même devenu un fil conducteur, un leitmotiv tout au long de la semaine. 

Le rythme de travail était soutenu, à tel point que je sentais mon cerveau bourdonner à la fin de la journée. J’avais un appétit d’ogre, l’effort intellectuel consommant visiblement beaucoup d’énergie. Les repas étaient simples, mais délicieux et très sains. Manger en bonne compagnie est un vrai plaisir, surtout quand ça se passe dehors, l’été, dans un lieu accueillant et imprégné de spiritualité.

Notre groupe a été une rencontre très réussie de vies et de styles différents. Chacune y a apporté sa contribution, son aura personnelle, son énergie, son vécu, ses émotions et son style de narration et d’écriture. Chacune a pu s’exprimer en toute liberté, à l’abri de tout jugement, le but de la semaine n’étant ni la productivité ni un résultat matériel, concret. Tous les styles étaient autorisés et encouragés. On écrivait pour être écoutées des autres, mais on écrivait aussi pour soi : on doit pouvoir se reconnaître dans son texte, en écrivant avec son cœur et non pas avec son cerveau. Il est amusant de constater que l’écriture se déroule quasiment d’elle-même, il suffit d’avoir un point de départ. J’étais souvent étonnée de trouver un cheminement et une chute que je n’attendais pas forcément. C’est comme si le texte réclamait que je le découvre, il était là depuis toujours.

Nous avons toutes été transformées par cette semaine magique. Ne reste plus qu’à garder vivant cet esprit d’écoute et de perception au monde qui nous entoure, dans un esprit positif et constructif. Et y retourner l’année prochaine, pourquoi pas …. ?

*) à dix contre un, le masculin ne l’emportera pas !



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Le haïku de l’ascenseur, par Béatrice :

Ouverture des portes
Chanson lassante
L’aveugle passe

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Charles Juliet - Pourquoi écrire ?
Ecrire pour obéir au besoin que j’en ai.
Ecrire pour apprendre à écrire. Apprendre à parler.
Ecrire pour ne plus avoir peur.
Ecrire pour panser mes blessures. Ne pas rester prisonnier de ce qui a fracturé mon enfance.
Ecrire pour ne pas vivre dans l’ignorance.
Ecrire pour surmonter mes inhibitions, me dégager de mes entraves.
Ecrire pour déraciner la haine de soi. Apprendre à m’estimer.
Ecrire pour déterrer ma voix.
Ecrire pour me parcourir, me découvrir. Me révéler à moi-même.
Ecrire pour épurer mon œil de ce qui conditionnait sa vision.
Ecrire pour me clarifier, me mettre en ordre, m’unifier.
Ecrire pour conquérir ce qui m’a été donné.
Ecrire pour gravir la pente qui mène à la simplicité.
Ecrire pour tenter de réduire, de dissoudre le moi.
Ecrire pour devenir plus conscient de ce que je suis, de ce que je vis.
Ecrire pour affiner et aiguiser mes perceptions.
Ecrire pour savourer ce qui m’est offert. Pour tirer le suc de ce que je vis.
Ecrire pour repousser mes limites, agrandir mon espace intérieur, me rendre toujours plus libre.
Ecrire pour soustraire des instants de vie à l’érosion du temps.
Ecrire pour retrouver – par-delà la lucidité conquise – une naïveté, une spontanéité, une transparence.
Ecrire pour produire la lumière dont j’ai besoin.
Ecrire pour tenter de voir plus loin que mon regard ne porte.
Ecrire pour donner du sens à ma vie. Pour éviter qu’elle ne demeure comme une terre en friche.
Ecrire pour susciter cette mutation qui me fera naître une seconde fois.
Ecrire pour m’inventer, me créer, me faire exister.
Ecrire pour m’employer à devenir meilleur que je ne suis.
Ecrire pour faire droit à l’instance morale qui m’habite.
Ecrire pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d’une société malade.
Ecrire pour être moins seul. Pour parler à mon semblable.
Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime. Des mots qui auront peut-être la chance de la révéler à lui-même.
De l’aider à se connaître et à cheminer.
Ecrire pour mieux vivre. Mieux participer à la vie. Apprendre à mieux aimer.
Ecrire pour que me soient donnés ces instants de félicité où le temps se fracture, et où, enfoui dans la source, j’accède à l’intemporel, l’impérissable, le sans-limite.

Charles Juliet, Lumières d'automne, Journal VI, 1993-1996, P.O.L, 2010, pp. 247-248.
Trouver la source (édition La passe du vent, 2000) 

mercredi 23 août 2017

Le chapeau de Panama







Atelier d’écriture à Marsanne – le 16-17 août 2017
Texte écrit sur un objet rapporté d’un voyage (Panama)


Me voilà arrivée à Panama City. Le voyage a été long, mais sans incident. Puis, transit de l’aéroport à l’hôtel cinq étoiles de la conférence, éloigné de tout. Nous n’aurons pas beaucoup de temps entre les séances de travail, mais je compte bien sortir de ce cocon confortable et climatisé pour découvrir Panama City.

Panama…. Un nom qui évoque un pays lointain, une destination moins galvaudée que le Brésil ou le Mexique. Je ne connais pas grand-chose de ce pays, si ce n’est le canal et les fameux chapeaux.
Notre hôtel est loin de la ville, des deux villes : Panama City, ses gratte-ciels modernes et ses sociétés financières de mauvaise réputation et la vieille ville, le Casco Antiguo, évidemment bien plus intéressant. Le taxi s’impose, nous n’avons pas assez de temps pour compter sur les transports publics.

L’arrivée dans un pays inconnu a toujours quelque chose de fascinant, d’intrigant et d’un peu effrayant à la fois. Je me rappelle ma toute première découverte du Maroc : il faisait nuit quand nous sommes arrivés à Tanger, nous avons entendu le chant du muezzin au milieu de la nuit. On se sentait vraiment sur une autre planète. 

Il me fallait donc découvrir au plus vite tout ce qui se passait à l’extérieur de l’enceinte protégée de notre hôtel. Dès le premier jour, je me suis organisée pour faire une petite escapade dans la vie réelle du Panama. Une vieille ville touristique n’offre évidemment pas une vision de la réalité, mais c’est néanmoins un début.

A peine débarquée du taxi, je vois un homme assis derrière une petite table basse sur laquelle sont empilés des panamas. Il ne vend rien d’autre. Je lui demande quel est son prix, histoire de me faire une idée. Un peu plus loin, je tombe sur un marché artisanal pour touristes, sur une place du centre ville. Je n’aime pas acheter des souvenirs dès le premier jour, mais là, je n’ai pas vraiment le choix : les occasions de faire des sorties seront rares et je ne sais pas quand la prochaine se présentera. Il faut que je me décide, et vite ! Les chapeaux dits « panama » se ressemblent tous, il n’y a qu’à choisir la bonne taille. Je trouve celui qui me convient et l’affaire est dans le sac.

Climat tropical
Les panamas ont ceci de particulier qu’on peut les plier, les rouler en boule, s’asseoir dessus…. Ils retrouvent toujours leur forme. Ils donnent un air très classe à quiconque les porte. C’était un achat parfaitement utilitaire, le soleil était bien présent et se balader avec un panama au Panama n’avait rien d’un luxe. Les collègues et les touristes ont bien sûr tous suivi la même démarche et la vieille ville avait un peu des airs de secte : la tribu des chapeaux blancs.

En réalité, le panama vient d’Equateur. Il a été importé au Panama par les ouvriers équatoriens qui travaillaient à la construction du canal. Le chapeau a les parfaites qualités pour un climat tropical, raison pour laquelle il est devenu très populaire parmi la population très cosmopolite présente sur le chantier. C’est le Président Roosevelt qui lui a donné une notoriété internationale en arborant ce magnifique couvre-chef lors de l’inauguration du canal en 1914.

Les véritables panamas coûtent une fortune, autour de 200 dollars, euros ou francs, peu importe, mais ils sont vraiment magnifiques : soyeux, souples, d’un blanc immaculé, infroissables, indestructibles, éternels….. jusqu’au coup de vent fatal qui les emporte au loin. Le mien a coûté autour de 25$, il n’est pas d’un blanc virginal, mais tant pis. J’ai pu le rouler en boule et le mettre dans ma valise, je l’ai retrouvé comme neuf à mon retour sur le vieux continent.

Roosevelt
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J’ai passé des heures en position fœtale dans l’obscurité. Je n’avais pas beaucoup de place pour bouger. Où étais-je ? Que m’arrivait-il ? Et surtout : pourquoi ?

J’étais tranquille, sur l’étal du marché des artisans, à l’ombre, la brise de l’océan Pacifique tout près, celle qui me permettrait peut-être de voler un jour… On m’a dit que c’était une sensation formidable. Vous êtes vissés sur le crâne du quidam qui vous a choisi, il vous retient à chaque velléité d’évasion, il vous met sous son coude ou dans son sac dès qu’Eole se déchaîne un peu trop. Ah…. prendre mon envol… mon rêve ! Le rêve de tout chapeau.

Alors me voilà roulé en cylindre, coincé entre des tongs qui n’ont rien à raconter et du linge sale à qui je n’ai vraiment pas envie de parler. Soudain, un rugissement effroyable se fait entendre et sentir…. je me sens comprimé….. je vais étouffer…… je ne vais jamais retrouver mes courbes si élégantes…. Ah ! Sainte Marie Madonne ! Viens à mon secours ! ¡Ayuda ! ¡Ayuda !

Elle a dû m’entendre, la pression s’atténue légèrement. Je soupire, je respire. Miss Tong me regarde d’un air narquois et me dit : « Ben quoi ? T’as jamais pris l’avion ? Pas de quoi en faire un fromage. Relax, Max ! » L’avion…. Je suis dans un avion ! Je vole….. Enfin ! Je vole ! Roulé en boule comme un escargot dans sa coquille, mais je vole ! Je vole !

Chat-peau

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Contraintes d’écriture :
Ecrire sur un objet rapporté d’un voyage – 2ème partie : Faire parler l’objet.

PS : la monnaie qui a cours au Panama est le dollar des Etats-Unis. Les pièces de monnaie s’appellent des balboa.

PPS: Mais pourquoi appelle-t-on Paris Paname ?

Il existe plusieurs théories qui expliqueraient cet étrange surnom, qui est apparu au cours de la Première Guerre mondiale. Néanmoins, la plus partagée est à propos d'un chapeau. Le "panama" était très à la mode au début du 20e siècle. Tous les hommes élégants l'avaient adopté et l'arboraient fièrement dans la rue. Ce couvre-chef venait des ouvriers qui creusaient le canal du même nom. Néanmoins peu de temps après, le scandale de Panama éclata. Il s'agissait d'une affaire de corruption par rapport à cette construction, qui touche de nombreux hommes importants français.

C'est donc cette succession de faits, qui faisait tout d'abord référence à l'élégance de la ville puis à ses illusions et désillusions, qui aurait donné lieu à cette appellation. C'est ainsi que la capitale française gagna ce nouveau surnom, et c'est pourquoi Paris est Paname. Néanmoins sachez qu'à l'origine, on l'écrivait "Panam". Le "e" fut ajouté plusieurs années plus tard, pour une raison encore inconnue.