Before we embark on the actual discussion, let me
remind you that if you have prepared written statements, please provide copies
to the interpreters beforehand. You can do so via the Secretariat on the
podium. And furthermore please read at a reasonable pace to ensure optimum
translation.
L’éloquence
du bon vieux temps est une espèce en voie de disparition, du moins dans les
organisations internationales. Notre métier devrait être consacré à la
communication orale, mais de plus en plus souvent, nous nous retrouvons à faire
de la traduction non seulement simultanée, mais aussi spontanée et aveugle.
Cela équivaut à faire du monocycle les yeux bandés: pas impossible, mais
nettement plus difficile et avec un risque de chute nettement accru.
Bien
souvent, la communication est faible voire inexistante entre le secrétariat de
la réunion et les interprètes; quant aux délégués, ils ignorent en général
jusqu’à notre existence. C’est ainsi qu’ils liront leur discours, voire leur
thèse de doctorat, sans soucier le moins du monde de savoir si leur message
passe dans les autres langues. Pour les anglophones, les autres langues
n’existent d’ailleurs tout simplement pas. Ou alors, ils pensent que ce sont
des assistantes trilingues qui lisent leur discours, dans les cabines magiques,
loin, là-haut, et qui convertissent leur texte dans les autres versions
linguistiques. Après tout, il n’y a qu’à répéter ce qui est écrit, ce n’est pas
bien sorcier... Et pendant ce temps-là, nous pleurons des larmes de sang et
nous nous arrachons les cheveux par touffes entières, en nous demandant ce que
nous sommes venus faire dans cette galère.
Demosthenes Orator |
Il
faut reconnaître qu’il arrive que nous recevions le texte, parfois même avant
qu’il ne soit lu. Cela peut être un discours prononcé (très vite) en espagnol,
avec l’accent brésilien et qui nous sera distribué (mal) traduit en anglais,
prétendument pour nous faciliter la tâche; une intervention rédigée à la main,
avec flèches, ratures et rajouts, le tout plus ou moins intelligible; un
discours en arabe ou en chinois, tel quel; ou alors le délégué prononce autre
chose que le texte qui nous a été distribué. La mention Check Against Delivery signifie que c’est à nous de remarquer quand
l’orateur s’écarte de ce qui est écrit. Les discours très importants sont en
général distribués à l’extérieur de la salle, a posteriori – on pense aux journalistes, mais pas aux interprètes.
Les
langues exotiques peuvent aussi, moyennant un peu d’organisation, avoir voix au
chapitre. Dans ce cas-là, un discours en farsi sera traduit en anglais et un
représentant de la délégation iranienne viendra en cabine anglaise montrer du
doigt à l’interprète, qui lit, où on en est dans le texte. Et les autres
cabines prennent alors en relais sur la cabine anglaise. Dans la salle, on n’y
voit que du feu!
De
plus en plus souvent, les délégués lisent directement sur l’écran de leur
ordinateur, voire de leur téléphone, selon le credo du Paperless
Office ou du Paper Smart Meeting.
C’est sympa pour les arbres, mais pas très sympa pour nous. Imaginez donc
devoir traduire à partir de phrases entendues une fois - verba volant - et débrouillez-vous! Nos propos deviennent parfois scripta manent, grâce aux procès-verbalistes,
pour lesquels j’ai souvent une pensée émue après avoir massacré le discours du
Bangla Desh ou de la République de Corée. A l’impossible nul n’est tenu.
Le gros problèmes avec les discours lus, qui sont le plus souvent rédigés par quelqu’un d’autre que l’orateur – pardon: le lecteur – qui découvre en même temps que nous ce qu’il a à dire, c’est qu’en lisant, on prononce des mots, mais on laisse la pensée au vestiaire. La réflexion était bien là au moment de la rédaction; ensuite, il n’y a plus qu’à lire de façon désincarnée et sans la moindre intonation. Cela rend notre travail très difficile, puisque les mots qui sortent de la bouche du délégué ne sont plus rattachés au message, n’ont plus aucune émotion, aucune tonalité, aucune intention. Si la lecture se fait dans une langue étrangère pour le délégué, la mauvaise prononciation, les accents toniques, absents ou mal placés, rendent le propos parfaitement abscons (the angel of refraction, par exemple, au lieu de angle). Dans ces moments-là, notre seule consolation est de nous dire que ceux qui, dans la salle, se passent de nos services, n’y comprennent rien non plus. En général, ils lisent le journal, sont plongés dans leur iPad ou envoient des textos, le compte rendu leur permettra de savoir ce qui a été dit. Très souvent nous observons, la rage au ventre, une assistante passer dans les rangs à la fin de la réunion pour ramasser les copies, pour les traducteurs et les procès-verbalistes. Les interprètes n’en n’ont pas besoin, voyons, puisque leur travail est oral.
Malgré
les multiples demandes adressées aux participants de bien vouloir donner leur
discours au secrétariat pour faciliter le travail des interprètes, rien ne
change. Ils ne semblent tout simplement
pas comprendre comment ça fonctionne ni saisir que ce ne sont pas des machines
qui traduisent automatiquement leurs discours. Un délégué aurait même rétorqué:
« Les Etats sont souverains. S’ils veulent lire
vite, ils sont libres de le faire. » Ma foi, ils sont alors aussi libres
de rester incompris du reste du monde.
Si seulement nos délégués pouvaient lire (et comprendre) ceci:
https://mannerofspeaking.org/2012/02/13/reading-a-speech/
Recommandations que le BIT adresse aux délégués :
1.
Lorsque vous prenez
la parole
- Enlevez votre
oreillette et éloignez-là du micro (pour éviter un pénible retour sonore)
- Parlez directement
dans le micro (ne tapez pas dessus pour le tester, afin de ménager, une fois de
plus, le tympan de tous les participants)
- Parlez de manière
détendue à une allure raisonnable (la plupart des orateurs ont tendance à
s’exprimer beaucoup plus vite qu’ils ne le croient)
2.
Exprimez-vous dans
votre langue maternelle lorsque vous savez que l’interprétation est assurée
dans cette langue.
3.
Souvenez-vous que
l’on vous comprend mieux lorsque vous parlez que lorsque vous lisez. En effet,
lorsque vous lisez, la musique naturelle de votre voix – porteuse de tant
d’informations – s’affaiblit. Les délégués, et aussi les interprètes, éprouvent
davantage de difficultés à saisir l’intention et la portée de votre message.
Par ailleurs, lorsqu’on lit, on lit souvent trop vite pour être bien compris,
même par les auditeurs de même langue maternelle. Dans ces conditions, le
volume d’informations que les interprètes peuvent traiter efficacement devient
limité (et il en va de même pour toute autre personne qui vous écoute).
4.
Si, malgré tout,
vous décidez de lire, assurez-vous que les interprètes – qui distinguent
instinctivement le discours lu du discours parlé – ont reçu à l’avance un
exemplaire de votre discours. Ils pourront ainsi vous servir le mieux possible
en préparant votre texte.
5.
Lorsque vous vous
référez à tel ou tel document, prenez le temps de donner la référence correcte.
Utilisez les numéros des paragraphes plutôt que les numéros des pages, car ces
derniers changent selon les versions linguistiques et peuvent être source de
confusion.
6.
Faites de même
lorsque vous mentionnez des chiffres ou des noms propres, et veillez à ce que
chacun comprenne les acronymes que vous souhaitez utiliser.
7.
Assurez-vous que
votre téléphone portable est désactivé pendant toute la durée des travaux de la
réunion : en effet, les téléphones portables produisent des interférences
sonores dans les installations techniques et ils peuvent alors avoir l’effet
d’interrompre la communication au sein de la réunion.
1 commentaire:
Le mode d'emploi donné aux délégués est bien fait, n'est-ce pas ? Il liste de façon complète une sorte de "code de la route" et visiblement, il a été rédigé en collaboration avec des interprètes. La cohérence voudrait que le non-respect du code soit sanctionné.
Puisqu'il n'est certainement pas possible de taper sur les doigts des délégués irrespectueux du travail des interprètes, il faudrait songer à faire évoluer les procédures. P.ex. en obligeant à donner le texte d'avance et de signaler les éventuels écarts avec un geste ou un autre signal.
En effet, en tant que béotienne, je me demande à quoi ça sert de payer des interprètes que l'on met dans l'impossibilité de faire leur travail.
L'attitude de certains délégués fait penser à Rantanplan et fait craindre pour leur niveau de compétence générale, car les consignes données pour les prises de parole ne sont quand-même pas d'un niveau acrobatique !
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