jeudi 29 juillet 2010

Big Brother

Posted by Picasa

#)

Bien des gens décrient facebook, en hurlant à la violation de la vie privée. Cependant, on se méfie beaucoup moins de tous les autres espions qui nous entourent, qui ne sont pourtant pas bien discrets.

Un nouvel ordinateur a récemment fait son entrée dans ma vie (voir La Caverne d’Ali Baba*) et avec lui, j’ai l’impression d’avoir ouvert tout grand ma porte à Big Brother. Tous mes faits et gestes étaient certainement déjà enregistrés par mon précédent ordinateur, mais avec Windows 7, c’est devenu carrément flagrant. Dès la première mise en marche, Toshiba m’a souhaité la bienvenue et m’a proposé de leur permettre de suivre mon activité sur internet, pour optimiser leurs services bien sûr et pour pouvoir me proposer des offres attrayantes. Ensuite, Microsoft m’a proposé la même chose. Sur iTunes, vous pouvez permettre à Genius de suivre vos habitudes et vos préférences et de vous proposer des achats selon vos goûts musicaux.

Ayant téléchargé Picasa, j’ai pu constater dès le premier clic, que toutes mes photos sur ce blog y figuraient déjà, alors que je n’avais strictement rien fait. J’ai alors compris que Blogspot et Picasa faisaient tous deux partie de Google. Au moment de télécharger un album sur Picasa, pour pouvoir le partager avec un groupe de personnes, le programme a eu l’amabilité de me demander si je voulais copier toutes les photos sur mon disque dur ou uniquement le dossier de mon choix. J’ai choisi la deuxième option, mais le logiciel n’en n’a fait qu’à sa tête et voilà que toutes mes photos sont dans Picasa. Je soupçonne qu’elles sont par conséquent aussi accessibles aux "Gens" de Google. Et je me dis que quand j’ai répondu Thanks but no thanks à Toshiba et à Microsoft qui proposaient gentiment de suivre mes mouvements sur internet, ils n’en font probablement qu’à leur tête aussi.

Dorénavant, pour avoir une messagerie Outlook, on est obligé de créer un compte Windowslive, qui vous propose – mais est-ce vraiment un choix ? – de synchroniser votre mail avec votre compte facebook et de partager vos photos avec vos amis. On vous propose aussi de "vous dévoiler un peu", en mettant une photo de vous et en affichant des informations à votre sujet. Un peu comme sur facebook.


Bizarrement, facebook ne me fait pas flipper, car il me semble que ça ne prétend pas être autre chose que ce que c’est. On affiche les infos et les photos qu’on veut et on les partage avec les personnes de son choix. Avec Google et Windows, j’ai l’impression qu’on lit mon courrier et qu’on regarde mes photos, sans que je ne sache qui lit ou qui regarde. D’autre part, on n’a pas vraiment le choix : on (je) ne peut (peux) plus vivre sans internet ni courrier électronique.

Dans le contrat de licence de Windowslive, un passage dit (je n’ai évidemment pas tout lu) que Windows se réserve le droit de stocker des informations à mon sujet et de les envoyer aux Etats-Unis. Un peu comme les données sur les passager des avions, qui sont systématiquement envoyées et stockées aux USA. Mais tout cela dans le cadre de la politique de confidentialité de Microsoft. Ouf, on respire.

D’autre part, je me demande qui peuvent bien être les pauvres diables qui vont devoir lire mon courrier et regarder mes photos. J’ai vaguement essayé de brouiller ma piste en créant différentes adresses e-mail pour différents usages, mais ça devient vite difficile à gérer. Je couvre la webcam de mon ordinateur, des fois qu’un programme pirate me filmerait en train de me moucher.

Ma petite vie est déjà amplement cartographiée grâce à mes cartes Cumulus et Supercard, ma carte de crédit et ma carte fnac. De plus, les téléphones mobiles et les appareils photos sont maintenant tous équipés de GPS, donc inutile d’essayer de cacher où vous êtes. Il faudrait revenir à l’argent comptant, au téléphone fixe, au courrier papier et aller dans différents cyber-cafés pour éviter de laisser des traces.

Mais finalement, à quoi cela servirait-il ? Migros et Coop savent, grâce à mes achats, que je suis une femme vivant seule, sans chat ni chien ni hamster. La belle affaire. D’autre part, ils sauront aussi qu’ils ont intérêt à avoir des Fisherman’s Friend et du lait de soja en stock.

Voilà : je viens de faire des révélations fracassantes sur ma vie intime et sur internet, de surcroît. Mais surtout, que cela reste entre nous !

#) photo recadrée via Picasa - je ne peux plus faire autrement - et téléchargée via Picasa - je ne peux plus faire autrement - raison pour laquelle le logo Picasa s'affiche.

*) http://tiina-gva.blogspot.com/2010/07/la-caverne-dali-baba.html
_________________________________________
PS : je viens d’aller sur blogspot et la page me propose de me logger avec une des mes adresses e-mail que je n’ai jamais utilisées nulle part, elle ne me sert que d’archive. Ça prouve bien que Blogspot/Google/Windows/ s’introduit sans peine dans mon compte de messagerie… Au secours !

PPS: Un article paru dans The Independent en 2007 confirme mes soupçons: http://notes2self.net/archive/2007/05/24/independent-google-is-watching-you-big-brother-row-over-plans-for-personal-database.aspx

samedi 24 juillet 2010

Les Demoiselles de Rochefort


Il y a environ un quart de siècle de cela, une amie m’a fait découvrir la musique de cette comédie musicale, composée par Michel Legrand avec des textes de Jacques Demy. Elle m’a tout de suite collé à la peau, alors que les Parapluies de Cherbourg m’avaient plutôt laissée indifférente. Ça tient sans doute au côté un peu loufoque de l’intrigue et de la douce poésie foldingue des paroles. Récemment, le film est passé sur arte et j’ai enfin pu mettre des images sur la musique et des visages sur les paroles. La magie tient toujours, bien que le film soit presque aussi vieux que moi.

C’est l’histoire de boy meets girl, avec l’aide du destin qui fait se croiser les chemins des uns et des autres. Ces chemins ne cessent de se rater ou de s’éviter pendant près de deux heures, mais fort heureusement, chacun finit par trouver sa chacune. Les demoiselles sont des sœurs jumelles (Catherine Deneuve et sa sœur, Françoise Dorléac), l’une est danseuse, l’autre musicienne. L’une trouve son amoureux par le biais de la peinture, l’autre grâce à la musique. Les très jeunes Jacques Perrin (Maxence), Danielle Darrieux (la maman des jumelles), Michel Piccoli (Simon Dame) et le plus-si-jeune Gene Kelly jouent également dans le film. Tous sont doublés pour le chant, à l’exception de Danielle Darrieux.

Quand Catherine Deneuve marche dans la rue, les gens autour d’elle se mettent à danser et à faire des cabrioles et Gene Kelly saute dans sa voiture, tout sourire et démarre en chantant chabadabadib-dip-diboubaa ! Un jeune marin part en perm’ à Nantes (Ah ! l’astuce est amusante !) et la maman des jumelles a renoncé au grand amour car, pour rien au monde, elle ne voulait s’appeler Madame Dame. Et voilà qu’une femme découpée en morceaux a été découverte rue de la Bienséance, à deux pas du château :

J'ai été arrêtée par un car de police
En rentrant de l'école où j'ai mis votre fils
Je me suis renseignée, on cherchait un sadique
Que certains qualifiaient de fou métaphysique
D'autres disaient de lui que c'est laid, que c'est lâche
L'arme du crime étant ou la scie ou la hache
Le monstre avait coupé la dame savamment
Et rangé les morceaux avec discernement

Alors que les uns cherchent leur Idéal Féminin ou l’Homme de leur Vie, d’autres cherchent plutôt la bagatelle :

Les marins sont bien plus marrants
Que tous les forains réunis
Les marins font de mauvais maris
Mais les marins font de bons amants
Marins, amis, amants ou maris
Les marins sont toujours absents

Le Happy End n’arrive qu’à la toute fin du film, quand on n’y croyait presque plus. L’astuce est vraiment amusante : le spectateur pense que Cupidon avait oublié Delphine Garnier et voilà que le Destin doublé du Hasard vient mettre son grain de sel ; le film se termine et on reste tout là tout bête et on en redemande !

Un vrai rayon de soleil dans un monde de brutes et une perle indémodable.

jeudi 15 juillet 2010

There’s no place like home


Avec la vie de bâton de chaise que je mène, il m'arrive forcément parfois – et même souvent – de devoir loger à l'hôtel. C’est une vie qui peut paraître glamour aux yeux de certains, comme le fait de prendre l’avion pour se rendre au travail, mais les choses ne sont pas toujours aussi roses qu’on se l’imagine.

Il y a essentiellement trois raisons d’aller à l’hôtel : dormir, se laver et prendre le petit-déjeuner. Ça paraît tout bête, comme ça, mais les personnes qui conçoivent les chambres d’hôtel n’y ont certainement jamais passé une nuit de leur vie. Je passe sur les chambres bruyantes et exiguës, dans des quartiers chauds ou douteux, car je ne vais évidemment que dans des endroits "très bien".

Justement, à l’occasion d’une conférence, j’ai été logée par l’organisateur dans un hôtel cinq étoiles à Rome, dans lequel je ne retournerai certainement jamais, mais pas à cause du prix (que je ne connais d’ailleurs pas). La chambre était assez grande, donnait sur une cour moche, donc silencieuse, mais la climatisation était archi-bruyante et impossible à éteindre. J’ai passé la nuit avec des boules Quiès et un pull. Ça m’a permis d’apprendre que "bruit" se dit "rumore" en italien : la climatizzazzione fa molto rumore, ou quelque chose du genre. Et la douche : une magnifique salle de bains, avec pleins de petits flacons et de savonnettes parfumées, mais un mitigeur sorti tout droit de l’enfer : on avait le choix entre glacé et bouillant. Heureusement que je n’y ai passé qu’une nuit *). J’ai prolongé mon séjour à Rome, mais les nuitées suivantes, je les ai passées dans un hôtel bien plus ordinaire mais aussi bien plus confortable.



Quasiment tous les hôtels ont été traumatisés par les vols de cintres. Mais qui donc en est réduit à voler les cintres des hôtels ? A cause de ces âmes désespérées, les chambres sont désormais toutes équipées de ces cintres anti-vol archi-agaçants, qui demandent une patience infinie pour coincer le petit clou dans la petite fente du machin qui n’arrête pas de bouger. Grrr.

Le mini-bar : je ne m’en sers jamais, mais quand il n’y en a pas, j’ai forcément un yaourt à mettre au frais ou envie d’un petit whisky avant d’aller me coucher. Une fois que j’avais laissé un yaourt sur le rebord de la fenêtre, j’ai été réveillée au petit matin par un drôle de bruit qui faisait pic-pic-pic très doucement. C’était un oiseau, qui avait percé le couvercle en aluminium et qui s’offrait un petit festin. J’ai été épatée par cette capacité d’adaptation : l’oiseau savait qu’il y avait quelque chose de nourrissant sous le couvercle en alu.

De façon générale, les chambres sont très mal conçues. La lumière est toujours tamisée, à croire que les chambres d’hôtel ne servent qu’aux rendez-vous coquins. Si on a des documents à lire, le mieux est encore d’aller s’asseoir sur la cuvette des toilettes, en général, c’est bien éclairé. Les tables de travail sont rares. On doit se contenter des tables de chevet et de l’éclairage soft pour écrire ses cartes postales. La télévision est souvent mal placée : par exemple au plafond et on doit se coucher sur le lit pour la regarder. Ou alors s’asseoir au bout de lit, sans dossier. Parfois, il n’y a que trois chaînes locales, par exemple en polonais, et CNN. Youpie.



Les salles de bains sont un chapitre à part : une douche minuscule, mansardée ou la baignoire sans rideau ; ou alors la demi-paroi en verre qui vous oblige à vous coincer dans un coin si vous ne voulez pas tout inonder ; les flacons avec de minuscules goulots d’où rien ne sort ; les sachets de gel douche impossibles à ouvrir les mains mouillées ; un porte-savon en forme de grille sur lequel il est impossible de poser le sachet de gel douche qu’on a de toutes façons massacré en tentant de l’ouvrir ; ou alors, pas de savon du tout… Ma préférence va clairement au distributeur de gel-shampooing fixé au mur.

Le petit-déjeuner : il coûte en général plus cher qu’une entrecôte aux morilles. En France, il arrive encore très souvent qu’on vous serve un croissant et un morceau de baguette. C’est absolument délicieux et so very French ! mais certainement très choquant pour des gens soucieux de leur santé. Il arrive souvent qu’on doive se farcir une radio qui est réglée juste assez fort pour faire bruit de fond, mais pas assez pour qu’on puisse suivre les nouvelles. Il m’est arrivé récemment de démarrer ma journée en compagnie de Jimmy Hendrix. Peut mieux faire…

Heureusement, les hôtels sont tous devenus non-fumeurs : une chambre sentant la cigarette froide est totalement déprimante. Un de mes critères de réservation est désormais la WiFi. Les petits hôtels l’offrent généralement gratuitement, alors que les chaînes et les hôtels pour hommes d'affaires la font payer très cher. De nos jours, internet devrait faire partie des services offerts par les hôtels, au même titre que le sèche-cheveux ou la télévision.

Quand je trouve un hôtel qui fait tout juste – calme, oreillers à plume, douche agréable, bon petit-déjeuner – j’y retourne volontiers. Et quand le personnel commence à me reconnaître, je me sens presque at home. Mais en fin de compte, on n’est jamais si bien que chez soi.
_________________________________
*) sans vouloir être parano… on a sans doute donné à l’interprète une des pires chambres. Je ne voudrais donc pas condamner l’hôtel dans sa totalité. Les ministres et les princesses se voient certainement attribuer de meilleures chambres

vendredi 2 juillet 2010

La caverne d’Ali Baba



Mon ordinateur a commencé à devenir de plus en plus en plus lent, jusqu’à ne plus se réveiller qu’une fois sur deux après avoir été arrêté ou mis en veille. Après plusieurs quasi-arrêts cardiaques (de mon côté) et des sauvegardes d’urgence, j’ai décidé de l’apporter chez Docteur Informatika.

Une tanière magique se trouve à quelques 300 mètres de chez moi : l’établi de l’homme qui répare les ordinateurs, quel que soit le modèle, le processeur ou le millésime de la chose. Lorsqu’on franchit la porte en verre rapiécé, couverte d’affiches, on se retrouve plongé dans la quatrième dimension, peut-être même la cinquième. Parmi des carcasses de toutes les marques et de toutes les tailles, desktops, laptops, câbles ou disques, on trouve toujours deux ou trois personnes, qui sont parfois des clients, mais pas forcément. En effet, on passe chez Informatika pour dire bonjour, pour prendre rendez-vous ou pour rester assis sur un tabouret, parfois plusieurs heures voire plusieurs jours. C’est le souk du XXIème siècle : un capharnaüm avec de la marchandise du sol au plafond, du chenil 1), du brol 2), du fourbi, du bronx tous azimuts, il ne manque que le service de thé à la menthe. Ça discute processeurs, téléchargements ou Coupe du Monde.


Il se passe toujours quelque chose dans la boutique de l’artisan, qu’on ne voit jamais les bras ballants ni derrière un ballon de blanc au bistrot d’en-face. Il s’occupe avec gentillesse et patience de chaque personne qui vient le voir et écoute attentivement l’exposé du problème, tout en continuant à revisser un boîtier ou à faire des copier-collés.

Etant donné qu’il n’y a pas de distributeur de tickets, chacun passe à son tour, selon un système de type fuzzy logic. Tout nouveau venu relègue les anciens d’un cran en arrière dans l’ordre d’attente. Il ne faut surtout pas attendre poliment, car si on n’y prend garde, on risque bien d’y passer plus de temps que prévu. En effet, Docteur Informatika est parfaitement capable de répondre au téléphone tout en continuant à chercher une clé USB ou un disque dur dans le désordre systématique et certainement logique qui envahit tout l’espace autour de lui. Dès qu’il raccroche, il vous écoute, pour autant que vous manifestiez votre besoin de dire quelque chose. Et si vous n’avez rien à dire, vous serez néanmoins le bienvenu dans son échoppe, qui, comme la Maison du Seigneur, est ouverte à toutes les brebis égarées du quartier.

Cela fait maintenant bien deux semaines que mon ordinateur est aux soins intensifs chez lui, son mal mystérieux semblant résister, tel le village d’Astérix, à toutes les tentatives de réanimation. J’ai même vu le bon Docteur écouter le ventre de mon bébé avec un stéthoscope, car il le trouvait trop silencieux. Son petit cœur aurait-il arrêté de battre ?

Pendant ce temps, je me débrouille tant bien que mal avec mon notebook et mon iPhone et j’utilise les imprimantes que je trouve au travail, mais c’est un peu comme d’avoir le bras droit dans le plâtre : j’arrive à faire ce que j’ai à faire, ce serait juste mieux avec un vrai grand ordinateur avec un bel écran qui ne joue pas les Belles au Bois-Dormant.

Informatika, 65, Bd Saint-Georges, 1205 Genève
079-640.55.58 et 022-329.95.19
Ouvert à partir de 15h environ et jusque tard le soir (voire très tard)

Le magasin a fermé ses portes


1) mot suisse romand, signifiant désordre, fouillis, fatras ☺
2) mot belge, signifiant désordre, fouillis, fatras ☺