samedi 15 mai 2010

Le phénomène Millénium

Le succès phénoménal de la trilogie Millénium de Stieg Larsson, me laisse perplexe. A la demande pressante de ma mère, qui a avalé les trois tomes et qui les a même relus plusieurs fois, j’ai fini par me lancer dans le premier tome, Les hommes qui n’aimaient pas les femmes. Et comme c’est un phénomène de société, un peu comme facebook, j’ai essayé, juste pour savoir de quoi qu’ils causent, tous, là… Ma foi, les deux autres tomes attendront.

J’ai tendance à me méfier des best-sellers, pas par préjugé mais par expérience : je n’aime pas Marc Lévy, je n’aime pas Douglas Kennedy, pas même en VO…

Au bout de 50, 100, 150 pages, je commençais à me demander ce qui clochait chez moi, parce que je ne ressentais pas l’effet "pot de nutella", rien à faire. Et puis, j’ai commencé à me rendre compte que c’était terriblement mal écrit. Ou plutôt, terriblement mal traduit. Une bonne traduction sait se faire oublier; la mauvaise ne cesse d’attirer l’attention sur elle. Et ça, c’était avant de découvrir l’article assassin du NouvelObs *), qui m’a rassurée, car je n’étais pas la seule à trouver le texte franchement mauvais. Pour tout dire, vers le milieu, je suis passée à une traduction allemande et c’est le jour et la nuit ! L’allemand est certainement plus proche du suédois, mais ce n’est pas une excuse.

Quelques perles:
"Il fait un peu fonction de l'obligatoire original du village" (à propos d'un peintre) p. 141
"Sa dernière pensée avant de s'endormir fut que le danger était grand et imminent que l'isolement le rende fou" p. 149
"le demeuré local" (l'idiot du village, sans doute...) p. 151
"elle la salua d'un mouvement poli de la nuque" p. 112
"Le signal ne pourrait aussi être que clairement perçu: on amenait le pavillon de la peste flottant au-dessus de la rédaction de Millénium et le journal avait des protecteurs qui n'étaient pas près de céder" p.217
"Les entreprises Vanger... formaient toujours un groupement industriel de poids et capable de jouer sur la place publique si nécessaire" p. 217
"Une conclusion s'imposait progressivement: la seule voie carrossable qu'il pouvait emprunter était d'essayer de trouver les motivations psychologiques des personnes impliquées" p. 225
"Je ne veux pas me réveiller demain matin avec toi ici, avant que j'aie mis de l'ordre dans mes muscles et mon visage" p. 237
"La réceptionniste de l'hôtel perdu des lointains nordiques... n'en n'avait jamais entendu parler" p.356

Les bras m'en tombent et je reste sans voix...
Et puis évidemment, "définitivement" et "éventuellement" utilisés dans le sens anglais, à tout bout de champ.
"... elle s'était éventuellement ... intéressée de loin à un garçon..."
Peut-on tomber éventuellement amoureux ?

Cette traduction d’anthologie a été commise par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain, directeur de la série actes noirs chez Actes Sud, donc pas le premier venu. Cette maison d’édition a toutefois fait ses choux gras avec Millenium, en dépit de sa VF calamiteuse.

En fait, la vie de Stieg Larsson donnerait matière à un roman : sa copine/concubine n’a hérité de rien, étant donné qu’ils n’étaient pas mariés et n’avaient pas d’enfant. Le père et le frère de Larsson, avec qui il n’était pas particulièrement proche, ont tout raflé (un peu comme Henrik Vanger qui ne tient pas à ce que sa fortune aille forcément aux membres de sa famille….).

« Lundi soir, à sa demande, Eva, la veuve de Stieg Larsson, le journaliste d'investigation spécialisé dans l'extrême droite suédoise, et auteur du best-seller Millénium n'était pas invitée à l'avant-première mondiale du film. «Tout cela ne me concerne plus, je veux qu'on me laisse tranquille», suppliait-elle, visiblement émue. Depuis le décès brutal de son compagnon en 2004, des suites d'une crise cardiaque, cette Suédoise connaît un double deuil : la perte de son grand amour avec lequel elle a vécu trente-deux ans. Et la douleur de découvrir que, jamais mariée, sans enfant et faute de testament, elle n'a aucun droit sur l'œuvre qu'elle a vu écrire. La fortune générée par les livres et par le film va au père et au frère de Stieg. » Le Figaro, Culture, 18.2.2009_______________________________
*) L'article du NouvelObs :http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20080417.BIB1139/les-bourdes-de-millenium.html

Voir aussi: http://tiina-gva.blogspot.com/2010/06/le-suedois-est-il-intraduisible.html
et http://tiina-gva.blogspot.com/2012/05/le-suedois-est-intraduisible.html

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, Millénium 1, de Stieg Larsson, Actes Sud


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà qui éclaire ma lanterne. Je me suis toujours demandé comment il se faisait que Millénium (en VF) soit si mal écrit. Comme Actes Sud, ce n'est tout de même pas un petit éditeur sans moyens, je doutais que ce soit le fait du traducteur. Etait-il donc possible que le traducteur ait ainsi rendu en français un texte suédois lui-même mal écrit, ou simplement pauvre sur le plan littéraire ?
Et quand cela arrive (de devoir traduire un texte littéraire vraiment mal écrit), comment s'y prend-on ?
Christiane

Tiina a dit…

Marc de Gouvenain, directeur de la série, était sans doute censé relire la traduction de Lena Grumbach et a eu la flemme / pas le temps de le faire. Et l'auteur est mort très soudainement, donc il n'a pas été possible de remanier le texte. Cependant, il l'a donné à la maison d'édition, prêt à paraître. Nous avons ici un livre mal écrit ET mal traduit, ce qui n'arrange rien! Personnellement, je trouve qu'il y a beaucoup de longueurs et de redites. Mais le bouquin a eu un succès fou. Alors...

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