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lundi 4 mars 2013

La souffrance de l’accro au shopping

Louboutin, environ 500€
Une de mes amies est accro au shopping. Je l’ai souvent taquinée à ce sujet, quoi de plus féminin, en effet, que de craquer pour une jolie paire de chaussures, même si on en a déjà trente-sept paires à la maison. Les femmes coquettes ont toutes le syndrome d’Imelda, à des degrés divers.  Je plaide moi-même coupable, même si j’ai réussi à me réfréner ces dernières années, surtout parce que les chaussures qu’on nous propose dans les magasins sont de plus en plus moches.

Toutefois, je me suis rendu compte récemment que la coquetterie de mon amie frisait la pathologie et que son comportement correspondait parfaitement à celui d’une shopaholic, ce qu’on appelle une addiction sans substance. Etre accro à internet, au travail, au sexe ou au shopping sont tous des avatars de ce même trouble psychique, qui traduit un mal-être, une dépression ou un sentiment de vide qu’on cherche à combler par tous les moyens. C’est la conséquence d’émotions négatives qui poussent l’accro à commettre des dépenses excessives, dans l’illusion d’acheter une consolation, un câlin, dont l’effet sera de très courte durée. Acheter une nouvelle robe chaque semaine n’est pas bien grave, me direz-vous, mais ça le devient si on en achète deux dans la même journée et qu’on finit par griller tout son salaire dans des fringues et encore des fringues, alors que les armoires débordent déjà tellement qu’on n’arrive plus à en fermer les portes et que certains habits ne sortent jamais du sac de la boutique en gardant éternellement leur étiquette de prix. Dépenser 1000,- pour un sac à main, fût-il magnifique, le jour où on s’est fait licencier, ressemble fortement à un appel au secours, parfaitement vain en l’occurrence. Ou encore à un suicide par carte de crédit interposée…
Il y a un terme en anglais pour décrire ce phénomène: retail therapy. Le terme scientifique est l'oniomanie.

Sac Lancel, 1260 CHF
Que faire, face à une telle personne ? Admirer ses achats, lui dire qu’elle est vraiment très belle dans sa 408ème robe ou la sermonner pour essayer de la rappeler à la raison ? Fermer les yeux, en se disant qu’elle est adulte, que c’est sa vie, son problème et qu’elle n’a qu’à le régler toute seule ? Pour ma part, j’ai décidé de renoncer à lui proposer d’aller au spectacle, sachant qu’elle n’en n’a pas les moyens – alors qu’elle gagne bien sa vie – et d’espacer les sorties au restaurant. Je ne sais pas quoi faire d’autre, c’est la seule façon que je trouve de l’épargner. L’argent qu’elle ne dépense pas au spectacle ou au restaurant, elle ira le donner à diverses boutiques.

Il ne m’appartient pas de lui suggérer de faire une thérapie, c’est à elle de faire le pas le jour où elle refusera d’être l’esclave et le pantin de son addiction. J’ai toutefois fait quelques recherches sur la question. Le site d'Addiction Suisse porte essentiellement sur l’alcool et la drogue. Voici quelques liens utiles pour quiconque chercherait une porte à laquelle frapper :

- La Fondation Phénix ICI  

- L'association des Psychothérapeutes pour le Traitement des Addictions (APTA) à Genève  ICI 

- Le Programme NANT (nouvelles addictions, nouvelles thérapies), du service d'addictologie des Hôpitaux Universitaires de Genève. La brochure ICI

- Débiteurs anonymes, un groupe de soutien ICI. A Genève, les réunions ont lieu les 1er et 3ème dimanche du mois, de 18h à 19h30, au 5, rue Henri Christiné, à Plainpalais.

- Une liste de conseils pour essayer de réfréner ses pulsions et modérer ses dépenses ICI

Louis Vuitton, 535€
Il n’est pas facile d’entamer une thérapie. Il faut, pour cela, déjà reconnaître et accepter qu’on a un problème. Puis il faut se mettre à nu devant son thérapeute et parvenir à mettre des mots sur sa souffrance, en surmontant sa honte et son impression de venir se plaindre pour des bêtises (par exemple: “je n’arrive pas à m’empêcher d’acheter des choses”). Toutefois, c’est un investissement en temps, en argent, en larmes et en moments pénibles à passer qui en vaut sacrément la peine. J’ai moi-même souffert d’une phobie sociale très handicapante, avec crises d’angoisses & C° qui a bien failli me coûter ma carrière. J’aurais pu choisir de m’enfermer chez moi et faire de la traduction. Je serais sans doute devenue un de ces personnages bizarres qu’on croise parfois dans la rue. J’aurais pu assommer mes démons à grands coups de calmants et d’alcool, mais j’ai choisi une autre voie. C’est l’EMDR qui m’a sauvée, une thérapie appliquée aux troubles du stress post-traumatique ou pour des souvenirs traumatisants si profondément enfouis qu’une psychothérapie conventionnelle ne parvient pas à les déraciner. Je serais incapable d’expliquer le processus, mais c’est un peu comme si un immense bulldozer venait excaver toute la vieille merde accumulée depuis l’enfance, surtout celle sur laquelle on a essayé de mettre une dalle en béton, et qu’on ouvrait ensuite tout grand les fenêtres pour chasser les miasmes malfaisants.

Depuis, je me suis libérée de mes vieux boulets et si je suis triste ou si j’ai peur, c’est pour de vrais motifs. J’ai envoyé mes phobies au diable, je suis sereine et je crois que j’ai les yeux assez bien en face des trous. J’ai sauvé ma vie et chaque année m’apporte son lot de chagrins, de rires et de plaisirs. J’en ai presque le vertige quand je pense à quoi j’ai échappé. Il ne sert à rien de subir en serrant les dents et en faisant le poing dans sa poche, sinon, on risque de finir comme Fritz Zorn, alias Angst, le bien nommé.





Un article du Guardian ICI
"The European Union published a continent-wide survey into addictive spending earlier this year. It found that 33 per cent of consumers displayed a 'high level of addiction to rash or unnecessary consumption'. The tendency often led to indebtedness."

Coach en rangement, c'est un métier : http://www.maitreenboite.ch/